Fin de vie Prise de position du Conseil Supérieur des Personnes Agées Au cours des derniers mois le Conseil Supérieur des Personnes Agées a examiné les problèmes qui se posent actuellement en rapport avec la fin de vie. Le Conseil Supérieur des Personnes Agées constate que la grande majorité des personnes concernées désirent passer les derniers moments de leur vie dans l’ambiance sécurisante du foyer familial et entourées des leurs. De fait, près de 80 % meurent dans des institutions médico-sociales. Le Conseil Supérieur des Personnes Agées est conscient de l’évolution spectaculaire au niveau de l’organisation de la vie familiale. En règle générale, les membres adultes de la communauté familiale quittent le domicile pour exercer leur profession à l’extérieur. Pendant de longues heures ils ne sont guère disponibles pour s’occuper de celles ou de ceux qui, à la maison, requièrent des aides ou des soins. En outre, les données statistiques soulignent que le nombre des personnes qui vivent seules augmente régulièrement et que les seniors en premier sont concernés par cette évolution. On peut conclure que les familles sont de moins en moins en mesure de garantir par leurs seuls moyens l’encadrement de leurs membres dépendants et/ou en fin de vie. Grâce aux progrès spectaculaires de la médecine et des technologies auxquelles elle a recours, les malades bénéficient de chances de guérison grandement améliorées. Le Conseil Supérieur des Personnes Agées salue cette évolution tout en s’inquiétant de ce que dans de nombreuses situations des technologies médicales continuent à être mises en œuvre au chef de malades qui n’ont plus aucune chance de guérison. De telles pratiques d’acharnement thérapeutique volent aux patients concernés des moments de répit et de confort auxquels ils aspirent tout particulièrement dans leurs dernières heures. Paradoxalement une médecine qui, face aux patients mourants, n’étale que ses dispositifs curatifs leur ferme les espaces de vie et de liberté dont ils pourraient jouir. Le Conseil Supérieur des Personnes Agées revendique l’institution légale de la possibilité pour le médecin de s’abstenir dans de telles situations du recours à de traitements curatifs ayant pour seul objectif de retarder artificiellement la mort. Tous nos concitoyens, indépendamment de leurs convictions philosophiques et religieuses, plaident pour le droit de la personne en fin de vie à une mort qui respecte sa dignité humaine. Le Conseil Supérieur des Personnes Agées note que de très nombreuses personnes optent pour ces raisons pour une légalisation sinon au moins une dépénalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté. Leur cause est notamment plaidée par l’Association pour le Droit de Mourir en Dignité Lëtzebuerg (ADMD-L). Les défenseurs de cette option considèrent que l’individu, pour autant qu’il soit capable de décisions libres et éclairées, a le droit indéniable de choisir lui-même du moment de sa mort et d’avoir accès à des moyens de la provoquer sans souffrir. Les défenseurs de l’euthanasie affirment que des mourants, malgré la qualité des soins palliatifs dont ils bénéficient, refusent de supporter les inconforts et les souffrances liés à leur situation et ne voudraient plus constituer une charge pour autrui. Ils soulignent également les risques 1 d’abus qui sont liés à la pratique non réglementée mais effective de l’euthanasie dans notre pays. Le débat social récent autour du thème de la fin de vie relève que de très nombreux adversaires de l’euthanasie s’opposent à l’introduction d’une loi qui la dépénalise. Ils craignent surtout des abus potentiels et soulignent que le désir de vie ou de mort du patient peut rapidement évoluer au cours de sa maladie. Ils font valoir que des états de dépression peuvent alterner avec des moments de remotivation. En plus il y a lieu de constater que de nombreux malades, surtout à l’approche de la mort, semblent perdre progressivement des facultés mentales qui leur permettent de prendre des décisions libres et éclairées. Ceci vaut notamment pour les seniors affectés de troubles démentiels. Selon les adversaires de l’euthanasie, les progrès et la généralisation des soins palliatifs devraient garantir à toute personne en fin de vie une mort digne. Le Conseil Supérieur des