Lexicalisation et figement

publicité
Lexicalisation et figement
La création de nouveaux mots (voir morphologie)
peut se faire par dérivation ( par adjonction de
préfixe et de suffixe à une base : pré-histor-ique)
ou par composition. Dans ce dernier cas, le
français dispose de plusieurs possibilités qui
aboutissent toutes au même résultat : une suite de
plusieurs mots graphiques fonctionne comme un
mot simple. Le procédé par lequel on relie
plusieurs unités lexicales pour les considérer
comme des mots simples s’appelle la
« lexicalisation ».
On peut, par exemple, fusionner plusieurs unités
lexicales en une seule (le nom entracte). On peut
aussi relier deux unités lexicales au moyen d’un trait
d’union indice de lexicalisation (l’adjectif sourd–
muet, le nom qu’en-dira-t-on). Un troisième
phénomène consiste dans le figement de la suite
d’unités, sans aucune marque particulière (le nom
pomme de terre). Ce phénomène de figement est la
première étape de la lexicalisation. Il se rencontre
également avec des suites d’unités qui jouent le rôle
de verbe (prendre part), de préposition (au début de)
ou d’adverbe (dans la foulée). On parle dans ces cas
de locution verbale, prépositionnelle ou adverbiale.
La lexicalisation est donc à l’origine de nouvelles
unités lexicales complexes à partir d’unités simples,
ce qui pose la question de la limite de cette unité. Où
s’arrête l’unité lexicale ? c’est le lexicographe qui
doit répondre à cette question.
La lexicalisation, terme propre à la linguistique et tout
particulièrement à l'étymologie, la lexicologie et la
linguistique comparée, est le fait qu'un terme nouveau ─ ou
une expression ─ accède au statut de lemme dans une
langue donnée, c'est-à-dire que ses locuteurs le
reconnaissent comme un terme unique, différencié et
autonome, doté d'un sens et appartenant au lexique de leur
langue. Outre des termes isolés, des syntagmes ou des
périphrases peuvent être lexicalisés. Dans ce cas, ce groupe
de mots doit ne constituer qu'un seul lemme.
Le lemme (ou lexie, ou item lexical) est l'unité autonome constituante du lexique d'une langue. C'est une suite de
caractères formant une unité sémantique et pouvant constituer une entrée de dictionnaire, Dans le vocabulaire courant,
on parlera plus souvent de mot, notion qui, cependant, manque de clarté. On construit des énoncés avec des lemmes, les
lemmes sont faits de morphèmes
La lexicalisation est le processus par lequel
une suite de morphèmes (un syntagme)
devient une unité lexicale, Charles Bally,
considère la lexicalisation comme un
processus de dégrammatisation, un processus
qui favorise le lexique au dépend de la
grammaire.
Selon Dubois et al, la lexicalisation est « le
processus par lequel une suite de morphèmes (un
syntagme) devient une unité lexicale. C’est un
processus de ≪ dégrammaticalisation ≫, un procès
qui favorise le lexique aux dépens de la grammaire.
Les termes d’un syntagme peuvent Ainsi devenir
inanalysables du point de vue de l'usage linguistique
quotidien : tout à fait n'est pas senti comme trois
unités et ne diffère pas, dans son comportement, de
complètement. » Dubois et al. (2002 : 277)
Pour Galisson R. et
Coste D. (1976), la
lexicalisation est aussi synonyme de figement
« une unité simple est dite lexicalisée ou figée
quand elle dépasse son statut d’origine pour
donner naissance à une autre unité de catégorie
syntaxique différente. »
Ex : le participe adjectif : frisé qui provient du
participe verbal « est frisé » qui s’est peu à peu
détaché pour ainsi devenir adjectif.
Figement : Processus linguistique qui
transforme un groupement libre en groupement
stable, c'est-à-dire qui soude ensemble une
suite de morphèmes, pour faire une seule et
même unité lexicale.
Le figement est « le processus par lequel un
groupe de mots dont les éléments sont libres
devient une expression dont les éléments sont
indissociables. Le figement se caractérise par
la perte du sens propre des éléments constituant
le groupe de mots, qui apparait alors comme une
nouvelle unité lexicale, autonome et à sens
complet, indépendant de ses composantes. Ainsi,
pomme de terre ou petit pois peuvent commuter
avec carotte et navel, chemin de fer avec route et
air. » (2002 :202)
Pour Gross G. (1996) le figement est un processus
linguistique qui, d’un syntagme dont les éléments
sont libres, fait un syntagme dont les composants ne
peuvent pas être dissociés. En conséquence, les
expressions figées peuvent être considérées comme
unités intermédiaires entre les catégories simples
dont elles ont les fonctions syntaxiques et les
syntagmes dont elles ont perdu l’actualisation.
