EMPIRE (PREMIER)
Le 2 décembre 1804, Napoléon se fait couronner empereur, mais s’il choisit ce titre, c’est par
désir d’éviter celui de roi, après dix années de révolution, plutôt que par référence à
l’expansion territoriale de Rome ou de Charlemagne. Son objectif est alors de rétablir la
monarchie héréditaire à son profit et non de poursuivre une guerre de conquête qui semble
terminée depuis que la France a atteint ses frontières naturelles et consolidé son influence
en Italie du Nord et en Allemagne.
C’est après Austerlitz et Trafalgar que naît la théorie du grand empire. Talleyrand avait
prévenu les Anglais en 1802: «Le premier coup de canon peut créer subitement l’empire
gaulois [...]. Le Premier consul a trente-trois ans et il n’a encore détruit que des États de
second ordre. Qui sait ce qu’il lui faudrait de temps, s’il y était forcé, pour changer de
nouveau la face de l’Europe et ressusciter l’empire d’Occident?»
Le Blocus continental, machine de guerre économique contre l’Angleterre, servit de
prétexte à une série d’annexions, de remaniements territoriaux et dynastiques qui firent
passer plus de la moitié de l’Europe sous la domination de Napoléon. Ainsi se forma un
empire tout en rivages et en ports, de Hambourg à Bordeaux, de Barcelone à Gênes, de
Naples à Trieste. L’axe principal en fut le Rhin, soumis à l’influence française, de sa source à
son embouchure. Cet empire, Napoléon eut le souci de l’unifier par les routes, les codes, les
brassages de population au sein de la Grande Armée, la centralisation administrative.
Mais ce qui finit par compromettre la domination napoléonienne, ce fut le sentiment
d’abord confus, puis de plus en plus précis après les décrets de 1810 assouplissant le
Blocus, que le système continental favorisait en définitive l’industrie et le commerce de la
France proprement dite au détriment des pays vassaux ou alliés. Au nom de la lutte contre
l’hégémonie économique de l’Angleterre, la France substituait en réalité sur le continent sa
propre suprématie à celle de sa rivale.
La désastreuse expédition de Russie précipita la ruine du grand empire et réveilla dans la
vieille Europe les nationalismes les plus agressifs. Au terme de l’aventure napoléonienne, la
France se retrouvait plus petite qu’à la veille de la Révolution et soumise à la surveillance de
ses vainqueurs. Mais en détruisant l’ancien système féodal et en favorisant l’avènement
politique de la bourgeoisie dans tous les États que la Grande Armée avait envahis, Napoléon
n’en a pas moins préparé la naissance d’une Europe nouvelle.
1. Les guerres victorieuses
Dès 1803, l’Angleterre avait repris la guerre devant la menace d’une hégémonie non
seulement politique mais économique de la France sur le continent. À la faveur de la paix
d’Amiens, la politique des républiques sœurs menée par le Directoire avait en effet été
poursuivie par Bonaparte. Ce dernier n’avait-il pas été élu à la tête de la République
italienne? N’était-il pas devenu médiateur de la Confédération helvétique et pratiquement
suzerain de la République batave? Ne devait-il pas être considéré comme l’inspirateur des
décisions de la Diète germanique qui, en 1803, remania la carte de l’Allemagne ? Le cabinet
britannique pouvait difficilement accepter une telle extension de l’influence française,
d’autant qu’elle s’accompagnait de la signature de traités de commerce avec Naples,
l’Espagne, la Russie, le Portugal et la Turquie. Plus inquiétant encore était un brusque réveil
des prétentions coloniales de la France, comme le prouvait l’expédition de Saint-Domingue.
Aussi le conflit entre la France et l’Angleterre se ralluma-t-il en mai 1803. Ce fut la
question de Malte qui provoqua la rupture: les Anglais ne pouvaient se résigner à
abandonner une position qui leur permettait de paralyser toute entreprise française en
Méditerranée orientale. Curieuse guerre au demeurant: Napoléon ne pouvait espérer
l’emporter sur mer faute de marine, ni l’Angleterre sur terre faute de soldats. Chaque camp
devait donc trouver une stratégie appropriée à ses forces et à ses faiblesses. Napoléon
ressuscita les vieux projets de débarquement préparés sous le Directoire. De son côté,
l’Angleterre resta fidèle à la méthode qu’elle avait adoptée contre la Révolution; l’or anglais
favorisa la naissance d’une nouvelle coalition continentale.
