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She Okitundu : Projet de la nationalité congolaise
Kinshasa le 22/07/2004 ; Propos recueillis par Valentin Makongo
* A propos de la nationalité exclusive, elle n'est pas conforme à l’évolution du monde actuel
* Concernant les repères, la nationalité congolaise commence en 1960
* La relance de la Cepgl devrait être conditionnée par la signature d’un pacte de non-agression
Au cours de l’émission Hôte de marque de la Rtg@ organisée en collaboration avec le
quotidien “ L’Avenir ” et “ Top Congo Fm ”, l’ancien ministre des Droits humains et des Affaires
étrangères et actuellement ambassadeur itinérant du Chef de l’Etat, Léonard She Okitundu, a
éclairé certaines zones d’ombre concernant notamment la question de nationalité, l’amnistie,
l’opportunité de la relance de la Cepgl, l’amnistie et la Cpi. Ci-après la substance de cet
entretien.
Question : Le Gouvernement a adopté le projet de loi sur la nationalité. Quels sont les enjeux de
cette loi, selon vous ?
Réponse : La question de la nationalité est une question déterminante notamment en matière
d’organisation des élections libres, démocratiques et transparentes. Cette question est
controversée depuis plusieurs décennies surtout qu’il y a un groupe de gens à qui une loi avait
accordé collectivement la nationalité et qui a été retirée par la suite. Ces gens se sont sentis
lésés. D’où, la question de la nationalité doit être définitivement réglée par une loi votée par le
Parlement. Cela permet de déblayer le terrain pour les élections.
Q. : Il y a dans l’opinion des gens qui estiment qu’un Parlement non élu n’a pas compétence de
statuer sur une question aussi sensible capitale.
R. : Y avait-il d’autres solutions ? Nous sommes dans une transition qui doit préparer le terrain
pour la stabilisation de la situation politique dans notre pays. On n’avait pas d’autres choix que
de demander à ce parlement de se prononcer sur la question de la nationalité. Sans préconiser
une instabilité législative, ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire. LA condition qui est
posée c’est qu’une loi doit être votée de manière démocratique, pour la revoir il faudrait aussi
user de la voie démocratique. Le Parlement actuel est issu des négociations politiques
laborieusement menées. Aujourd’hui tout le monde attend les élections pour décanter
définitivement la question politique et tout le monde voudrait que ces élections se tiennent dans
les délais prévus par la Constitution et l’Accord global et inclusif. Il faudrait nécessairement
passer par une loi sur la nationalité.
Q. : Selon vous, la nationalité congolaise doit-elle être une et exclusive ?
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R. : En tant qu’individu, je dirai qu’il faut aller avec l’air du temps. Je ne pense pas du tout que la
nationalité exclusive soit conforme à l’évolution du monde actuel. L’expérience de l’Union
européenne et d’autres pays démocratiques est assez révélatrice. Par exemple, vous pouvez
aller en vacances aux Etats-Unis avec votre épouse enceinte qui accouche sur le territoire
américain. L’enfant est automatiquement américain quand bien même il jouit de la nationalité
congolaise qui est exclusive. Comment voulez-vous connaître à votre enfant la nationalité
américaine acquise par le fait de la naissance ? D’où, je pense que l’introduction du principe de la
double nationalité ou de la triple nationalité serait, à mon avis, la meilleure des solutions. Mais,
comme François Mitterrand avait dit que le peuple français n’était pas encore mûr pour
accepter le principe du droit de vote à accorder aux étrangers, il s’est réserde renvoyer la
question pour l’avenir malgré sa conviction. Je dirai la même chose pour notre pays. C’est au
Parlement de décider souverainement. Si le Parlement en arrive à sacraliser le principe de
l’exclusivité de la nationalité, on s’inclinera. Mais le combat sera toujours mené pour faire
aboutir dans notre pays le principe de la double nationalité. Je me rappelle qu’il y a un Congolais
devenu canadien qui est revenu au pays puisque l’un de ses parents était décédé au Kasaï mais il
s’est vu refuser l’accès au Kasaï tout simplement parce que les étrangers étaient interdits de
séjour dans les zones minières. C’était complètement aberrant.
