CHAPITRE 4 : LA GUERRE FROIDE (1945-1991)
Au lendemain de la guerre se produit un fait massif dans l’histoire européenne :
l’expansion communiste c'est à dire soviétique dans la moitié orientale. Une conquête menée
au XXème siècle par des Européens en Europe même au nom de la révolution communiste.
Évidemment les Américains vont s’inquiéter et tenter de contenir cette expansion. Aussi,
dès la paix revenue, la Grande Alliance issue de la guerre est brisée. Cependant, les deux
anciens alliés ne s’affronteront jamais directement : ils le feront par États interposés et aux
limites de leur zone d’influence : c’est la guerre froide.
1°/ La guerre froide en ses commencements (1946-1949)
a) L’expansion fulgurante du communisme en Europe de l’Est
1945-46 : triomphe communiste en Europe de l’Est
Pologne, Roumanie, Bulgarie, Hongrie et Tchécoslovaquie ont été délivrées de l’armée
allemande par l’armée rouge. Dès cette « libération » sont mis sur pieds des gouvernements
de coalition baptisés front nationaux qui comprennent tous les partis de gauche (socialistes,
communistes, agrariens ( = agricoles)) et même les libéraux en Tchécoslovaquie.
Les communistes confortés par la présence de l’énorme armée rouge s’attribuent les postes
clés du gouvernement (ministères de l’intérieur, de la justice, de l’armée, de l’économie). En
même temps, ils infiltrent (noyautent) les syndicats. Ce noyautage est la tactique du Cheval
de Troie. Bientôt, ils éliminent leurs partenaires des gouvernements par la tactique du salami
(élimination tranche par tranche, un par un).
Dès 1946 s’installent partout des dictatures communistes. Ce triomphe est celui de
l’URSS puisque les dirigeants communistes indigènes montrent un attachement indéfectible à
l’URSS, la patrie du socialisme, leur « patrie ».
1946 : l’ébranlement de la Grande Alliance
Les Américains ne pouvaient que s’inquiéter de cette poussée soviétique à l’Est. s août
1945, Truman a mis fin au « prêt-bail » en faveur du régime soviétique. En juillet 1945, à
Potsdam, l’accord s’était avéré impossible sur l’Allemagne. Les Américains estimaient qu’ils
n’avaient plus à faire de concessions puisqu’en raison de leur monopole sur la terrifiante
arme nucléaire, le rapport militaire avait de nouveau basculé en leur faveur.
Or, cette même année 1946, les Russes ne se contentent pas de pousser leurs pions en
Europe mais aussi au Moyen-Orient. Ils réclament un droit de contrôle sur les détroits turcs
et en Iran, ils ne retirent pas leur armée intervenue au Nord du pays. Les États-Unis
réagissent en envoyant une flotte dans les détroits exigeant et obtenant le retrait de l’armée
rouge d’Iran. En Grèce, les communistes grecs soutenus par Staline réveillent la guerre
civile en mars 1946 bafouant l’accord de Yalta. L’armée anglaise intervient pour réprimer la
révolte.
Ce même mois de mars 1946 à Fulton, Churchill devant Truman dénonce le rideau de
fer qui « de Trieste à la Baltique coupe le monde libre de l’Europe de l’Est ». Et il reprochait
aux Russes de ne pas respecter les accords de Yalta c'est à dire l’institution de
gouvernements européens après des élections libres.
Cependant, en février 1947, la Grande-Bretagne, en plein désarroi économique et
financier et au zénith de ses difficultés en Palestine, cède officiellement son patronage de la
Grèce aux États-Unis. D’ailleurs, le 15 août 1947, c’est l’indépendance de l’Inde : la Grèce
était sur la route des Indes. En quelques mois, la main passe des anciens maîtres aux
nouveaux.
b) 1947 : la rupture de la Grande-Alliance
Cette rupture se passe en trois temps.
