Il est ainsi nécessaire que la « philosophie de l’éducation », ou ce champ de recherche particulier qu’est
la philosophie s’intéressant à l’éducation puisse se situer par rapport à la philosophie qui a bien d’autres
objets , et par rapport aux sciences humaines.
Quant au titre, il indique que la philosophie est « saisie par l’éducation », soulignant ainsi que
l’éducation est une question centrale, abordée par les philosophes, directement ou indirectement, dès
qu’ils s’interrogent sur le savoir, sa valeur et les conditions de sa transmission, le bien, le plaisir, la
curiosité, les finalités d’une insertion dans la société, l’égalité, la culture, la formation morale, l’Etat,
l’imagination, l’art, le corps…Donc peuvent s’y retrouver l’épistémologie, l’éthique, la philosophie
politique, l’esthétique…
Il existe des recherches scientifiques sur l’éducation : l’analyse des causes de l’échec scolaire, de la
violence, et des prises de position sur l’autorité, sur les fonctions de l’école, sur la culture
commune...Les sciences humaines apportent des connaissances nouvelles dont la philosophie doit tenir
compte. Mais ces connaissances nouvelles qui ne se suffisent pas à elles-mêmes et méritent qu’on les
interroge, qu’on les confronte à leurs présupposés ou leurs conséquences, qu’on en voie les origines plus
ou moins explicites et les parentés avec certains systèmes de pensée anciens ou récents.
Un besoin d’élucidation, de pause réflexive, se manifeste ainsi. C’est ce que la philosophie peut
apporter. Ce qui ne veut pas dire qu’il y aurait une sorte de prise de pouvoir des philosophes, car les
producteurs de résultats dans les sciences humaines peuvent aussi développer des réflexions de type
philosophique, s’interroger sur les fondements et la finalité…mais il est bon que des « spécialistes » de
la réflexion philosophique, qui ont eu pour métier de pratiquer les anciens ou récents auteurs, qui
s’attachent à comprendre la réalité qui les entoure, qui ont cette curiosité un peu maniaque et cette
conviction que rien ne va de soi, en un mot, qui aiment un peu couper les cheveux en quatre — ce qui
est une bonne chose, car c’est là qu’on découvre de l’inattendu — il est bon, donc, que des chercheurs
qui se veulent philosophes, puissent en quelque sorte offrir leurs services.
Ce colloque a donc plusieurs fonctions :
Tout d’abord, fournir des exemples de ce que la philosophie peut apporter aux réflexions sur
l’éducation, montrer quelles questions se posent encore, récurrentes peut-être parfois, mais modifiées
par des connaissances ou des réflexions nouvelles. Par exemple sur la question de l’égalité des chances,
on ne peut faire l’impasse sur Aristote ou Rousseau (ou au moins les avoir en mémoire), mais on doit
tenir compte aussi des réflexions plus récentes autour de la pensée de Rawls sur l’équité. Sans penser les
choses d’ailleurs en termes de progrès, mais au moins en considérant qu’il s’agit d’un nouvel éclairage.
Ensuite, donner la possibilité à des chercheurs qui se réclament de la philosophie, mais parfois de façon
très différente, voire, pourquoi pas, conflictuelle, de se rencontrer, de s’écouter, d’évoluer dans leurs
positions ou de mieux affirmer leurs convictions. On peut découvrir que Untel a fait les mêmes
recherches et qu’il y a des convergences, un promesse de collaboration possible, on peut découvrir au
contraire des oppositions radicales et vouloir les cultiver. Mais au moins avoir dépassé l’ignorance
mutuelle
Une troisième fonction de ce colloque de 2003 est de faire écho au colloque qui avait eu lieu il y a dix
ans à Dijon, dans le cadre de l’IUFM, sous l’impulsion de Hubert Hannoun et avec le soutien de Jean-
Claude Eicher, alors directeur de l’IUFM, avec la collaboration du Département des Sciences de
l’éducation (Anne-Marie drouin-Hans), et du département de philosophie (Jean Gayon).
Il s’agissait à l’époque (1993) de voir le rôle de la philosophie de l’éducation dans la formation des
maîtres. C’était au moins la question-pivot. La publication qui s’en est suivie en 1994, dans la collection
du CNDP, Pour une philosophie de l’éducation, montre que le questionnement s’est élargi à des
interrogations sur le rôle et la valeur de la philosophie de l’éducation, sur ses rapports avec l’histoire, la
didactique etc.