Mal-Crohn

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Une bactŽrie dŽcisive
dans la maladie de Crohn
Jean-Michel Bader
08/12/2008
.
L'absence dans l'intestin de bactŽries ayant des propriŽtŽs anti-inflammatoires pourrait tre ˆ l'origine de la pathologie.
Une bactérie qui vit dans l'intestin humain pourrait jouer un rôle
important dans la maladie de Crohn, une affection inflammatoire très
invalidante du tube digestif, qui touche 60 000 personnes en France. En
réalité, l'absence de cette bactérie pourrait être la cause de cette
maladie. Cette découverte pourrait ouvrir de nouvelles perspectives de
traitement.
C'est le résultat d'une étude conduite par des chercheurs de l'Institut
national de la recherche agronomique (Inra) et de l'Institut national de
la santé et de la recherche médicale (Inserm). Cette pathologie, comme
la rectocolite hémorragique, provoque des poussées de diarrhées, mais
parfois aussi des occlusions, des perforations ou des abcès qui peuvent
justifier des opérations pour retirer la partie malade du colon ou de
l'intestin grêle. Elle se manifeste par une diarrhée chronique
accompagnée de fréquentes et importantes douleurs abdominales. Les
sujets maigrissent, ont souvent de la fièvre, sont fatigués. Les causes
restent mystérieuses, même si récemment une liste de plus de 80 gènes
impliqués dans la génèse de l'affection a été publiée.
À ce jour, aucun traitement curatif n'existe. Une des pistes poursuivie
depuis des décennies par de nombreuses équipes de recherche a trait
aux microbes qu'héberge notre intestin. De très nombreuses espèces
bactériennes ont été isolées dans cette flore intestinale et suspectées de
déclencher et d'entretenir une flambée permanente du système
immunitaire de la muqueuse intestinale.
Une famille bactérienne particulièrement visée est celle des firmicutes et
en particulier le groupe de Clostridium leptum, bactéries sousreprésentées dans l'intestin des patients atteints de maladie de Crohn.
Harry Sokol (Inra de Jouy-en-Josas) et ses collègues ont découvert
qu'une bactérie particulière appelée Faecalibacterium prausnitzii,
normalement présente chez les sujets normaux, est absente ou
présente en très faible quantité chez les malades. De même, le risque
de récidive précoce est d'autant plus important que le taux de
Faecalibacterium dans l'intestin est bas.
En l'absence totale d'oxyg•ne
Partant de ces observations les chercheurs ont fait l'hypothèse que la
rémission (absence de récidive) pourrait être associée à la présence de
cette bactérie. Elle a des effets anti-inflammatoires connus et stimule
plus que toute autre espèce la production de molécules du système
immunitaire (des cytokines), comme l'interleukine 10.
L'équipe française s'est donc tournée vers un modèle animal de souris
atteintes d'une maladie intestinale comparable au Crohn. Ils ont observé
que l'administration des bactéries, ou du jus produit en culture par ces
bactéries, dans l'eau de boisson des souris réduit la sévérité des
poussées de colites chez les rongeurs. De même l'ensemencement de
cultures cellulaires reproduisant la maladie humaine par les bactéries en
question diminue la sévérité de la réaction inflammatoire.
C'est la première fois qu'une bactérie ayant de telles propriétés antiinflammatoires et naturellement présente dans l'organisme est
identifiée. Le travail n'a pas été simple, car cette Faecalibacterium ne
peut survivre qu'en l'absence totale d'oxygène (anaérobiose) et elle est
donc très difficile à cultiver et à multiplier en éprouvette.
Pour Harry Sokol, premier signataire de l'article paru récemment dans les
PNAS : «Il y a naturellement un équilibre entre bactéries pro et antiinflammatoires, qui est rompu dans la maladie de Crohn.» Cette
découverte clé pourrait aboutir à un traitement d'un genre
complètement nouveau des maladies inflammatoires de l'intestin basé
sur l'ingestion d'un « probiotique », une soupe de compléments
alimentaires composés de micro-organismes vivants.
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