Le discours Truman
Pour les États-Unis, l’alternative est simple : soit ils laissent le vide en méditerranée, un vide que comblera
l’URSS soit ils interviennent. Ils se décident donc à reprendre en Grèce le rôle tutélaire tenu jusque là par les
Anglais.
Le 12 mars 1947, Truman demande au Congrès le vote d’un crédit de 400 millions de
dollars pour aider la Grèce et la Turquie. Son discours justifiant sa requête annonce « le
soutien de l’Amérique aux pays libres » : il s’agit de bloquer l’expansion communiste. Ce
discours est le « containment » ou « endiguement »
Ce soutien aux pays libres comprend un volet financier (crédits à la Grèce et à la
Turquie), le plan Marshall, un volet politique avec le départ des ministres communistes à
l’Ouest et un volet militaire, l’Amérique suspendant sa démobilisation.
Le plan Marshall
Le 5 juin 1947, Marshall, dans un discours à Harvard, propose à toute l’Europe y
compris à l’Est l’assistance économique et financière des Etats-Unis.
Deux objectifs sont visés. Un objectif politique : en reconstruisant l’Europe, écarter la
misère en Europe pour qu’elle ne bascule pas dans le communisme. Un objectif
économique : reconstruire l’Europe pour qu’elle redevienne solvable et que soit relancé le
commerce Atlantique et évité l’engorgement des États-Unis.
Fin juin début juillet 1947, les Européens tiennent une conférence à Paris pour donner
leur réponse : l’Europe de l’Ouest accepte tandis que Moscou refuse. Mais à l’Est tout le
monde n’était pas d’accord avec Moscou. L’Europe de l’Est était, depuis toujours, tributaire
de l’Ouest pour tout (capitaux, équipements). Avant 1939, ils étaient intégrés au système
économique de l’Allemagne.
Dès 1946, les échanges se réaniment avec l’Ouest : la Tchécoslovaquie a pour fournisseur
les États-Unis et donc sa reconstruction en dépend. Ainsi Prague veut le plan Marshall : le 2
juillet Moscou répond « non », le 4 juillet, Prague pond « oui » et Varsovie s’apprête à faire
de même, le 8 Radio Moscou annonce que Varsovie dit « non », le 10 Prague renonce.
L’Allemagne n’avait pas le droit de coloniser l’Europe de l’Est mais en avait les moyens,
l’URSS n’en a ni le droit ni les moyens.
Le Kominform
En Pologne, en septembre 1947, se réunit une conférence secrète des partis communistes
européens y compris ceux d’Europe de l’Ouest. Le représentant soviétique, Jdanov, y fait un
discours affirmant que le monde est totalement coupé en deux blocs hostiles.
D’un côté le « camp impérialiste » dirigé par les Américains qui ont satellisé les anciens
maîtres du monde et qui s’apprêtent à déclencher une nouvelle guerre. De l’autre, le camp
« anti-impérialiste » ou « camp socialiste » qui regroupe les partis frères communistes
autour du grand frère soviétique afin de lutter contre la menace impérialiste. Ainsi, la rupture
de la Grande Alliance est officiellement consommée.
Le fait que les Russes annoncent la nécessité d’une stratégie défensive n’a pas d’autre but
que de cimenter leur camp. L’offre Marshall a montré l’étendue de la menace pour les
soviétiques. Comme l’URSS n’a pas les moyens de répliquer à l’offensive américaine par
l’arme financière, elle le fait par l’arme politique.
Elle répond aux dollars par l’idéologie en exhumant l’antique Kominterm de Lénine
(1919) sous le mot nouveau de Kominform (bureau d’information communiste). Toutefois les
temps ont changé : les deux institutions n’ont pas la même nature ni le même rôle.
Le Kominform est l'organisme de partis communistes aux pouvoirs. Il est pour
coordonner leur politique et les aligner sur celle de Moscou.
