NICOLAS - On est plongé dans un débat
sans fin ! On a pas de preuve pour
trancher pour ou contre la peine de mort.
Nancy disait que chacun peut penser ce
qu'il veut. Je suis d'accord avec elle. Y a
pas de preuve.
GUILLAUME - Qu'est-ce que tu appelles
une “ preuve ” ? Donne-nous un
exemple.
NICOLAS - Prenez la question de savoir
si la Terre est plate. Autrefois, les gens
pensaient que la Terre était plate. Puis, il
y a eu des preuves du contraire. Alors,
aujourd'hui, on ne croit plus que la Terre
est plate mais qu'elle est ronde.
GUILLAUME - Je répète ma question:
qu'est-ce qu'une “ preuve ” ? Dans
l'exemple que tu nous apportes, peux-tu
nous donner une “ preuve ” que la Terre
est bel et bien ronde ?
NICOLAS - J'sais pas; mais les
scientifiques ont découvert que la Terre est
ronde...
GUILLAUME - ...comment y sont-ils
parvenus? Je vais t'aider. Pour cela, il
faut remonter aux anciens penseurs grecs
avant notre ère, les premiers qu'on a
appelés “ philosophes ”. À cette époque,
il n'y avait pas de différence entre
“philosophe” et “scientifique”; la
distinction viendra plus tard, aux
alentours de la fin du 18e siècle. Mais
peu importe. Le premier à se faire
appeler “ philosophe ”, Pythagore
(580-500 av. J.-C.), fut également le
premier à suggérer que la Terre soit
sphérique. On ne sait pas comment il est
parvenu à cette conclusion. Repose-t-elle
sur des observations? Difficile à établir.
Mais pourquoi donc une “ sphère ” plutôt
qu'un disque plat, comme le suggéraient
les autres philosophes avant Pythagore, de
même que bon nombre d'autres traditions
mythologiques et religieuses, dont celle
des Grecs eux-mêmes? Sans doute parce
que la sphère est un solide géométrique
parfait. Car nous savons que Pythagore et
son école vouaient un culte mystique aux
nombres et aux formes géométriques,
entre autres pour le cercle et la sphère.
Puisque tout ce qui est parfait est divin, la
sphère étant parfaite est donc divine.
Pythagore enseignait également que toutes
les “ planètes ” (mot français dérivé du
grec signifiant “errant”), incluant la Terre,
étaient des sphères dont les relations
arithmétiques formaient une harmonie
d'où émanaient une musique sublime, la
“ musique des sphères ”.
Deux siècles après Pythagore, un
autre grand philosophe, Aristote (384-322
av. J.-C.), formula, dans son Traité du ciel,
trois arguments en faveur de la sphéricité
de la Terre
. 1˚ On savait à son époque
que les éclipses de Lune sont provoquées
par l'interposition de la Terre entre la
Lune et le Soleil. Comment expliquer
alors, demande Aristote, la forme
circulaire de l'ombre projetée par la Terre
sur la surface de la Lune, autrement que
par la courbure de la surface de notre
planète? Si, en effet, la Terre était un
disque plat, elle projetterait une ligne
d'ombre au lieu d'un cercle d'ombre. Or,
ce n'est pas ce que nous observons. Par
conséquent, la Terre doit avoir une forme
sphérique. 2˚ Aristote fait ensuite
remarquer que les voyageurs qui se
Voir Michel Rival, Les grandes expériences scientifiques,
Paris, Seuil, Point/sciences n˚ S110, 1996, p. 12-13.