La quatrième coalition et la destruction de la Prusse
Austerlitz mettait fin à la guerre contre l’Autriche et révélait, malgré la victoire maritime de
Trafalgar, l’impuissance de l’Angleterre. Pitt mourut peu après et fut remplacé à la tête du
cabinet britannique par Fox, chef des whigs, qui ouvrit des négociations avec la France.
Elles échouèrent une nouvelle fois sur les problèmes méditerranéens et plus
particulièrement sur la Sicile, d’où Napoléon exigeait que fussent chassés les Bourbons.
La rupture des pourparlers entraîna la formation d’une nouvelle coalition qui groupait, en
plus de la Russie et de l’Angleterre, une nouvelle venue, la Prusse, irritée par la formation de
la Confédération du Rhin. À Berlin, on se croyait encore au temps du grand Frédéric. Par un
ultimatum, le roi de Prusse somma Napoléon d’évacuer l’Allemagne avant le 18 octobre. Les
Prussiens comptaient envahir la Bavière au moyen de trois armées. Avant qu’elles aient pu
opérer leur jonction, elles étaient anéanties, le 14 octobre 1806, celle d’Hohenlohe à Iéna,
celle de Brunswick à Auerstaedt. Ce fut une véritable déroute: les places fortes se rendirent
sans résistance, et Napoléon entrait à Berlin le 27 octobre. Tout le pays conquis fut organisé
et soumis à un tribut de 160 millions.
Restait à vaincre les Russes. Napoléon se porta à leur rencontre en Pologne. Mais la
Grande Armée n’était pas adaptée à ce théâtre d’opérations: la pluie, la boue et la neige
ainsi que les difficultés d’approvisionnement entravaient son action. Après des
escarmouches, la première bataille contre les Russes eut lieu à Eylau et se termina par une
effroyable boucherie, sans résultat décisif, le 8 février 1807.
Napoléon comprit la nécessité de remettre au printemps la suite des opérations. Au
château de Finkenstein, il dressa un plan de campagne contre le tsar: il s’agissait d’ouvrir un
nouveau front en Orient. Déjà Sébastiani, envoyé en mission à Constantinople, avait
convaincu les Turcs, en décembre 1806, d’entrer en guerre contre les Russes. Le 4 mai
1807, Napoléon signait un traité d’alliance avec le shah de Perse et envoyait à Téhéran le
général Gardanne. Ces manœuvres de diversion sont à l’origine de la thèse d’un «rêve
oriental» de Napoléon, aujourd’hui très contesté.
Parallèlement, l’empereur préparait avec minutie la prochaine campagne. Elle reprit au
printemps. Les Russes furent écrasés à Friedland, le 14 juin 1807. Huit jours plus tard, ils
réclamaient un armistice. Le tsar était en effet déçu par l’attitude des Anglais, dont
l’intervention s’était limitée, sans grand succès, à la Méditerranée. L’offensive turque sur le
Danube l’inquiétait. Enfin il était curieux de connaître Napoléon. L’entrevue entre les deux
souverains eut lieu sur un radeau, au milieu du Niémen, le 25 juin 1807, et aboutit au traité
de Tilsit, signé le 8 juillet.
La Prusse faisait les frais du rapprochement franco-russe. Réduite à quatre provinces
(Brandebourg, Silésie, Poméranie, Prusse-Orientale), elle perdait ses territoires à l’ouest de
l’Elbe, qui formèrent le royaume de Westphalie donné à Jérôme Bonaparte. La Pologne
prussienne constitua le grand-duché de Varsovie, confié à l’Électeur devenu roi de Saxe par
la grâce de Napoléon. Ces trois États entraient dans la Confédération du Rhin. En Orient,
par un traité secret, la Russie abandonnait Cattaro et les îles ioniennes à la France; par un
autre traité, le tsar promettait de s’allier à la France contre l’Angleterre si cette dernière
refusait la médiation russe. De son côté, Napoléon s’engageait à intervenir comme
médiateur dans le conflit russo-turc; en cas d’échec, les deux empereurs s’entendraient pour
soustraire toutes les provinces de l’Empire ottoman – Constantinople et Roumélie
exceptées – au joug des Turcs.
En réalité, l’alliance franco-russe s’annonçait précaire. Les promesses de Napoléon
concernant la Turquie étaient vagues. Il souhaitait gagner du temps et, dans l’immédiat, faire
entrer la Russie dans le système douanier qu’il mettait en place pour fermer le continent aux
marchandises anglaises. Alexandre avait de solides raisons d’être inquiet: la création d’un