b) Mutation engagée :
Le Gouvernement de M. JOSPIN, sous pression de l’Europe, a décidé d’introduire la
concurrence dans la production électrique nationale. A ce titre, le Gouvernement souhaite
transformer une entreprise d’aménagement en un producteur indépendant d’électricité. Le
projet comprend deux volets :
- La production : Afin d’assurer la production, il est prévu un transfert des agents
EDF vers la CNR. On construit un concurrent de EDF avec des agents EDF !
- La commercialisation : Le Gouvernement a choisi de confier l’électricité du
Rhône à Electrabel (pôle énergie de Suez-Lyonnaise des eaux). Pour ce faire,
compte tenu de l’échec de la privatisation partielle au printemps 2000
(mouvement social de Vaugris), une filiale de commercialisation CNR/Electrabel
doit voir le jour sous le nom de “ énergie Rhône ”.
En fait, sous des abords rassurant, cette solution cache une privatisation rampante
dont le contrat d’association CNR/Electrabel sera le pivot.
L’Etat se désengagera donc et abandonnera sa tutelle directe sur l’entreprise.
c) Les risques :
La CNR est une entreprise qui possède plusieurs missions de service public de nature différente
dont la loi de 1921 institue la solidarité financière. Cette solidarité répondait à la
multifonctionnalité du fleuve. La CNR possède donc une mission de production électrique à
caractère industriel et commercial (même si elle ne l’a jamais réalisée directement) mais elle
possède aussi une mission de service public à caractère administratif visant à la gestion du
fleuve : un bien public. Certaines mission se rattache aussi à la notion de service collectif
indivisible (sécurité publique).
L’application à la CNR du cadre de déréglementation pensé pour les seules activités électriques
entraîne des difficultés importantes. En effet, comme le montre le rapport du Haut Conseil du
Secteur Public de 1998, la “ modernisation ” de chaque type de mission de service public
réclame un cadre théorique différent qui permette de garantir la spécificité des missions
confiées. Ainsi, la déréglementation du secteur électrique impose une séparation des missions
qui pourrait conduire à un défaut de financement des activités non rentables.
Comme le rappel le projet de Charte européenne des services d’intérêt généraux, seul le cahier
des charges de la concession est à même de préciser clairement le financement des missions.
Dans un marché libéralisé où la recherche du profit est le seul moteur d’innovation, il est
probable que les missions d’intérêt général non rentables soient sacrifiées au profit du
développement d’activités rentables.
Le projet prévoit une évolution du capital de la CNR et un changement de statut. Ce volet vise
à désengager l’Etat. La tutelle directe est rendue impossible par les contrats d’association avec
Electrabel. La tutelle sera remplacé par une administration indirecte basé sur les textes de
concession et la présence de la Caisse des Dépôts et Consignations dans le capital. Le
Gouvernement fait donc confiance à la “ gouvernance ” d’entreprise pour réaliser l’intérêt
général. La CNR cherchera alors la “ création de valeur pour l’actionnaire ” en réduisant ses
coûts ce qui pourrait entraîner des sous-investissements en terme de sécurité publique.
Enfin, pour rendre la kWh plus attractif pour les industriels, l’Etat vient de décider une
ristourne fiscale de 330 MF (2,5 cts par kWh) à la CNR. Le manque à gagner sera ponctionner
dans les comptes de EDF. Ce transfert cache un cadeau aux entreprises puisque EDF ne pourra
vraisemblablement pas répercuter cette hausse de fiscalité sur les prix de vente “ marché ” mais
sans doute sur les factures des clients “ captifs ” (ménage, PME, PMI, artisans….).
Notons que la taxation du kWh hydraulique permet de faire passer les coûts de revient
d’électricité hydraulique derrière ceux de la production nucléaire…..