Q. : Quels sont les repères pour l’acquisition de cette nationalité. Est-ce 1885, 1960 ou
simplement par l’un des ascendants de la tribu qui avait déjà acquis cette nationalité allusion
faite au cas Bisengimana ? R. : Selon, mon opinion, en 1985 lorsque Léopold II a pris sa plume
pour dessiner le territoire qui est aujourd’hui la Rd-Congo, il n’a demandé l’avis de personne, que
je sache. Et ce territoire a été avalisé par d’autres puissances réunies à la conférence de Berlin.
Aucune population concernée par cette acquisition n’a été consultée. En 1908 ce territoire
devient une colonie belge, toujours sans autodétermination des Congolais. C’est finalement en
1960 que nous avons accédé à l’indépendance. A mon humble avis, le pacte républicain commence
en 1960. Pour moi aussi, la nationalité congolaise commence en 1960. Ainsi, tous ceux qui
habitaient à l’époque avant 1960, peuvent légitimement prétendre à la nationalité congolaise de
droit. Aujourd’hui si la question a atteint un degré d’émotivité très particulière, c’est
concernant les ressortissants rwandais venus sur notre territoire d’abord à partir de la
révolution sociale au Rwanda. Ces gens sont venus en tant que réfugiés en 1959. Bien entendu,
ces gens doivent être considérés comme des réfugiés sur la base de la Convention de 1951 et ne
doivent pas invoquer le fait qu’ils étaient avant 1960 sur le territoire de la Rd-Congo pour
prétendre à la nationalité congolaise. Mais, il y a un autre problème qui se pose. Voilà des gens
qui n’ont rien demandé et Bisengimana qui était directeur de cabinet du Président Mobutu à
l’époque et qu’il a usé des méthodes qui n’étaient peut-être pas très catholiques pour octroyer
collectivement la nationalité à une certaine catégorie de gens qui vivaient sur le territoire
congolais. A partir de ce moment, ils se sont comportés en tant que Congolais, ils ont voyagé avec
des passeports congolais. Quelques années plus tard, cette nationalité leur est retirée au motif
qu’elle a été acquise de manière irrégulière. C’est le problème qui se pose actuellement dans
notre pays. Et là, je pense que les principes régissant un Etat de droit doivent être de stricte
application.
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Q. : En ce qui concerne la double nationalité, vous voulez dire que quelqu’un peut être à la fois
Rwandais et Congolais ou Ougandais et Congolais, sans problème ?
R. : Absolument, au risque de déplaire à une majorité de la population. C’est dans l’évolution du
temps. La question qui se pose aujourd’hui, c’est qu’il faut cessairement se comporter en
véritable citoyen quand bien même ou aurait la double nationalité. C’est toute la question. Chez
nous, la question se pose avec toute acuité puisqu’il y a des gens qui préfèrent faire allégeance à
l’extérieur plutôt qu’à l’Etat congolais. Parmi les gens qui sont accusés de traîtrise, il n’y a pas
que des étrangers.
Q. : Pour les Banyamulenge, être congolais c’est leur droit ou une faveur dont ils doivent
bénéficier ?
R. : Il y a beaucoup de gens qui en parlent mais on ne sait pas exactement ce qu’on entend par
Banyamulenge et les personnes rwandaises sur le territoire congolais. Moi, je vois deux
catégories. Il y a des gens qui sont en Rdc avant même la révolution sociale au Rwanda en 1959
par l’opération d’immigration. A mon avis, ils devront prétendre à la nationalité de jure. Je ne
sais pas ce que va décider le Parlement. La question se pose pour ceux qui sont arrivés en tant
que réfugiés. Pour prétendre à la nationalité congolaise, ils doivent remplir les conditions
requises selon la loi. Le problème se pose aussi pour ceux qui ont cru à tort qu’ils étaient
Congolais parce que le Gouvernement de l’époque avait octroyé collectivement la nationalité à
cette catégorie de personnes et au moment de la Conférence nationale, cette nationalité leur a
été retirée.
Q. : Ceux qui ont bénéficié collectivement de la nationalité, ce n’était pas de leur faute. Il y a un
principe de droit selon lequel l’erreur profite à l’accusé.
R. : C’est toute la question. C’est pourquoi, je dis qu’on devra trouver un traitement particulier
à l’égard de ces gens. Il y a même le principe des droits acquis qui ne peuvent pas être retirés
aussi facilement que ça.
Q. : A celui qui fait la démarche individuellement pour obtenir la nationalité, devra-t-on parler
de petite ou de grande nationalité ?
