besoins de services publics des NTIC, notamment la communication téléphonique,
s’intensifient, sans que l’État ou le privé ne puisse les satisfaire.
II. La déclinaison des identités plurielles dans un système de communication et
d’information de proximité.
Les sociétés de tradition orale se caractérisent toujours par la construction et le fonctionnement
codifié d’un système d’information et de communication essentiellement oral, et donc immédiat.
Les moyens utilisés le plus souvent sont la parole et des instruments dont la portée et les
performances, on s’en doute, sont soumises aux conditions limitatives du temps et de l’espace.
La communication qui se réalise dans de telles conditions reste très contingente à l’espace de
communication et à la présence effective des acteurs sociaux de la communication
.
La différence fondamentale que l’on constate aujourd’hui entre les systèmes de
communication traditionnels et ceux des NTIC, est que dans le premier cas les acteurs sont
présents en une sorte de face à face verbal ou leur communication se limite à l’espace et au temps
qui les rassemblent. Dans le second cas, les acteurs ne se “ voient ” pas physiquement et
réellement, pour ne pas dire qu’ils ne se touchent pas, mais ils ne sont pas soumis aux contraintes
limitatives du temps et de l’espace. Ces deux situations présentent des avantages et des
inconvénients. Il est intéressant d’observer ce qui se passe dans le cas des changements dans les
systèmes de communication traditionnels : que cède-t-on ? et pour gagner quoi ?
La parole, instrument premier de communication, se double du signe, de la gestuelle et du
symbole, et sa force de persuasion augmente. Si tout cela semble évident, il y a cependant un fait
remarquable : dans les sociétés de tradition orale, on ne parle pas n’importe où et n’importe
comment. Il y a des conditions de prise de la parole, liées le plus souvent aux identités des
acteurs : l’âge, le sexe, l’ethnie, le statut matrimonial, le rang social, etc. Et parler, de même
qu’écouter, c’est décliner son identité, une identité qui est d’abord sociale avant d’être
individuelle. Il existe des occasions privilégiées de profération de la parole : les séances de
contes, les chants de funérailles ou les jeux verbaux des alliances et des parentés à plaisanteries.
En de telles occasions, on distingue des paroles d’enfant, des paroles d’adulte, des paroles de
femme, des paroles d’homme, des paroles liées à des fonctions sociales : chef de terre, chef de
village, chef de corps de métiers spécialisés comme ceux de la forge, de la poterie, du cuir, etc. Il
faut aussi souligner ces formes verbales liées à des situations religieuses, la religion étant
comprise ici dans son sens étymologique latin de “ res ligare ”, c’est-à-dire lier ou relier les
choses entre elles : les choses visibles des hommes et celles invisibles des dieux. Et cela veut dire
que la profération de la parole conduit les locuteurs à décliner leurs identités respectives, des
identités construites au fil des générations par une organisation sociale unique en son genre. La
déclinaison des identités rassure d’une certaine manière les locuteurs et crée les conditions d’une
communication de dimension “ humaine ”, à l’échelle réduite de la famille, du quartier, du
village et du groupe ethnique. Ce processus se déroule invariablement, même lorsqu’il s’agit de
communication avec le monde invisible des dieux, des génies et des esprits.
La construction sociale d’un système de communication et d’information de proximité, telle
qu’on peut l’observer dans les espaces villageois, s’oppose à notre avis à l’édification
technologique de la communication par les NTIC ; le second cas frise l’artifice et la mode, le
temps de sa consommation. Que se passe-t-il, si de fait la communication par la technologie
côtoie la communication codifiée des villages ? C’est toute l’architecture de l’information et de
la communication en milieu traditionnel qui s’écroule, laissant la porte ouverte à d’importants
débordements ; c’est le cas précisément des NTIC dans de nombreux villages africains. En
. Dans certains cas très spécifiques de communication magico-religieuse, il va de soi que le temps et l’espace ne
constituent pas des barrières insurmontables pour les acteurs de la communication qui sont eux-mêmes
extraordinaires : il s’agit de toutes ces catégories de personnes qualifiées de sorcières, de devins ou de voyants…