Programme des cours du semestre 2
Philosophie Générale:
L3 S2 Lundi 14h-16h Salle Halbwachs
Frédéric FRUTEAU DE LACLOS : Le concept de tendance
Le cours consistera en une exploration archéologique et anamnésique du concept de tendance qui fut
central dans l’entre-deux-guerres français, et que la philosophie ultérieure refoula (au profit de
l’intentionnalité chère aux phénoménologues ou des faits positifs dans les sciences humaines et
sociales) avant de le réhabiliter sous des formes déguisées (compatibles avec les attendus de la
psychanalyse ou du nietzschéisme).
Il s’agira de revenir sur cette histoire pour faire valoir la pertinence théorique de ce concept dans les
débats actuellement en cours à charnière de la psychologie, de l’anthropologie et de la philosophie.
L3 S2 Lundi 16h-18h Salle Cavaillès
Raphaël PIERRÈS : Par-delà l'intériorité
L’intériorité est un modèle de l’activité mentale qui engage une manière de faire et d’étudier la
philosophie. Dans cette perspective, penser renverrait à des contenus privés, qui pourraient alors être
étudiés abstraction faite de leur situation. Après une brève généalogie du partage entre intériorité et
extériorité, nous nous demanderons en quoi la recherche philosophique reste tributaire de ce dispositif
classique, en dépit de fréquents faire-part de décès. Et surtout, dans quelle mesure pouvons-nous
critiquer ou remodeler cet héritage… sans revenir en-deçà de l’intériorité ? En effet, il apparaît qu’un
dépassement réel du partage classique ne saurait se contenter ni de quelque tonitruante réduction ni
d’un entre-deux vague. Ce cours explore et confronte diverses propositions de reconfiguration qui
cherchent à prendre la mesure des changements survenus non seulement en philosophie (côté
analytique aussi bien que phénoménologique), mais aussi dans un rapport critique à ce qui a pu être
désigné généralement comme « sciences humaines » (nous nous intéresserons plus spécifiquement ici
à certains travaux de psychologie, de neurosciences, de psychanalyse et de sociologie).
L3 S2 Mardi 14h30-16h30 Salle Lalande
Jamila MASCAT : Absolu et système
Le cours vise à illustrer, analyser et problématiser le paradigme logico-métaphysique de la pensée
hégélienne à travers les notions d’absolu et de système dont les enjeux sont à la fois ontologiques,
épistémologiques et politiques. Il se propose, dans un premier temps, de parcourir les textes hégéliens
pour interroger, par la suite, la reprise critique des concepts hégéliens au sein de la réception française
des années 1930-1950.
L3 S2 Jeudi 11 h-13 h Salle Halbwachs
Jean-François BRAUNSTEIN : Naissance du normal
La notion de normalité est devenue un mode courant d’appréciation de l’expérience et le fait d’être
« normal » est assez habituellement valorisé. Il s’agit pourtant d’une idée fort récente. L’usage du
terme de « normal » ne date que du début du XIXe siècle mais il va rapidement s’étendre, passant des
domaines médical et pédagogique aux domaines statistique, sociologique et juridique. La littérature
s’en saisit également très tôt, par exemple dans l’œuvre de Balzac. Comme le montre Ian Hacking, la
question philosophique essentielle, qui était pour les Lumières : « Qu’est-ce que la nature humaine ? »,
va devenir au XIXe siècle : « Qui sont les gens normaux ?».
Ce n’est que plus tard que sera inaugurée une réflexion philosophique sur cette notion de normal, et
sur les notions connexes de normativité et de normalisation, d’abord dans le livre classique de
Canguilhem, Le normal et le pathologique, puis dans les œuvres de Foucault. Ce sont les raisons de
cette « extension du domaine du normal », les questions qu’elle soulève et les possibilités de résistance
à celle-ci qui seront étudiées dans ce cours.
