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La négociabilité des instruments financiers
Thèse pour le Doctorat en Droit
(arrêté ministériel du 30 mars 1992 modifié par l’arrêté du 25 avril 2002)
Laurent Cotret
Membres du jury : M. PIERRE ALFREDO
Maître de conférences à l’Université de Montpellier
M. HERVE CAUSSE
Professeur à l’Université de Poitiers, Directeur du Collège
International de droit européen et français des affaires (Université Varsovie et
Poitiers)
M. GERARD COSCAS
Directeur des affaires juridiques de banque
M. PHILIPPE DIDIER
Professeur à l’Université Paris V
M. JEAN-CLAUDE HALLOUIN
Professeur à l’Université de Poitiers
2
PLAN SOMMAIRE
PREMIERE PARTIE : LA NEGOCIABILITE AU SERVICE DE LA CESSION DES DROITS
TITRE 1:LES FONDEMENTS DE LA NEGOCIABILITE
Chapitre 1. Le mythe de l’incorporation du droit dans le titre
Chapitre 2. Simplicité du transfert effectué par virement de compte à compte
TITRE 2:L’ORIGINE DE LA NEGOCIABILITE
Chapitre 1. La volonté de l’émetteur à l’origine de la négociabilité
Chapitre 2. La volonté de l’émetteur à l’origine du principe de l’inopposabilité des
exceptions
TITRE 3:LES EFFETS DE LA NEGOCIABILITE
Chapitre 1. La simplification des formalités de l’article 1690 du Code civil
Chapitre 2. L’absence d’effet sur la cession du titre entre les parties
SECONDE PARTIE : LA NEGOCIABILITE AU SERVICE DE L’EXTINCTION DES DROITS
TITRE 1:LES FONDEMENTS DE LA NEGOCIABILITE
Chapitre 1. La simplicité tirée du mode de dénouement des contrats à terme
Chapitre 2. La standardisation : condition technique de la négociabilité
TITRE 2:LES COMPLEMENTS DE LA NEGOCIABILITE
Chapitre 1. La mission de dénouement de la chambre de compensation
Chapitre 2. La garantie de dénouement par la chambre de compensation
INTRODUCTION
3
- «Ce n’est pas à la vie sociale de plier devant la théorie juridique. C’est la théorie, au
contraire, qui doit s’accommoder aux faits et aux exigences de la vie»
1
.
- 1 - L’économie financière a peu à peu gagné l’ensemble des pays développés. Elle paraît
ajouter aux types d’économies : après l’économie agricole et l’économie industrielles, voilà
l’économie financière. Cette économie a «son temple» : le marché, lieu «abstrait», se
rencontrent l’offre des investisseurs et la demande de collectivités publiques ou privées
émettrices de titres
2
. Alors que les premiers souhaitent optimiser la rentabilité de leurs
capitaux, les secondes veulent obtenir les fonds indispensables à leur développement. Ce
marché a connu, ces dernières années, une importante expansion. Pour faire face aux
évolutions technologiques et à l’augmentation de la concurrence internationale due à la
mondialisation des échanges, les collectivités publiques et privées sont devenues
particulièrement «gourmandes» en capitaux
3
. Elles se sont alors tout naturellement tournées
vers le marché qui a su satisfaire leur demande tout en tenant compte des risques encourus par
les investisseurs. Les affres récentes de la «nouvelle économie» témoignent de cette grande
efficacité. Des valeurs dites «technologiques» ont ainsi pu, en présentant de simples
perspectives de développement, obtenir une rapide et importante mobilisation de fonds.
1
F. GENY, Méthodes d’interprétation et source du droit positif français, T 1, L.G.D.J., 1919, p 186, n° 80,
note 1.
2
Si le marché est un lieu «abstrait», c’est parce que la matérialisation et l’informatisation des échanges ont
rendu impossible toute détermination géographique.
3
Si l’on parle de collectivités publiques, c’est parce que l’Etat lui-même peut utiliser les marchés financiers
comme source de financement de sa dette.