La troisième coalition
Napoléon songeait-il sérieusement à envahir l’Angleterre lorsqu’il massait sur le littoral cent
cinquante mille hommes dont le quartier général était établi au camp de Boulogne?
L’entreprise ne pouvait réussir que si l’empereur s’assurait la maîtrise de la Manche pendant
six jours. Mais les manœuvres de diversion tentées par Villeneuve échouèrent. En revanche,
l’Angleterre réussit à s’assurer l’alliance de la Russie dont le nouveau tsar, Alexandre Ier,
avait été bouleversé par l’exécution du duc d’Enghien –, de l’Autriche et de Naples. La
Prusse se préparait à rejoindre la coalition. Averti par Talleyrand, Napoléon avait dicté au
camp de Boulogne, en août, les dispositions permettant à la Grande Armée (ainsi allait-on
appeler les troupes rassemblées sur les côtes de la Manche, les seules qui auront bénéficié,
en définitive, d’un véritable entraînement) de rejoindre rapidement le Rhin.
En octobre, les Autrichiens commandés par Mack envahissaient brusquement la Bavière
et venaient attendre Napoléon au débouché de la Forêt-Noire. Renouvelant la manœuvre de
Marengo, l’empereur, par les vallées du Main et du Neckar, surgit sur leurs arrières à
Donauwörth. Bloqué dans Ulm, Mack capitulait le 20 octobre 1805. D’Ulm, Napoléon marcha
sur Vienne dont il s’empara sans résistance. Puis il remonta vers le nord au-devant des
empereurs François II et Alexandre Ier, qui avaient opéré la jonction des forces autrichiennes
et russes près d’Olmutz. Il fallait remporter au plus vite un éclatant succès avant que les
Prussiens eussent eu le temps de se joindre aux coalisés. Par une série d’habiles
manœuvres, Napoléon amena ses adversaires sur un terrain qu’il avait préalablement
reconnu près d’Austerlitz. Les Austro-Russes ayant occupé le plateau de Pratzen, le plan de
Napoléon consistait à leur inspirer le projet de tourner l’armée française par sa droite,
volontairement affaiblie par l’empereur, et de dégarnir ainsi leur centre à Pratzen. Dès lors, il
ne resterait plus à Napoléon qu’à escalader le plateau, à enfoncer le centre adverse et à
couper l’armée ennemie en deux, puis à en écraser l’aile la plus faible. La bataille d’Austerlitz
se déroula, le 2 décembre 1805, comme l’avait prévu l’empereur.
La coalition était brisée. Dès le 6 décembre, tandis que les Russes se retiraient en
Pologne, les Autrichiens sollicitaient un armistice, bientôt transformé en paix à Presbourg.
Talleyrand avait conseillé la modération à Napoléon, lui suggérant d’accorder des
compensations à l’Autriche dans les Balkans, de manière à l’engager dans une rivalité avec
la Russie en Orient. L’empereur n’écouta pas son ministre, dont l’influence ne devait cesser
de diminuer. L’Autriche dut abandonner à la France la Vénétie, l’Istrie moins Trieste, et la
Dalmatie.
D’Austerlitz date chez Napoléon l’idée de reconstituer à son profit l’«Empire d’Occident».
En Italie, il détrôna par un simple décret les Bourbons de Naples qui s’étaient alliés à la
coalition et donna leur royaume à son frère Joseph (mars 1806). La République batave
devint royaume de Hollande et Louis, autre frère de Napoléon, en reçut la couronne (mai
1806). En Allemagne, Napoléon détruisit le Saint Empire romain germanique. Le duché de
Bavière, agrandi du Tyrol au détriment de l’Autriche, devint un royaume au même titre que le
Wurtemberg enrichi des dépouilles autrichiennes en Souabe. Sur la rive droite du Rhin fut
créé un nouvel État, le grand-duché de Berg, donné à Murat, beau-frère de Napoléon. Tous
ces États, auxquels se joignirent ceux de l’Allemagne du Sud et de l’Ouest, entrèrent dans la
Confédération du Rhin dont Francfort devint la capitale et qui reconnut Napoléon pour
protecteur. Le 1er août 1806 était proclamée la fin du Saint Empire romain germanique.
Napoléon avait substitué son influence à celle de François II en Allemagne et en Italie.
