LA CNR et LE LIBERALISME

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LA CNR et LE LIBERALISME
I)
LIBERALISATION DU SECTEUR ELECTRIQUE :
1) Cadre général :
L’intégration européenne et les nouvelles théories économiques libérales visant les services publics en
réseaux (eaux, télécom, électricité, gaz…) ont donné lieu à la mise en place d’un cadre européen de
déréglementation. Ces réformes libérales visent à introduire de la concurrence dans les services publics
dit de “ monopole naturel ”. L’objectif affiché est d’obtenir une baisse des prix devant rendre l’industrie
européenne plus compétitive afin de faire face à la mondialisation de l’économie.
2) Secteur électrique :
a) directive 96/92/CE
La directive vise à “ rationaliser la production, le transport et la commercialisation de
l’électricité ” La rationalisation des systèmes nationaux passe, selon la commission
européenne, par une large ouverture à la concurrence. La directive fixe une part minimale de
30% du marché ouvert à la concurrence en fin d’application.
La directive vise a “ aboutir à des résultats économiques équivalents dans chaque état membre
et, par conséquent, à un niveau directement comparable d’ouverture des marchés ”. Afin
d’assurer cette équivalence de déréglementation, un système de pénalisation des Etats trop
protecteur est mis en place.
Une nouvelle directive est en préparation sur la base du mandat unanime du conseil de
l’Europe de Lisbonne en 2000. La libéralisation totale est programmée pour 2006. Cette
directive prévoit aussi la séparation des activités de production et de commercialisation afin de
fractionner les entreprises nationales. La coordination hiérarchique des entreprises intégrées
actuelles permettant la régulation de la production, du transport et de la distribution est
remplacée par des systèmes de marché concurrentiel.
b) loi de transposition du 10 février 2000 :
La transposition française de la directive institue deux marchés : un marché captif de service
public à péréquation tarifaire et un marché concurrentiel pour les clients dit “ éligible ”
(industriels). EDF est en charge du service public et garde le monopole sur les clients
“ captifs ”.
EDF supporte le service “ d’intérêt économique général ” et le service “ universel ” grâce à un
fond de service public abondé par toutes les entreprises exerçant en France.
c)
Evolutions du secteur depuis la loi
La mise en œuvre de la concurrence en France est difficile. En effet, les prix pratiqués par EDF
sont assez bas pour rendre difficile toute introduction sur le marché. Après un an, EDF à perdu
moins de 10% de ses clients “ éligibles ”.
Par contre, les autres pays européen sont le théâtre d’une forte restructuration du secteur
essentiellement portée par des fusions (concentration du capital). Les entreprises
monopolistiques nationales qui ont été scindées et privatisées sont devenues des proies pour les
grand groupes financiers. On notera que le secteur attire notamment les sociétés des eaux et
plus largement les groupes privées de service collectifs. L’offre est de plus en plus
multi-service (eaux, énergie, télécom…).
Les différentes bourses européennes ont créées des indices spécifiques pour l’électricité. Ces
indices sont censés représenter deux types de marché : le marché “ spot ” en temps réel et le
marché des “ options à terme ”. Ces marchés sont interconnectés aux réseaux financiers
mondiaux et l’on constate que les indices électriques sont parmi les plus spéculatif. Le secteur
électrique s’intègre donc dans le “ casino ” mondial.
d) Devenir des missions de service public :
Dans ce contexte, les missions et les devoirs de service public évoluent. Pour la commission
européenne, le service public doit être remplacer par un service concurrentiel au public
complété par un “ filet social ” nommé “ service universel ”. C’est donc un système à deux
vitesses qui s’instaure.
3) Conséquences observées dans les pays européens ayant fortement libéralisé le secteur
électrique :
a) l’Emplois :
En Europe, comme partout dans le monde, les restructuration/privatisation du secteur
électrique se traduisent par des pertes d’emplois massive de l’ordre du tiers des effectifs. De
plus, la séparation des grandes entreprises nationales est un facteur important de la baisse des
droits sociaux et syndicaux dans les entreprises.
b) La cohésion sociale :
Deux études récentes montrent que, en Allemagne et en Angleterre, les personnes les plus
pauvres payent une électricité plus chère d’environ 30%. Seul les forfaits permettent des
réductions importantes sur les kWh consommés mais leur prix est très discriminant puisque les
plus démunis ne peuvent pas s’abonner.
