M. F., âgé de quarante cinq ans, est hospitalisé dans un hôpital de secteur
depuis quatorze ans. Ses troubles schizophréniques l'ont autrefois conduit dans
une Unité pour Malades Difficiles, il avait mis le feu dans la chambre d'un autre
patient. En plus de son passé qui fait peur, son état clinique — incurie,
tabagisme, stéréotypies — lasse l'équipe pavillonaire qui se sent par ailleurs
abandonnée par l'extra-hospitalier (foyer de post-cure). Malgré trois choses
positives — hôpital de jour trois fois par semaine, un mois de vacances chaque
été dans une clinique dans le sud de la France, père très présent — les projets de
sortie n'aboutissent pas et M. F. continue d'éteindre ses mégots avec les draps de
son lit.
Après plusieurs réunions de synthèse qui regroupent les équipes de
l'hôpital, du dispensaire et du foyer (un an et demi de travail préparatoire), on
s'aperçoit qu'avant d'accueillir M. F. dans le foyer, il apparaît important
d'évaluer ses capacités à supporter une prise en charge différente. On lui
propose de séjourner à Saumery pendant deux mois puis de venir au foyer à
l'essai pour des courtes périodes. Six périodes de quinze jours sont
programmées. M.F. va devoir montrer et utiliser ses compétences s'il veut
gagner la confiance des soignants du foyer et sortir de l'hôpital, ce qu'il désire
depuis longtemps.
Le contrat est tenu, M. F. est admis au foyer et s'y trouve très bien, il est
"presque propre". Depuis six mois, on n'a observé aucune rechute.
Commentaires :
La dynamique thérapeutique [équipe hospitalière/équipe du
foyer/patient] était figée, chacun dictant à l'autre ce qu'il fallait faire.
Provoquer des rencontres a permis de penser la situation en d'autres termes
que "rivalité", "vérité", "hôpital bon, foyer mauvais", "peur du feu". Proposer
un autre espace soignant, neutre, non impliqué dans les conflits de secteur a
permis au projet de sortie d'aboutir.
L'éloignement séquentiel a introduit du rythme et de la temporalité. M.
F. pouvait demander régulièrement : "J'y vais quand au foyer, j'y vais ?" La
réponse quasi-pédagogique qui lui était restituée : "faites vos preuves" paraît
avoir fonctionné grâce à ce nouvel univers relationnel proposé par la
clinique. Alors que le rasage de sa barbe était devenue une corvée
quotidienne pour les infirmières de l'hôpital, à Saumery, cela a pu être
repensé dans un travail de médiation thérapeutique. Les objectifs étant clairs
pour les soignants comme pour le patient, l'investissement thérapeutique
s'est fait sans difficultés.
Les classiques "séjour de rupture" n'ont d'intérêt thérapeutique
véritable que s'ils sont pensés en articulation étroite entre les différentes
équipes. C'est surtout cette collaboration et le travail de pensée en commun
qui paraît ici avoir fonctionné.
Cas clinique n°3 : la clinique demande de l'aide à un service du public
pour dénouer une relation d'emprise avec une patiente qui se met en danger.
Mme C, âgée de 59 ans "vit" à la clinique depuis Vingt ans. Elle souffre de
psychose maniaco-dépressive associée à d'importants troubles caractériels qui
empêchent toute relation. Depuis trois mois, elle vit une crise importante : se
jette dans l'escalier, crie toute la journée, se plaint continuellement de son "foie