EMMANUEL LEVINAS 1906 - 1995 Manifestations organisées par : Bibliothèque de Toulouse Institut Catholique Hébraïca Piano aux Jacobins *** Exposition Récital de Piano et Conférence de Michaël Lévinas Colloque *** Exposition 13 mars – 29 avril 2006 Bibliothèque d’étude et du patrimoine 1 rue de Périgord 31070 Toulouse “ La gloire de l’Infini, c’est l’identité anarchique du sujet débusqué sans dérobade possible, moi amené à la sincérité, faisant signe à autrui – dont je suis responsable et devant qui je suis responsable – de cette donation même du signe, c’est-à-dire de cette responsabilité : “ me voici ”. Dire d’avant tout dit, qui témoigne de la gloire. Témoignage qui est vrai, mais de vérité irréductible à la vérité du dévoilement, et qui ne narre rien qui se montre (…) L’Infini n’apparaît pas à celui qui en témoigne. C’est au contraire le témoignage qui appartient à la gloire de l’Infini. C’est par la voix du témoin que la gloire de l’Infini se glorifie. ” Emmanuel Lévinas Autrement qu’être ou au-delà de l’essence 12 janvier 1906 (selon le calendrier grégorien) ou 30 décembre 1905 (selon le calendrier julien) : naissance d’Emmanuel Lévinas, à Kovno (Kaunas), en Lituanie 1914-1917 : Sa famille émigre en Russie, Emmanuel Lévinas entre au lycée à Kharkov en Ukraine et lit les grands écrivains russes 1923 : Etudes de philosophie, en France, à l’Université de Strasbourg ; Rencontre avec Maurice Blanchot 1928-1929 : Elève de Husserl puis de Heidegger à Fribourg en Allemagne 1929 : Etudes à la Sorbonne 1930 : Traduction et publication en France des Méditations cartésiennes de Husserl (20 ans avant de paraître en Allemagne). “ Lévinas acclimate la phénoménologie presque en temps réel, presque au moment où elle se fait ” dit Jean-Luc Marion ; Publication de la thèse de doctorat (3è cycle) : Théorie de l’intuition dans la Phénoménologie de Husserl. C’est Emmanuel Lévinas qui initie Sartre, Ricœur, Merleau-Ponty et Derrida à la phénoménologie Lévinas est naturalisé français. La France : “ une nation à laquelle on peut s’attacher par l’esprit et le cœur autant que par des racines ” 1932 : Retour en Lituanie pour épouser Raïssa Lévy 28 février 1935 : naissance de Simone, fille d’Emmanuel et Raïssa Lévinas 1935-1938 : Lévinas lit Franz Rosenzweig ; Rencontre avec Jacques Maritain 1938 : De l’évasion (article paru en 1935) 1940-1945 : Prisonnier militaire en stalag, où les soldats juifs, soumis à un statut à part, étaient néanmoins protégés de la déportation dans les camps de la mort ; Sa femme et sa fille sont cachées par les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul en France ; Sa famille en Lituanie est massacrée par les nazis 1947 : De l’existence à l’existant (écrit partiellement en captivité) ; Collaboration avec le collège philosophique de Jean Wahl ; Directeur de l’Ecole Normale Israélite Orientale, Il forme des maîtres pour les écoles de l’Alliance Israélite Universelle du bassin méditerranéen ; rencontre avec M. Chouchani, “ un maître prestigieux et impitoyable ” auprès de qui il étudie le Talmud 1947 : Le temps et l’autre 18 avril1949 : naissance de Michaël, fils d’Emmanuel et Raïssa Lévinas 1957 : Première des lectures talmudiques présentée au Colloque des intellectuels juifs de langue française 1961 : Totalité et Infini : essai sur l’extériorité (thèse de Doctorat ès Lettres) ; Lévinas est nommé professeur à l’université de Poitiers “ Une expérience aiguë de l’humain enseigne, au XXe siècle, que les pensées des hommes sont portées par les besoins, lesquels expliquent société et histoire ; que la