Les préjugés ethniques

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L’ontologisation des minorités
Juan A. Pérez
Université de Valencia
L’habitude de considérer le racisme en
tant que rareté mentale, comme un
défaut psychologique, doit être négligée.
(F. Fanon, 1961)
Idée principale du cours:
Dans l’approche des représentations sociales on aborde les
préjugés en tant que systèmes de croyances (folk-knowledge)
(cognition sociale vs connaissance sociale)
(synchronie et diachronie)
(identité sociale et identité morale)
Les Gitans:
Un grand défi pour la psychologie sociale appliquée
et pour les études sur les préjugés ethniques
Théorie classique d’Allport (1954)
Le préjugé:
… “une antipathie basée sur la généralisation erronée et inflexible ».
… "les pré--jugés (jugements préalables) se convertissent en préjugés quand ils
persistent malgré qu'ils en soient contredits par les nouvelles informations"
… « étant donné que les jugements humains sont souvent entourés d'une incertitude,
son fonctionnement sera basé sur la catégorisation, ou des croyances excessivement
généralisatrices »
Approche cognitif aux préjugés, Tajfel (1968)
-Processus de catégorisation (simplifier pour comprendre)
-Assimilation (le gens n’inventent pas les catégories, en usent les existantes)
La TIS approche la dépersonnalisation de l’hors-groupe (Tajfel), ou de l’intra-groupe
(Turner)
et non pas la représentation de certaines minorités en tant qu’entités hors espèce
humaine, (difficilement réductible à un effet cognitif de la catégorisation).
Reste donc à expliquer le sort de certaines minorités dont leur persécution sert
bien peu à comprendre le monde ou construire une identité sociale positive.
Questions qui surgissent…
i) Comment on forme une image consensuelle d'une catégorie.
ii) Pourquoi existent ou avec quelle finalité on crée certaines catégories sociales
d'appartenance, et non pas d’autres.
iii) Et surtout, comment la majorité choisie ses victimes
En somme, le processus de catégoriser (versus l'effet simple de la catégorisation)
semble central.
Les préjugés sont à la
base du tabou du contact
L’espèce humaine
Horsgroupe
Intragroupe
Le sauvage
Minorités victimes des préjugés et de la persécution dans la ‘Civilisation' occidentale
Juifs
Gitans
Indiens
Noirs
La persécution de toutes ces minorités a été institutionnalisée:
L'Inquisition
L’institution de l'esclavage
Législations spécifiques
Ségrégation raciale
Qu'est-ce qu’elles ont en commun toutes ces minorités ? Rien … et tout
La seule chose c’est que la majorité veut éviter le contact et la mixité avec elles.
Hypothèse du système de croyances de la majorité persécutrice sur elle-même :
La majorité s’est construit elle-même comme le corps -- ethnique, religieux,
national, racial –
qui incarne l'essence du bien, du bon et du beau,
et s’arroge le devoir de le sauvegarder
Dès lors, les impulsions reproductrices de l'individu ont à se soumettre à ce « corps
organique ». On assiste à une biologisation permanente des rapports intragroupe -hors-groupe
La purification permanente qu'une société dirige contre elle-même.
La pensée paranoïaque pour se défendre à soi même.
À partir de cette pensée surgissent chez la majorité des croyances :
-
qui représente l'allogène
-
quelle est la reproduction biologique désirable
-
où se ‘cache’ le mal
-
qui est source de contamination et de dégénération
-
le tabou du contact avec ces minorités
-
la purification dans le cas où un tel contact aurait eu lieu
-
… ou même son extermination
La notion de thêmata (S. Moscovici):
Présuppositions ou des évidences à l'intérieur de la culture d'un
groupe, de façon à ce que ses membres puissent ne pas les exposer
dans la communication.
Il est sous-jacent au contenu, aux notions, aux images, et surtout aux
significations socialement partagées.
Le thêmata semble avoir tant un pouvoir générateur comme normatif
dans la formation d'une représentation, ajuste la 'nouvelle' information
à la déjà existante.
I. Thêmata généalogique du préjugé: la pureté de sang
Pendant le XVème siècle on força les Juifs à se convertir au catholicisme
Paradoxalement les convertis ont fait surgir chez les "vieux chrétiens" des
incertitudes et des peurs de toute espèce.
Un mouvement social contre les Juifs en général et contre les convertis en
particulier réussit à ce qu‘il fussent promulgués les Statuts de Propreté du Sang.
Et on crée deux catégories sociales: nouveaux chrétiens vs. vieux chrétiens (ne
pas avoir une goutte de sang juif dans quatre générations d’ancêtres).
Discours racial construit en partant d’une théologie chrétienne
Le discours de la filiation sanguine et de la pureté se renforce avec le
sujet des Musulmans et des Juifs convertis au christianisme.
Selon une doctrine élaborée par les théologiens espagnols (à laquelle ne
manquait pas des intérêts bien terreux) tous descendaient d'un père
commun (Adam)
mais
la fausse croyance, l'hétérodoxie, de ses ancêtres a supposé une
dégénérescence, et donc le sang hérité était impur
Les statuts de la pureté de sang créent une division (vieux vs. nouveaux
chrétiens) sur le principe de pur (orthodoxes) – impur (hétérodoxes).
Un modèle général du préjugé ethnique
Conflit entre domestiquer la minorité et la peur que le contact et la mixité avec elle fera
perdre à la majorité sa pureté
Le majorité pousse ses dirigeants ou des agents à régler la vie d'une minorité.
(Méthodes: conversion religieuse; sédentarisation; évangélisation; régime d’exploitation d’esclaves).
Il s'agit de la part de la majorité de domestiquer à la minorité,
La minorité se convertit en citoyen de deuxième clase ou catégorie : du bouc émissaire
jusqu'à l'exposer comme contre-exemple de socialisation.
La quotidienneté se sature de peur et anxiété qui génère chez la majorité le contact avec la
minorité
(des Juifs, par exemple, on avait peur qu'ils conspiraient, empoisonnaient l'eau, répandaient la peste, etc..)