4
Adaptation du marché aux besoins des différents intervenants
- 2 - Si les marchés financiers ont connu un véritable engouement, c’est tout d’abord parce
qu’ils offrent une alternative aux modes de financement traditionnellement existants.
Rappelons en effet qu’en raison de l’insuffisance de leurs fonds propres, la plupart des
entreprises ne peuvent financer elles-mêmes leur développement
4
. A cela s’ajoute le coût
particulièrement élevé du crédit bancaire, conséquence logique du risque pris par les
banquiers
5
et les garanties de remboursement qui leur sont quasi-systématiquement réclamées,
très difficiles à rassembler et extrêmement coûteuses. C’est donc pour alléger l’entreprise du
poids de ces différentes contraintes que le législateur français, désireux de voir «se multiplier
les canaux de financement des entreprises»
6
, n’a eu de cesse de favoriser le passage d’une
économie d’«endettement» à une économie de «marchés financiers»
7
, permettant la collecte
de l’épargne. Les agents économiques, notamment les entreprises peuvent y trouver les
ressources nécessaires à leur développement
8
. En retour, les investisseurs ont des perspectives
de plus-values.
- 3 - Le recours aux marchés pour obtenir un financement n’est cependant pas dénué de
risques. Exposées aux effets de la conjoncture économique mondiale (fin des accords de
Bretton Woods entraînant un «flottement» généralisé des monnaies
9
, théories libérales de
4
Le rôle des fonds propres est généralement de protéger l’entreprise contre les retournements de la conjoncture :
ils permettent de limiter le risque financier qu’un endettement excessif fait peser sur la pérennité de l’entreprise.
Les augmentations de capital n’ont d’ailleurs pas suffi à les renforcer.
5
Pour qu’il y ait recours au crédit bancaire, le banquier doit avoir confiance en la personne qu’il crédite car il
existe un décalage entre le versement des fonds, et le remboursement de l’emprunteur, par nature différée dans le
temps. Plus le banquier aura des doutes sur la capacité de remboursement de ce dernier, plus le coût du crédit
sera élevé.
6
H. CAUSSE, Les titres négociables, Thèse Montpellier, 1991, Ed. Litec, 916, p. 467; La loi du 24 janvier
1984 tout en maintenant le monopole bancaire permet aux entreprises autres que les établissements de crédit
d’assurer le financement des entreprises. Dans ce sens, G. RIPERT, Aspects juridiques du capitalisme moderne,
2ème éd, LGDJ, 1951, p. 52. L’auteur voyait dans la société par actions, «un instrument merveilleux pour réunir
les capitaux nécessaires à la production».
7
Preuve de cette évolution, dans une logique de compétitivité et de productivité toujours plus vive, les banques
ont quelque peu délaissé leurs activités traditionnelles telles que la distribution de crédits ou encore la collecte
des dépôts et se sont tournées vers de nouvelles formes d’intermédiation dont les principales sont : la
marchéisation des conditions bancaires, la mobiliérisation des bilans bancaires, le développement des opérations
hors bilan et l’intermédiation de marché. V. sur ce point, H. De VAUPLANE et J.-P. BORNET, Droit des
marchés financiers, Ed. Litec, 2001, n° 4, p. 5.
8
Th. BONNEAU, Typologie des marchés boursiers in Le droit boursier en mouvement, Colloque organisé le 15
juin 2003 par l’association Droit et commerce, Rev. Jur. Com., novembre 2003, n° 9, p. 11.
9
Ces accords datant de 1944 avaient institué, d’une part, une convertibilité du dollar en or et, d’autre part, une
parité fixe entre le dollar et les autres devises. Ainsi, au cours des années 80, le cours du dollar s’est effondré. En
1983, le dollar était à 10 francs. En moins de trois ans il est passé à 6 francs.
