prêtres, seules classes sociales dispensées de l’impôt. Le clergé, très nombreux et de plus
en plus puissant, avait à sa tête les prêtres des deux temples jumeaux de Huitzilopochtli,
dieu tribal des Aztèques, dieu de leur vocation guerrière, et de Tlaloc, le vieux dieu de la
Pluie des agriculteurs sédentaires. Les tecuchtli acquéraient généralement cette dignité au
combat. En effet, la noblesse n’était pas encore héréditaire et seuls les mérites permettaient
d’accéder aux honneurs. Dans un peuple si profondément attaché à une mystique guerrière,
il est normal que le courage ait représenté la source des dignités. Tout guerrier ayant fait
quatre prisonniers était couvert d’honneurs et de biens. Celui qui ne se distinguait pas au
combat était destiné à rester toute sa vie macehualli , «homme du commun». À la fin de
cette période, une évolution se fit sentir: les fils des hommes qui s’étaient distingués furent
reconnus dès leur naissance pilli , «princes».
La plus grande partie de la population était composée des macehualli, les hommes du
peuple, redevables de l’impôt, soumis aux corvées. La ville de Mexico-Tenochtitlán se
composait de calpulli , sortes de quartiers, ou plutôt d’unités territoriales, héritage probable
des anciens clans. En se mariant, chaque homme recevait une parcelle de son calpulli à
cultiver.
Certaines catégories sociales jouaient cependant un rôle privilégié, les marchands,
pochteca , qui représentent l’une des institutions les plus étonnantes de l’ancien Mexique, et
dont l’origine paraît remonter à la plus haute antiquité. Ils sont à la fois des trafiquants,
chargés de parcourir l’empire en rapportant des marchandises précieuses – or, plumes de
quetzal, coton des terres chaudes, nourritures raffinées pour la cour de l’empereur – mais ils
sont aussi des espions, voyageant jusqu’aux limites de l’empire, observant pour le compte
de Motecuzoma ce qui se passe dans les provinces. Ils sont en outre des agents
provocateurs, et leur rôle, à l’arrivée des Espagnols, sera important. En fait, ils représentent
l’avant-garde de la conquête militaire aztèque, et une classe sociale dont l’importance va
croissant.
Une autre catégorie, celle des artisans, joue un rôle privilégié. Nous avons vu les
Aztèques se réclamer d’une filiation toltèque, ce peuple civilisateur par excellence qui les
avait précédés et qui, disait-on, sous la conduite de son roi-prêtre Quetzalcoatl, avait inventé
les arts et les techniques. On donnait aux artisans d’art, orfèvres, tisserands, plumassiers,
etc. le nom de tolteca , reconnaissant ainsi leur origine. Chaque catégorie d’artisans avait
ses quartiers, ses temples, ses dieux, ses fêtes propres. Artisans et marchands étaient
organisés en véritables corporations.
8. La vie économique
Les conquérants décrivent avec admiration l’extraordinaire richesse et la beauté des
marchés de Tenochtitlán regorgeant de richesses de tous les coins de l’empire, denrées
précieuses, céramiques fines, objets d’or et de pierres fines, ouvrages de plumes, etc.
L’économie, si précaire lors de l’établissement dans la lagune, était devenue beaucoup plus
florissante. L’alimentation de base des Aztèques, comme celle des Indiens d’aujourd’hui,
était fondée sur le complexe maïs-haricots-courges-piments. Un certain nombre de plantes
cultivées sont originaires du Mexique et, de là, gagnèrent l’Europe avec le succès que l’on
sait: la tomate (tomatl ), le cacao, etc. Certaines ressources d’appoint étaient aussi fournies
par le lac, comme au temps de la misère de la tribu. Le Mexique ancien ne connaissait
pratiquement pas la volaille ni la viande de boucherie, à l’exception du dindon (animal
également originaire du Mexique) et du chien, d’une espèce particulière, petit et sans poils,
que l’on engraissait pour le manger. En revanche, le gibier abondait, en particulier les
oiseaux lacustres. Si la table des hommes du peuple était frugale, celle des nobles
comportait un grand nombre de plats très recherchés.
Il serait d’ailleurs faux de se représenter ce monde aztèque comme un monde fermé: les