R. : Franchement, je pense que cette distinction ne serait pas une bonne solution. La nationalité,
on l’a ou ne l’a pas. Quand on reconnaît la nationalité à quelqu’un, il faut la lui reconnaître
pleinement.
Q. : Est-il opportun de relancer la Cepgl aujourd’hui ?
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R. : La tendance maintenant à travers le monde c’est d’évoluer dans des grands ensembles. La
Rdc est à la Sadc et au Comesa. La Cepgl réunissait les pays des Grands-Lacs. On devrait la
relancer. Ce serait une bonne chose. Le problème qui se pose c’est qu’un des pays membres a
agressé la Rdc. Le Rwanda a mené une campagne tambour battant pour normaliser les relations
en nommant même un ambassadeur pour la Rdc. Comment voulez-vous qu’on fasse comme s’il n’y a
rien eu. Je pense que la normalisation doit être conditionnée par certains préalables. La Cepgl ne
peut pas être relancée sans qu’on tienne compte de certains évènements auxquels notre pays a
été confronté. Mais les discussions pour cette relance peuvent avoir lieu.
Q. : Quels peuvent être ces préalables ?
R. : Il y a, par exemple, rien. Les deux pays appartiennent à la Ceac et il y a un pacte de
non-agression qui est prévu. Si le Rwanda prend l’engagement sur le plan formel de ne plus
agresser la Rdc, alors on peut relancer la Cepgl.
Q. : Mais le Rwanda peut signer pour la forme et faire autre chose ?
R. : Les circonstances ne sont plus les mêmes. Aujourd’hui dans le cadre de l’Union africaine il
est prévu des mécanismes pour régler ces problèmes. Si jamais le Rwanda répétait une
agression ouverte contre la Rdc comme en 1998, il y aura levé de boucliers de la communauté
africaine. Actuellement, le Rwanda cherchera énormément de subterfuges pour envoyer des
troupes au Congo. Il ne pourra plus le faire ouvertement.
Q. : Qu’est-ce qui fait que la République mocratique du Congo n’a plus que le droit de réplique
et non de parole au sein de l’Union africaine ?
R. : Vous faites allusions aux arriérés de cotisations que nous avons dans la plupart des
organisations internationales sauf peut-être pour les Nations-Unies. A l’Oua devenue Union
africaine, quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons trouvé les arriérés évalués à 7
millions de Usd. Ces arriérés nous mettaient sous sanctions. Et quand on est sous sanction, on
vous retire le droit à la parole, le droit de vote, le droit de proposer des candidats dans les
organes. Aujourd’hui, on arrive à 9,6 millions de Usd. Pour sortir des sanctions il faut libérer au
moins la moitié de cette somme, donc au moins 5 millions de Usd.
Q. : La Cour pénale internationale a été saisie par le Chef de l’Etat sur les crimes commis au
Congo. Ne serait-ce pas contradictoire par rapport au décret sur l’amnistie signé par le même
Chef de l’Etat ?
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R. : Il convient de dissocier les infractions qui font l’objet du décret précité qui ne sont pas de
nature à menacer la paix, la sécurité et le bien-être de l’humanité, des crimes imprescriptibles
que sont le génocide, les crimes de guerre ou les crimes contre l’humanité. Ce sont des crimes de
portée internationale. Et l’imprescriptibilité procède de la dangerosité que représente un crime
vis-à-vis tant de la société que de la communauté internationale. Le Chef de l’Etat a décrété
l’amnistie pour les faits de guerre, les infractions politiques et les délits d’opinion. C’était pour
créer la détente entre les acteurs politiques après les négociations politiques et sécuriser ceux
qui devaient partir des territoires occupés pour regagner la capitale.
Q. : Quid des immunités vis-à-vis des personnalités spécialement protégées au regard des
fonctions officielles qu’elles occupent ?
R. : Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle
d’une personne, en vertu du droit interne ou droit international, n’empêchent pas la Cour
d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne. C’est ce que stipule le point 2 de l’article
27 du Statut de Rome, relatif au défaut de pertinence de la qualité officielle. Et le point 1 du
même article stipule : Le présent Statut s’applique à tous de manière égale, sans aucune
distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier la qualité officielle de Chef de l’Etat ou
de Gouvernement, de membre d’un gouvernement, d’un Parlement, de représentant élu ou
d’agent d’un Etat, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent
Statut, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine.
Propos recueillis par Valentin Makongo
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