Avant-propos
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1 Pierre Seghers, La Résistance et les poètes 1940-1944, éd. Marabout 1974, extrait de la préface « La délivrance par l’insurrection », par le
général Cochet.
2 L’auteur a choisi de débuter en 1940, date de la fi n de la Drôle de guerre qui s’étend de septembre 1939 au 10 mai 1940. Le 18 juin, Charles
de Gaulle lance son appel de Londres et le 10 juillet le régime de Vichy obtient les pleins pouvoirs. Dès lors, tout acte de rébellion, tout refus
de l’ordre établi collaborationniste, à l’intérieur ou à l’extérieur de la France, devient un acte de « résistance ».
3 Poèmes épiques espagnols.
4 Interview de Pierre Seghers par Gérard Bouaziz , A bâtons rompus avec…, FNDIRP, Le Patriote Résistant, 2002.
5 Interview de Henri Pouzol par Jean-Pierre Vittori, A bâtons rompus avec…, ibid.
J’ai toujours pensé que les poètes étaient de grands animateurs de l’histoire car ils savaient sentir avec force et
inspirer de grandes actions et de grands progrès par le pouvoir qu’ils possèdent de faire passer les idées dans
le cœur des hommes1.
La période 1940-1945 a été un catalyseur 2. Elle a rappelé l’importance de la poésie dans les circonstances
tragiques. Face à la catastrophe, l’occupation allemande et ses terrifi antes conséquences, des écrivains
réagissent. Cette poésie foisonnante joue alors comme une arme.
Sauver l’homme de l’humiliation, de l’avilissement, de l’écrasement devient action, réaction spontanée, écriture
[…]. La poésie de la Résistance, je la dis spontanée parce qu’elle est venue comme un cri. Bien sûr le cri est
le résultat d’une douleur provoquée il ne naît pas de rien. C’est une réponse violente… à la provocation fasciste
et nazie […]. Les poètes ont été tout à coup en raison de l’Occupation en dehors des chapelles parisiennes…
Ils ont abandonné leurs jeux littéraires pour tout autre chose qui était la vie réelle. Tout le peuple s’est trouvé
poète à cette époque ; des gens qui n’étaient pas des professionnels de l’écriture ont donné dans les camps et
les prisons des textes qui sont de véritables poèmes, d’une vérité, d’une violence, d’une nudité telles qu’ils entrent
maintenant dans une sorte de « Romancero »3 de la poésie française. Les poètes ont rejoint le peuple et le peuple
les a rejoints4.
Quant à la faiblesse de certains poèmes sur le pur plan littéraire, Henri Pouzol dit avec justesse : ils ont
quelque chose de plus noble, de plus grand : la valeur du cœur, la valeur de la fraternité, la valeur de la richesse
humaine5.
Forte de ces convictions j’ai pris le parti d’accompagner les portraits des résistants de textes de poètes
connus tels Desnos, Aragon, Eluard, Cayrol, Cassou…, d’autres qui le sont moins, et d’anonymes qui par leur
langage, fruit de la sensibilité, permettent de saisir les évènements tragiques dans leur réalité car ils explicitent
les contextes, les comportements des résistants, ou complètent les récits de ces vies trop tôt interrompues.