Personnes Agées se félicite des progrès incontestables de l’accueil, des soins et de la médecine palliatifs au Luxembourg. Des projets pionniers de soins palliatifs ont été institués depuis une dizaine d’années dans les grands centres hospitaliers du Luxembourg. On peut affirmer qu’aujourd’hui tout hôpital luxembourgeois contribue à la promotion des soins palliatifs par des initiatives diverses : unité spécifique de soins palliatifs, équipe spécifique ambulatoire, soins palliatifs intégrés, continuation des soins palliatifs au domicile…. De nombreux services pour personnes âgées suivent cette évolution et mettent en place des dispositifs appropriés pour mieux entourer leurs pensionnaires en fin de vie. Un rôle prépondérant revient sans doute à l’association Omega 90 qui a été fondée en 1989 par l’asbl Amiperas, Caritas Luxembourg et la Croix-Rouge luxembourgeoise. Omega 90 a investi des ressources considérables pour promouvoir et organiser des projets divers : formation des acteurs professionnels, formation et encadrement des bénévoles, deuil collectif et individuel, assistance aux familles des personnes en fin de vie, organisation de congrès et de séminaires, contribution à la réalisation des projets palliatifs des gestionnaires les plus divers, sensibilisation, documentation… Le Conseil Supérieur des Personnes Agées souligne avec force sa proposition d’instituer par voie de loi le droit de tout citoyen à des soins palliatifs de qualité. Etant donné qu’il n’y a pas de « voie royale » dans le domaine visé, il ne suffira pas de renforcer les dispositifs en place, mais il est indispensable de les diversifier. Ainsi il est urgent d’instituer au plus vite un ou plusieurs centres d’accueil pour personnes en fin de vie (hospices), des équipes de soins palliatifs intervenant en milieu ouvert ainsi qu’un congé spécial au bénéfice des aidants informels. Il est tout à fait souhaitable que les médecins luxembourgeois disposent d’une formation appropriée en médecine palliative. Le Conseil Supérieur des Personnes Agées a étudié avec grand intérêt la question d’un document personnel ayant trait aux dispositions individuelles de fin de vie (testament de fin de vie ou testament biologique). Il est unanime pour appuyer l’institution légale d’un tel dispositif qui permette à un chacun d’exprimer ses desiderata. Le Conseil Supérieur des Personnes Agées souligne une fois de plus qu’un tel document doit pouvoir être modifié à tout moment et qu’il doit être déposé de façon à être accessible en cas de besoin. Comme bien d’autres citoyens les membres du Conseil Supérieur des Personnes Agées éprouvent des difficultés à se prononcer de façon décidée et à une majorité sûre pour ou 2 contre l’euthanasie. S’ils promeuvent avec force et de façon unanime des soins palliatifs de qualité, ils considèrent que le débat ne sera pas clôturé pour autant. Des patients affectés de maladies incurables – leur nombre fût-il réduit – continueront à désirer mourir. C’est avec satisfaction que le Conseil Supérieur des Personnes Agées constate que l’efficacité de la lutte contre la douleur prime sur la sauvegarde de la vie à tout prix. Dans un contexte social et religieux où tous les représentants des institutions concernées admettent le principe de l’application d’analgésiques qui peuvent avoir comme effet secondaire de raccourcir la vie, il est d’autant plus inadmissible que de nos jours des personnes se meurent en supportant des souffrances physiques intolérables. Pour clôturer sa prise de position, le Conseil Supérieur des Personnes Agées félicite tous les intervenants de la sérénité qui a caractérisé les débats récents sur la fin de vie. Conscient de ce que ces débats devront continuer il invite le Gouvernement à réaliser au plus vite les options exprimées à travers les motions votées par la Chambre des Députés le 12 mars 2003. Il désire fortement être associé aux délibérations afférentes par voie d’avis. Le Conseil Supérieur des Personnes Agées demande au Gouvernement d’être consulté pour avis dès qu’un projet de loi est en train d’être élaboré en la matière et avant que le Conseil de Gouvernement ne procède à un vote définitif sur le projet de loi en question. Luxembourg, le 23 avril 2003 Pour le Conseil Supérieur des Personnes Agées Jean BOHLER Président 3