Une pensée paranoïaque se déploie envers la minorité (d’autant plus qu’on soit dans sa
proximité).
La tension entre domestiquer (tentatives d'intégrer, d'assimiler, sedentariser,
acculturaliser, scolariser, anti-segrégation …),
que finalement exige contact quotidien entre la majorité et la minorité,
X
et la peur de la perte de la pureté ethnique, religieuse, peur de dégénérescence…
porte la majorité à un ensemble d’actions pour éviter la mixité:
- stigmatiser la minorité comme sauvage
- accentuer le tabou du contact
- interdire le mariage avec la minorité
- établir la ségrégation ou l'apartheid
- Expulsion du pays ...
- purification ethnique, l'extermination directe
II- Thêmata la Grande Chaîne de l‘Être, et les espèces en tant qu’essences
Les êtres conçus comme essences: des frontières bien délimitées et d'une manière
permanente, fixe. Une évolution d’une espèce à une autre n'est pas pensable.
III. Le thêmata de l'homme sauvage et la dégradation humaine.
Dans la vision chrétienne il n’y a pas lieu au progrès (Dieu est déjà la perfection absolue),
tout au plus la dégradation.
Ainsi, le courant orthodoxe de pensée a résolu que, dans son état lamentable, le sauvage
ne serait pas une création de Dieu, mais une créature qui serait tombée dans la condition
bestiale grâce à la folie, le fait d'avoir grandi entre des animaux, à la solitude ou aux
souffrances extrêmes.
… peur á la dégradation humaine
Un nouveau événement
La rencontre avec les indigènes du Nouveau Monde :
Lévi-Strauss (Tristes Tropiques):
"moment crucial de la pensée moderne… une humanité qui se croyait
complète et terminée… »
…. Le grand choc anthropologique
Sont-ils, oui ou non, des êtres humains ?
L'assignation spirituelle à l'espèce humaine était politiquement
discutable (le débat de Valladolid entre Las Casas et Sepúlveda, 1550).
L'étrangeté de la découverte des Indiens
Les conquistadors ne savaient pas qui étaient « ces créatures », d'où venaient-ils,
comment les traiter
(les Indiens non plus, d’ailleurs).
Donc,
Ancrage des natifs dans un univers géographique, commercial et biblique familial
pour les Européens
… et « d‘étrangérisation » de l’Indien.
P. ex.: Colomb est mort sans savoir qu'il avait découvert l'Amérique (d'Amerigo
Vespucci).
Sont-ils êtres humains qui peuvent être christianisés ?
1. RS. commerciale: Colomb les décrit comme généreux, sans bassesse,
faciles à tromper dans le troc, innocents.
2. Il en ajoute la nature de ces gens : nus, habitat exubérant
Toute une semence du mythe du Bon Sauvage qui culminera au XVII.
L'ensemble est interprété par Colomb dans le cadre de la description
biblique de l'éden.
Ces représentations de l‘Indien que Colomb répand dans son milieu vont
bien pousser d’intérêts matériels et évangélisateurs
Un ancrage dans une anthropologie philosophique : sont-ils des êtres rationnels ?
L’écho de la question renvoi à la Grèce classique, où la raison fait à l'homme
supérieur à toutes les créatures, mais on croyait aussi des degrés de la rationalité
différents par nature, ce qui donnait lieur aux classifications et hiérarchies sociales
telles que:
barbares vs. civilisés,
serfs vs. maîtres
femmes vs. hommes
Dans les réponses il s’en mêlait les intérêts évangélisateurs des missionnaires avec la
cupidité des conquistadors
… ancrage dans une anthropologie philosophique : sont-ils des êtres rationnels ?
Quelques missionnaires entreprennent la défense de la pleine rationalité de l'Indien.
Dans un sermon le Dominicain Montesinos (1511) :
"Ceux-ci, ne sont-ils pas hommes ?
N'ont-ils pas d'âmes rationnelles ?
N'êtes pas obligés à les aimer comme à vous-mêmes?"
Las Casas (1484-1566) se trouvait parmi les auditeurs : le sermon a pu réveiller sa
conscience éthique.
Il abandonna sa Encomienda (1514) …
entrepris la protection de l'Indien...
rentre dans l'ordre des Dominicains (1523)…
sera nommé évêque (1544).
Il affirmait que les Indiens par nature étaient des êtres humains libres.
Une grande réussite de ce groupe de missionnaires:
le pape promulguera la bulle (1537) où on soutiendra que
"les Indiens sont de vrais hommes et qu’ils sont non seulement capables
d'entendre la foi Catholique, mais ils sont désireux de la recevoir".
La controverse de Valladolid
l'anthropologie dérivée de la biblique
(Dieu comme créateur universel,
les Indiens veri homines,
ils ont une âme, peuvent être évangélisés
doivent être traités comme hommes libres)
Vs.
l'hiérarchie d'êtres humains
(tradition Aristotélienne
l'Indien = barbare par nature
Esclavage acceptable)
Le débat de Valladolid (1550)
Sepúlveda
Las Casas
L’ Indien : un état naturel d’infériorité et de
barbarie
il défend l'égalité et la liberté de l'Indien : ne
le voit pas serf par nature
éradiquer l'idolâtrie, l'anthropophagie, les
sacrifices d'êtres humains, la polygamie.
les sacrifices d'êtres humains montraient la
grande religiosité de l'Indien (seulement qu’ils
adoraient des dieux erronés)
justifié l'usage de la force, du châtiment et
de la guerre. Les forcer à obéir les lois de la
nature, il le voyait comme un acte
d'humanité généreuse
Les Indiens devaient être obligés, même avec
les armes, à obéir aux plus civilisés.
Ne pas employer la force pour évangéliser,
mais la persuasion et le bon exemple
Les conquistadors sont plus sauvages que
l'Indien : ils induisent l'Indien à mépriser
l'évangile…
… une semence du mythe du bon sauvage
Un pionnier du relativisme culturel, mais non
de l'indigénisme. L'évangélisation était
toujours son objectif et la tabula rasa sa
méthode
1573 (Philippe II) considère finie la conquête
il se prend à régler la colonisation.
