Dictionnaire Histoire, économie, finance, géographie (hommes, faits,
mécanismes, entreprises, concepts)
Dirigé par Frédéric Teulon (Paris, Presses universitaires de France, première
édition 1995, deuxième édition 1997)
[26 articles écrits par Hubert Bonin]
BARRE
Raymond Barre (1924/2007) a oeuvré au carrefour de la théorie et de l'action. Ce
professeur d'économie auteur d'un manuel de base réputé (collection Thémis aux Presses
universitaires de France) est devenu un expert auprès du cercle des conseillers et grands
commis proche d'un gaullisme consensuel modernisateur. Directeur du cabinet du
ministre de l'Industrie J.M. Jeanneney en 1959/62, membre de la Commission
européenne, il développe une influence discrète. Il est animé par un esprit gaullien :
soucieux de la puissance tricolore, il est préoccupé du renforcement des structures
industrielles et financières ; européen, il prône un rapprochement monétaire et
économique plus que la supranationalité. Cela explique que, après l'avoir initié à la
pratique gouvernementale comme ministre du Commerce extérieur en janvier-août 1976,
le Président Giscard d'Estaing le choisisse comme Premier Ministre (août 1976-mai 1981)
afin de maintenir la cohésion de la majorité face à la poussée des différences
chiraquiennes. Egalement ministre des Finances en 1976/78, puis épaulé par R. Monory,
ministre de l'Economie en 1978/81, il est chargé de remporter Error! Reference source
not found., alors menacé par une spéculation internationale inquiète de l'inflation. Le
"plan Barre" (gel des prix, hausse des impôts, renforcement de l'encadrement du crédit)
doit marquer l'opinion et les milieux financiers de la volonté du Pouvoir de la faire reculer.
Un maniement haussier des taux d'intervention de la Banque de France sur le marché
monétaire, une politique constante d'emprunts extérieurs à moyen et long termes pour
financer le déficit budgétaire ou les besoins d'équipement nucléaire d'EDF redonnent une
marge de manoeuvre à la France. Du côté des sociétés, afin de modifier la répartition des
gains de productivité entre les salariés et les firmes, trop désavantagées depuis le début des
années 1970, R. Barre lance plusieurs programmes de relance de l'investissement et,
surtout, il entend regonfler durablement les marges bénéficiaires et ainsi favoriser
l'autofinancement à une époque où l'argent cher freine les dépenses d'équipement. La
liberté des prix industriels est rétablie en juin-septembre 1978 après quatre décennies de
blocage ; l'efficacité des circuits du marché doit déterminer désormais les barèmes de prix
et l'allocation des ressources des sociétés. Pour orienter l'épargne des ménages des
investissements fonciers et immobiliers vers le marché financier qui doit acquérir une
envergure indispensable au financement des besoins du secteur public et des firmes, des
mesures fiscales (SICAV Monory) incitent en 1978 les épargnants à souscrire des valeurs
mobilières. En 1979, R. Barre décide un tournant essentiel et durable : les taux à long
terme sont élevés fortement au-dessus des taux à court terme, soit lors de l'émission des
grands emprunts publics, soit par le soutien du rendement des obligations par la Caisse
des dépôts sur le marché lui-même. La Bourse, rassurée par la victoire de la droite en 1978
et confiante dans celle de V. Giscard d'Estaing en 1981, renoue avec la hausse ; les firmes
peuvent faire appel à elle pour placer des obligations et alléger leur endettement bancaire.
L'Etat favorise le financement des firmes moyennes, par des crédits spécifiques ou en
fusionnant la Caisse nationale des marchés de l'Etat et le Crédit hôtelier dans la Crédit
d'équipement des PME. Mais la politique de relance de l'investissement échoue car celui-ci
stagne à son niveau de 1975/76 et les firmes se contentent d'investissements de
productivité (et non de capacité, qui auraient relancé l'offre). Cependant, R. Barre reste