Le Kominform est une situation impériale et le camp "socialiste" n'est rien d'autre que
"l'empire soviétique" (URSS + États vassaux de l'Europe de l'Est).
c) 1948-49 : la poursuite de l’expansion soviétique
Février 1948 : la dernière étape de l’expansion communiste en Europe, le coup de Prague
En Tchécoslovaquie comme ailleurs, il y avait un front national mais avec deux
particularités :
Un PCT plus fort que nulle part ailleurs (avec 38% des voix en 1946)
L’importance du mouvement liral, membre du front national : le président de la
république, Benes, est un libéral.
Si le PC est si fort, c’est parce que la classe ouvrière est développée. En effet, la
Tchécoslovaquie est le seul pays industrialisé de l’Est. La reconstruction de cette industrie est
tributaire des États-Unis. Le veto de Moscou a rompu la solidarité gouvernementale : les
communistes tchèques craignant de se faire isoler prennent les devants.
Ainsi, le 21 février, ils arment une milice ouvrière et le 24 déclenchent une grève générale
provoquant dans la rue une manifestation violente. Le 25 février, Benes cède acceptant la
formation d’un gouvernement uniquement composé de communistes et de partisans. C’est
aussitôt l’épuration massive de l’État. En mai ont lieu des élections : les électeurs ont le choix
entre des bulletins « font national » (communistes et partisans) et des bulletins blancs. En juin
Benes préfère démissionner et meurt en septembre.
Juin 1948 : le schisme yougoslave, échec à l’expansion communiste ?
Le 28 juin 1948, quatre jours après le début du blocus de Berlin, est annoncé l’expulsion
de la Yougoslavie du Kominform. Cette nouvelle fait sensation en Occident car la
Yougoslavie de Tito apparaissait comme la plus fidèle de Moscou. A l’origine de ce schisme
se trouve un conflit de souveraineté : Tito veut des rapports d’état souverain à état souverain
(sur un pied d’égalité).
Les Yougoslaves pensent être en situation d’obtenir un tel rapport car ils ont libéré leur
territoire et l’armée rouge n’y campe pas. Pour s’efforcer de compenser l’absence de leur
armée, les Russes ont envoyé des conseillers qui cherchaient à noyauter le parti communiste
yougoslave. Le PC yougoslave les tient à l’œil dès 1945 et finalement Staline les rappelle en
1948 et tente de dresser la direction du parti communiste contre Tito. Celui-ci a pris les
devants et fait arter les dirigeants yougoslaves pro-staliniens. Les soviétiques défèrent les
litiges devant le Kominform : Tito refuse de s’y rendre et le Kominform l’exclut.
En effet, cette crise couvrait un enjeu qui dépassait de beaucoup celui de la Yougoslavie :
elle mettait en cause la politique impériale de l’URSS dans toute l’Europe de l’Est alors
qu’elle parvenait à sa phase d’achèvement avec un succès total. C’est en 1948 que les
dernières tranches de salami tombent. C’est également en 1948 qu’on généralise les
nationalisations et que le Kominform lance le mot d’ordre de collectivisation des terres.
Ainsi s’instaurent en Europe de l’Est des démocraties populaires c'est à dire des régimes
imités en toute chose de l’URSS. Ainsi se crée un espace est-européen parfaitement
homogène, économiquement tout est collectivisé, socialement il n’y a plus de salariés,
politiquement le parti unique tient tout. Bref un espace impérial baptisé camp socialiste par
Jdanov.
Encore faut-il que les dirigeants nationaux de cette espace restent entièrement dans les
mains de Staline et qu’ils ne soient pas tentés par l’exemple yougoslave. Ainsi en s’appuyant
sur les fidèles partisans, les soviétiques procèdent dès l’été 1948 à la purge des partis
communistes de l’Est : les plus vieux bolcheviques et les plus grands militaires sont jugés et
exécutés (Slansky en Tchécoslovaquie) et sont remplacés par des hommes qui doivent tout à
Staline. Les motifs de leurs condamnations sont trotskisme, sionisme, titisme (trahison par
nationalisme de l’internationalisme prolétarien incarné par Moscou). Le schisme titiste n’a
pas été sans avantage pour renforcer la domination soviétique sur les états vassaux.