L3 S1 et S2 Mardi 13h-15h Salle Cavaillès
Guy-Félix DUPORTAIL : L’intersubjectivi
La quête d’une réponse à la question de l’intersubjectivité nous donnera l’occasion d’une
confrontation entre, dans un premier temps, la problématique Hégélienne de la formation historico-
dialectique d’un Esprit (Geist) et la problématique Husserlienne de la constitution orientée d’une
communauté culturelle à partir d’un monde premier dont le monde culturel est l’horizon. Puis, dans un
second temps (au second semestre), avec Lévinas, Kierkegaard et Habermas, nous verrons comment
les critiques contemporaines de la phénoménologie de l’Esprit et de la phénoménologie
transcendantale permettent de reprendre à nouveaux frais ces questions.
Second semestre : au-delà de la confrontation entre deux grandes phénoménologies de
l’intersubjectivité celle de la totalité spirituelle se divisant et se reconstituant et celle de l’ego
transcendantal constituant autrui et les communautés intermonadiques supérieures nous aborderons
une alternative contemporaine à ces deux modèles: celle développée par Emmanuel Lévinas. En
réintroduisant de façon radicale la transcendance de l’Infini dans la pensée, Emmanuel Lévinas s’est
opposé comme de l’intérieur à la philosophie hégélienne, et par là-même, selon son propre dire, à la
philosophie comme telle. Celle-ci soutiendrait en effet, par principe, que «la transcendance est
toujours à réduire», et qu’il faudrait avec elle reconnaître que « le réel est raisonnable »
1
. En
introduisant l’Infini dans la Totalité, ce qui produit son excès, Lévinas a certes déclaré la guerre à la
guerre, mais il a aussi substitué à la reconnaissance hégélienne une relation immédiatement éthique à
autrui, avant même tout conflit possible. De même, Lévinas a prétendu retrouver, contre Husserl, les
fondements pathiques de l’intentionnalité objectivante dans l’érotisme du rapport à l’Autre.
Enfin, nous nous demanderons si le sens du sens – comme droiture éthique de la signification – est
bien hors langage comme le prétend Lévinas, ou bien s’il ne faut pas rechercher dans le langage lui-
même les fondements de la relation éthique dont parle Lévinas. La rencontre de la philosophie de
l’Esprit de Hegel et de la philosophie de la communication de Habermas est elle aussi nécessaire pour
répondre à cette question. Habermas se positionne en effet comme l’héritier du jeune Hegel, le savoir
absolu en moins. Pour Habermas, il s’agit de penser ce qui est et, ce qui est, c’est une société dominée
par la rationalité instrumentale et les modèles de rentabilité immédiate. Dans ce nouveau contexte,
l’intersubjectivité se met en place dans et par les actes sociaux de la communication et sa
thématisation est indissociable d’une reprise des idéaux critiques du projet philosophique de la
1
E.Lévinas, De Dieu qui vient à l’Idée, Paris, Vrin, 1998, p.126.
modernité. Nous verrons dès lors comment les notions d’acte de langage, de situation de parole idéale,
d’émancipation, d’engagement illocutoire, de communauté de communication et de critique de la
société, s’imposent d’elles-mêmes dans cette nouvelle approche de la relation intersubjective comme
relation morale.
Philosophie Morale et Politique:
S2 - Vendredi 8h-11h
Laurent Lavaud
Qu’est-ce qui dépend de nous ? Réponses antiques et modernes-
Dans la philosophie antique, le cœur de l’existence éthique consiste à circonscrire les rapports entre le
moi et le monde : la vertu réside dans l’exercice d’une libre souveraineté sur soi-même, que les coups
du sort extérieurs ne sauraient menacer. Tous les philosophes n’accordent pas cependant une confiance
égale dans cette souveraine autonomie du sage par rapport aux aléas de la fortune. Aristote, tout en
exposant les modalités de la constitution de l’excellence intérieure, qui est la condition du bonheur,
souligne que le sage lui-même peut être atteint et affecté par les revirements soudains de la fortune.