Il demande de ne parler que de pacification
Dans la pratique la perspective de Sepúlveda a régné per secula seculorum.
Une représentation partagée par les Européens : les indigènes = un déficit dans sa nature
Pour les uns (vgr. : Les missionnaires) il leur manquait la foi chrétienne
Pour les autres (vgr. : les conquistadors) il leur manquait la civilisation (occidentale).
En réalité, en général les missionnaires partageaient la croyance selon laquelle l'Indien
avait un degré de moins de «rationalité religieuse» que les Européens:
comme des êtres simples
pleins de superstitions,
conduits par la sorcellerie
l'idolâtrie.
Cela ne les faisait pas ineptes pour recevoir la foi, mais trop peu dotés pour ne pas
l'oublier et pour la promulguer.
(L'Inquisition fini par ne pas s’en occuper de la religiosité de l'Indien)
Le concept de tabula rasa
a servi de guide dans la stratégie de les domestiquer, de les convertir au christianisme.
Le modèle des évangélisateurs était celui-là de l'agriculture:
1. "préparer la terre",
2. extirper les idolâtries, les sorcelleries et les rituels,
3. semer la doctrine des évangiles
La construction de villes chrétiennes (vgr. : les Réductions du Paraguay des Jésuites):
Sédentariser des nomades pour rendre possible l‘évangélisation.
La scolarisation a été l'outil.
Une discipline stricte et paternaliste régnait.
On évitait la force, on endoctrinait par la persuasion.
En tout cas, le système de Réductions n'a pas socialisé l'Indien pour être autonome;
on se limitait à le maintenir dans un état de tutelle.
IV. thêmata: Le progrès linéaire de l'homme, du sauvage au civilisé
Quelques narrations sur le modus vivendi des Indiens ont été prises comme:
- un exemple de l'état de nature pure
- des fossiles vivants des premiers temps
- on situe le sauvage dans un point initial de l'histoire (primitifs)
- parfois ils sont comparés à l'enfant, en représentant l'enfance de l'humanité
Le mythe des origines
propagé par le christianisme consiste à dire que tous les êtres humains
procèdent d'un père commun, Adam
Le principe psychologique consiste en ce que sentir qu'une ascendance est
partagée sert à créer la fraternité universelle des êtres humains.
L'une des versions tenues par plus hétérodoxe était celle qui soutenait
l'existence d'êtres humains avant Adam
Avec la découverte des nouveaux continents et ses gens cette
spéculation gagnerait beaucoup de partisans.
Étant donné que le Pape avait reconnu que l’Indien avait une âme, la
question était de comment les rattacher à Adam,
Le chapelain de Cortés avait pointé que ce devait être l'une de Dix Tribus
perdues, et qui descendaient donc de Sen (juifs).
Mais le jésuite Acosta, en partant de la croyance de ce que il y a
seulement eu une arche de Noé, il est arrivé à la conclusion que les
Indiens devaient être arrivés en Amérique par voie de terre.
La nature des gens du Nouveau Monde : l’ancrage dans l'anthropologie théologique.
Le mythe de la création, la descendance d'Adam et d'Ève, l'éden et l'innocence préalable à
la décadence de l'état original paradisiaque.
Un grand doute théologique : avaient-ils été créés par le Dieu ou étaient des êtres préadamites ?
Il se posa la grande question de la diversité de l'espèce humaine.
En enjeu: Présupposer ou non l'égalité spirituelle et morale de tous les êtres humains.
En partant de la Bible, il s'imposait le monogénisme (Dieu comme un créateur unique),
Avec la découverte du Nouveau Monde surgi le polygénisme (une existence d'espèces
distinctes d'êtres humains, en étant certains pré-adamites, ou bien, une origine multiple
(le détroit de Bering n'a pas été découvert jusqu'à la moitié du XVIIIe siècle).
I. de la Peyrère fut emprisonné lors de la publication de son livre Praeadamitae (1655),
dans lequel il soutenait qu'il y avait des gentils qui étaient nés avant Adam.
Selon une anthropologie théologique accepter cela présupposait que l'Indien auraient une
bonté naturelle, sans la tâche du péché original des chrétiens.
De la théologie
philosophie
l’anthropologie
Il sera durant le XVIIIe siècle quand cette controverse biblique, elle commence
à se déplacer vers une controverse anthropologique.
Avec la découverte du Nouveau Monde l'argumentation s'intensifie contre le
monogénisme biblique.
Le polygénisme (Paracelso, G. Bruno, La Peyrère, Voltaire, Goethe…) dirigé
contre une mentalité religieuse pouvait être un « progrès », dans la mesure qui
controversait le dogme biblique,
mais sous une mentalité anthropologique il se convertira en une théorie pour
diviser le genre humain en races distinctes.
Pour comprendre la filiation du racisme il mérite de rechercher dans les
facteurs qui ont provoqué ce déplacement d'un débat religieux à l'un
anthropologique.
Sciences de la nature : une nouvelle base pour l'anthropologie (à partir du XVIIIe siècle)
Cette nouvelle courante anthropologique ne controversera pas la rationalité de l'indigène
(dogmatisé par la bulle papale),
mais maintient le préjugé de leur retard "culturel" à l'égard de l'Européen.
Dans cette nouvelle anthropologie les différences entre l'être humain et l'animal cessent
d'être d'essence. Il s’agit de différences de degré.
Représentation de la culture comme le produit final d'une évolution, d’une série de
stades:
civilisé
barbare
sauvage
On y croit au « saut » de la nature à la culture.
Dans ce débat l'Allemand G.Hornius (1666) proposa ce principe mythologique de
classement:
Des Japhétites devinnent les Blancs,
Des Sémites les Jaunes,
Des Chamites les Noirs
Bernier (1684) fait un saut de la généalogie et des origines (dimension temporelle)
pour partager le genre humain en 4 ou 5 espèces ou races suivant la couleur et la
géographie continentale.
les Européens -y incluait les Indiens-,
les Africains,
les Chinois et Japonais
les Lapons
C'était une thèse implicitement polygéniste.
