Haute-Normandie Archéologique, tome 13, fascicule 2, 2008
AUX ORIGINES DE JULIOBONA.
Marie-Dominique MUTARELLI et Vincenzo MUTARELLI
Résumé
Les Calètes et leur capitale Juliobona : principaux apports des écrits antiques et hypothèses sur les origines et l’histoire de la
ville gallo-romaine.
Mots-clés
Calètes, Caleti, Lillebonne, Juliobona.
Abstract
Caleti and their capital Juliobona: principal contribution by the study of antique text and some hypothesis about origins and
history of the Gallo-Roman city.
Riassunto
Il popolo dei Caleti e la loro capitale "Juliobona": l'apporto dei testi antichi e le ipotesi sulle origini e la storia della città gallo-
romana.
1. JULIOBONA CAPITALE DES CALETES
Malgré les nombreux écrits relatifs à l’histoire de Lillebonne à l’époque antique, les sources fiables sont rares et
les hypothèses avancées restent à confirmer.
Les Calètes appartiennent aux peuples belges qui s’installent, à partir de 250 avant Jésus-Christ environ, dans
les territoires compris entre Rhin, Marne et Seine. Ils occupent la partie extrême de la rive droite de la Seine,
entre l’estuaire de ce fleuve, la Manche et jusqu’à Dieppe au nord, les rives de la Bresle semblant dépendre des
Ambiens. A l’est, leur territoire ne s’étend pas au-delà de Caudebec où commence celui des Véliocasses.
Le nombre de leurs combattants dans la guerre des Gaules révèle cependant une densité de population
importante compte tenu du territoire restreint qu’ils occupent. En 58, César leur attribue un contingent de 10 000
hommes sur les 300 000 Belges réunis contre lui
. Ils s’inscrivent parmi les peuples d’importance politique
secondaire. En 51, les Calètes figurent parmi les peuples alliés aux Bellovaques qui refusent la défaite d’Alésia.
Le triomphe de César sur la coalition signe la fin de leur indépendance.
Vers 13 avant Jésus-Christ, l’organisation administrative romaine des provinces de Gaule inclut les Calètes et les
Véliocasses dans la Lyonnaise, les séparant de fait de leurs alliés belges.
A la fin du Ier siècle avant notre ère, Strabon
décrit les conditions d’existence rudes du peuple calète. Il insiste
sur leur position stratégique sur la voie commerciale fluviale qui relie l’Italie à la Britannia en passant par le
Rhône, la Saône et la Seine. Au milieu du Ier siècle de notre ère, Pline l’Ancien
attribue également la richesse
des Calètes à la culture du lin ainsi qu’à la solidité et à la qualité des voiles et des tissus qu’ils fabriquent.
Le nom de la capitale des Calètes, Juliobona, apparaît dans les textes au début du IIe siècle, dans la Géographie
de Ptolémée
: « Sur la rive droite de la Seine habitent les Calètes dont la ville principale est Juliobona ».
Au IIIe siècle, la Table de Peutinger et l’Itinéraire d’Antonin, signalent Juliobona comme un carrefour de routes
dont la cité est une étape importante : l’une va de Caracoticum (Harfleur) à Augustobona (Troyes) par Juliobona ;
la seconde relie Juliobona à Mediolanum Aulercorum (Evreux) ; la troisième mène de Juliobona à Durocasses
(Dreux) par Breviodurum (Brionne).
Dès le Moyen Age, les historiens ont avancé l’hypothèse d’une première ville gauloise du nom de Calet à
l’emplacement même de la future Juliobona. Une monnaie gauloise portant le mot Caledu témoignerait de
l’existence de cette ville.
L’habitat traditionnel des peuples gaulois se caractérise par une implantation sur des positions défensives, dans
des zones dominantes du relief ou entourées de cours d’eau qui offrent une protection naturelle. César les
qualifie d’oppidum. De nombreux sites défensifs d’origine celtique, mettant à profit l’existence de promontoires
faciles à fortifier, ont été identifiés sur le territoire des Calètes, en particulier le long du cours de la Seine et dans
les zones côtières. Si le plateau qui devait accueillir Juliobona offre certaines de ces caractéristiques, aucune
trace de structure ne prouve l’existence sur ce site d’un habitat antérieur à la conquête.
Il semble en effet que la ville de Juliobona soit créée ex nihilo au lendemain de la pacification de la Gaule. Un
transfert de compétence se serait plutôt effectué depuis l’un des principaux oppida identifiés chez les Caleti : le
Camp du Canada proche de Fécamp, à 25 km au nord, ou la Cité de Limes aux environs de Dieppe. L’un et
César, De Bello Gallico, II, 4
Strabon, Géographie, livre IV
Pline, Histoire naturelle, XIX, 2
Ptolémée, Géographie, II, 8