La quatrième coalition et la destruction de la Prusse
Austerlitz mettait fin à la guerre contre l’Autriche et révélait, malgré la victoire maritime de
Trafalgar, l’impuissance de l’Angleterre. Pitt mourut peu après et fut remplacé à la tête du
cabinet britannique par Fox, chef des whigs, qui ouvrit des négociations avec la France.
Elles échouèrent une nouvelle fois sur les problèmes méditerranéens et plus
particulièrement sur la Sicile, d’où Napoléon exigeait que fussent chassés les Bourbons.
La rupture des pourparlers entraîna la formation d’une nouvelle coalition qui groupait, en
plus de la Russie et de l’Angleterre, une nouvelle venue, la Prusse, irritée par la formation de
la Confédération du Rhin. À Berlin, on se croyait encore au temps du grand Frédéric. Par un
ultimatum, le roi de Prusse somma Napoléon d’évacuer l’Allemagne avant le 18 octobre. Les
Prussiens comptaient envahir la Bavière au moyen de trois armées. Avant qu’elles aient pu
opérer leur jonction, elles étaient anéanties, le 14 octobre 1806, celle d’Hohenlohe à Iéna,
celle de Brunswick à Auerstaedt. Ce fut une véritable déroute: les places fortes se rendirent
sans résistance, et Napoléon entrait à Berlin le 27 octobre. Tout le pays conquis fut organisé
et soumis à un tribut de 160 millions.
Restait à vaincre les Russes. Napoléon se porta à leur rencontre en Pologne. Mais la
Grande Armée n’était pas adaptée à ce théâtre d’opérations: la pluie, la boue et la neige
ainsi que les difficultés d’approvisionnement entravaient son action. Après des
escarmouches, la première bataille contre les Russes eut lieu à Eylau et se termina par une
effroyable boucherie, sans résultat décisif, le 8 février 1807.
Napoléon comprit la nécessité de remettre au printemps la suite des opérations. Au
château de Finkenstein, il dressa un plan de campagne contre le tsar: il s’agissait d’ouvrir un
nouveau front en Orient. Déjà Sébastiani, envoyé en mission à Constantinople, avait
convaincu les Turcs, en décembre 1806, d’entrer en guerre contre les Russes. Le 4 mai
1807, Napoléon signait un traité d’alliance avec le shah de Perse et envoyait à Téhéran le
général Gardanne. Ces manœuvres de diversion sont à l’origine de la thèse d’un «rêve
oriental» de Napoléon, aujourd’hui très contesté.
Parallèlement, l’empereur préparait avec minutie la prochaine campagne. Elle reprit au
printemps. Les Russes furent écrasés à Friedland, le 14 juin 1807. Huit jours plus tard, ils
réclamaient un armistice. Le tsar était en effet déçu par l’attitude des Anglais, dont
l’intervention s’était limitée, sans grand succès, à la Méditerranée. L’offensive turque sur le
Danube l’inquiétait. Enfin il était curieux de connaître Napoléon. L’entrevue entre les deux
souverains eut lieu sur un radeau, au milieu du Niémen, le 25 juin 1807, et aboutit au traité
de Tilsit, signé le 8 juillet.
La Prusse faisait les frais du rapprochement franco-russe. Réduite à quatre provinces
(Brandebourg, Silésie, Poméranie, Prusse-Orientale), elle perdait ses territoires à l’ouest de
l’Elbe, qui formèrent le royaume de Westphalie donné à Jérôme Bonaparte. La Pologne
prussienne constitua le grand-duché de Varsovie, confié à l’Électeur devenu roi de Saxe par
la grâce de Napoléon. Ces trois États entraient dans la Confédération du Rhin. En Orient,
par un traité secret, la Russie abandonnait Cattaro et les îles ioniennes à la France; par un
autre traité, le tsar promettait de s’allier à la France contre l’Angleterre si cette dernière
refusait la médiation russe. De son côté, Napoléon s’engageait à intervenir comme
médiateur dans le conflit russo-turc; en cas d’échec, les deux empereurs s’entendraient pour
soustraire toutes les provinces de l’Empire ottoman Constantinople et Roumélie
exceptées au joug des Turcs.