Les stoïciens en revanche font du soi éthique une « citadelle intérieure », imperméable aux vicissitudes
mondaines. Après avoir exploré les différentes réponses que les philosophes antiques apportent à ce
problème de ce qui dépend en propre de la souveraineté du sage, on interrogera certains
retentissements modernes de ce questionnement : on évoquera ainsi l’injonction cartésienne à
« changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde » ou le renouvellement de la problématique introduit
par l’autonomie kantienne. »
L3/S2. MERCREDI, 12H30-15H30 BERTRAND BINOCHE
L’OBEISSANCE ORDINAIRE
On pose en général la question de l’obéissance sous l’angle de sa légitimité à qui et à quelles
conditions doit-on obéir ? Corrélativement, on pose celle de la désobéissance sous la forme de la
désobéissance civile — dans quels cas précis est-on autorisé à (ou même a-t-on le devoir de)
désobéir ? En procédant ainsi, on occulte le fait de l’obéissance, c’est-à-dire le fait qu’en règle
générale, nous obéissons, sans pour autant que nous nous y sentions obligés au sens juridique du
terme. Mais pourquoi donc, le plus souvent, les hommes obéissent-ils ? Et pourquoi aussi, plus
rarement, éprouvent-ils la nécessité (pas nécessairement le droit) de désobéir ? Tel est le problème de
« l’obéissance ordinaire ».
Esthétique :
Semestre 2
L’activité artistique
L’action de l’artiste semble relever de ce qu’Arendt nommait la vita activa : en créant des
œuvres, voire, plus modestement, en mettant le réel en forme, l’artiste rendrait le monde habitable.
Mais cette appréhension même est problématique. Tout d’abord, est-il pertinent de renvoyer le geste
artistique à une action, par opposition à la contemplation (vita contemplativa) ? Les Rêveries de
Rousseau nous montrent en effet une contemplation active, méthode et matière de l’artiste tout à la
fois. Est-il également si simple de distinguer l’activité artistique des autres actions humaines ? Afin de
cerner ce propre de l’activité artistique, ce cours se chargera de traiter des problèmes historiques de
l’esthétique philosophique, en premier lieu celui de la création. Si l’activité artistique semble
spécifique par sa propension à créer, il s’agira d’abord de problématiser cette évidence apparente dans
le contexte d’une histoire des idées et dans un détour par les concepts de génie, d’invention et de style,
dont il convient de proposer une généalogie. Il s’agira également de mieux cerner la mise en forme
dont il est question ici. En examinant quels ont été les critères de cette dernière, ce cours examinera
plusieurs modèles poétique et poïétiques, qui ne sont d’ailleurs pas exclusifs : normativité du rapport
au réel et à sa connaissance (mimésis), organisation du matériau sensible dans sa formalité
(composition), objectivation d’une vérité intuitive (expression)… Il examinera des modalités
différentes du geste artistique, pris entre temporalité et spatialité, régime allographique et
autographique. Cette thématique invitera également à une réflexion sur des terrains contemporains, par
l’étude de la performance ou de l’improvisation, activités qui posent à nouveaux frais la question de la
responsabilité de l’artiste. Enfin, ce thème invite le philosophe à penser la réflexivité de l’activi
artistique, cette dernière se disant elle-même dans des écrits qui lèguent une tâche d’interprétation au
philosophe.
Philosophie du Droit :
lundi 8h-11h - Olivier Chassaing
Les normes du crime : philosophie du droit et justice pénale.
La philosophie du droit s’est interrogée au XXe siècle sur les concepts de norme, de permission,
d’obligation ou d’interdiction, en prenant le droit pénal pour objet privilégié, comme noyau dur de tout
système juridique. Au sein du positivisme juridique, courant qui définit le droit comme le produit
d’actes et de conventions, plusieurs tentatives pour saisir les normes pénales se sont opposées, en
faisant surgir de plus vastes questions sur la manière dont les individus obéissent à l’ordre juridique.
Ainsi, pour H. Kelsen, le droit pénal se trouve paradoxalement dépourvu de véritables impératifs,
d’interdictions substantielles imposées aux individus, et se restreint en sa structure à un certain régime
de sanction, de normes obligeant les autorités judiciaires à réprimer les actes définis comme délits ou
crimes. La question est alors de savoir si cette approche ne réduit pas indûment la définition des lois
pénales, en oubliant que le droit exerce un pouvoir sur les comportements et les croyances, qu’il
impose des interdictions aux individus, et que le crime en constitue la transgression. En réponse, H. L.
A. Hart défend que la philosophie du droit doit tenir compte des fonctions sociales de la peine, pour ne
pas réduire le droit pénale à des normes abstraites de sanction, ou à la seule activité des tribunaux
répressifs : lorsque le législateur incrimine certaines conduites, une forme d’obéissance sociale est
recherchée, un modèle de comportement est affirmé, et l’oublier aboutit à déformer la connaissance du
droit.