D’après G. Gross (1996), on observe le figement
linguistique quand une expression se caractérise par
l’opacité syntaxique et/ou l’opacité sémantique.
Opacité syntaxique – expression refuse des
possibilités combinatoires ou transformationnelles.
La construction est d’autant plus figée qu’elle a
moins de propriétés transformationnelles, à savoir
qu’elle refuse p.ex. la passivation, la relativisation, la
pronominalisation, le détachement, l’extraction; on
observe aussi le blocage des paradigmes
synonymiques.
Opacité sémantique – sens d’une expression est
opaque ou non compositionnel, c’est-à-dire on ne
peut pas le déduire du sens des éléments composants
Quelques exemples des expressions figées:
- de la tête aux pieds
- moulin à paroles
- Chien qui aboie ne mord pas
- être tout yeux tout oreilles
- Tel père, tel fils
Expressions figées englobent des structures telles
que:
 des noms composés (p.ex. coffre-fort),
 des joncteurs (p.ex. à cause de, dans le but de) ou
des locutions grammaticales,
 des locutions verbales, adverbiales, adjectivales
(p.ex. casser sa pipe, de la tête aux pieds, bavard
comme une pie),
 des phrases figées, proverbes, dictons, maximes,
aphorismes, etc. (p.ex. à bon chat, bon rat; tel père,
tel fils).
Les processus de lexicalisation et de figement
porte alors sur des segments de dimension
variable, depuis le classique : pomme de terre,
jusqu’aux locutions phraséologiques comme
mettre le pied à l’étrier, prendre le taureau par
les cornes, etc.
Résultant de l’usage, la lexicalisation est lente et
progressive. Elle passe par différents stades, au
cours desquels le degré de soudure des
constituants s’accentue progressivement pour
aboutir au figement complet (indissociabilité des
constituants).
Test de lexicalisation
L’inséparabilité et la commutation sont deux critères
qui justifient la lexicalisation.
 L’inséparabilité est l’impossibilité d’intercaler un
élément quelconque entre les éléments d’un mot
composé.
 La commutation est la substitution d’un élément par
un autre. Dans l’unité complexe, la commutation
s’effectue en bloc, c'est-à-dire la substitution des
éléments qui forment l’unité composée et complexe
par une seule unité.
Ex. chemin de fer=raille.
En revanche la commutation terme à terme n’est pas
possible, on peut dire : j’ai acheté une caisse de pomme
de terre, la substitution se fait pour remplacer « pomme
de terre » par carotte et on obtient : j’ai acheté une
caisse de carottes ; et non pas une caisse de carotte de
terre.
Donc pomme de terre est un seul mot, une seule unité.
1+1+1=1(valeur numérique univoque). Pomme
+de+terre= pomme de terre ; un seul sens ;
combinaison solidaire, inséparable, autonome et qu’on
ne peut pas intercaler.
On ne peut pas dire : pomme verte de terre, cette
pomme est de terre ; pomme de belle terre. Une unité
est donc lexicalisée lorsqu’elle renvoie à un seul sens.
Par exemple « se mettre à fuir » n’est pas
lexicalisée ; alors que « prendre la fuite » l’est
d’avantage, « se mettre à fuir » est une phrase
qui n’est guère figée et « prendre la fuite »
correspond à « s’enfuir ».
Pour les unités soudées on a d’autres
exemples :
o - ce produit est contre la rouille.
 Ce produit est utilisé contre la rouille.
 Ce produit qui est antirouille.
 Un produit antirouille.
 Un antirouille.
Références bibliographiques
Bally Ch., 1951, Traité de stylistique française, v.I, II, Paris,
Klincksieck.
Dubois J. et al . 1973, Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse.
Galisson, R., Coste, D. (Dir.), 1976. Dictionnaire de didactique des
langues, Paris, Hachette.
Gréciano G., 1984, L’irréductibilité de l’expression idiomatique à sa
paraphrase in : Recherches en pragma-sémantique, Metz, Études
publiées par G. Kleiber.
Gross G., 1996, Les expressions figées en français – noms composés et
autres locutions, Collection l’Essentiel Français, Éditions Ophrys.
Gross M., 1982, Une classification des phrases figées du français, in :
Revue québécoise de linguistique, v.11.
Sułkowska M., 2002, Problèmes méthodologiques et pratiques dans la
description des séquences figées, in : Neophilologica, v.15, Wyd. UŚ,
Red. W. Banyś.
Téléchargement