Un cas frappant de parallélisme entre les résultats génétiques anormaux et les phénomènes révélés par
l'étude des chromosomes a été observé chez Primula et paraît constituer un solide argument en faveur de
l'hypothèse chromosomienne, bien que l'auteur, Gregory, ait hésité à en tirer cette conclusion. Il a observé
que deux races géantes de primevères (P. sinensis) possèdent deux fois le nombre des chromosomes
caractéristiques des autres races cultivées. Les expériences de croisement avec ces plantes montrent
qu'elles possèdent également une double série de facteurs, si on les compare aux mêmes facteurs existant
chez les primevères ordinaires. Tandis que, chez les plantes ordinaires, chaque chromosome a son double
et, par conséquent, chaque facteur est représenté deux fois par A et A, chez les plantes géantes, il y a
quatre chromosomes pareils et, par conséquent, quatre facteurs AAAA. Si la race géante contient quelques
facteurs ayant déjà subi une mutation, telle que Al par exemple, elle pourra contenir un, deux trois ou
quatre facteurs mutants Al. Ces plantes seront du type AAAA1, ou AAA1A1, ou AA1A1A1, ou A1A1A1A1.
Comme nous l'avons vu, les expériences de croisement montrent qu'il existe une quadruple série de
facteurs, mais les faits sont encore insuffisants pour décider si un facteur mutant A1 possède comme
partenaire un A bien déterminé parmi ceux qui restent, ou peut s'unir avec l'un quelconque des trois A.
D'après l'hypothèse chromosomienne, nous devrions nous attendre à cette dernière alternative. Quelle que
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soit celle de ces deux hypothèses qui se vérifie, le fait important est le parallélisme qui existe entre la
double série de chromosomes et la double série de facteurs. Gregory le reconnaît, mais ajoute cette
réserve : “ D'autre part, pourtant, le nombre tétraploïdique des chromosomes peut n'être rien de plus qu'un
indice de la nature quadruple de la cellule elle-même considérée en son entier. ”
Nous avons montré, dans les cas précédents, que les facteurs et les chromosomes se distribuent selon le
même mode. Dans le cas du sexe et des facteurs liés au sexe, on peut même prouver qu'ils ont la même
distribution que les chromosomes sexuels. Cette identité de répartition n'est pas seulement vraie pour les
résultats de F.2 et F.3, mais se vérifie encore pour tous les cas de rétrocroisement. Le parallélisme se
maintient de plus pour tous les facteurs liés au sexe actuellement connus, dont Drosophila nous offre plus
de quarante exemples, et pour toutes leurs combinaisons. Ne pas interpréter ce fait en disant que les
facteurs sont contenus dans les chromosomes et portés par eux revient à rejeter une base mécaniste dont
nous connaissons l'existence dans la cellule. Il n'y a rien à gagner si, n'admettant pas les connexions
frappantes qui existent entre l'hérédité des caractères et la transmission des chromosomes, nous admettons
que quelque chose d'autre dans la cellule, peut-être une portion du cytoplasme, suive également la même
distribution que celle des chromosomes sexuels. Un tel postulat ne fait qu'ajouter de l'in- [inconnu]
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connu et de l'improbable et laisse la situation moins claire qu'auparavant.
L'avantage de l'interprétation chromosomienne appliquée aux chromosomes sexuels ne peut être mieux
illustrée que par l'histoire d'un phénomène découvert par Bridges et appelé non-disjonction. De plus, ce
cas, basé sur des recherches expérimentales de croisements, étendues et précises, et sur des recherches
cytologiques, nous fournit la preuve la plus évidente obtenue jusqu'à ce jour des relations entre certains
caractères et certains chromosomes ; ici, en effet, une répartition anormale des chromosomes sexuels va
de pair avec une distribution anormale et identique de tous les facteurs liés au sexe. Il se trouva que des
femelles d'une certaine race de mouches à yeux blancs donnèrent par croisement avec une race étrangère,
environ 5% de résultats inattendus. Par exemple, une des femelles à yeux blancs croisée avec un mâle à
yeux rouges (type sauvage) produisit non seulement des femelles à yeux rouges et des mâles à yeux
blancs, ainsi qu'il était prévu, mais aussi un petit nombre de femelles à yeux blancs et un nombre
correspondant de mâles à yeux rouges. Le pourcentage approximatif de ces classes est le suivant