Club Paris Nikita Lieu : Chateauform Invalides; Animatrice : Anne-Claire de Lavigerie ([email protected]) Prochaine rencontre –Jeudi 20 Avril avec Jean Van Wittenberghe, le lean management Compte-Rendu Rencontre du Jeudi 16 Mars 2017 Alexandre Lacroix « Repenser notre rapport au temps » Personnes présentes : Membres Alain Puzenat (Sweet Home) Bruno Berard (Playmobil) Emmanuel Gauthier (Azeo) Eric Troussel (Amnyos) Guy Maindiaux (Sarawak) Hubert Wintzenrieth (Thommen Medical) Jean-François Durand (Techmo Hygiène) Jean-Pierre Roncato (Exceltium) Corinne Pigounides (Société Générale) Joël Rivet (PSA) Matthieu Roy (Gide Loyrette Nouel) Paul Nathan (IFCP) Anne Violier (Arden Optic) Membres absents Pierre Jérome (Spineguard) Claire Kecha (Opcalia) François Lenoir (groupe SCIAP) Invités : Thierry Gauthron (ALTMAN PARTNERS), du club paris Polo Evaluation (8 adhérents seulement sur 13) : Satisfaction globale 4,5 /5 Expertise Qualité du contenu Clarté du propos Capacité à transmettre Animation Adaptation de l’animation à l’expertise Logistique de la rencontre Rencontre Qualité de l’apport d’expériences par les membres du club Ma participation aux échanges Source d’innovation : changement pour l’entreprise ou pour moi 4,6 4,5 4,4 Rappel : 1 : mauvais 2 : médiocre 3 : moyen 4 : bon 5 : excellent 4,8 4,5 4,3 4 3,9 1 Vous trouverez le détail de vos commentaires en ligne sur la plateforme. Les points clés de la rencontre Préambule Alexandre Lacroix est un entrepreneur courageux, puisqu’il a fait partie de l’équipe de lancement de Philosophie Magazine (dont il est directeur de rédaction), qu’il a lancé la collection « les grands mots » (publiant des essais philosophiques contemporains, aux éditions Autrement) et qu’il vient également de lancer une école d’écriture. Il a une approche de la philosophie en la lien avec la réalité de notre époque et même moderne. Il a écrit 15 essais et romans dont un essai sur le web baptisé « ce qui nous relie » et un roman appelé « L’homme qui aimait trop travailler » (Flammarion 2015). Il est aussi enseignant à Sciences-Po Paris (dont il est également diplômé en plus de sa maîtrise de philosophie et sa licence d’économie) depuis 1998 ; il y donne actuellement des cours d’écriture créative. Entrée en matière : étymologie et tour de table sur le rapport au temps de chacun Chacun a une « personnalité́ temporelle » assez bien définie. Êtes-vous toujours en retard ou en avance ? Traitez-vous chaque nouvelle tâche le plus tôt possible ou avez-vous tendance à procrastiner ? Êtes-vous capable de rester longtemps sans rien faire ou avez-vous besoin d’occuper le temps ? Êtes-vous plutôt un sprinter ou un marathonien ? Alexandre va demander à chacun de dire quand il nous arrive de dire « je n’ai pas le temps » Cet échange va nous permettre de voir si nous acceptons ou pas de le dire, quelle relation nous avons au temps des autres, au sien, celui que nous sacrifions le plus, si notre temps est compté ou quel place prend le plaisir dans notre rapport au temps. Cette entrée en matière va permettre d’évoquer plusieurs vécus contemporains du temps. Alexandre évoque ainsi l’existence parfois d’un sentiment de famine temporel typique de notre époque et il nous propose d’explorer l’histoire du temps dans nos société et sa construction sociale Il rappelle alors l’étymologie du mot : temps dérive de la racine indo-européenne tem, qui veut dire couper. On retrouve cette racine dans le mot « temple » : l’espace du temple est un lieu sacré, coupé du reste de la société.