She Okitundu-22-07-2004 : Projet de la nationalité congolaise page 2 sur 5
R. : En tant qu’individu, je dirai qu’il faut aller avec l’air du temps. Je ne pense pas du tout que la
nationalité exclusive soit conforme à l’évolution du monde actuel. L’expérience de l’Union
européenne et d’autres pays démocratiques est assez révélatrice. Par exemple, vous pouvez
aller en vacances aux Etats-Unis avec votre épouse enceinte qui accouche sur le territoire
américain. L’enfant est automatiquement américain quand bien même il jouit de la nationalité
congolaise qui est exclusive. Comment voulez-vous méconnaître à votre enfant la nationalité
américaine acquise par le fait de la naissance ? D’où, je pense que l’introduction du principe de la
double nationalité ou de la triple nationalité serait, à mon avis, la meilleure des solutions. Mais,
comme François Mitterrand avait dit que le peuple français n’était pas encore mûr pour
accepter le principe du droit de vote à accorder aux étrangers, il s’est réservé de renvoyer la
question pour l’avenir malgré sa conviction. Je dirai la même chose pour notre pays. C’est au
Parlement de décider souverainement. Si le Parlement en arrive à sacraliser le principe de
l’exclusivité de la nationalité, on s’inclinera. Mais le combat sera toujours mené pour faire
aboutir dans notre pays le principe de la double nationalité. Je me rappelle qu’il y a un Congolais
devenu canadien qui est revenu au pays puisque l’un de ses parents était décédé au Kasaï mais il
s’est vu refuser l’accès au Kasaï tout simplement parce que les étrangers étaient interdits de
séjour dans les zones minières. C’était complètement aberrant.
Q. : Quels sont les repères pour l’acquisition de cette nationalité. Est-ce 1885, 1960 ou
simplement par l’un des ascendants de la tribu qui avait déjà acquis cette nationalité allusion
faite au cas Bisengimana ? R. : Selon, mon opinion, en 1985 lorsque Léopold II a pris sa plume
pour dessiner le territoire qui est aujourd’hui la Rd-Congo, il n’a demandé l’avis de personne, que
je sache. Et ce territoire a été avalisé par d’autres puissances réunies à la conférence de Berlin.
Aucune population concernée par cette acquisition n’a été consultée. En 1908 ce territoire
devient une colonie belge, toujours sans autodétermination des Congolais. C’est finalement en
1960 que nous avons accédé à l’indépendance. A mon humble avis, le pacte républicain commence
en 1960. Pour moi aussi, la nationalité congolaise commence en 1960. Ainsi, tous ceux qui
habitaient à l’époque avant 1960, peuvent légitimement prétendre à la nationalité congolaise de
droit. Aujourd’hui si la question a atteint un degré d’émotivité très particulière, c’est
concernant les ressortissants rwandais venus sur notre territoire d’abord à partir de la
révolution sociale au Rwanda. Ces gens sont venus en tant que réfugiés en 1959. Bien entendu,
ces gens doivent être considérés comme des réfugiés sur la base de la Convention de 1951 et ne
doivent pas invoquer le fait qu’ils étaient avant 1960 sur le territoire de la Rd-Congo pour
prétendre à la nationalité congolaise. Mais, il y a un autre problème qui se pose. Voilà des gens
qui n’ont rien demandé et Bisengimana qui était directeur de cabinet du Président Mobutu à
l’époque et qu’il a usé des méthodes qui n’étaient peut-être pas très catholiques pour octroyer
collectivement la nationalité à une certaine catégorie de gens qui vivaient sur le territoire
congolais. A partir de ce moment, ils se sont comportés en tant que Congolais, ils ont voyagé avec
des passeports congolais. Quelques années plus tard, cette nationalité leur est retirée au motif
qu’elle a été acquise de manière irrégulière. C’est le problème qui se pose actuellement dans
notre pays. Et là, je pense que les principes régissant un Etat de droit doivent être de stricte
application.