En réalité, l’alliance franco-russe s’annonçait précaire. Les promesses de Napoléon
concernant la Turquie étaient vagues. Il souhaitait gagner du temps et, dans l’immédiat, faire
entrer la Russie dans le système douanier qu’il mettait en place pour fermer le continent aux
marchandises anglaises. Alexandre avait de solides raisons d’être inquiet: la création d’un
grand-duché de Varsovie laissait entrevoir la reconstitution de la Pologne. En Allemagne,
Napoléon consolidait ses bases. Dans le partage de l’Europe qui semblait s’esquisser,
Napoléon se taillait la part du lion.
2. Le système continental
À Tilsit, Napoléon a atteint son apogée. L’alliance russe lui assurait la possibilité de vaincre
l’Angleterre sur le plan économique. La défaite de Trafalgar avait en effet interdit tout
nouveau projet de débarquement sur le sol anglais, mais les conseillers de l’empereur
avaient attiré son attention sur le point faible de l’adversaire: la livre sterling. Tant d’or avait
été envoyé sur le continent pour soutenir les coalitions contre la Révolution française que les
finances britanniques semblaient très menacées. Frapper les exportations de l’Angleterre sur
le continent, c’était abattre son crédit et contraindre le cabinet à capituler.
Depuis le début des hostilités, les Anglais, forts de leur supériorité maritime, ne
pratiquaient-ils pas la saisie des marchandises à bord des vaisseaux neutres? Par un ordre
en conseil du 16 mai 1806, ne déclaraient-ils pas les côtes françaises en état de blocus ?
Napoléon riposta par le décret de Berlin, le 21 novembre 1806, qui mettait à son tour en état
de blocus les îles Britanniques. En réalité, faute de pouvoir bloquer la Grande-Bretagne avec
une flotte, il ferma le continent tout entier aux marchandises anglaises, produits coloniaux ou
objets manufacturés. De là le nom, au demeurant inexact, de Blocus continental donné au
système douanier mis en place par Napoléon.
Pour que le Blocus fût efficace, il fallait qu’il fût général. Napoléon s’est ainsi trouvé acculé
à une série d’annexions qui donnèrent à sa politique une apparence de mégalomanie dont la
propagande adverse sut tirer parti.
Dès 1807 en effet, les troupes françaises s’étaient installées en Poméranie suédoise. En
Italie, pour lutter contre la contrebande qui prenait un brusque essor depuis le décret de
Berlin, l’empereur annexa Parme et Plaisance. Le pape ayant refusé d’intervenir dans un
conflit temporel, ses États furent peu à peu occupés: on s’orientait ainsi vers un affrontement
entre Pie VII et Napoléon. Quant au Portugal, qui restait une véritable colonie britannique sur
le continent bien qu’ayant perdu une partie de son importance économique, Napoléon en
décida la conquête en accord avec l’Espagne, dont le Premier ministre, Godoy, conclut avec
la France un traité en octobre 1807. Une armée, sous la direction de Junot, pénétra au
Portugal sans rencontrer de résistance. La famille royale s’enfuit au Brésil tandis que les
troupes françaises pénétraient à Lisbonne.
Le continent, en passant sous la domination française, se fermait progressivement aux
marchandises anglaises. Le commerce britannique diminua considérablement dans la
Baltique, devint presque nul en mer du Nord, difficile en Méditerranée. Une interruption des
relations avec les États-Unis, mécontents des ordres en conseil, aggrava la dépression.
Durant les six premiers mois de 1808, les exportations anglaises diminuèrent de 60 p. 100.
La crise toucha durement l’industrie cotonnière, développa le chômage. Des troubles
éclatèrent dans le Yorkshire puis le Lancashire. Les ouvriers réclamaient la paix; mais, faute
de meneurs, ils ne purent imposer leurs pétitions au Parlement. L’Angleterre semblait devoir
capituler; la guerre d’Espagne, première erreur de Napoléon, la sauva du désastre
économique.
La guerre d’Espagne
L’occupation du Portugal n’était dans la pensée de Napoléon que le prélude à une mainmise
sur l’Espagne. A-t-il été poussé par Talleyrand qui exagéra les richesses de la péninsule
Ibérique? Souhaitait-il imiter Louis XIV? A-t-il surestimé l’importance du courant francophile
des « afrancesados »? L’occasion était en tout cas favorable. La cour se trouvait déchirée
par des intrigues qui opposaient le couple royal (Charles IV et Marie-Louise), entièrement
dominé par le Premier ministre Godoy, à l’héritier du trône, le prince des Asturies, Ferdinand.
