mon ami s'est bien amusé de la remarque;
seulement, à l'usage, il a eu l'impression que, dans
sa candeur, la boulangère avait exprimé un
sentiment très répandu chez les Français qu'il allait
côtoyer et, particulièrement, bien sûr, chez ses
collègues universitaires. On pense encore à Giscard
qui déclarait : « La France n'a pas de pétrole, mais
elle a des idées ». Tout cela pour te dire que je ne
suis pas entièrement d'accord avec la position que tu
m'exprimais, une fois que l'on parlait de la Querelle
du Nouveau Monde. Si je résume bien ta pensée,
l'idée de l'infériorité de l'Amérique te semblait
surtout une idée américaine, un complexe
d'infériorité qui ne renverrait en contre-partie à
aucun complexe de supériorité marqué chez les
Européens. Voilà ce dont j'aimerais discuter un peu,
après avoir exposé sommairement cette controverse.
C'est Robert Hébert, avec son livre sur
l'Amérique française devant l'opinion étrangère,
paru à l'Hexagone, qui m'a fait connaître la Querelle
du Nouveau Monde, et je dois l'en remercier. Dans
les notes de sa présentation, il explique que son
anthologie se trouve à compléter l'ouvrage classique
d'Antonello Gerbi sur ladite Querelle, un gros
volume qui couvre de long en large l'histoire des
perceptions réciproques de l'Amérique latine et
« américaine », et de l'Europe, mais qui ne touche
pas du tout au cas de l'Amérique française (en
l'occurrence, principalement, ce qu'on appelle
aujourd'hui le Québec). J'ai donc été consulter le
livre de Gerbi, dans sa version anglaise (University
of Pittsburg Press, 1973); l'original de 1955 est en
italien et il existe aussi une version en espagnol;
Hébert se demande pourquoi ce livre n'a pas encore