faim et la peur peuvent avoir raison de toute résistance humaine et de toute liberté. De cette misère humaine – de cet empire que les choses et les méchants exercent sur l’homme – de cette animalité – il ne s’agit pas de douter. Mais être homme, c’est savoir qu’il en est ainsi. La liberté consiste à savoir que la liberté est en péril. Mais savoir ou avoir conscience, c’est avoir du temps pour éviter et prévenir l’instant de l’inhumanité. C’est cet ajournement perpétuel de l’heure de la trahison – infime différence entre l’homme et le non-homme – qui suppose le désintéressement de la bonté, le désir de l’absolument Autre ou la noblesse, la dimension de la métaphysique. ” 1963 : Difficile liberté : essais sur le judaïsme 1967 : Lévinas est nommé professeur à l’université de Nanterre 1968 : Quatre lectures talmudiques 1972 : Humanisme de l’autre homme 1973 : Lévinas est nommé professeur à la Sorbonne ; il enseigne la pensée juive à l’Université de Fribourg 1974 : Autrement qu’être, ou au-delà de l’essence “Après la mort d’un certain dieu habitant les arrière-mondes, la substitution de l’otage découvre la trace – écriture imprononçable – de ce qui, toujours déjà passé – toujours “ il ” - n’entre dans aucun présent et à qui ne conviennent plus les noms désignant des êtres, ni les verbes où résonne leur essence – mais qui, Pro-nom, marque de son sceau tout ce qui peut porter un nom. ” De 1975 à 1995 Emmanuel Lévinas publie de nombreux ouvrages. Il est décédé à Paris, le 24 décembre 1995. C’est Jacques Derrida qui prononça son éloge funèbre : “ Depuis longtemps, si longtemps, je redoutais d’avoir à dire Adieu à Emmanuel Lévinas. Je savais que ma voix tremblerait au moment de le faire, et surtout de le faire à voix haute, ici, devant lui, si près de lui, en prononçant ce mot d’adieu, ce mot “ à-Dieu ” que, d’une certaine façon, je tiens de lui, ce mot qu’il m’aura appris à penser ou à prononcer autrement... ” Jacques Derrida, Adieu à Emmanuel Lévinas L’exposition que consacre la Bibliothèque d’étude et du patrimoine à Emmanuel Lévinas présentera un parcours de la vie et de l’oeuvre du philosophe, évoquera des thèmes essentiels de sa réflexion : la phénoménologie, la littérature,, l’éthique, la sainteté, l’Infini, le Visage, les lectures bibliques et talmudiques, etc., ainsi que ses maîtres, amis et disciples : Martin Buber, Franz Rosenzweig, Charles Blondel, Maurice Pradines, Henri Carteron, Martial Guéroult, Maurice Halbwachs, Edmund Husserl, Martin Heidegger, Monsieur Chouchani, Jean Wahl, Maurice Blanchot, Jacques Derrida, Paul Ricœur, Catherine Chalier, Benny Lévy, etc. Récital de Piano Michaël Lévinas Mardi 4 mars 18h15 Médiathèque José Cabanis Grand Auditorium Parmi les artistes de sa génération, Michaël Lévinas est en pleine maîtrise des deux vocations qui sont en lui : l’interprétation et la composition. Pianiste, concertiste et compositeur de renommée internationale, il a eu pour maîtres Vlado Perlmuter, Yvonne Loriod et Olivier Messiaen, et il est aujourd’hui professeur d’analyse au Conservatoire national supérieur de musique. Comme interprète, Michaël Lévinas a une discographie importante consacrée autant au répertoire classique et romantique qu’à la musique contemporaine. Elle comprend notamment l’intégrale des Sonates de Beethoven et le Clavecin bien tempéré de Bach. Dans sa création musicale il manifeste que la composition ne vient pas d’une seule élaboration sur le son, et que toute œuvre instrumentale tend vers une dimension théâtrale, voire vers l’opéra. Ce dont témoigne sa création comme par exemple la