́ Au départ, le « templum » était la partie délimitée par les augures dans le ciel, où l’on guettait le passage des oiseaux. En latin, « tempus » désigne aussi une fraction de temps, donc une certaine quantité́. L’étymologie montre donc que le temps a d’emblée deux dimensions : une dimension pratique (c’est une unité́ ou une quantité́ de temps, quelque chose que l’on peut mesurer, et qui va nous aider à organiser notre journée) mais aussi une dimension métaphysique. Puis il annonce la structure de l’après-midi : il prévoit de commencer par examiner le temps pratique, ou plus exactement le temps social, avant d’aborder le temps métaphysique, pour finalement revenir à la pratique en tirant les enseignements de notre détour par la philosophie. Le temps comme construction sociale : pourquoi nous sommes pris au piège La vie d’une société́ repose sur un certain « régime-temps », qui s’impose à tous les acteurs. Quant à nous, notre temps social est très particulier. Nous faisons l’expérience d’une triple accélération : - Accélération technique. - Accélération du changement social. - Accélération du rythme de vie. C’est ce qui rend la question du temps tellement urgente pour nous tous. Pour réfléchir à ce «régime-temps» bien spécifique qui est le nôtre, Alexandre nous propose l’éclairage de Hartmut Rosa, qui a écrit « Aliénation et accélération (2010) » : Sociologue allemand, représentant de l’école de Francfort, il a écrit un ouvrage de référence sur la question de l’accélération qui nous dit que : « Les sujets modernes sont régentés, dominés et réprimés par un régime-temps en grande partie invisible, dépolitisé, indiscuté, sou-théorisé et inarticulé…qui peut être analysé grâce à un concept unificateur : la logique de l’accélération sociale » Il cite aussi Jean Baudrillard, dans « La Société de consommation (1970) », sociologue et philosophe, qui a proposé une réflexion brillante et toujours d’actualité́ sur l’« impossibilité́ de perdre son temps » dans les sociétés contemporaines. Il nous explique ensuite qu’en philosophie, comme en judo, il y a plusieurs prises pour aborder un sujet et qu’il utilisera celui de la généalogie. Il nous raconte alors que jusqu’au 11 ème siècle l’homme va rythmer son temps avec la nature et c’est dans les monastères européens qu’apparaitra en premier la contrainte d’un temps compté. Le moyen-âge et le christianisme vont aussi créer un rupture avec l’antiquité en condamnant l’oisiveté « tentation du démon » disait St Benoit. A partir de là, votre rapport au temps et votre ponctualité disent si votre âme est bonne ou mauvaise. C’est l’opposé de L’Otium de l’antiquité, loisir intelligent dédié à l’art et la science. 2 Ce mouvement va s’accélérer avec la révolution industrielle, le développement du capitalisme et les temps modernes, aidé aussi par les innovations technologiques qui vont nous permettre d’avoir le temps jusqu’autour de notre poignée et omniprésent sur toutes les machines et outils de communication qui nous entourent. Il y a accélération et densification Passage d’une société de réflexion à une société de réflexes  Le temps métaphysique, qu’est-ce que le temps pour nous ? Dans la vie quotidienne, nous nous représentons le temps comme de l’espace. Qu’est-ce que les aiguilles qui avancent sur le cadran d’une montre ? Une manière de visualiser dans l’espace le temps qui passe. Qu’est-ce qu’une page d’agenda ? De l’espace. Qu’est-ce qu’un calendrier accroché au mur ? De l’espace encore. Cependant, le temps n’est pas quelque chose de visible, ni une quantité́, ni rien qu’on peut montrer. Je peux montrer une règle d’un mètre de longueur. Je ne peux pas vous montrer une heure. Alors, c’est quoi le temps ? Alexandre cite alors Epicure et sa réflexion sur le temps qui nous paraît plus ou moins long. Il nous invite alors à réfléchir à ce qui fait qu’une heure ou une minute nous paraît plus ou moins longue. On découvre alors à travers les témoignages le rapport au plaisir ou la souffrance, la place de l’ennui et la culpabilité de ne rien faire, l’enjeu d’un temps compté (avec une fin comme dans le compte à rebours) ou pas, l’attente ou la présence. Il évoque alors la « prise » philosophique qui consiste à explorer les concepts et il va nous faire cheminer parmi les philosophes, notamment Sénèque, De la brièveté́ de la vie (49 après JC), Augustin, Confessions (397-401 après JC) et Henri Bergson, Matière et mémoire (1896). Les