Un contre-thêmata: Le bon sauvage
Une influence minoritaire sur l‘OCCIDENTAL se constituait (Las Casas, 1550;
Montaigne, 1580; Rousseau, 1755; Voltaire, 1770…)
Et ainsi le mythe du noble sauvage qui, avec sa simplicité et spontanéité, ferait sentir
comme insupportable aux hommes civilisés la tyrannie de ses artificielles coutumes
Ancrage de la représentation de l'Indien d‘Amérique.
Tout de suite ils se sont convertis en miroir de l'Europe.
Représentation du Bon Sauvage: homme naturel,
image idéalisée de l'homme non corrompu par la civilisation.
Confrontation durant des siècles de deux représentations paradigmatiques des indigènes :
Être humain
animal
Culture
Européen civilisé
(barbare)
Nature (sauvage vs. domestique)
Noble sauvage
Chien sale
En tout cas, ces deux folk-anthropologies présupposent qu'il faut inscrire la
culture (européenne, chrétienne) dans sa nature.
Le passage du barbare et du mythe du bon sauvage au primitif
La science positive,
l'industrie européenne,
la culture occidentale…
deviennent la mesure pour qualifier toute évolution de la nature à la culture.
Et avec l’aide aussi de l’archéologie et la paléontologie
On passe d’une représentation de l'Indien en tant que
barbare (avec des usages et des coutumes abominables)
à la représentation de l’Indien en tant que primitif (retardé par nature).
bon sauvage
primitif
barbare
Du bon sauvage au primitif, retardé:
Les narrations des voyages en Amérique disposent de beaucoup de lecteurs en Europe.
L'ancrage de l'Indien dans la catégorie sauvage, commence sous le parapluie du mythe
du bon sauvage:
-Colomb a décrit le paysage et ses habitants comme si c'était l'éden.
-Las Casas répand avec tout détaille la cruauté des conquistadors, en concluant que
ceux-ci se montraient en ses pratiques davantage sauvages que les indigènes.
-Montaigne (1580) loue le modus vivendi des indigènes, beaucoup plus égalitaire et
naturel que celui qu’il vit en Europe
-Voltaire et Rousseau ils vont utiliser l'image du bon sauvage dans sa critique de la
société européenne.
Mais avec l'essor de l'archéologie, des classifications raciales et de l'idée de Progrès, si
central celle-ci dans la mentalité des Lumières, le mythe du bon sauvage a donné passage
au primitif (c-à-d, retardé).
Le Noir entre dans la scène
Les premiers explorateurs blancs du continent africain confondaient
souvent les singes anthropoïdes avec les aborigènes.
Parfois ils se demandaient si ces singes n'étaient pas des Noirs qui ne
voulaient pas parler pour éviter d'être capturés,
mais la majorité des philosophes ce qu'ils faisaient c'était de voir le Noir
plus proche des singes que de l'Européen blanc.
… le Noir entre dans la scène
Des philosophes du XVIIIe siècle, de la hauteur de Hume ou de Voltaire, se sont
trompés en croyant que les différences dans le phénotype étaient essentielles,
reflet de la polygénèse de l'être humain
Ils ont cru que les Noirs étaient d'une espèce différente et inférieure
On commence à hiérarchiser les êtres humains selon la race et la couleur de la
peau.
Des groupes multiples (des Pygmées, Hottentots, des esclaves noirs, Amérindiens)
étaient classés selon un déficit, un manque quelconque,
…et donc entre l'être humain rationnel et la bête
Un autre 'saut' qualitatif durant les Lumières ce fût le changement théorique
d'expliquer le psychique par le physique.
Les capacités pour la Raison ne venaient plus distribuées ni par Le Créateur;
ni arbitrairement données à une espèce ou à une autre.
Cependant, les degrés de la perfection continuaient a être distribués en suivant le
thêmata Scala Naturae
Et … les Noirs étaient déjà représentés plus près des singes -- corps -- que des anges - esprit--.
On arriva, par exemple, à voir plus de différences entre un Blanc et un Noir qu'entre
un Noir et un singe.
L'idée de Progrès
(qui pourrait être l'investissement de l'idée chrétienne de la chute, de
dégénérescence) apparaît vers des fins du XVIIe siècle.
Il débute la tentation d'attribuer au Blanc d’être véhicule du progrès par
une supériorité congénitale.
Au racisme populaire "naturel" (si vieux comme l'être humain) se joint au
racisme "rationnel" qui s'assoit sur un prétendu fond scientifique
Le placement de l'homme dans la nature
Jusqu'au XVIIe siècle il n'existe pas en Europe une connaissance précise des singes.
Un saut théorique se produit avec le Systema Naturae de Linné (1735)
Mais tout semble assez confus: mélange d'êtres réels et imaginaires dans un schéma
unitaire.
Il y avait confusion entre l'homme, le singe, le troglodyte, le muet, l'homme velu,
l'albinos, les êtres mythiques ou les légendes d'enfants supposément allaités par des
animaux sauvages.
En incluant dans la même catégorie les singes et les humains, il suscita un grand
débat, portant surtout sur l'identité de l'être humain et la différenciation
anthropologique…
Le mystère du Nosce te ipsum
Linné (1707-1778)
Suit l’orthodoxie protestante, il pensait que chaque espèce végétale ou
animale descendait d'un seul parent divinement crées il y a 5500 ans.
Un pas crucial qu'il a donné a été d'intégrer l'homme dans le royaume
animal.
L'ordre Antropomopha, qui a appelé par la suite les Primates, contenait les
singes, comme chez Ray.
Voici les 4 variétés de Linné
europeus albus (ingénieux, inventif, gouverné par des lois),
americanus rubesceus (content de son sort, gouverné par les usages
asiaticus luridus (orgueilleux, avare, gouverné par l'opinion),
afer niger (paresseux, négligent, gouverné par la volonté arbitraire de son
maître).