Conférence des oiseaux (1985) ou Préfixes (1991 Franz Schubert Sonate n°23 en Si Bémol Majeur (D 960) Molto moderato Andante sostenuto Allegro vivace con delicatezza Allegro ma non troppo Ludwig Van Beethoven Sonate n° 32 en Ut mineur (Opus 111) Maestoso – Allegro con brio ed appassionato Ariette *** Conférence Michaël Lévinas parle de son père Emmanuel Lévinas Mardi 4 avril 20h30 Espace du Judaïsme 2 place Riquet 31000 Toulouse La chanson du souffle ou l’épiphanie du visage Michaël Lévinas parle, en hommage à son père Emmanuel Lévinas, de l’épiphanie du visage à l’intérieur du souffle et de la mélodie. *** Colloque Emmanuel Lévinas et la pensée religieuse 3 et 5 mars 2005 L’Occident, depuis la Révolution française, s’est construit sur une séparation de la foi et du savoir, ouvrant l’espace de la laïcité qui fut longtemps comprise dans l’exclusion du religieux. Mais Emmanuel Lévinas parle d’une religion d’adultes, loin de la croyance naïve en un Dieu qui habiterait les arrière-mondes. Toute son œuvre, qu’il revendique comme philosophique, est une approche de la question de l’altérité où l’éthique y apparaît comme “ philosophie première ”. La lecture aujourd’hui de l’œuvre de cet immense penseur nous permet de dépasser la coupure entre foi et savoir, et nous approcher de ce “ qui suppose le désintéressement de la bonté, le désir de l’absolument Autre ou la noblesse, la dimension de la métaphysique. ” Lundi 3 mars 20h30 Institut catholique de Toulouse Salle Tolosa 29 rue de la Fonderie 31000 Toulouse Branko Klun Docteur en philosophie Vice-Doyen de l’Université de Ljlubliana (Slovénie) L'événement chez Heidegger et Lévinas “ L’événement ” peut être considéré comme un concept-clé de la pensée postmoderne, car il comporte une rupture radicale avec la compréhension (métaphysique) de l’être en tant que présence et subsistance. La liberté indisponible de l’événement amène toutefois à un défi éthique, auquel Lévinas a cherché à répondre. Contrairement à Heidegger et à sa pensée de l’événement (Ereignis), marquée d’une ambiguïté essentielle, Lévinas associe l’événement avec l’“ autre ” et le situe dans un contexte éthique. Mercredi 5 avril Médiathèque José Cabanis Grand auditorium 10h – 17h 10h Ouverture du Colloque et accueil des participants 10h30 - 11h30 Daniel Vigne Docteur en philosophie et en théologie, Professeur de philosophie en Classes préparatoires au Lycée Saliège et de théologie à l'Institut Catholique de Toulouse “ L’amour est fort comme la mort ”. Deux méditations d’Emmanuel Lévinas sur le Temps En 1946, Lévinas donne son premier cours au Collège philosophique sur Le Temps et l'Autre. En 1976, il achève son dernier cours à la Sorbonne sur La Mort et le Temps. À trente ans d’écart, les deux textes prennent appui sur la même phrase du Cantique des Cantiques, entendue comme un dépassement de l'être-pour-la-mort au profit de la "sollicitude pour autrui". Quel sens exact l’auteur donne-t-il à cette formule ? Nous tâcherons d'en percevoir le sens et la portée. Marie-Thérèse Desouche Maître de Conférence de Théologie Faculté de Théologie, Institut Catholique de Toulouse L'anthropologie de la mort chez E. Lévinas, une position originale dans la tradition philosophique. Dans la tradition philosophique, la position d'Emmanuel Lévinas sur la question de la mort apparaît comme une protestation. Elle s'explique par la conception du sujet chez l'auteur qui sera étudiée à partir du concept d'“aliénation”, qu'il utilise à cette occasion, et de sa phénoménologie de l'approche de la mort, qui fait passer la question de la mort de la geste de l'être à l'ordre interpersonnel. 