Les lieux normatifs sont clos, d’abord par les configurations mêmes. Il y a dans les deux cas un jardin
et un parc, autant de séparation entre la nature (ou le réel social) et la maison. Le jardin est a priori un
jardin d’agrément, avec des fleurs, comme cherche à le reconstituer Cathy à la fin aux HHV. De toute
façon, la nature y est mise au service des hommes : on y plante des arbres fruitiers (pommes des
Granges) ou des potagers (potagers de Patience) qui sont un moindre mal dans la mesure où cela
correspond à une utilité immédiate : il n’empêche que c’est une dénaturation. La parc, dans les deux
cas, est un ersatz de nature (comme pour Bernard qui retrouve la mousse des ses forêts en se réfugiant
dans le parc de Sainte-Sévère), et il peut même contribuer à empêcher le contact avec la nature
extérieure. C’est à peine si les arbres du parc de la Grange laissent passer le bruit du ruisseau, près de
l’Eglise. Le Parc est entouré d’une enceinte, une barrière dans le cas des Granges.
b) l’emprisonnement protecteur
Cette enceinte ne doit pas être franchie à certain moment, par Bernard à Sainte-Sévère qui risque,
sinon, d’être l’objet de poursuites judicaires ; par Cathy à la Grange, quand elle est cantonnée dans une
existence restreinte de peur qu’il ne lui arrive du mal. La nécessité de la maintenir loin d’Heathcliff
pousse Edgar à la maintenir confinée dans l’espace restreint : le jardin, le parc et éventuellement,
l’église. Les collines et la mythique grotte aux fées sont un espace interdit et rêvé qui font l’objet de
ses désirs constants (chap XVIII). En ce sens, ces espaces normatifs sont visiblement contraignants
protecteurs et paradoxalement, séparés d’une réalité extérieure, même s’ils sont ouverts, comme
peuvent l’être un manoir et un château du XVIIIe siècle
3) l’étouffement (cours)
a) La suffocation.
A la pierre nue de la salle des HHV correspondent des espaces remplis de tissus ou de papier tendus au
mur, de tapis moelleux et de bergères rembourrés. Cette configuration du « parlour » est donnée au
chap 3 des HHV, à l’arrivée de Frances où Hindley envisage d’en meubler un dans une des chambres
des HHV. Les tissus sont chauds, confortables et protecteurs, mais ils peuvent déterminer un
étouffement d’ordre physique, comme le fait la literie dans laquelle Bernard dort à son arrivée à
Sainte-Sévère. Catherine, quand elle se cantonne dans sa chambre et qu’elle y étouffe, ouvre la fenêtre
mais aussi détruit ses oreillers moelleux, en faisant voler les plumes qui le rembourrent. L’arrivée dans
la chambre d’Edmée suffoque Bernard, à cause des parfums, de la chaleur et de l’accumulation des
objets. La question du confort est nettement posée en relation avec l’étouffement qu’il provoque. Le
bien-être et le bonheur sont ainsi distingués ou au moins, la question est soulevée.
b) Une contrainte mortifère
Bernard tombe malade peu après son arrivée, à cause du surplus d’études, mais aussi de la vie qu’il
mène : quand il est l’ « orateur » de Sainte-Sévère, il met ce délire de paroles sur le compte d’un
besoin d’exercer un activité alors qu’il est cantonné dans un lieu clos. Edmée, dans sa chambre, dans
son salon, occupée est alanguie et sans force alors que le narrateur, nous évoque, par opposition des
images d’Edmée forte, occupée à des travaux des champs avec les paysans, ou montée sur un cheval
pour partir à la chasse. Cette dichotomie est très fréquente chez George Sand dont les personnages
féminins alternent des période d’intense activité physique et des repos qui confinent à la mort. La mort
de Catherine qui est mise sur le compte d’Edgar, d’Heathcliff ou d’elle-même, peut être dû au départ
des HHV ou au « repos », au confinement aux Granges. Les propos qu’elle tient quand elle est
confinée dans sa chambre tendent à dire cette mort : celle des oiseaux à qui on a pris les plumes et
qu’elle revoit en vie en les nommant, celle des crocus, fleurs coupées que lui amène Edgar, description
des ruisseaux qu’elle n’entend pas : la description, ersatz du spectacle direct de la nature, les fleurs
coupées de la terre nourricière, les plumes d’oiseaux morts disent l’absence de vie réelle. A cet égard,
la description de la chambre d’Edmée fait largement écho : oiseaux symboliquement encagés, fleurs
coupées dans des vases, femmes alanguies.
Les deux romans se distinguent néanmoins dans ce qu’ils fustigent le plus. Les HHV donnent une
dimension vivifiante aux travaux ménagers qui participent à une vie quotidienne ancrée dans le réel
(Nelly) ; en revanche, toute forme de confort, d’enfermement est lié à un repos quelquefois nécessaire
mais relativement négatif. A l’inverse, Mauprat met l’accent sur l’esthétique de la décoration de la