Dans un ouvrage postérieur, en comparant l'Européen et l‘Hottentot, il
dirait qu'il semble difficile de se convaincre qu’ils sont issus de la même
l'origine (ici le phénotype l’emporte sur ses croyances religieuses).
Peu à peu on tisse par cette époque le préjugé du Noir comme emblème:
du malfaisant,
du crime,
du vice,
la perversion,
du lascif,
l'animalité.
Plusieurs de ces fantômes sur la brutalité des Noirs flottaient déjà dans les esprits
des Européens et les récits des voyages ont aidé à les transformer en théories
anthropologiques.
Conflue un mélange d'interprétations:
la malédiction biblique de Cham,
la classification de Linné
les descriptions de beaucoup de philosophes des Lumières
des bénéfices économiques que l'esclavage apportait à l'homme blanc
L'anthropologie des Lumières
La nouvelle vogue par la méthode scientifique inaugurée à l'ère de la Raison,
a aussi porté à croire qu'en mesurant les aspects physiques de la personne on
pouvait en déduire les caractères moraux et mentaux
la forme du crâne et la couleur de la peau se convertissaient en indicateurs …
Son collaborateur E. Tyson (1650-1708) serait le premier à établir une analogie entre le
singe et l'homme.
Il l'a fait au moyen de sa célèbre étude d'anatomie comparée, dans laquelle il n'a pas
observé de différences entre le singe (un chimpanzé) et l'homme (un pygmée).
Pour lui la couleur de la peau des Noirs se devrait au climat.
Bien que Tyson n'a pas établi d'hiérarchie entre des êtres humains, son travail comparant
l'homme et le singe donnera lieu à deux visions opposées:
1.- L’une (lord Monboddo) consistait à voir dans l'homme européen un singe ou un Noir
qui surent se perfectionner. Continuité, question de degré
2. Les autres, avec plus de partisans, tendaient a voir les Noirs, Hottentots et les indigènes
du Nouveau Monde et le singe … des hommes arriérés, avec la seule différence que ceuxci ne parlaient pas. Discontinuité, question de nature.
Buffon (1707-1788) reprend ces observations et propose sa théorie de la
dégénérescence.
Il prenait comme exemple l'âne, qui serait un cheval dégénéré, bien que de la même
famille.
Il appliquait le même raisonnement à l'homme et au singe: un même origine seulement
que le singe serait un être par dégénérescence.
Il terminera par établir l'analogie suivante :
“le Nègre serait à l’homme ce que l’âne est au cheval, ou plutôt, si le Blanc était
homme, le Nègre ne serait plus un homme, ce serait un animal à part comme le singe ».
Il considérait le concept d'espèces nobles, celles qui sont constantes, invariables et que
l'on ne peut pas soupçonner qu'ils ont dégradé.
Les Lapons, Hottentots, les Noirs il les considérerait comme dégradation de l'être
humain, par les conditions de vie. Il pensait que si les conditions environnementales se
changeaient, ils pourraient revenir au type primitif.
C'est-à-dire il appliquait la théorie de la dégradation dans tout son sens, comme fait
non irréversible.
Mais il y avait un débat.
Montesquieu, Helvetius, Condillat, Condorcet, Rousseau
n'établissaient pas ces différences de nature entre les Blancs et les
autres
ils soutenaient que le fondamental était l'éducation et l'atmosphère
Rousseau: son homme naturel le porte à la représentation de
l'humanité comme d'une dégénérescence à partir du péché original.
Blumenbach (1752-1840) : considéré un fondateur de l'anthropologie
physique,
ne croit pas qu'une de cinq races qu'il établit soient les unes meilleures
que les autres.
Mais il introduit pour la première fois
la différence esthétique : il situe le visage du Blanc, caucasien, comme
plus beau et agréable
Il lui semblait être le berceau du genre humain (à partir de là il aurait
esthétiquement dégénéré en couleur noirâtre).
Aussi la forme du crâne aurait dégénéré du plus harmonieux de la Géorgie
au Noir.
Il accepte donc la théorie du dégénération de Maupertius et de Buffon.
Von Humboldt (1769-1859) l'unique a ne pas se laisser porter par ces préjugés et
folks.
--Il rejetait explicitement la différence entre des races supérieures et inférieures
--il croyait fermement en unité de l'espèce humaine.
--Il critiquait la théorie de la hiérarchisation d'Aristote
--et défendait une humanité sans des distinctions de religion, de nation, de couleur,
comme une famille de frères, comme un corps unique.
--Il a repoussé la thèse de Gobineau sur l'inégalité des races humaines.
Meiners (1745-1810) : considéré le fondateur de la théorie de la race qui a
anticipé le concept Aryen.
Il insisterait pour différencier la race claire et belle de la race foncée et laid.
Il établit l'hiérarchie, le singe, les Noirs du bois (Hottentots et des
Bochimans), des indigènes australiens, race jaune, …
Il voyait une dégénérescence rapide dans l’Amérique et dans les peuples
européens nobles dû au mélange et croisement de races.
(idée centrale plus tard chez Gobineau)
Virey (1774-1847) en France répandait aussi l'idée de la race blanche belle.
Une anomalie : l'albinos ou « le petit animal blanc"
Illustre la peur d'une régression ou dégénérescence d’un état à un autre inférieur,
supposément surpassé.
Nouveau Thêmata:
La peur de la dégénérescence de l'espèce et du tabou du
mélange racial
Pour les historiens du XVIII et XIXe le grand problème n'était pas
d'expliquer pourquoi la culture Européenne avait progressée
davantage que les autres,
mais plutôt pourquoi les autres n‘avaient pas atteint un tel progrès
ou même pourquoi elles étaient entrées dans la décadence
V. thêmata: Théorie de l'évolution
Science vs. Croyance
D'un côté la peur de la dégénérescence, d’une involution
Et en même temps un grand intérêt pour améliorer l'espèce
Résultat:
L'EUGENISME
L'EUGENISME
Un concept proposé par F. Galton (vers 1880)
Cela consiste en améliorations génétiques de la lignée nationale basée sur l'étude
scientifique de toutes les influences qui puissent faire que les meilleures races ou chaînes de
sang prévalent sur les inférieures.
