LA RAGE DEFINITION La rage est une maladie infectieuse, virulente, inoculable en général par une morsure. Cette maladie commune à l’homme et à la plupart des espèces animales à sang chaud est due à un Rhabdovirus: le virus rabique. Sur le plan clinique, elle est caractérisée, après une très longue période d’incubation, par une encéphalomyélite mortelle en règle générale, débutant par des signes d’excitation et d’agressivité et se terminant par des paralysies. Sur le plan histologique, la signature de l’infection est constituée par la présence d’inclusions cytoplasmiques acidophiles dans certaines cellules nerveuses: les corps de Negri. Le terme rage dérive du latin rabere: être fou. ESPECES AFFECTEES Tous les animaux à sang chaud domestiques ou sauvages et l’homme sont réceptifs au virus rabique et peuvent être infectés dans les conditions naturelles. IMPORTANCE L’importance hygiénique: tous les cas de rage humaine sone d’origine animale. La rage lorsque elle est cliniquement déclarée chez l’homme est toujours mortelle, après une évolution courte d’un tableau clinique dramatique au cours duquel la conscience est conservée jusqu’à une phase avancée. *Le vétérinaire a un rôle social de protection de la santé publique à jouer, car il a la charge de diagnostic et de la majeure partie de la prophylaxie de cette zoonose majeure. L’importance économique: concernant les pertes en animaux qui peuvent être élevées, ainsi que les dépenses engagés pour la lutte contre la rage qui peuvent également être très élevées. Malgré les vaccins antirabiques de plus en plus perfectionnes dont on dispose, la rage est en voie de développement dans de nombreux pays sous forme d’une rage des animaux sauvages contre laquelle il est plus difficile de lutter. DISTRIBUTION GEOGRAPHIQUE La rage sévit de façon enzootique, avec une intensité variée, dans la plupart des pays, en Amérique, en Afrique, en Europe et en Asie. Rares sont les pays indemnes de manière régulière, exemple: Grande Bretagne, Suède, Norvège…….. SYMPTOMES La symptomatologie de la rage est dominée par les faits suivants: * La longueur et l’incertitude de la durée d’incubation de la maladie: pour chaque espèce, la durée d’incubation varie en fonction de plusieurs facteurs: l’âge de l’animal, la quantité de virus inoculé, la virulence de la souche, l’endroit de l’inoculation. En règle générale, l’incubation est d’autant plus longue que la plaie d’inoculation est plus éloignée de la tête. * Le virus rabique, virus neurotrope, déclenche un ensemble de troubles parmi lesquels dominent des troubles nerveux (psychiques, moteurs et organo-végétatifs….). *Il est classique , dans un but didactique, de distinguer une forme « furieuse » et une forme « paralytique ». Entre cas deux extrêmes, il existe toutes les variations et les combinaisons possibles. *Enfin, pour retenir comme règle fondamentale le caractère inexorablement mortel de la maladie déclarée. Cependant comme toute règle, celle-ci comporte des exceptions notamment chez les Chiroptères, chez les oiseaux et beaucoup plus rarement chez les mammifères terrestres. Rage des ruminants L’incubation est longue, souvent de 3 mois , parfois d’avantage. La rage se traduit chez le bœuf , le mouton et la chèvre par des signes analogues à ceux qui sont observés chez le chien et le chat et l’on retrouve chez eux les deux formes, furieuse et paralytique. *La rage furieuse Le début est marqué par des phénomènes cérébraux, les animaux sont irritables, les excitations sensorielles provoquent des réactions violentes. Certaines régions, les lombes notamment sont hyperesthésiées. La respiration et la circulation sont accélérées, la température s’élève jusqu’à 40°C. La région inoculée est le siège d’un prurit violent. On constate des tremblements généraux et de l’excitation génésique. Ces premiers signes s’accentuent en 12 à 24 heures, il se produit des hallucinations. La vue d’un chien presque toujours, quelquefois celle de l’homme ou même une impression sensorielle quelconque provoque un accès de ferreur. Des périodes de rémission succèdent à ces crises. En quelque cas ,la mort survient brusquement pendant des premiers accès. Peu à peu, les sensibilités s’émoussent, la paralysie survient et progresse très vite. La mort survient après 4 à 6 jours. *La rage paralytique La forme paralytique est marquée à son début par de la tristesse, de l’inquiétude, de l’agitation et des coliques légères. La paralysie se montre dès les premiers instants, elle débute souvent par une boiterie, suivie d’une akinésie complète étendue peu après à toute une région. On retrouve les troubles digestifs de la forme furieuse, la station est impossible. L’animal tombe et succombe à l’extension de la paralysie. La durée moyenne est de 2 à 4 jours. Les symptômes observés chez les petits ruminants ne diffèrent des précédents que par les attitudes pendant les périodes