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« Afrique, mondialisation et Francophonie »
Exposé de Blaise Compaoré,
Docteur honoris causa de l’université Jean Moulin.
Lyon, le23 avril 2004
Monsieur le Président de l'Université Jean Moulin,
Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Honorables invités,
C'est pour moi un très grand honneur d'être élevé aujourd'hui au grade de Docteur
Honoris Causa de l'Université Jean Moulin qui te cette année ses trente ans d'existence.
Cette journée est aussi porteuse pour moi d'un double motif de fierté. Fierté d'abord,
Monsieur le Président, de recevoir une si haute distinction de votre prestigieuse
Université à laquelle le Burkina est très attaché.
Fierté ensuite de me retrouver parmi tant d'esprits de haute valeur amis de mon pays.
Je voudrais vous exprimer mes remerciements après avoir écouté tout ce qui vient d'être
dit avec talent et générosité à l'endroit du Burkina et de ma personne.
Je ne ferai pas ici l'analyse de ce que j'ai pu réaliser en faveur de l'Afrique. Je voudrais
retenir que l'essentiel s'acquiert finalement par le travail, la persévérance, la conviction, et
l'obstination dans les meilleurs choix au profit des populations.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Le sérieux, la qualité des enseignements dispensés, l'ouverture internationale font la
putation de cette grande Université. Permettez-moi d'ajouter que la Francophonie et
plus particulièrement la francophonie universitaire ont, et depuis longtemps, un
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compagnonnage très étroit avec Lyon 3.
En effet, les apports de Lyon dans l'émergence et l'affirmation de la francophonie
universitaire sont très importants. En mars 1987, à l'invitation du Président de l'Université
de Lyon 3, le professeur Jacques GOUDET, le conseil d'administration de l'Association
des Universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF), proposa la
création en son sein de l'Université des Réseaux d'expression française (UREF).
En novembre 1994, aux Assises francophones de la recherche à Abidjan, le Professeur
Christian Philip, député du Rhône, suggéra la mise sur pied de la conférence francophone
des Ministres de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (CONFEMER).
Enfin en février 2001, le Maire de Lyon Monsieur Raymond BARRE inaugura dans
cette Université, une chaire consacrée à l'étude de la Francophonie en tant qu'espace
géopolitique et l'Institut pour l'Etude de la Francophonie et de la Mondialisation
(IFRAMOND).
C'est donc à Lyon que germèrent les fleurons de la coopération francophone.
La décision de l'ensemble de la communauté universitaire de Lyon 3, du Président
GUYOT, des Doyens et de vous-même Monsieur le Président Lavorel, de faire de
la Francophonie un axe prioritaire de son développement est une démarche
visionnaire qui répond à la volonté de faire connaître davantage la communauté
francophone, par les peuples et les décideurs.
Je salue l'idéal défendu par l’Université Jean Moulin, les valeurs qu'elle souhaite
transmettre et faire partager à toute la communauté francophone. Son œuvre humaniste
est aujourd'hui une référence.
Mesdames et Messieurs,
J'ai voulu traiter devant vous du thème « Afrique, Mondialisation et Francophonie»,
d'abord en tant qu'Africain, Chef d'Etat d'un pays pauvre qui s'attache à faire progresser
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son économie et à consolider l'Etat de droit. Ensuite, en tant que hôte du prochain
Sommet de la Francophonie, le dixième, dont le thème porte sur « le développement
durable ».
J'ai souhaité aussi évoquer cette thématique pour des raisons liées à vos propres
engagements. Vous placez délibérément la Francophonie dans la Mondialisation avec un
regard tourné vers les défis de l'avenir et non dans le rétroviseur du passé.
La solidarité, le dialogue et la diversité sont aujourd'hui, selon vous, la raison d'être du
rassemblement francophone que vous concevez comme un laboratoire de l'autre
mondialisation, celle du développement durable.
Dans un élan de solidarité et d'humanisme, vous n'oubliez pas l'Afrique. Votre Université
mène une coopération active avec l'Université de Ouagadougou.
A la prochaine rentrée universitaire, elle envisage d'y délocaliser, dans une perspective
sous-régionale, son master en Administration des Affaires et sa Chaire de la
Francophonie. Ces deux formations seront inaugurées à l'occasion de la tenue du 10ème
Sommet de la Francophonie en novembre prochain.