stoïciens, très orientés vers l’action, vont évoquer le concept du Kairos, le juste moment opportun, le geste précis qui peut s’entrainer grâce à l’exercice, afin d’être vigilant face à un temps qui est une richesse à préserver (il propose ainsi de visualiser chaque heure qui reste à vivre comme une pièce d’or, ne pas les distribuer en vain aux importuns). Ils s’opposent bien sûr aux épicuriens pour qui le temps est une qualité qu’on prête aux choses, c’est du coté de l’âme et pas des objets ; le temps est non découpable, non qualifiable. Saint Augustin lui décrit le temps comme une distension de l’âme. Vers le passé c’est la mémoire, vers le futur l’attente. Il n’y a de sensation que du présent Husserl précise avec les concepts de Rétention (la trace qui nous permet d’entendre une mélodie et pas chaque notes séparément) ou protention (l’attente qui nous permet de s’attendre à…) Bergson enfin résume ainsi l’oeuvre de sa vie : « je dis que le temps existe et que ce n’est pas de l’espace » Au delà du temps t de Newton, Bergson évoque la durée, qui déborde un peu sur le passé et le futur, plus qualitatif, plus superposé, plus fait d’intensité Si nous vivons dans une ultra-immédiaté, on se rapproche de l’instant t ; en perdant la durée, on se perd soimême. On risque aussi de passer à coté des autres de les réifier, les transformer en choses. Un ami, c’est quelqu’un avec qui j’ai perdu du temps. Quelles pistes pour partir à la reconquête de la durée, d’un temps plus qualitatif, plus subjectif, plus humain ? Alexandre nous propose de chercher ensemble des « techniques de résistance » : Il propose une première mini technique de résistance : La Procrastination structurée du philosophe américain John Perry, auteur de La Procrastination. L’art de reporter au lendemain (Autrement, 2012) qui nous propose de faire une liste de choses à faire classée du plus important au moins important et de commencer par la fin. Puis il interroge le groupe sur leurs techniques : est cité « le troisième tiroir » ou le fait d’accepter que les problèmes vont souvent s’auto-détruire, que 70% des choses vont se résoudre toutes seules, 20% via quelqu‘un d’autres et 10% par nous ; le fait d’apporter un livre au bureau et de lire 15’ par jour ; faire une minisieste ; faire de la sophrologie, se réancrer en se re-contactant avec son corps même quelques secondes ; toucher un arbre une fois par jour ; prendre son pouls (surtout lors d’un échange qui crée du stress ou de l’émotion) ; faire de la méditation ; regarder un cimetière pour prendre du recul ; supprimer tous les RDV’s lorsque la course n’a plus de sens ; prendre RDV avec soi-même. Un point de vigilance est alors évoquée à propos des techniques dites de décélération stratégique, puisque cela peut amener à des outils suspects d’encourager le temps efficace (on s’arrête pour pouvoir aller encore plus vite ou encore plus efficacement !) Est alors évoqué l’écoute musicale, qui est l’art qui donne de l’étoffe émotionnel au temps, la poésie ou l’ivresse décrite par Baudelaire « Enivrez vous, de vin, de poésie, ou de vertu à à votre guise… », les moments où nous nous laissons aller à des moments d’émotions ou encore lorsque nous prenons soin de nous en se faisant plaisir et en exprimant nos potentialités. Hartmut Rosa propose d’explorer la Résonance. 3 Si nous sommes aliéné, c’est à dire étranger à nous –même qu’est-ce que le contraire ? Ce n’est pas la liberté ; ceux qui sont libres peuvent faire un burn-out. Ce qu’ils évoquent alors c’est la pression temporelle et celle liée à l’efficacité et l’indifférence que cela a créée en eux, cette sensation d’être coupé de leurs émotions. Ils se décrivent comme secs, comme un immeuble hausmanien avec une façade sur rue, mais comme si tout avait brulé derrière. Le contraire de l’aliénation serait alors la capacité à ressentir, à rentrer en résonnance avec le monde extérieur Hartmut Rosa propose 3 axes de résonnance : 1. L’axe horizontal, où nous