“all influences that tend, in however remote a degree, to give to the more suitable races or
strains of blood a better chance of prevailing speedily over the less suitable than they
otherwise would have had’ (1883, p. 17).
Beaucoup d’États Nationaux n'ont pas tardé à incorporer dans sa législation des
mesures explicitement eugénistes
Les sociologues Mottier et Gerodett (2007) signalent que la première loi de
stérilisation a été introduite à Indiana en 1907 et vers 1930 deux tiers des états
d'Etats-Unis en avaient fait autant.
Parmi nous:
En 1928, le Canton de Vaud avait adopté la première loi de stérilisation eugénique
Le Danemark en 1929
L'Allemande en 1933
La Suède et la Norvège en 1934
La Finlande en 1935
etc
Dans les années 1930 beaucoup de généticiens se sont éloignés de la biologie
raciale, mais principalement par des raisons politiques
Expérience de la syphilis de Tuskegee (1932-1972)
Des gens de couleur / : avez-vous un sang mauvais ? / les analyses sanguines gratuites / le
Traitement gratuit / [offert] par / le Département de Santé / et des médecins du
gouvernement. / tu pourrais te sentir bien et encore avoir un sang mauvais. / Viens et
apporte toute ta famille. / le vendredi (…) / Chaque semaine à la même heure
1972
En 1997 le gouvernement de Clinton demande pardon
Mouvement pour les droits civils.
La lutte contre le racisme
Un nouveau cadre herméneutique de la discrimination:
Le génocide de Juifs, de Gitans, d'homosexuels et de handicapés perpétré par les
nazis
est un premier déchaînement de la nouvelle éthique dans la représentation des
relations entre la majorité - minorité persécutés.
Le concept juridique du crime contre l'humanité qui ne prescrit pas.
Du coup une "humanité" se met à réfléchir sur elle-même.
Seulement alors on a commencé à comprendre que Raison et humanité sont bien
loin d'être interchangeables (Bauman) .
Jean Paul II, après son premier "mea culpa" en 1982 …
- à propos des excès de l'Inquisition
- 1984 : les excès du missionnaires lors des temps de la colonisation;
- 1987 les chrétiens faisaient partie de ceux qui ont détruit la forme de vie des Indiens;
- 1985 aux peuples natifs africains
- 1995 les croisades, comme erreurs.
- "le pardon de tous les catholiques" par les erreurs d’oecuménisme
- 1995 la discrimination historique des femmes,
- 1997 par "l'attitude" de certains chrétiens pendant le nazisme;
- 1998 la Shoah, exprimant leur regret par le comportement des chrétiens.
- l'esclavagisme et le racisme,
- la proximité de l'église du pouvoir politique dictatorial,
- le non respect des droits de l'homme
- la position de son église envers certaines théories scientifiques comme celle de Galilée
Une nouvelle éthique : une purification de la mémoire et d'ordre social mystique
Depuis les années 80, de plus en plus la majorité ou les représentants du pouvoir
semblent se trouver sous la contrainte de purifier la mémoire, la demande du
pardon par des injustices du passé.
Ceci est devenu une espèce de mode religieuse, politique ou sociale.
La majorité se sent éthiquement contaminée par les comportements de
leurs ancêtres (tâchés aujourd’hui de racistes, sexistes, paternalistes,
xénophobes).
Elle se voit dans le devoir de purifier la mémoire.
Cette mode de purification de la mémoire semble imitée par un ensemble de
gouvernements, nations, organisations:
- La reine Elisabeth II recently apologized to the Maoris of New Zeland
- Le Congrès des Etats-Unis pardon aux Hawaiiens par les abus lors de l'occupation.
- 2004 le président d'Argentine (N Kirchner) "pardon" disparitions pendant la dictature.
- 1998 le Guatemala a organisé la ''Journée du Pardon" par les abus de la guerre civile.
- 1998 le gouvernement du Canada pardon par le mauvais traitement des indigènes.
- 1999 le premier ministre australien pardon le mauvais traitement des aborigènes
- 2004 Sénat d'Etats-Unis initia la pétition de pardon au Native People
- 1998 le président de la France a demandé qu'un pardon par le cas Dreyfus.
- 1995 la Croix-Rouge pardon pour ne pas avoir dénoncé les atrocités des nazis
- 2000, le gouvernement norvégien a demandé un pardon aux Gitans
Cette nouvelle sensibilité éthique a aussi atteint beaucoup d'autres domaines…
-2000 la compagnie américaine d'assurances AETNA a demandé un pardon pour s'être
enrichi en émettant des polices d'assurance sur les esclaves en 1850.
-Une telle responsabilité "rétrospective" est aussi réclamée aux industries du tabac, fastfood, pour ne pas avoir convenablement informé les consommateurs de la nocivité
éventuelle de ses produits, etc..
La plupart de demandes de pardon concerne à ces quatre minorités :
le génocide des Juifs et Gitans durant la deuxième guerre mondiale,
les indigènes,
l'esclavage et le racisme subi par les Noirs.
Nouvelles éthique et minorités victimaires
Les mouvements des droits civils des années 60 ont incarné la lutte contre
l'injustice sociale.
Une nouvelle sensibilité surgit contre l'injustice d’exclure ou discriminer la
minorité par sa simple appartenance ethnique.
La majorité commence à se montrer très vigilante pour éviter d'être accusée
d’être discriminatoire ou de maintenir des préjugés sociaux.
Dans les années 80 surgit une nouvelle représentation des minorités
victimaires.
Tout cela reflète une espèce de changement de paradigme dans les relations entre la
majorité et les minorités historique et collectivement discriminées ou poursuivies.
Il s'agit de l‘émergence des minorités victimaires (Moscovici et Pérez, 2007; 2009),
dont leur simple existence génère dans la majorité un sentiment d'injustice.
La nouveauté serait que la majorité aspire à s'humaniser, à être sujet moral.