L’extension communiste en Asie
Depuis 1927 sévit en Chine une guerre civile opposant le parti communiste chinois de Mao
Zedong et le parti nationaliste chinois de Tchang Kaï-Chek qui dirige le gouvernement
légitime. Le 3 juillet 1937, le Japon envahit la Chine : 8 années de guerre et d’occupation
étrangère ont modifié complètement le rapport de forces des partis chinois à l’avantage des
communistes parce qu’ils ont acquis une double légitimité : celle de la résistance et de la
victoire et celle d’un enracinement populaire. En effet les communistes ont abrogé les dettes
des paysans. En face, le parti de Tchang Kaï-Chek est resté passif.
En janvier 1946, Marshall réussit à faire conclure un armistice entre les deux partis. Cela
ne dure pas et très vite les hostilités reprennent tournant à l’avantage des communistes.
L’armée nationaliste de 4 millions d’hommes suréquipée par les États-Unis est incapable de
s’adapter à la guérilla des communistes : l’une après l’autre, les grandes villes tombent dans
leurs mains et finalement Mao Zedong est élu président de la république populaire de
Chine laquelle est proclamée le 1er octobre 1949.
Quelles sont les conséquences internationales de la victoire de Mao ?
Une grave défaite politique pour les États-Unis : ils ont soutenu de toutes leurs forces
Tchang Kaï-Chek et ils assistent impuissants à la chute de son régime. Il ne leur reste plus
qu’à maintenir la fiction d’une Chine nationaliste installée à Formose (Taiwan)
Tchang Kaï-Chek s’était réfugié dès la fin 1949. Cette Chine nationaliste n’existe plus
politiquement mais économiquement. Ainsi il existe deux Chines : la Chine populaire de
Mao Zedong et la Chine nationaliste de Tchang Kaï-Chek.
Staline n’a pas beaucoup aidé les communistes chinois car il craignait l’émergence d’une
grande puissance communiste rivale. Mais une fois la victoire de Mao Zedong acquise, il veut
tirer parti de ce formidable élargissement du camp socialiste. Dès janvier 1950, il exige que
la Chine nationaliste cède à la Chine communiste le siège qu’elle occupe à l’ONU.
La guerre froide s’est donc étendue à l’Asie. Truman y applique sa politique de
containment. D’ailleurs, la Chine nationaliste gardera son siège à l’ONU durant 22 ans. En
outre, le relèvement du Japon est mis à l’ordre du jour.
2°/ La guerre froide à son paroxysme : affrontements et organisation des blocs
a) L’affrontement en Allemagne
L’Allemagne au cœur de la guerre froide
Dès Potsdam (juillet 1945) était entamé le processus de division de l’Allemagne puisque
les vainqueurs sont incapables de s’entendre sur son statut. En 1947, l’éclatement officiel de
la guerre froide rend inéluctable la division de l’Allemagne. s lors, Anglais et Américains
fusionnent économiquement leurs zones : c’est la bi-zone. Les français se joignent à eux en
1948 : c’est la trizone. En même temps, les trois alliés décident de créer une monnaie et donc
un État allemand.
Juin 1948 : blocus de Berlin
Staline, le 24 juin 1948, coupe les communications terrestres et l’électricité entre les
secteurs occidentaux de Berlin Ouest et le reste de l’Allemagne occidentale. Ainsi, il attaque
le maillon faible du dispositif d’occupation des occidentaux. Il espère ainsi les forcer à
négocier sur le sort de l’Allemagne et stopper le processus d’unification en cours à l’Ouest ou
alors s’il n’y parvient pas, il fera tomber Berlin Ouest dans la partie orientale.
Le pont rien est la parade choisie par les Américains. Ils relèvent l’épreuve de force
sans provoquer un conflit ouvert donnant ainsi une illustration remarquable de la guerre
froide. Pendant onze mois, grâce à 275 000 vols, les Alliés sauvent Berlin de l’asphyxie : les
soviétiques lèvent le blocus en mai 1949.
La coupure de l’Allemagne
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