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l’angoisse de la mort, le spectre de celle-ci sont éloignés, exorcisés par la passion de la
richesse que permet d’assouvir l’argent. En accumulant biens matériels et symboles
que la monnaie permet d’acquérir, on conjure le sort funeste qui nous est promis.
La monnaie est alors un moyen de canaliser la violence à l’intérieur des sociétés
vers cette soif de richesse, exutoire à l’angoisse morbide le plus accessible, et passion
susceptible de dégénérer de façon un peu moins violente que la passion du pouvoir ou
le fanatisme religieux. Ceci est l’interprétation de René Girard.
A partir de là, cette conception de la monnaie connaît deux variantes. L’une, qui
est bien représentée par une partie de l’école des conventions (A. Orléan) rejointe par
une partie de l’ex-école de la régulation (M. Aglietta), considère que la monnaie est
l’acte fondateur de la société. Elle se démarque donc de la théorie classique qui situait
cet acte fondateur dans le seul échange entre individus autonomes hors de tout
environnement social et dans le contrat qu’ils nouent. Cette première conception n’a
plus besoin de la théorie de la valeur.
L’autre variante, que l’on peut rattacher à la problématique marxienne, continue
d’adosser la théorie de la monnaie à la théorie de la valeur parce que le travail est
l’acte par lequel les hommes vont nouer des rapports sociaux dans lesquels la monnaie
joue son rôle (voir plus haut, 2° interprétation).
Les troisième et quatrième interprétations n’aident en rien pour savoir s’il faut
augmenter ou diminuer les taux d’intérêt mais elles sont précieuses pour comprendre,
d’une part, la financiarisation du capitalisme (3° interprétation) à l’époque de la crise
financière, d’autre part le rôle social de la monnaie (4° interprétation) à l’époque où
l’on parle de dissolution du lien social et où certaines monnaies nationales vont
disparaître prochainement.
Les deux premières interprétations se disputent le leader-ship au sein de
l’orthodoxie et de multiples débats opposent les économistes orthodoxes. Un premier
débat oppose ceux qui considèrent la monnaie comme exogène, c’est-à-dire que, en
situation d’inconvertibilité, l’offre globale de monnaie dépend des seules autorités
monétaires au comportement spontanément laxiste ; et ceux qui considèrent la
monnaie comme endogène, c’est-à-dire créée par le système bancaire en réponse aux
besoins de l’activité économique (conception de Wicksel, d’I. Fisher en 1933, et de
Keynes).
Au sein des premiers, un débat partage ceux qui pensent que la monnaie n’a que
des effets nominaux sur l’économie (conception de la monnaie-voile qui voit une forte
dichotomie entre la sphère réelle et la sphère monétaire : TQM, Currency shool, I.
Fisher de 1911, NEC) ; et ceux qui pensent que la monnaie a des effets réels
(conception de la monnaie active). Mais au sein de ces derniers, certains pensent que
les effets ne sont que transitoires (dichotomie faible : Friedman) ; d’autres pensent que
les effets sont durables et dommageables (pas de dichotomie : Hayek, Rueff).
1.1.2. L’objectif principal de la banque centrale
A l’époque où les taux d’inflation étaient élevés, l’objectif fut de réduire, voire
d’éliminer l’inflation. Une fois cet objectif atteint, l’objectif fut de maintenir l’inflation
à un taux très faible.