Aujoud’hui la simple co-habitation avec une minorité historiquement persécuté, fait
sentir chez la majorité une responsabilité éthique par la souffrance de la minorité,
(bien que la majorité ne soit pas directement la coupable)
Ce nouveau paradigme des relations majorité-minorité introduit introduit le
diachronique dans les rapports entre-groupes
la majorité montre d'intérêt à l'histoire des minorités persécutés,
se voit en filiation avec ses ancêtres,
prend conscience du dommage infligé dans le passé à la minorité,
ressent cette expérience comme une tache dans son identité,
essaie de se « purifier », en demandant pardon au nom de ses ancêtres.
Dans ce nouveau paradigme éthique,
la majorité (se) perçoit comme un acte d'humanisation l'assomption de
responsabilité éthique par les dommages causés par ses ancêtres.
La représentation diachronique des relations entre des groupes, (notamment entre
une majorité et une minorité) a été relativement peu étudiée.
Le plus étudié dans une psychologie sociale est l'identité sociale qui dérive de la
catégorisation sociale et la résultante la différenciation à l'égard de l'autre groupe
(Tajfel et Turner, 1986).
Cependant, dans une perspective interactionniste des relations entre des groupes qui présuppose toujours une certaine diachronicité- il faut considérer aussi
l'existence d'une identité morale.
Le comportement manifesté envers des membres de l'autre groupe résulte
moralement évaluable,
en fonction de divers principes:
de justice,
d'égalité,
de discrimination,
de solidarité,
d'altruisme,
etc.
Par exemple, l'identité d'une majorité dérive aussi de son comportement avec la
minorité, ou de l’évaluation anticipée d'un comportement de différenciation sociale
(p. ex., interprété comme discriminatoire, ethnocentrique, solidaire, traître).
Ces comportements inter-groupes sont constitutifs d'une identité morale, amorale
ou immorale.
La Charte des Droits Humains (1948) constitue une réussite indiscutable de la
Raison, on représente l'humanité comme une ontologie.
Cependant, l'implémentation de ces droits et idéaux se heurte fréquemment avec
des représentations à propos des minorités auxquelles on devrait l’appliquer
Une pensée populaire (et dans quelques cas non si populaire) s’attache à se guider
par les traditions qui pendant des siècles on porté sur anthropologies
ontologisatrices des minorités dans les plus divers univers religieux, biologiques,
sociaux, culturels.
Il reste à voir la force de cette identité morale pour changer ces représentations que
tout au long des siècles viennent ontologisant les minorités en les situant hors
mainstream.
VI. Thêmata éthique: La conversion de la majorité
Le préjugé ethnique comme déficience morale
La nouveauté de ce thêmata consiste en ce que la majorité a commencé à se
reconnaître source de préjugés ethniques et raciaux
Celui qui recourt aux stéréotypes et préjugés commence à apparaître “as morally inferior
human being” (Jones, 1997).
Les actuels modèles sur le racisme reprennent ce thêmata éthique
Le modèle du Racisme Moderne (McConahay,1983) : une ambivalence grâce aux
préjugés persistants envers les Noirs et des principes moraux actuels.
Le modè du Racisme Aversive (Gaertner et Dovidio, 1986) une ambivalence grâce
aux images historiques infériorisant les noirs --apprises dans un environnement
familial, scolaire, socioculturel, mass-media-- et le système moral d'une égalité entre
toutes les personnes.
Les personnes qui expérimentent le racisme aversive essaient d'être très attentives
pour éviter d'être accusées de se guider par les traditionnels préjugés raciaux et
ethniques, au lieu des principes modernes égalitaires.
Certaines études montrent que l'on est bien capable de séparer le contenu des
stéréotypes qu’on connaît et ce dont l'on croit (Devine et Elliot,1995) :
Le modèle du Racisme Symbolic (Kinder et Sears, 1981) remarque le
mélange d'affects anti-Noir avec des valeurs morales américaines incarnées
dans l'éthique protestante
On tend à responsabiliser à la minorité de son propre destin, en l'accusant
de violer l'éthique du travail ou qui viole des valeurs traditionnelles de la
majorité, comme self-relience, individualism, hard work, obedience.
L'individu n'est pas discriminé pour appartenir à une catégorie sociale
déterminée, mais par sa déviation à l'égard de certaines valeurs de l'éthique
protestante
Comme l'a remarqué Myrdal (1944), cette dimension éthique est
constitutive des dilemmes moraux: contradiction entre professer
des préjugés ethniques et raciaux et le democratic creedo).
Sentiments de culpabilité collective (Barkan, 2000)
Ou des conflits sociomorales qui peuvent être --selon nous-- le
moteur de cette conversion de la majorité (Pérez et Mugny, 1993).
Malgré cette pression normative contre les préjugés, les thêmata
vus précédemment (infériorisation, animalisation, biologisassion,
contamination) seraient à l’oeuvre dans les préjugés implicites (
Fazio et al., 1995; Greenwald & Banaji, 1995).
Notre conclusion: il n'y aurait pas une nouvelle représentation
des minorités ethniques qui aurait donné lieu à de nouveaux
préjugés envers elles.
Le nouveau: l'évaluation éthique qui est faite ou fait la majorité
d‘elle-même lorsqu’elle exprime en public des préjugés envers la
minorité.
Y a-t-il moins de préjugés actuellement que dans le passé ?
Les génocides continuent (par exemple le Kosovo ou Dafur).
L'exclusion moral (Opotow (1990) continue.
La persécution que les Gitans subissent dans quelques pays de l'Europe continue
(Brearly, 2001).
Celles-ci rappellent des processus psycho-sociaux décrits par Kelman et Hamilton
(Crimes of Obedience, 1989):
autorisation,
routinisation,
déshumanisation.
La victimisation des Noirs aux États-Unis augmente;
Bobo et Charles (2009) remarquent qu'entre 1977 et 2004 la
proportion de Blancs qui victimisaient les Noirs a passé de 21 à 27.
Les propres Noirs seraient en train de l’internaliser puisque dans la
même période sont passés de 6 à 11.