d’excitation. Les signes sont les mêmes chez la chèvre, chez le bouc le sens génésique déjà très développé, chez l’animal sain est soumis à une surexcitation extrême. LESIONS Lésions macroscopiques Aucune lésion macroscopique n’a de valeur spécifique. On retrouve souvent des corps étrangers divers dans l’estomac. Lésions microscopiques On peut décrire des lésions non spécifiques et des lésions spécifiques du système nerveux: *Lésions non spécifiques: lésions d’encéphalomyélite virale et lésions ganglionnaires, lésions vasculaires, péri-vasculaires et cellulaires. Dans le cerveau, les lésions forment des nodules de Babès et dans les ganglions (ganglion de GASSER, ganglion plexiforme), des nodules de Van GEHUCHTEN et NELIS. Toutes ces lésions non spécifiques peuvent manquer ou être dues à d’autres virus (virus de la maladie de CARRE, de la maladie d’Aujeszky, de la maladie de BORNA). *Lésions spécifiques: - inclusions éosinophiles intracytoplasmiques. Siège: les zones d’élection sont les cornes d’Ammon (assise interne des cellules pyramidales), les cellules pyramidales de l’écorce cérébrale, le cervelet (cellules de Purkinje). Forme et nombre: ils ont une forme ovalaire ou arrondie de 0.25 à 30µ, en moyenne 4 à 5 µ. Ils sont situés dans le cytoplasme à raison d’un ou de quelques uns par cellule. Nature: les corps de Negri correspondent à des lieux de réplication intra-cytoplasmique du virus rabique. Au microscope électronique on voit qu’ils sont formés d’une masse englobant des agrégats de virus rabique. Intérêt: les corps de Negri sont spécifique de la rage (souches sauvages). Leur présence, leur taille, leur nombre sont en relation directe avec la durée de la maladie clinique. En cas d’abattage prématuré d’un animal enragé, ils peuvent être insuffisamment développés pour être décelés au cours du diagnostic: sacrifier un animal suspect de rage conduit donc à rendre plus difficile voire impossible le diagnostic de la rage. - Lésions nucléaires: ce sont des corpuscules hyperchromatiques nucléaires provoqués par les souches fixes de virus rabique (qui ont perdu leur pouvoir de négrigénèse), que l’on rencontre dans la couche externe des cellules de la corne d’Ammon. PATHOGENIE Après sa pénétration dans les tissus (le plus souvent à la faveur d’un traumatisme) le virus se multiplie au point d’inoculation, en particulier dans le muscle. Après un temps variable va commencer sa diffusion. Le virus gagne les myocytes de proche en proche et atteint les terminaisons tendineuses richement innervées, il pénètre alors dans le nerf et se trouve transporté passivement lentement vers les centres nerveux. Ce cheminement par voie nerveuse ou neuroprobasie. Puis le virus diffuse de cellule à cellule et se multiplie dans les cellules nerveuses; le liquide cérébro-spinal aurait également un rôle dans la diffusion du virus dans le système nerveux central. Après d’être multiplié dans les centres nerveux, le virus va parcourir les nerfs en sens inverse de façon centrifuge en réalisant une septinévrite. Les tissus les plus proches des centres nerveux sont les premiers atteints: rétine, cornée, glandes salivaires, peau de la tête. Le virus se multiplie dans les cellules des ganglions nerveux, dans les nerfs et les plexus nerveux. Il se multiplie également en dehors du système nerveux, dans le tissu épithélial des glandes salivaires. La cornée, la graisse interscapulaire, la peau, le muscle lingual. On aboutit donc, après envahissement centrifuge du système nerveux à une infection de tous les organes et les tissus. DIAGNOSTIC Il est d’une importance capitale et entraine une lourde responsabilité du vétérinaire, car de la conclusion dépend l’indication ou non du traitement des personnes contaminées. Le vétérinaire doit donc savoir ce qu’il doit faire et surtout ce qu’il ne doit pas faire. Les éléments cliniques et épidémiologiques du diagnostic sur le terrain peuvent conduire à une suspicion de rage qui pourra être vérifiée par le laboratoire, en cas de mort de l’animal. *Diagnostic de terrain a) Eléments cliniques: le diagnostic de la rage sur le terrain est très difficile, étant donné le polymorphisme clinique de la maladie. D’une façon générale, en région d’enzootie rabique, toute modification du comportement habituel d’un animal (agressivité inhabituelle, abattement excessif), toute gène de la mastication ou de la déglutition, doivent être considérées comme éléments de suspicion. Chez l’animal, il n’existe pratiquement pas d’éléments cliniques critères de rage « tout est rage et rien n’est rage » Seule l’évolution rapidement mortelle, avec paralysie progressive, possède une très grande valeur diagnostique; c’est pourquoi il importe de suivre l’évolution de la maladie en entier et de ne jamais sacrifier un animal suspect de rage (sauf dans une circonstance à savoir lorsque son maintien en vie entraine des risques