C’est ce problème que nous étudierons, à travers trois temps : nous reviendrons tout d’abord sur le
débat entre Kelsen et Hart pour cerner la nature de l’autorité et de la contrainte exercées par la loi
pénale. Puis, nous aborderons les limites du positivisme juridique dans l’analyse des fonctions sociales
de la peine, face à certaines approches critiques du droit ; pour en dégager enfin les répercussions sur
le problème délicat des justifications de la peine.
Lyess Bouderbala – Jeudi 8h-11h
Violence et droit : le problème du droit de la guerre
Le cours examinera les différents rapports que peuvent entretenir la violence et le droit.
Ordinairement, la violence est prise pour une contradiction du droit, elle serait précisément que ce que
le droit cherche à faire taire. Pour autant, une distinction entre les formes de violence (injure, révolte,
guérilla, révolution, etc.) permettra de montrer que la violence peut également être à l’origine d’une
fondation du droit.
Plus précisément, nous essayerons de penser dans quelles mesures la guerre, violence conçue comme
la plus extrême qui soit, peut être compatible avec le droit. A priori tout paraît séparer ces deux
concepts. La guerre est destructrice de l’ordre établi par les sociétés, et mortifère pour ceux qui la font
et qui la subissent. Le droit, quant à lui, consiste en un ensemble permissions juridiques garantissant
une protection pour les personnes. En ce sens, la guerre est une sortie du cadre du droit : au sein de
l’État prévaut le droit alors qu’entre les États règne la loi du plus fort. En suivant plusieurs doctrines
de la guerre juste, nous considérerons la thèse selon laquelle la guerre demeure soumise au droit,
impliquant qu’elle ne puisse pas être entreprise pour n’importe quelles causes et que tout ne puisse pas
être fait pendant les hostilités.
Epistémologie :
Max KISTLER : Philosophie de la psychologie Lundi 11h-14h
Nous retraçons quelques étapes de la réflexion du 20e siècle sur la nature de l’esprit et des
phénomènes mentaux, dans leur rapport avec le cerveau. Il s’agit de comprendre l’articulation entre les
phénomènes étudiés par la psychologie scientifique et accessibles à l’intuition en première personne et
les phénomènes cérébraux sous-jacents étudiés par les neurosciences. Pour comprendre cette
articulation nous partons des concepts de réduction inter-théorique et de « survenance ». Nous
examinons les obstacles conceptuels qui semblent s’opposer à l’intégration du domaine de la cognition
dans les sciences de la nature, notamment la conscience phénoménale et l’intentionnalité. Puis nous
examinons différentes tentatives « naturalistes » de surmonter ces obstacles, notamment : le
béhaviorisme logique ; la théorie de l'identité selon laquelle les états mentaux sont identiques à des
états du cerveau ; l'éliminativisme qui soutient que tout le système conceptuel des états mentaux est
désuet et voué à disparaître au profit d'une conception neuro-scientifique ; le fonctionnalisme qui
conçoit les états mentaux grâce à l'analogie avec la machine manipulant des symboles qu'est
l'ordinateur. Le plan du cours et certains des textes étudies sont disponibles sur l’EPI :
https://cours.univ-paris1.fr/course/view.php?id=698.
Histoire des sciences :
Ronan DE CALAN : À la gauche de Freud. Psychanalyse et critique sociale en Europe centrale
(1918-1938) Vendredi 11h-14h
On rappellerait en vain l’un des verdicts de la critique contemporaine de la psychanalyse : « science
bourgeoise », ou pire, « idéologie de la bourgeoisie ». A considérer l’état des lieux de la psychanalyse
aujourd’hui, on aurait du mal à lui reconnaître le statut de science, pas plus du reste celle de discipline
tant elle semble encore être attachée à un voire deux noms : Freud, Lacan. C’est un corpus, au mieux,
soit une, deux, quelques œuvres qu’on ne saurait arracher à leurs auteurs. Or, non seulement la
psychanalyse s’est constituée comme discipline, en particulier pour la seconde génération d’analyste,
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