conditions considérablement aggravées par la mondialisation, est donc mon cadre
d’interprétation de la période ouverte par les années 1970.
Il est frappant, de ce point de vue, de constater les nombreuses similitudes que l’on peut
relever entre la crise asiatique de l’été 1997 et les crises qui secouaient le monde capitaliste du
dernier tiers du XIXe siècle à 1914. Dans les deux cas, la crise débute dans les pays émergents
de l’époque, Asie du Sud-est aujourd’hui, “ pays neufs ” (Etats-Unis, Argentine, Australie,
etc) avant 1914. Dans les deux cas, nous sommes en présence, en ce qui concerne les pays
émergents concernés, de structures financières et bancaires particulièrement fragiles et d’un
niveau d’endettement très élevé. Dans les deux cas, la phase d’expansion se caractérise par sa
vigueur, l’euphorie qui l’accompagne, de nettes tendances à la suraccumulation, au
surendettement à court terme et à la spéculation effrénée, boursière et immobilière. Dans les
deux cas, partie de l’un des pays émergents, la crise se propage ensuite aux autres pays qui
sont dans une situation comparable par le biais des retraits de fonds.
Nous avons là une contradiction importante du système: les taux de profit rémunérateurs qui
lui sont indispensables sont obtenus (en partie) grâce à ceux, particulièrement élevés, des
zones émergentes. Mais les capitaux à investir ne peuvent avoir pour origine (pour l’essentiel)
que les pays industrialisés, les zones émergentes ne pouvant y pourvoir à elles seules. Cette
articulation est profondément instable : que les capitaux se retirent brutalement, et c’est la
crise de l’ensemble.
II) C’est bien ce qui s’est passé dans le cas de la crise actuelle, avec pour probable origine
(en Thaïlande, en particulier) une crise de suraccumulation, c’est-à-dire une accumulation qui
s’effectue à un rythme tel qu’elle ne peut maintenir, dans la durée, le taux de profit escompté
par les apporteurs de capitaux. On constate en effet une très rapide croissance de
l’investissement, croissance que, dans ces pays, on ne peut rentabiliser que par la voie des
exportations. Une chute des exportations, ou un ralentissement de leur rythme de croissance
antérieur ou même le fait que l’accélération de leur expansion soit en dessous du rythme
attendu ont mis en évidence les surcapacités, en révélant l’impossibilité de tirer de tout ce
capital le taux de profit espéré. C’est pourquoi les difficultés persistantes des balances
commerciales ont été le point de départ des retraits de fonds, de la chute des monnaies, de
celle des bourses locales, et enfin de l’effondrement de l’activité et d’un marché immobilier
lourdement lesté par les excès spéculatifs antérieurs. La crise s’étend ensuite, dans le sillage
des fuites de capitaux, soit parce que les mêmes déséquilibres sont constatés dans d’autres
pays de la région, soit par simple contagion de la panique.
Partie de l’Asie du sud-est, la diffusion internationale de la crise se fait alors par les voies
habituelles :
1) Chute de la demande, qui propage ses effets de proche en proche
2) Contrecoup des difficultés financières et bancaires sur l’activité (les banques restreignent
les crédits accordés aux entreprises, etc)
3) Chute des prix (des matières premières, ou suite aux fortes dévaluations des monnaies
asiatiques), une chute qui menace les profits
4) Le surendettement, qui contraint à restreindre les dépenses encore plus que ne l’exige la
chute du revenu.
La propagation de la crise n’est donc pas purement financière, contrairement à ce qui a été dit.
Les mécanismes réels ont joué en fait un rôle essentiel. Tel est le cas de la crise russe de l’été