Le système concurrentiel sonne la fin des systèmes de péréquation tarifaire qui permettait de
payer un même prix quelque soit son lieu de résidence. La facturation des coûts réels va
entraîner une hausse importante du prix dans les zones rurales enclavées.
c)
La privatisation des rentes :
La déréglementation est accompagnée d’un vaste mouvement de privatisation. Les
investisseurs sont très demandeur d’équipements rentables amortis permettant de dégager
rapidement de forte rente. Il suffit pour cela de réduire les coûts de production en compressant
le personnel et en abandonnant les missions non rentables.
4) Cas particulier de la CNR :
a) La CNR :
La CNR est une société anonyme d’intérêt général à capitaux publics soumise à la tutelle
directe de l’Etat. Sa mission est d’aménager le Rhône selon trois axes : la navigation,
l’agriculture (irrigation) et la production hydroélectrique.
La CNR est concessionnaire de l’Etat entre la frontière Suisse et la mer (hors petit Rhône).
La CNR est avant tout une société d’aménagement du territoire puisqu’elle n’assure pas la
production d’électricité qui est confiée à EDF. Les aménagements sont financés selon un
principe simple : l’activité rentable finance les activités non rentables. Les différentes missions
sont financièrement solidaire.
b) Mutation engagée :
Le Gouvernement de M. JOSPIN, sous pression de l’Europe, a décidé d’introduire la
concurrence dans la production électrique nationale. A ce titre, le Gouvernement souhaite
transformer une entreprise d’aménagement en un producteur indépendant d’électricité. Le
projet comprend deux volets :
-
La production : Afin d’assurer la production, il est prévu un transfert des agents
EDF vers la CNR. On construit un concurrent de EDF avec des agents EDF !
La commercialisation : Le Gouvernement a choisi de confier l’électricité du
Rhône à Electrabel (pôle énergie de Suez-Lyonnaise des eaux). Pour ce faire,
compte tenu de l’échec de la privatisation partielle au printemps 2000
(mouvement social de Vaugris), une filiale de commercialisation CNR/Electrabel
doit voir le jour sous le nom de “ énergie Rhône ”.
En fait, sous des abords rassurant, cette solution cache une privatisation rampante
dont le contrat d’association CNR/Electrabel sera le pivot.
L’Etat se désengagera donc et abandonnera sa tutelle directe sur l’entreprise.
c)
Les risques :
La CNR est une entreprise qui possède plusieurs missions de service public de nature différente
dont la loi de 1921 institue la solidarité financière. Cette solidarité répondait à la
multifonctionnalité du fleuve. La CNR possède donc une mission de production électrique à
caractère industriel et commercial (même si elle ne l’a jamais réalisée directement) mais elle
possède aussi une mission de service public à caractère administratif visant à la gestion du
fleuve : un bien public. Certaines mission se rattache aussi à la notion de service collectif
indivisible (sécurité publique).
L’application à la CNR du cadre de déréglementation pensé pour les seules activités électriques
entraîne des difficultés importantes. En effet, comme le montre le rapport du Haut Conseil du
Secteur Public de 1998, la “ modernisation ” de chaque type de mission de service public
réclame un cadre théorique différent qui permette de garantir la spécificité des missions
confiées. Ainsi, la déréglementation du secteur électrique impose une séparation des missions
qui pourrait conduire à un défaut de financement des activités non rentables.
Comme le rappel le projet de Charte européenne des services d’intérêt généraux, seul le cahier
des charges de la concession est à même de préciser clairement le financement des missions.
Dans un marché libéralisé où la recherche du profit est le seul moteur d’innovation, il est
probable que les missions d’intérêt général non rentables soient sacrifiées au profit du
développement d’activités rentables.
Le projet prévoit une évolution du capital de la CNR et un changement de statut. Ce volet vise
à désengager l’Etat. La tutelle directe est rendue impossible par les contrats d’association avec
Electrabel. La tutelle sera remplacé par une administration indirecte basé sur les textes de
concession et la présence de la Caisse des Dépôts et Consignations dans le capital. Le
Gouvernement fait donc confiance à la “ gouvernance ” d’entreprise pour réaliser l’intérêt
général. La CNR cherchera alors la “ création de valeur pour l’actionnaire ” en réduisant ses
coûts ce qui pourrait entraîner des sous-investissements en terme de sécurité publique.