5
l’administration Reagan, effondrement des prix du pétrole
10
, montée des risques
d’insolvabilité dans de nombreux pays du tiers-monde
11
), les valeurs subissent les fortes
variations des cours et indices boursiers. Des perspectives de plus-values peuvent rapidement
laisser place à de lourdes pertes. Une telle incertitude porte atteinte à la confiance des
investisseurs et donc, à terme, à la compétitivité du marché. C’est précisément pour les
protéger contre cette forte volatilité et limiter leurs risques qu’après avoir admis, pendant un
siècle, l’existence d’un marché à terme de marchandises (loi du 28 mars 1885), le législateur
reconnaît, depuis la fin des années 80, les marchés à terme d’instruments financiers
12
.
- 4 - Les instruments qui y sont négociés permettent de se prémunir contre les risques
financiers du marché. Dès lors, si des investisseurs perdent une partie de leur mise, ils ont
aussitôt la possibilité de compenser cette perte en prenant sur ces marchés une position
inverse
13
. Ce qui n’était, à l’origine, qu’un moyen de ne pas perdre de l’argent est toutefois
devenu, avec le temps, un moyen d’en gagner. De nombreux investisseurs spéculent
aujourd’hui sur l’évolution du cours du sous-jacent sans pour autant détenir ces actifs
14
.
Ajoutons que ces marchés ont également, depuis peu, une autre fonction : la protection contre
les risques de crédit, encore appelés risques de contrepartie
15
. Contrairement aux risques de
«marché» liés aux évolutions des taux d’intérêt ou des cours de change, ce risque est
directement lié à la situation individuelle de chacun des émetteurs/emprunteurs, et à sa
structure financière
16
.
10
Le 19 octobre 1987, les bourses de valeurs ont perdu près de 80% en une séance.
11
S. AGBAYISSAH et M.-A. LEPAGE, Les «caps», «floors» et «collars» à l’épreuve d’une qualification en
opération d’assurance, Rev. de droit bancaire et de la bourse, 1996, n° 58, p. 224.
12
En fait, l’exigence d’une couverture financière des opérations de bourse remonte au XIXème siècle. Elle fut
consacrée par la loi du 28 mars 1885 (D. 1885, p. 25) qui disposait, dans son article 1er, que «tous les marchés à
terme sur les effets publics et autres, tous les marchés à livrer sur denrées et marchandises sont reconnus
légaux» et fut complété par un décret du 7 octobre 1890 constituant la charte des agents de change. Ce n’est
toutefois qu’à la fin des années 80 que furent officiellement créés en France des marchés à terme d’instruments
financiers [création du Matif (Marché à Terme International de France) en 1986 et du Monep (Marché d’Options
Négociables de Paris) en 1987].
13
P. DIDIER, Droit commercial, T. III, Le marché financier, les groupes de société, Ed. PUF, Coll. Thémis droit
privé, 1999, p. 266. L’auteur considère ici qu’«en fait, le marché n’est rien d’autre, aujourd’hui, qu’une forme
déguisée de contrat d’assurance. Il est même un contrat d’assurance réciproque. Le vendeur assure l’acheteur
contre le risque de perte en cas de baisse des cours. L’acheteur assure le vendeur contre le risque de hausse des
cours»; V. cependant sur ce point, Th. BONNEAU, Typologie des marchés boursiers in Le droit boursier en
mouvement, Colloque organisé le 15 juin 2003 par l’association Droit et commerce, Rev. Jur. Com., novembre
2003, 9, p. 11. L’auteur fait remarquer que cette couverture des risques confère aux marchés à terme une
fonction proche de l’assurance. Toutefois, à la différence de cette dernière qui ne couvre que les risques résultant
d’un sinistre, et donc de perte, les marchés à terme couvrent à la fois la possibilité de perte et de gain.
14
F. PELTIER, Marchés financiers et droit commun, Thèse. Lyon III, Ed. Banque, 1997, n° 32, p. 29.
15
S. AGBAYISSAH, Aspects juridiques des produits dérivés négociés sur les marchés de gré à gré, Mélanges
A.E.B.D.F.-France, 1999, p. 15, spéc. p. 25.
16
A. GAUVIN, Droit des dérivés de crédit, Ed. Banque, 2003.
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