incontrôlables de contamination de personnes). b) Eléments épidémiologiques: parmi ces éléments, il faut retenir le caractère sporadique de la maladie et la très grande rareté d’apparition simultanée de cas cliniques de rage (sauf exposition de plusieurs bovins à un même renard enragé, et encore dans ce cas, les symptômes apparaissent le plus souvent, à des dates différentes chez les animaux enragés). Parmi les informations épidémiologiques à recueillir systématiquement citons: *L’animal vit-il en région d’enzootie rabique? *L’animal a-t-il séjourné en zone d’enzootie rabique au cours des 12 derniers mois? *Les conditions de vie de l’animal lui permettent-elles d’avoir été en contact connu (bataille d’un chien avec un renard il y a un mois….)ou inconnu (chien de chasse, bovin au pré…) avec un animal enragé. *L’animal est-il vacciné contre la rage, comment, depuis quand et avec quelle preuve (certificat?). Les éléments d’ordre épidémiologique n’ont qu’une valeur relative (dissimulation, oubli de la part du propriétaire, échecs de vaccination…..) et doivent être retenus dans leurs aspects positifs de renforcement d’une suspicion clinique de rage. *Diagnostic différentiel Fièvre vitulaire; Tétanie d’herbage; Corps étranger dans la gorge; Listériose; Intoxication par sels de plomb; Paralysie du pharynx; *Diagnostic expérimental a) Prélèvements -Tête entière: le prélèvement est à retenir pour les animaux de petite taille. La tête sera sectionnée à la base du cou afin de laisser le bulbe rachidien disponible pour le laboratoire. -Encéphale: cas particuliers (grandes espèces, éloignement du laboratoire). -Encéphale + bulbe: une moitié dans un flacon propre plus antibiotique en poudre ou si le transport est long, flacon contenant de la glycérine à 50% en H2O, l’autre moitié dans un flacon contenant un liquide fixateur (formol à 10%). b) Immunofluorescence Des calques de corne d’Ammon sont soumis à l’action d’un sérum antirabique marqué par un fluorochrome (les témoins nécessaires sont réalisés pour vérifier le bon fonctionnement de la technique et la spécificité de la réponse). Les amas d’antigènes du virus rabique sont ensuite cherchés au microscope à rayons ultra-violets et ils apparaissent sous forme de points plus ou moins gros colorés en vert brillant sur fond noir. c) Histologie Les coupes d’encéphale sont colorées par une technique (hémalun-éosine ou technique de MANN) puis examinées au microscope optique en vue de la recherche des lésions non spécifiques et des lésions spécifiques. Délai de réponse environ 1 semaine. Les corps de Negri peuvent manquer. Cette technique vient donc en 3ème position par ordre décroissant d’intérêt derrière l’immunofluorescence et l’inoculation aux souris. d) Inoculation aux souris Après le broyage, le broyat est inoculé par voie intra- cérébrale à des jeunes souris observées ultérieurement pendant 28 jours. Pour accélérer l’obtention du résultat .On sacrifie 2 souris aux jours 6, 12 et 18 et on soumet un calque de leur cerveau à l’immunofluorescence. e) Sérologie -Séro-neutralisation sur souris ou en culture cellulaire. -Immunofluorescence indirecte. -E.L.I.S.A. PRONOSTIC Maladie mortelle pratiquement à 100% chez les mammifères terrestres symptômes sont apparus. lorsque les TRAITEMENT Chez l’animal, on ne met en œuvre aucun traitement de la rage déclarée. PROPHYLAXIE Prophylaxie sanitaire - *Pays indemne: le principe est d’empêcher l’introduction d’un animal en incubation de rage. Les mesures défensives peuvent consister selon le niveau de protection désiré: En une interdiction pure et simple d’importation. En une mise en quarantaine prolongée (6 mois). En un certificat sanitaire attestant que l’animal est en bonne santé et qu’il provient d’un pays indemne de rage. *Pays infecté Plan individuel -Animal surement enragé: sacrifice immédiat; -Animal suspect de rage: mise en observation pour suivre l’évolution clinique si celle-ci risquait d’être la cause de contamination humaine, sacrifice. -Animal contaminé: sacrifice. Si l’animal contaminé était en état d’immunité antirabique au moment de la morsure et si l’on peut contrôler correctement ses mouvements au cours des mois suivants, on peut envisager un rappel de vaccination et une conservation de l’animal. Prophylaxie médicale *Vaccination - Uniquement des vaccins à virus inactivés. - Indication: tout les animaux sensible à la rage, vivant en région d’enzootie ou en région menacée, ainsi que ceux devant voyager en zone d’enzootie. - Contre indication: animaux trop jeunes –moins de 3 mois) ou soumis à une thérapeutique immunodépressive. *ALLURABIFFA (IFFA-MERIEUX): liquide, alumine et saponine. Dose: Bovins 2 ml, ovins 1ml, 1 injection + rappel annuel. *MADIVAK (DISTRIVET): lyophilisé, alumine. Dose: 2ml, 2 injections à 3- 4 semaines d’intervalle + rappel annuel. Conclusion: La rage est une MLRC chez toutes les espèces animales.