La forêt, le fer, le feu, la femme, agriculture sur brûlis, société et

FIG 2010 - R Pourtier La forêt, le fer, le feu, la femme, agriculture sur brûlis, société et territoire en
Afrique centrale forestière [email protected] 1/5
La forêt, le fer, le feu, la femme, agriculture
sur brûlis, société et territoire en Afrique
centrale forestière
Roland Pourtier, professeur université Paris 1
Forêt équatoriale africaine = 1,5 millions de km² (3 fois la France)
Techniques dexploitation du milieu et vie sociale qui tournent autour de cette forêt.
Les « 4 F »: Forêt/Fer/Feu/Femme, la femme est la clé de voûte de lexploitation de
cette forêt.
Photo dune zone de forte densité au Gabon (entre 5 et 10 habitants au km²)
Espèce de moutonnement des arbres, environ 100 espèces darbres différents.
Inégalité du massif forestier, élément de clairière, de cultures, de jachère ou
clairière dhabitat.
Marqueterie confuse de forêt à différents stades.
L’agriculture sur brûlis est itinérante : avec un brûlis, culture puis abandon vers une
autre parcelle =>sorte de rotation de 15 à 20 ans sur ces parcelles sur brûlis.
Milieu très adapté à ce peuplement.
Deux grands avantages : en brûlant la forêt, on crée des bonnes conditions pour
lagriculture car les potasses issues des cendres ont un apport fertilisant naturel
grâce aux éléments contenus dans les cendres.
Les plantes exportent ces apports et ruissellement importants qui entraînent un
rapide appauvrissement des sols: il est donc nécessaire de faire une rotation des
parcelles sur brûlis.
Réserves de plantes (graines) qui profitent pour pousser dès quil y a un trou
(adventices = mauvaises herbes).
Pas doutils performants pour lutter contre cela en forêt africaine (hache, machette
qui est loutil à tout faire et la houe qui permet le sarclage).
Énergie à dépenser et efforts à faire sont importants pour pratiquer cette
agriculture sur brûlis.
Milieu forestier sévit la mouche tsé-tsé, donc pas de bétail possible => intérêt
déconomiser au maximum le travail grâce au feu.
Exploitation de la forêt sur brûlis consiste à débroussailler et abattre les arbres en
début de saison sèche (plusieurs mois) pour quils perdent leur humidité et pouvoir
y mettre le feu =>rythme imposé par les saisons.
Avant la saison des pluies, lagriculteur met le feu, moment crucial, très important.
Dès quon a brûlé, on plante sur les cendres encore chaudes.
Le champ (photo de clairière défrichée à la fin de la saison sèche) est assez fouillis,
reste encore quelques arbres à bois dur ou utiles (médecine/remèdes naturels,
fruits), assez peu pratique, et qui ne ressemble pas à notre champ typique
=>environnement de forêt encore prégnant.
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Cela peut être à proximité des villages : champs de bananiers et manioc (banane
plantain = légume à cuire) ; le manioc vient dAmazonie, implanté par les Portugais
au XVIe-XVIIe siècles, vite adopté car beaucoup davantages, rustique, facile à
cultiver et à reproduire ; aubergines, tomates, cucurbitacées, arachides, un peu de
canne à sucre =>assez grande variété de plantes.
Lutilisation de ces plantes se fait en fonction des sols : si les champs tournent, les
villages se déplacent aussi car lhabitat est non durable (bois, argile, palme) donc
dure entre 10 à 15 ans =>difficile à cartographier pour les géographes, mais
aujourdhui les choses changent.
Une fois les parcelles abandonnées, reprise des arbres à croissance rapide =>en 20
ans, reconstitution dune biomasse assez importante pour repratiquer une
agriculture sur brûlis.
Conditions sociales du travail : qui fait quoi
Système de production fondé sur la répartition très rigoureuse du travail entre
hommes et femmes.
Hommes : bûcherons, fonction fondamentale dans la forêt équatoriale africaine,
depuis des siècles jusquà maintenant, répartition sexuelle du travail, chasseurs,
protecteurs du groupe =>arme : hache, lance, sagaie.
Abattre les arbres dune parcelle = 1 mois de travail dans lannée (contre 2 jours
avec une tronçonneuse s’il y a effectivement une saison sèche) ; si pas dabattage,
pas de plantation : pendant la 1re Guerre mondiale = famine dans ce massif car les
hommes étaient partis à la guerre et les femmes navaient pas pu planter !
Le processus de production relève des femmes : elles plantent, bouturent le
manioc, plantation de bananiers, courges, arachides ; elles sarclent et récoltent.
Il ny a pas de moisson dans cette agriculture de la forêt, important pour la notion
des temporalités.
Manioc : grosse racine avec une tige de 2 m environ, on récolte la racine (on
consomme les feuilles), on ne peut pas conserver cette racine, car elle est trop
humide ; mais le manioc peut rester dans le sol car il sauto-entretient pendant 6 à
8 mois, sans perdre ses qualités organoleptiques : cest donc la terre qui fait
fonction de grenier et conserve ces tubercules, donc pas de greniers en Afrique
centrale (alors quil y en beaucoup en Afrique de louest), sauf dans les cuisines
lon garde quelques provisions qui se conservent plusieurs mois (arachides, maïs)
=> quelques sacs de graines de courge.
Pas de grenier car pas de moisson.
Concernant les bananes, il faut consommer le régime sous 15 jours, mais il faut le
couper quand il est mûr : donc échelonnement de la plantation et jeu sur les
variétés de bananes (parfois, on arrive à un moment sans récolte = soudure).