L'Afrique, continent de plus en plus marginalisé, continent perdu, entend-on dire ici ou là
! Quand le nombre de pays les moins avancés passe en trente ans de 25 à 49, et que
l'Afrique seule en compte 34, il y a évidemment crise. Les reproches i faits à
l'Afrique, à ses élites, à ses peuples en matière de conflits, de gouvemance, de
démocratie et de droits de 1 'Homme sont certes justifiés à bien des égards. Mais
l'on peut aussi se demander si la Communauté internationale offre à l'Afrique des
conditions propices à son nouveau départ.
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Il faut, c'est certain, que les Africains se jettent à bras le corps dans la bataille du
développement et du commerce, se rassemblent pour être forts plutôt que de se laisser
aller à l'émiettement. Comme l'Asie le fait si bien, l'Afrique a besoin de faire de la
croissance de son PIB une obsession permanente. Les pays du Nord, quant à eux, doivent
en finir avec un libéralisme à sens unique et une fausse solidarité.
Dans les secteurs l'Afrique est forte, en agriculture tout particulièrement, et le cas du
coton à cet égard est exemplaire, les subventions données à leurs agriculteurs par les
tenants du libéralisme le plus orthodoxe ruinent les efforts des paysans africains.
Dans d'autres secteurs où, pour devenir compétitive, l'Afrique a besoin de
protection, les mêmes la lui refusent au nom des principes de l'économie de marché.
Ce libéralisme ambigu, sinon hypocrite, va de pair avec une solidarité qui ne s'en
donne pas les moyens. Pour s'en convaincre, il suffit de prendre en compte la
diminution générale observée, ces dernières années, de la part du PNB des pays du
G8 consacrée à l'Aide publique au développement.
Je voudrais vous dire que si l'Afrique blessée des guerres et des massacres, de la
corruption et du sous-développement existe bien comme le ressassent certains médias, il
existe aussi une Afrique qui change, qui tourne la page, qui mue et renaît. Nous devons
nous attacher, et les médias avec nous, à faire connaître, à mettre en lumière la
restructuration politique, économique et sociale de l'Afrique qui est en marche et
contribuer ainsi à l'amélioration de son image.
Je voudrais vous dire encore, puisque je m'exprime aujourd'hui en France, que nos destins
sont structurellement et intimement liés. L'Afrique est, en effet, votre Sud incontournable
: un Sud géographique, un Sud que vous avez colonisé en mêlant exploitation et
assistance. Votre Sud religieux aussi se côtoient, comme en Europe aujourd'hui; la
Chrétienté; l'Islam et le Judaïsme. Votre Sud d'immigration, une immigration qu'il nous
faut maîtriser dans l'intérêt bien compris de chacun.
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Mais le contexte change. La mondialisation s'invite à la table. Réalité inévitable, fruit des
progrès technologiques qui font de la mobilité et de l'échange les moteurs de l'évolution
du monde dans toutes ses composantes, la mondialisation est irréversible et accélère sans
cesse son mouvement.
Mesdames et Messieurs,
Ce qui est en cause, dans ce processus de mondialisation, c'est sa philosophie de mise en
œuvre. Peut-on se satisfaire de l'actuelle «globalisation» libérale, financière et marchande
? Elle n'est pas bonne, même si elle encourage l'initiative. Ses dangers sont connus :
uniformisation des cultures, des langues. C'est l'antidiversité. Elle laisse les pays pauvres,
ceux d'Afrique en particulier, au bord du chemin.
Les événements tragiques du 11 septembre 2001, l'évolution dramatique du conflit
israélo-palestinien, la crise irakienne, mettent en relief le péril des laissés-pour-
compte d'un manque de justice et de solidarité internationale.
Ces événements nous interpellent tous sur le besoin de diversité linguistique et culturelle,
sur l'urgence d'un dialogue entre le Nord et le Sud, entre l'Occident et les autres mondes,
notamment arabe et musulman. On réclame une «autre mondialisatioplus solidaire et
plus respectueuse de l'Homme. La montée et l'influence des mouvements alter
mondialistes le montrent éloquemment.
En ce début de millénaire, le spectre d'un affrontement des cultures et des civilisations, ou
disons plutôt, d'un affrontement des ignorances, annonce des temps dangereux.
Désamorcer les intégrismes, c'est, pour beaucoup, savoir répondre au besoin de
solidarité, de diversité qui apparaît aujourd'hui en pleine lumière. C'est à ce niveau que la
mondialisation rencontre la Francophonie.
En ajoutant au volet liberté, la solidarité qui apporte une protection de l'individu
par le groupe, en allant vers la civilisation de l'universel par la synthèse des
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