L3 S2 Jeudi 11 h-13 h Salle Halbwachs
Jean-François BRAUNSTEIN : Naissance du normal
La notion de normalité est devenue un mode courant d’appréciation de l’expérience et le fait d’être
« normal » est assez habituellement valorisé. Il s’agit pourtant d’une idée fort récente. L’usage du
terme de « normal » ne date que du début du XIXe siècle mais il va rapidement s’étendre, passant des
domaines médical et pédagogique aux domaines statistique, sociologique et juridique. La littérature
s’en saisit également très tôt, par exemple dans l’œuvre de Balzac. Comme le montre Ian Hacking, la
question philosophique essentielle, qui était pour les Lumières : « Qu’est-ce que la nature humaine ? »,
va devenir au XIXe siècle : « Qui sont les gens normaux ?».
Ce n’est que plus tard que sera inaugurée une réflexion philosophique sur cette notion de normal, et
sur les notions connexes de normativité et de normalisation, d’abord dans le livre classique de
Canguilhem, Le normal et le pathologique, puis dans les œuvres de Foucault. Ce sont les raisons de
cette « extension du domaine du normal », les questions qu’elle soulève et les possibilités de résistance
à celle-ci qui seront étudiées dans ce cours.
L3 S1 et S2 Mardi 13h-15h Salle Cavaillès
Guy-Félix DUPORTAIL : L’intersubjectivité
La quête d’une réponse à la question de l’intersubjectivité nous donnera l’occasion d’une
confrontation entre, dans un premier temps, la problématique Hégélienne de la formation historico-
dialectique d’un Esprit (Geist) et la problématique Husserlienne de la constitution orientée d’une
communauté culturelle à partir d’un monde premier dont le monde culturel est l’horizon. Puis, dans un
second temps (au second semestre), avec Lévinas, Kierkegaard et Habermas, nous verrons comment
les critiques contemporaines de la phénoménologie de l’Esprit et de la phénoménologie
transcendantale permettent de reprendre à nouveaux frais ces questions.
Second semestre : au-delà de la confrontation entre deux grandes phénoménologies de
l’intersubjectivité – celle de la totalité spirituelle se divisant et se reconstituant et celle de l’ego
transcendantal constituant autrui et les communautés intermonadiques supérieures – nous aborderons
une alternative contemporaine à ces deux modèles: celle développée par Emmanuel Lévinas. En
réintroduisant de façon radicale la transcendance de l’Infini dans la pensée, Emmanuel Lévinas s’est
opposé comme de l’intérieur à la philosophie hégélienne, et par là-même, selon son propre dire, à la
philosophie comme telle. Celle-ci soutiendrait en effet, par principe, que «la transcendance est
toujours à réduire», et qu’il faudrait avec elle reconnaître que « le réel est raisonnable »
1
. En
introduisant l’Infini dans la Totalité, ce qui produit son excès, Lévinas a certes déclaré la guerre à la
guerre, mais il a aussi substitué à la reconnaissance hégélienne une relation immédiatement éthique à
autrui, avant même tout conflit possible. De même, Lévinas a prétendu retrouver, contre Husserl, les
fondements pathiques de l’intentionnalité objectivante dans l’érotisme du rapport à l’Autre.
Enfin, nous nous demanderons si le sens du sens – comme droiture éthique de la signification – est
bien hors langage comme le prétend Lévinas, ou bien s’il ne faut pas rechercher dans le langage lui-
même les fondements de la relation éthique dont parle Lévinas. La rencontre de la philosophie de
l’Esprit de Hegel et de la philosophie de la communication de Habermas est elle aussi nécessaire pour
répondre à cette question. Habermas se positionne en effet comme l’héritier du jeune Hegel, le savoir
absolu en moins. Pour Habermas, il s’agit de penser ce qui est et, ce qui est, c’est une société dominée
par la rationalité instrumentale et les modèles de rentabilité immédiate. Dans ce nouveau contexte,
l’intersubjectivité se met en place dans et par les actes sociaux de la communication et sa
thématisation est indissociable d’une reprise des idéaux critiques du projet philosophique de la
1
E.Lévinas, De Dieu qui vient à l’Idée, Paris, Vrin, 1998, p.126.