Les mariages interraciaux:
1960 0.13%
2000 0.60%
2010 0.75%.
Mais selon les trois derniers recensements (1990, 2000, 2010):
- la taxe de mariages entre Blancs et Noirs est proportionnellement
mineur que la taxe de mariages entre des Blancs et n'importe
quelle autre minorité ethnique (Hispaniques, Asiatiques, Indiens)
-Le nombre de couples en cohabitation, non mariées, est plus
grande quand l'un des partners est Noir.
-Les Noirs vivent dans les édifices qui sont plus séparés des Blancs
de ce que les Blancs ne sont séparées des Hispaniques et des
Asiatique.
être sexiste, raciste, xénophobe, antisémite …
il est très mal évalué par la propre majorité.
Cependant, les données montrent que pratiquement toutes les minorités
historiquement discriminées continuent dans des positions socioéconomiques de discrimination
Les Indigènes
Etudes de l'ONU sur l'actuelle situation des indigènes montrent bien:
- ils continuent d'être les plus nombreux entre les pauvres
- les plus hautes taxes d'analphabétisme et de chômage.
- graves problèmes d'exclusion sociale et de déracinement culturel
- l'espérance de vie est inférieure
- la violence et la brutalité,
- la perpétuation des politiques d'assimilation,
- la dépouille de ses terres,
- la dénégation de ses droits à la terre,
- les effets du développement à grande échelle,
- les abus les forces militaires et les conflits armés,
Telle est aujourd'hui comme hier la réalité pour les communautés indigènes de
tout le monde.
Le défi pour les sciences sociales et politiques est énorme :
Pourquoi la majorité approuve-t-elle la Charte des Droits Humains,
manifeste des attitudes humanistes, et en même temps sa société
reproduit-elle la discrimination ?
Une hypothèse générale consiste en ce que la Charte D.H. appartient au
royaume de la Raison et trouve des résistances dans le royaume du folkanthropology.
Un phénomène digne d'attention est la persistance dans le temps d'une
représentation d'indigène que évoque le sauvage et primitif comme
opposés au civilisé,
Cette folk-anthropology est sous-jacente au contact et le mélange entre la
majorité et la minorité
stigmatise le fruit de ce contact en quelque chose d'inférieur, impur ou
dévalorisé
Malgré le métissage, l'hiérarchie entre des groupes s'est maintenue intacte,
dans l'une et l'autre part de l'Amérique :
Européens (Caucasiens)
Créoles,
Métis,
Indiens,
Mulâtres,
Noirs.
Autant de degrés distincts d’infériorisation qui ne s'expliquent pas uniquement
par les relations de pouvoir.
Ces relations hiérarchiques de domination, ont été admises dans l'Occident
par le droit civil et le droit canonique,
par des philosophes,
théologiens,
juristes
et les coutumes et les traditions de beaucoup de peuples.
Les ensembles d'idées, de coutumes, de culture, de religion, de lois configurent
tout un système de croyances qui rend possible ces types de relations humaines
de domestication et ontologisation
Cette hiérarchie sociale dérive, depuis le commencement de la colonisation de
la représentation du premier Indien, de l’intervention du thêmata nature culture et par la suite du thêmata sauvage - civilisé
Une dernière tentative d'influer sur le thêmata sauvage - civilisé on l'ancre dans la
nouvelle culture éthique qui imprègne les relations morales avec l'Autrui.
Des concepts comme le génocide (1948) agissent comme un phare pour un
changement de mentalité éthique.
Cela a permis un regard en arrière et de ne pas voir seulement la conquête et la
colonisation comme une matière d'intérêts matériels et d'expansion de religions.
Ce regard rétrospectif met en relief la souffrance de minorités victimaires, comme
elles le sont les Indiens et les Noirs.
La mauvaise conscience que cela provoque chez la majorité, se traduirait dans que
celle-ci accepte les droits du groupe et non seulement de l'individu.
Il reste à voir que cette perspective éthique débouche réellement sur l'égalité
ontologique.
Que la pensée ordinaire termine par se convaincre que le sauvage ni existe ni a
existé, et qui n'est qu’une construction societale.
L'approbation par l'ONU (2007) de la Déclaration universelle des
droits des peuples indigènes,
est un autre signe de cette nouvelle éthique qui préside les
rapports de la majorité avec la minorité.
Il reflète bien une nouvelle représentation de l'être humain,
droit de coutumes
vs. loi générale,
économie durable vs
rentabilité,
culture écologique
vs
ingénieries chimiques,
communauté
vs
individualisme.
Tout une cosmovision d’un autre rapport à la nature et d'autres
relations avec la collectivité.
Quelle influence des minorités victimaires?
Programmes de recherche des processus de deshumanisation, Infrahumanisation, animalisation et essentialisme ethnique,
confirment l'hypothèse de Jahoda (1999): les images des autres
comme animaux, primitifs, sauvages, ne sont par des reliques
historiques, d’un passé déjà surpassé.
1. Leyens:
Les affects typiquement humains ; la tendresse, l’amour, l’espérance,
la culpabilité, la honte) sont plutôt attribués au intra-groupe
Vs.
les émotions primaires (les affects partagés avec les animaux ;
tristesse, joie, rage) au hors-groupe.
2. Goff et al. (2008) dans une série d'expériences avec des étudiants
nord-américains montrent une association implicite entre AfricanAmericans et le singe.
3. Haslam et ses collaborateurs (Haslam, 2006) font la différence entre
des attributs typiquement humains (émotionnel, ouvert, affectionné)
qui sont partagés avec l'animal,
et des attributs uniquement humains (rationnel, civilisé, autocontrôle).
Les individus s'attribuent plus à eux-mêmes qu'à d'autres les attributs
typiquement humains, mais non plus d'attributs uniquement humains.
Cette série de recherches ont vérifié que le préjugé ethnique
actuel, malgré la pression morale contre son expression explicite,
ne semble pas échapper à l'influence des représentations
hégémoniques des minorités ethniques
Théorie de l’ontologisation des minorités
(le cas des Gitans)
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