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Techniques pour surmonter ce handicap
Au Brésil, le manioc est transformé en farine (fariňa), idem en Afrique = farine de
manioc qui se conserve pendant 6 mois, mais demande plus de travail et est
réservée pour les repas festifs (photo de femme râpant le manioc pour farine).
Travail autour du manioc (contient de lacide cyanhydrique très toxique) le laisser
dans leau plusieurs jours, le faire cuire et récupérer les boules/bâtons de manioc.
Pour les bananes, technique de conservation : bananes sur feu de bois, perte
dhumidité et conservation plus longue (mais pas en Afrique équatoriale).
Afrique des paniers de forêt dAfrique équatoriale (qui soppose à lAfrique des
greniers en Afrique de lOuest).
Problème de se procurer la nourriture du quotidien : il faut que tous les 2 jours, on
aille chercher les produits dans les champs. Cest la femme qui est responsable de
ce transport, double fonction de transport avec aussi le port des enfants.
Pour porter la nourriture, il faut des paniers très chargés (photos sur un bac de
fleuve) : « La femme est la bête de somme de lAfrique équatoriale. » Les paniers
sont très importants car ils sont la base du système économique et social = la
femme africaine est au cœur du système productif.
Chaque groupe ethnique a son système de paniers (cylindrique, conique) => cest
le seul artisanat qui a survécu à la colonisation et au système économique (environ
50 kg pour chaque panier, ce qui entraîne un vieillissement rapide car cest
physiquement dur).
Le port du panier, très lourd, avec bandeau frontal pour maintenir léquilibre mais la
femme est marquée dans son corps (forte cambrure).
Autres conséquences de ce système de production
(anthropologiques, économiques (déterminisme ?))
Un certain nombre de conditionnements existe par rapport à ces contraintes
naturelles.
Provisions/prévisions =>gestion des provisions, il faut également des réserves pour
deux ans si crise ou sécheresse => il faut également gérer le futur.
Avec le panier, instantanéité champ ou cueillette, relation directe, immédiate avec
la nature, pas daccumulation et de gestion du futur => les conditions ne sont pas
favorables à laccumulation, difficulté de la gestion du futur, de la prévision.
Au moment de la colonisation, les colonisateurs ont trouvé que lhomme africain ne
faisait pas grand-chose, d cette image du fainéant indigène => car lhomme,
après la période de défrichement/abattage se consacre à un temps social =>
palabres, assis dans le corps de garde les hommes font la société et échanges
matrimoniaux pour assurer la rotation des femmes avec exogamie clanique (on ne
se marie pas dans son clan) avec dot/compensation matrimoniale car si on cède
une femme, on perd une travailleuse, donc il faut en apport des fruits, des animaux
(chèvre) et aussi des outils en fer, seul élément de durabilité.
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Cette absence de gestion du futur nest pas favorable à létablissement dune
société sur un espace étendu => pas dÉtat vraiment organisé avant la
colonisation, jamais dautorité supérieure à celle du chef de famille.
Si accumulation de nourriture, il existerait la possibilité dêtre pillé et de nourrir tout
un État ; dans cette forêt équatoriale, cela nexiste pas : les conditions ne sont pas
favorables à la constitution des États ou dorganisations politiques.
Émergence aujourdhui de sociétés qui fonctionnent mais souvent, télescopages des
temporalités extraordinaires avec un saut de lâge du fer à lâge dInternet,
directement, et donc remettent en cause ce système.
La cuisine reste laboutissement du système de production (photo de cuisine : une
femme râpe le manioc pour en faire de la fariňa).
Problème aujourdhui : passer de litinérance à une agriculture plus intensive qui
consomme moins despace et se rapprochant des lieux de consommation = les
villes.
=>Passer à une agriculture fixe permettant dintensifier et de maintenir la fertilité
des sols (légumineuses) : on est en train de rompre cette agriculture sur brûlis et
ce rôle de la femme.
=>Aujourdhui changements en cours dans lAfrique forestière. Les villes sont les
moteurs de ces changements car les hommes ont compris que grâce à elles, ils
pouvaient gagner de largent par le biais du système citadin.
Ainsi, bientôt tout ce système sera du domaine de lhistoire.
Les enfants : sils sont petits, les femmes les emmènent avec elles ou ils sont
gardés par les anciens. Les filles sont très vite éduquées au port de petits paniers,
les garçons, eux, sont initiés à la chasse par leurs pères ou oncles.
Mais cela change avec lurbanisation et la scolarisation en ville ; lécole = lieu de la
rupture avec toutes ces pratiques ancestrales.
Les forestiers se plaignent de ce gaspillage de lagriculture sur brûlis, or ce système
est en équilibre avec la forêt, avec de nouveaux cycles, même si, certes, le fait de
défricher modifie.
Lokoumé a besoin de clairières de lumière autour de lui pour pousser en hauteur.
Ne pas confondre cette agriculture sur brûlis traditionnelle pour consommation
vivrière dun petit groupe avec les grands brûlis industriels dIndonésie ou
dAmazonie. Ici brûlis denviron 1 ha.
Exode rural ne vide pas encore les campagnes, mais les zones de production
agricole se rapprochent des zones urbaines et périurbaines avec utilisation des
déchets de la ville pour les fumures (ex-déchets dune brasserie).
Grandes auréoles de défrichement autour des villes (Yaoundé, Kinshasa visibles
davion).
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La ville est le moteur de tous ces changements.
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