Une émeute éclata le 18 mars 1808 à Aranjuez; Charles IV dut abdiquer en faveur de son
fils, qui prit le titre de Ferdinand VII. Murat suggéra alors au vieux roi de solliciter l’arbitrage
de Napoléon. L’entrevue entre la famille royale et Napoléon eut lieu à Bayonne. Ferdinand
VII dut rendre sa couronne à son père, qui l’abandonna à Napoléon. Celui-ci fit de son frère
Joseph un roi d’Espagne, le 10 mai 1808. Une junte réunie à Bayonne établit une nouvelle
constitution. Mais, dès le 2 mai, avait éclaté à Madrid une émeute que Murat réprima
férocement. Ce fut le signal du soulèvement d’une partie de l’Espagne. Les instigateurs de la
rébellion étaient les nobles et le clergé, menacés dans leurs privilèges et hostiles aux idées
nouvelles introduites par les Français. Ils jetèrent dans la lutte les masses paysannes, en
utilisant le fanatisme religieux et en exacerbant le sentiment national. En revanche, une
fraction de la bourgeoisie éclairée, les «afrancesados», se rallia à Joseph, qui annonçait des
réformes souhaitées depuis longtemps par l’Espagne des Lumières.
La résistance à l’occupation française fut menée par des juntes souvent dépourvues de
liens entre elles, ce qui rendit la lutte plus difficile pour les Français. Joseph ne put entrer à
Madrid qu’après la victoire de Bessières à Medina del Río Seco, le 4 juillet 1808. Mais le
général Dupont qui marchait sur Cadix fut surpris à Bailén et contraint de capituler, le
22 juillet. Cette défaite, sans grande importance pour la suite des opérations, n’en eut pas
moins un énorme retentissement. Pour la première fois, la Grande Armée était vaincue en
rase campagne. Au même moment, Junot devait évacuer le Portugal à la suite d’un
débarquement anglais. Ces événements affaiblissaient le prestige de Napoléon. Ils
permettaient à l’Angleterre de reprendre pied sur le continent. Bien plus, les colonies
espagnoles d’Amérique se soulevaient contre Joseph, et le commerce britannique voyait
s’ouvrir à lui ce marché américain déjà convoité et qui allait servir de compensation à la perte
de l’Europe pour les négociants et les industriels des îles Britanniques. Dès 1809,
l’Angleterre avait surmonté la dépression économique qui la menaçait; la victoire échappait à
Napoléon.
Erfurt et la cinquième coalition
Il devenait nécessaire pour Napoléon de passer en Espagne; mais il devait également
compter avec un inquiétant réveil du mouvement national allemand. Sous Stadion, l’Autriche
avait renforcé son armée et refusé de reconnaître Joseph comme roi d’Espagne. Pour tenir
Vienne en respect pendant qu’il combattrait en Espagne, Napoléon comptait sur le tsar. Tel
fut le but de l’entrevue d’Erfurt en septembre 1808. Prévenu par Talleyrand des embarras de
Napoléon et des premiers signes de lassitude que donnait l’opinion française devant le poids
de plus en plus lourd de la conscription, le tsar se déroba: il ne s’engagea à faire la guerre
avec l’Autriche qu’au cas où celle-ci attaquerait la France. Il s’empressa en réalité de
rassurer le cabinet de Vienne.
Passé en Espagne, Napoléon s’empara de Madrid, le 5 décembre, et rétablit son frère sur
le trône, mais il ne put mener jusqu’au bout la poursuite des Anglais qui, après s’être
avancés du Portugal jusqu’à Burgos, se repliaient en bon ordre jusqu’à leur flotte. La guerre
allait reprendre en effet avec l’Autriche et nécessitait le retour de Napoléon.
L’opinion autrichienne n’avait pas approuvé le conflit avec la France en 1805. Il n’en fut
pas de même en 1809, et Napoléon se heurta à la résistance de la population qu’avaient
dressée contre lui brochures, pièces de théâtre et chants, souvent inspirés par la résistance
espagnole. La fermentation gagna toute l’Allemagne, du Tyrol à la Baltique, à l’exception de
la Rhénanie, et trouva dans le philosophe Fichte, de Berlin, un éloquent défenseur qui
retourna contre les Français les idées de liberté et de patrie. De ce sursaut national
témoigne la révolte du Tyrol contre les Franco-Bavarois. Mais ce soulèvement allemand,
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