Nature en ville
Alterre Bourgogne 68/70 Septembre 2010
5. Conclusion générale
Se poser la question de l’intérêt d’avoir une nature en ville autrement que pour un souci
d’embellissement est un approche nouvelle, apportée par le Grenelle de l’Environnement. Traiter ce
sujet a supposé d’explorer plusieurs visions :
L’analyse socioculturelle et historique montre que la place de la nature dans la ville a évolué au
fil des siècles et évolue encore aujourd’hui, et que le regard porté sur sa place et donc l’intérêt
suscité par cette nature est variable. La relation entre la nature et la ville est une relation culturelle
et historique qui s’est définie au cours du temps par le rapport de la nature avec la ville comme
cité. C’est aussi une représentation de l’Homme. Une définition s’impose donc. Nous retiendrons
les trois types de nature urbaine analysées par Nathalie Blanc, la nature « naturelle », spontanée
qui échappe à la gestion par l’Homme (friches, insectes, tempêtes…), la nature maîtrisée,
« désirée et produite », gérée par l’Homme et qui contribue à structurer les espaces de la ville
(parcs et jardins, alignements d’arbres, animaux domestiques…) et la nature « socialisée » qui
résulte de l’interaction avec l’espace urbain construit (blattes, lichens et mousses des bâtiments,
chats redevenus sauvages…). Plus globalement, on entend par nature, les différents éléments
(milieux, espèces animales et végétales) dont le principe de développement, d’existence et
d’évolution, échappe en partie à l’action de l’Homme.
L’analyse sociologique est primordiale : au-delà de ses fonctions historiques d’hygiène et
d’esthétisme, la nature urbaine, qualifiée de proximité, apporte bien-être et santé aux hommes.
L’engouement constaté du jardinage s’explique probablement par le besoin qu’a le citadin,
aujourd’hui de plus en plus éloigné de ses racines rurales, de renouer avec les rythmes de la
nature et ses fonctions de production. Les formes collectives de jardin apportent en plus du lien
social. Ce sont des supports pour aider à la réinsertion professionnelle, pour sensibiliser les
individus, enfants ou adultes, aux questions d’environnement, de chaîne alimentaire et plus
généralement de développement durable. Connaître la nature c’est la respecter et c’est aussi
mieux utiliser ses fonctionnalités. C’est aussi maîtriser le risque de ses nuisances (inondation,
piqûres d’insectes, allergie pollinique…). La domestication de la nature qui s’exprime encore par la
maîtrise technique, évolue vers une utilisation respectueuse du vivant. En ce sens, les actions de
sensibilisation et d’animation autour de la nature urbaine sont primordiales.
L’analyse écosystèmique tente de préciser, dans le périmètre urbain, l’action qu’ont les éléments
de nature sur les pollutions générées par la ville. Elle a un rôle de régulation sur le cycle de l’eau,
et un rôle de régulation thermique pour réduire l’effet îlot de chaleur des agglomérations. Le rôle
épurateur est assez mal valorisé et le complexe sol-plantes pourrait être davantage intégré dans
l’aménagement urbain pour enrichir les infrastructures d’épuration ou de dépollution. L’ingénierie
écologique est une discipline complémentaire de l’urbanisme qui permettra d’intégrer sciemment
les fonctionnalités naturelles aux infrastructures urbaines.
La nature en ville est souvent étudiée sous le seul angle de la biodiversité. On découvre que
celle-ci n’est pas aussi réduite qu’on le suppose. Mais au-delà de la curiosité qu’apporte cette
biodiversité ordinaire, dans un milieu somme toute peu ordinaire, se pose la question du bénéfice
pour l’Homme de cette biodiversité. D’une manière générale, la diversité animale et végétale est
fonction de la qualité du milieu, et la richesse biologique d’un milieu est un indicateur de la bonne
qualité de vie que permet cet espace. Avoir cette richesse dans son environnement immédiat,
c’est bénéficier des multiples services qu’offre la biodiversité (régulation, épuration, production).
Maintenir cette richesse, c’est faire perdurer ces services écosystèmiques.
Tenter de chiffrer la valeur économique des services offerts par la nature en ville suppose
de s’interroger sur les différents usages qui en sont fait, directement ou indirectement. Ces
estimations sont encore peu pratiquées en France et nécessitent des méthodes économé-
triques rigoureuses. La finalité de ces exercices n’est pas de « monétariser » les services
écologiques, mais d’optimiser les choix d’aménagement.