Angleterre. Malgré l’assassinat de Paul Ier et le bombardement de Copenhague par la flotte
britannique qui précipitent la dissolution de la Ligue des Neutres, le nouveau secrétaire au
Foreign Office, Hawkesbury, est décidé à traiter avec la France. Au terme de négociations
orageuses, la paix d’Amiens est signée le 25 mars 1802 par Cornwallis et Joseph Bonaparte.
Paix précaire en réalité, Sheridan, reprenant aux Communes un mot de Burke qui voyait
en 1790 «un vide à la place de la France sur la carte de l’Europe», s’exclamait: «Regardez
maintenant cette carte, on n’y aperçoit partout que la France!» C’est dire que l’attention de
l’Angleterre restait en éveil devant les visées expansionnistes du Premier consul, notamment
en Méditerranée. En avril 1803 c’est à nouveau la rupture; la guerre, cette fois, ne se
terminera qu’à Waterloo.
3. Le redressement intérieur
La Constitution de l’an VIII instituait quatre assemblées: le Conseil d’État, le Tribunat, le
Corps législatif et le Sénat. L’expérience révolutionnaire avait montré le danger des
entraînements ou des improvisations d’assemblée. Les conseillers d’État élaboraient les lois;
les tribuns les discutaient sans les voter; les législateurs les votaient sans les discuter,
tranchant les éventuels conflits entre les deux précédentes assemblées; le Sénat,
inamovible, veillait au respect de la Constitution.
Décennaux et rééligibles, trois consuls remplacent les cinq directeurs, mais il existe entre
eux une hiérarchie. En fait, seul le Premier consul exerce vraiment le pouvoir présidentiel, ce
pouvoir «à l’américaine» qu’avaient tant redouté les révolutionnaires. Il promulgue les lois,
nomme et révoque ministres, conseillers d’État, ambassadeurs, officiers... Les deux autres
ont seulement voix consultative. «Qu’y a-t-il dans la Constitution? dit-on à Paris. Il y a
Bonaparte.»
Assuré par le référendum – première manifestation d’un régime qui se voudra plébiscitaire
– de l’appui des Français, le Premier consul se met au travail, remarquablement conseillé
par ses deux collègues, Cambacérès et Lebrun.
De toutes ses créations, la plus importante est l’organisation par la loi du 28 pluviôse
(17 févr. 1800) de l’administration régionale et locale fondée sur une base – centralisation à
restaurer et vie provinciale et communale à respecter – dont un siècle et demi de
changements de régime a confirmé l’habile compromis. Dans le cadre général des
départements (98, y compris la Belgique et Genève), 400 subdivisions, appelées
arrondissements, groupent les communes. À la tête de ces différentes divisions
administratives sont placés un préfet, un sous-préfet, un maire, respectivement assistés de
trois conseils: général, d’arrondissement, municipal.
Alors que les juges comme les administrateurs deviennent des fonctionnaires nommés et
appointés par l’Exécutif (avec toutefois maintien du jury), la loi du 27 ventôse (18 mars 1800)
installe près de chaque tribunal un commissaire du gouvernement, reconstitue des cours
d’appel et coiffe l’ensemble des juridictions d’une Cour de cassation nommée par le Sénat.
Tandis que l’unification du droit français est confiée au Conseil d’État, l’indispensable
redressement financier fait naître une autre hiérarchie de fonctionnaires pour remédier aux
abus des fermes et autres modes de perception: des directeurs et contrôleurs des
contributions sont établis pour la répartition de l’impôt, des receveurs et des percepteurs
pour son recouvrement. Gavidin, grand maître des finances, restaure le crédit et rétablit
l’équilibre budgétaire. Il s’agissait surtout d’avoir un établissement bancaire dont les billets
échappent au souvenir fâcheux des assignats. La Banque de France, créée en février 1800,
est d’abord un établissement privé, mais contrôlé par l’État: elle est autorisée à émettre un
papier-monnaie accepté pour sa valeur intégrale par les caisses publiques. Quant au retour
à la monnaie de cuivre, d’argent et d’or, il est à l’origine de la prestigieuse vitalité du franc
germinal.