résonnons avec d’autres, en amour, en amitié, en collectif (dans une manifestation politique où une réaction face à un drame, où le monde me répond ; 2. L’axe vertical où on fait l’expérience du tout du monde dans la contemplation, avec un choc esthétique, où le monde est plus grand que moi, quelque chose vient à moi et me métamorphose 3. L’axe diagonal où à la fois je pétris le monde et je suis avec les autres, où il y a à la fois beauté et relation, comme dans l’art ou le travail, où je fais mon œuvre, je façonne le monde et je suis avec d’autres ou je réalise pour d’autres. Alexandre propose alors un atelier d’écriture : A la recherche de la résonance, pendant 20’, chacun écrit un court texte racontant un instant de résonance. Il s’agit de décrire l’un de ces moments où, loin de courir après le temps, chacun s’est senti en résonance avec le monde, de plain-pied dans le temps qualitatif et non pas seulement quantitatif. Puis chacun lit son texte et nous vivons un très beau moment hors du temps de résonance horizontal, à s’écouter et se découvrir. Merci Alexandre ! Vie de club Dans la jolie salle à manger de chateauform nous avons accueilli Arnaud Leveque mais également partagé nos « mottos » et nos besoins et souhaits pour Paris Nikita : en voici la synthèse : o Pour les mottos : Les chiffres sont têtus ; La valeur n’attend pas le nombre des années (Guy) Connect before correct (Marshall B Rosenberg) / Le diable est dans les détails / Rien ne dure (l’impermanence des choses) (Alain) J'apprends par corps.mon corps enregistre tout (François) La tolérance : « rien n’est noir, rien n’est blanc. Tout est entre gris clair et gris foncé ». (Paul) Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, mais parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles. (Eric) Là où il y a une volonté, il y a un chemin (Anne) Il faut chanter pour être heureux ! (Olivier) La chance c’est la préparation qui rencontre l’opportunité (Bruno) Profitez du moment ! (Emmanuel) Pour vivre heureux vivons caché…(Matthieu & associés – à valider !) Une initiative est une indiscipline qui réussit (Jean-Pierre) Un chemin de 1000 lieux commence par un premier pas (Joël & associés) Carpe Diem (Corinne) 100% des gagnants ont tenté leur chance (Anne-Claire et la Française des jeux) Quand on ne me demande pas de le définir, je sais ce que c’est, quand on me le demande, je ne le sais plus », qui suis-je ? Le temps …et Jean-François ! o Pour Paris Nikita « Apprendre » ; « Echanger, apprendre, capitaliser » « O2 » ; « Respiration, ouverture » « Ouverture, inspiration, découvertes » ; « partage et ouverture d’esprit » « Partager des expériences apprenantes avec mise en situation. Importance de la pratique » « M’aider à penser le futur pour mieux organiser le présent, c'est à dire acquérir de la connaissance sur les facteurs d'évolution de nos marchés, des comportements clients, du fonctionnement à venir de nos sociétés civiles.” “Au sein de notre club, trouver le meilleur de l’humain et de l’innovation” 4 Prochaines dates du calendrier o o o o o Jeudi 20 Avril Jean Van Wittenberghe, le lean management avec possibilité de suivre un MOOC si vous voulez en savoir plus Jeudi 18 Mai Olivier Badot, consommation et commerce de demain Jeudi 6 juillet au soir et Vendredi 7 Juillet en Alsace Eric Zipper, les opérations de secours en milieu hostile, école de management Départ vers 15h en train le jeudi et retour vers 20h30 14 et 15 Septembre, convention à Bordeaux Les dates des prochaines rencontres sont également fixées jusqu’à l’été 2018 (avec des possibilités de modifications encore possible mais c’est celle que nous allons transmettre pour planifier les prochains experts à partir d’Octobre) Jeudi 19 Octobre Jeudi 16 Novembre Jeudi 14 Décembre Jeudi 18 Janvier 2018 Jeudi 15 Février 2018 Jeudi 22 Mars 2018 Jeudi 12 Avril 2018 Jeudi 24 Mai 2018 Jeudi 14 Juin 2018 Jeudi 13 Septembre 2018 Jeudi 11 Octobre 2018 Jeudi 22 Novembre 2018 Jeudi 13 Décembre 2018 5