Enfin, pour rendre la kWh plus attractif pour les industriels, l’Etat vient de décider une
ristourne fiscale de 330 MF (2,5 cts par kWh) à la CNR. Le manque à gagner sera ponctionner
dans les comptes de EDF. Ce transfert cache un cadeau aux entreprises puisque EDF ne pourra
vraisemblablement pas répercuter cette hausse de fiscalité sur les prix de vente “ marché ” mais
sans doute sur les factures des clients “ captifs ” (ménage, PME, PMI, artisans….).
Notons que la taxation du kWh hydraulique permet de faire passer les coûts de revient
d’électricité hydraulique derrière ceux de la production nucléaire…..
5) Proposition de cadre d’action pour ATTAC :
a) Contre le casino énergétique :
Alors qu’une large part de la population mondiale n’est pas raccordé à un réseau électrique, la
déréglementation du secteur électrique au niveau mondial est-elle la réponse adéquate
permettant un développement durable ?
Les libéralisation visent à connecter les marchés électriques aux marchés financiers mondiaux
afin d’assurer un financement privé des infrastructures de production, de transport et de
commercialisation. Or, on constate surtout que loin de favoriser l’investissement, ces réformes
donnent surtout lieu à des concentration de capital visant à prendre le contrôle des moyens de
productions existants. Les financiers sont attirés par la promesse des rentes juteuses que dégage
le secteur public (50 milliard/an pour EDF).
L’apparition de phénomènes spéculatifs sur les marchés électriques doivent, selon la théorie
libérale, contrebalancer les fluctuations naturelles des prix. Rien ne dit que ces effets ne se
conjugueront pas ce qui pourrait entraîner une catastrophe économique du même type que la
crise asiatique.
ATTAC ne peut pas accepter que la production, le transport et la vente d’électricité soient
connecter au grand casino mondial. Cette connexion vise d’abord à orienter la richesse vers le
capital et cela au détriment des salaires et des prestations sociales.
L’électricité est un bien vital. Un accès à l’électricité doit être un droit pour tous.
Enfin, ATTAC doit combattre les dérives visant à faire payer plus cher l’énergie aux gens les
plus pauvres.
b) Privatisation des gains, socialisation des pertes :
La libéralisation s’accompagne d’une restructuration des coûts visant à exclure tout ce qui n’est
pas rentable. Les missions de service public doivent alors être financées par l’Etat sur son
budget ou en prélevant des taxes sur la consommation. Dans tous les cas, il y a un transfert de
fiscalité visant à laisser les marges électriques aux entreprises rivées tout en les finançant par
des subventions publiques pour accomplir les missions d’intérêt général. On privatise les gains
et on socialise les pertes.
ATTAC doit s’opposer à ces logiques injustes.
c)
Contrôle citoyen des concessions de service public :
Enfin, avec la fin des tutelles directes, se pose le problème du contrôle d’exécution et de qualité
des services publics délégués. La concession est, de ce point de vue, un outil dangereux.
Rappelons simplement que les concessions ont, en France, permis à des entreprises de capter
un véritable “ impôt privé ” sur le dos des usagers. Le secteur de l’eau illustre parfaitement
cette dérive faite de sur-facturation, de corruption, de financements occultes….
Le départ de l’Etat entraîne un recul de citoyenneté puisque la régulation est confiée, le plus
souvent, à une commission indépendante du pouvoir politique dont les membres sont cooptés
parmi les plus hauts fonctionnaires. La légitimité démocratique s’efface donc derrière la
“ démocratie d’entreprise ” et la régulation technocratique.
ATTAC doit revendiquer, comme l’expose la Charte Européenne des services d’intérêt
généraux, un contrôle citoyens des missions de service public.
6) Propositions d’actions sur le cas CNR :
a)
Coordination des groupes locaux :
Il s’agit de coordonner les actions des différents comités engagés sur ce dossier. Un groupe de
coordination comprenant un membre de chaque groupe concerné (Drôme/Ardèche, Vaucluse,
Gard, Vienne, Rhône) aurait pour but de relayer l’info, de prolonger les actions locales et de
préparer des actions plus globales.
b) Soutien à l’intersyndicale du Rhône :
Signature de pétitions, manifestations communes……
c)
Interpellation des élus :
Notre interpellation pourrait être dirigée sur les risques d’une concession privée et la nécessité
d’un contrôle citoyen basé sur des méthodes de représentation démocratique (observatoire
public des missions…).
d) AGCS :
Le cas de la CNR peut permettre d’illustrer localement les effets attendus des AGCS en cours
de négociations.
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