11h30 – 12h30 Edouard Kovac Docteur en philosophie Professeur de philosophie à l’Institut catholique de Toulouse La pensée prophétique et éthique La notion de l'éthique prophétique a été introduite par Max Weber. Levinas cependant en transforme la dimension prophétique dans une vocation qui ne répond pas uniquement à la conviction personnelle sinon à l'appel de l'Autre. L'homme qui répond à la souffrance de l'Autre rappelle le prophète biblique qui, incapable d’échapper à l'appel de Dieu, devient le porte-parole de l'Infini. Branko Klun Docteur en philosophie Vice-doyen de l’Université de Ljubliana (Slovénie) L'inspiration prophétique dans la poésie et dans la philosophie Comment ces deux activités de l’esprit prennent leur souffle vital. L'inspiration des poètes est-elle différente de l’inspiration philosophique? Un philosophe se nourrit-il de la “ fureur divine ” ou est-il mû par une force autre que l’inspiration poétique? La poésie et la philosophie sont-elles les deux prophétiques ? 14h30-15h30 Florian Deloup Maître de Conférences, Institut de Mathématiques, Université Paul Sabatier La séparation et le religieux Etre au monde, est-ce déjà être séparé ? Ou peut-être y a-t-il lieu de rechercher, autrement que dans la séparation, la racine de la responsabilité ? Voila une énigme que même les anges n'ont pu percer (Quand Moïse est monté au Sinaï, Traité Chabbath 88b du Talmud) Monique Lise Cohen Docteur en lettres Bibliothécaire Le Nom de Dieu et la philosophie En résonance avec Maïmonide pour qui le Nom imprononçable de Dieu, à la différence des autres noms divins, ne relève pas du langage de la nature, Lévinas évoque la “ trace ” de ce “ Il ” qui n’entre dans aucun présent et qui marque tout ce qui peut porter un nom. La métaphysique et la phénoménologie s’étant développées autour de la question du présent, est-il encore possible de parler, en langage philosophique, du Nom de Dieu ? 15h30 – 16h30 Marie-Laure Durand Doctorante en théologie (Herméneutiques juives et chrétiennes) Maîtrise de philosophie Enseigne la culture biblique Emmanuel Lévinas et la pensée midrashique Emmanuel Lévinas a apporté un souffle nouveau dans le paysage intellectuel français. En se laissant inspirer par la pensée rabbinique, il a su réinterroger les catégories de la pensée grecque. Or le midrash est une figure centrale de l’exégèse juive. Il s’agira de montrer comment Emmanuel Lévinas, en prenant appui sur les ressorts de cette herméneutique midrashique, renouvelle de manière inattendue nos catégories et notre vision du monde. Jean-Michel Maldamé Professeur à l'Institut catholique de Toulouse, Doyen honoraire de la faculté de philosophie Membre de l'Académie pontificale des sciences Le saint et le sacré : une distinction nécessaire dans les débats actuels sur l’Intelligent Design Les néo-conservateurs nord-américains de formation scientifique ont renoncé à présenter les thèses les plus strictes du créationnisme. Leur propos s'est réinvesti dans ce qu'il est convenu d'appeler "Intelligent Design". Pour eux, la science doit inclure une référence à l'action providentielle de Dieu dirigeant le cours des événements et donc l'évolution de la vie franchissant les barrières spécifiques. La référence au hasard est pour eux une erreur dont la science doit se libérer. Face à une telle confusion, la distinction d'Emmanuel Lévinas entre le saint et le sacré retrouve une pertinence que la communication de Jean-Michel Maldamé se propose d'expliciter. 16h30 – 17h Dialogue et Clôture du Colloque