JECO 2013 / C. Rodrigues
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Les journées de l’économie 2013
Notes de conférences
Christophe Rodrigues
Note liminaire :
Ce compte rendu n’est évidemment pas exhaustif. Il n’engage que la responsabilité de
son auteur ! J’indique en rouge, les éléments complémentaires qui me semblent utiles à
la compréhension et qui n’ont pas été explicitement formulés par le ou les intervenants
au moment de la conférence.
Conférence n°4
Comment expliquer les écarts de croissance économique ?
Introduction collective //
G. Cette :
La dynamique démographique ne commande pas l’évolution de la production par tête,
mais bien la productivité globale des facteurs (PGF).
M. Fouquin :
S’agissant des pays émergents, il existe des moments de rupture dans l’histoire de
certains pays : certains pays connaissent subitement une accélération de leur
productivité et d’autres pas (quelles politiques publiques : réformes foncières
impliquant par exemple la cessibilité des terres en Chine).
G. Nicoletti :
Il existe une combinaison entre les facteurs de production (la démographie par
exemple) et la PGF. Cette combinaison s’est révélée plus efficace selon les pays et selon
les périodes historiques que l’on considère.
Intervention de G. Cette :
G. Cette (analyse produite conjointement avec Bergeaud, et Lecas, 2013)
Quel choix d’indicateur : productivité apparente ou PGF ?
Proposition d’analyse en termes de productivité horaire du travail
1. Évolution de la productivité sur longue période
États-Unis : première vague de progression de la productivité du travail entre la fin
XIXème jusqu’au milieu du XXème siècle ; deuxième vague à partir de 1995 (NTIC) ; mais
la seconde est plus modeste que la première. Pour certains économistes (R. Gordon), la
croissance de la productivité va finir par s’épuiser ; pour d’autres, la question reste
ouverte : il existe des effets d’entrainement des NTIC combinés avec de nouvelles vagues
d’innovations.
Comparaison États-Unis / France : la première vague française de progression de la
productivité est plus tardive qu’aux États-Unis (30 Glorieuses) mais s’est révélée plus
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forte. Puis, à partir de la fin des années 1990, passage de l’Europe « sous la performance
US » (éloignement par rapport à la frontière technologique)
Le dépassement des performances de productivité des pays d’Europe par rapport aux
États-Unis est notamment lié à des différences d’intensité du facteur travail
2. Diffusion des TIC et le contexte institutionnel
Pour la France, l’écart en usage des NTIC entre les États-Unis et la France s’explique
pour partie par une moindre efficacité dans le fonctionnement du marché du travail et
pour partie par les inadéquations entre les besoins de qualifications en TIC de
l’économie et les parcours de formation proposés par le système éducatif. L’adaptation
des institutions peut cependant permettre de se rapprocher de la frontière
technologique.
Comment expliquer le creusement des écarts de croissance entre l’Europe et les
Etats-Unis depuis les années 1990 ?
Quelques remarques complémentaires
La seconde mondialisation qui s’ouvre à partir du début des années 1980 conduit à une
redistribution importante des places dans la hiérarchie de l’économie mondiale. Selon
P.-N. Giraud dans son ouvrage La mondialisation : émergences et fragmentations (2012),
cette mondialisation est la combinaison de trois globalisations : celles du numérique, des
firmes et de la finance. Elle se traduit selon lui par une généralisation des compétitions :
mise en compétition de l’ensemble des territoires et des sédentaires qui les habitent par
les firmes nomades globales ; mais, également, mise en compétition de ces mêmes
firmes nomades globales par les investisseurs institutionnels de la finance de marché.
Dans ce nouveau contexte, les mécanismes qui conduisent à l’enrichissement des
territoires sont bouleversés. Certains pays et régions du monde qui sont restés
cantonnés pendant longtemps dans le statut de pays pauvres ou «en développement»
émergent dans l’économie mondiale grâce à une croissance de leur économie qui
converge fortement vers celle des pays riches ; tandis qu’au sein des PDEM, des
mécanismes de divergence dans la croissance économique sont à nouveau à l’œuvre
entre les États-Unis, d’une part, qui restent le territoire le plus proche de la frontière
technologique, et les pays d’Europe ajoutés au Japon, d’autre part, qui semblent
connaitre une récession durable.
Les données macroéconomiques récentes permettent de rendre empiriquement compte
de ce creusement des écarts entre les États-Unis et les autres PDEM. Alors que la France
atteint en 1983 un «pic» son PIB par tête s’établit à près de 90 % de celui des Etats-
Unis, ce pourcentage redescend sous la barre des 80 % au milieu des années 2000. Ce
renversement de tendance est encore plus significatif pour l’Allemagne et le Japon.
S’agissant de l’Allemagne, le PIB par tête de la RFA atteint presque 95 % du PIB par tête
américain juste avant la réunification au début des années 1990. Il est à peine de 75 %
pour l’Allemagne réunifiée en 2005. Si, dans le cas de l’Allemagne, on peut facilement
comprendre que cette évolution est également imputable à des facteurs internes (coûts
de la réunification), cet argument n’est en revanche pas recevable s’agissant du Japon.
Or, au début des années 1990, le Japon atteint lui aussi un PIB par tête qui approche les
90 % de celui des États-Unis. En 2005, ce taux est également à peine de 75 %. Cette
tendance est encore plus manifeste lorsqu’on observe l’évolution du PIB global en
volume. Sur la base de cet indicateur, il existe un net processus de décrochage des
différents pays de la zone euro concernés (Royaume-Uni, France, Italie, Allemagne
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notamment) vis à vis des États-Unis. Au début des années 1990, le PIB des Etats-Unis a
augmenté d’environ 80 % par rapport à l’année de base 1970 ; cette hausse est à peine
un peu plus faible concernant la France et la plupart des autres pays européens ce qui
indique que les processus de croissance sont comparables depuis la fin de la période des
Trente glorieuses (raison pour laquelle R. Gordon parle de « fin du rattrapage » dans la
mesure où les taux européens n’excèdent plus le taux américain). Entre 1991 et 2012 en
revanche, un net processus de divergence est à l’œuvre : le PIB global américain
augmente de plus de 70 % tandis que cette hausse est inférieure à 50 % pour la France
et que ce décrochage est encore davantage marqué pour l’Italie et l’Allemagne peine
30 % de hausse pour ces pays). L’observation d’un autre indicateur macroéconomique -
la productivité du travail permet de confirmer ces évolutions. Alors que sur la période
1987-1995, le rythme de progression de cet indicateur est significativement plus
soutenu en Europe (2,3 % en moyenne par an dans l’UE contre 1,2 % aux États-Unis), la
tendance s’inverse largement au début de la décennie 2000 : entre 2000 et 2004, la
productivité du travail n’augmente en moyenne que de 1,1 % par an dans l’UE tandis
que ce taux est de 2,8 % aux États-Unis (il atteint même 3,6 % toutes choses égales par
ailleurs si on isole la croissance de la productivité du travail dans le secteur marchand) .
Enfin, l’observation de l’indicateur de la productivité par tête entre 1998 et 2012 est
également riche d’enseignement. On observe en premier lieu une progression
significativement plus soutenue de la productivité par tête aux États-Unis entre 1998 et
le milieu des années 2000 par rapport à certains pays d’Europe : la productivité par tête
dans la zone euro augmente à peine de 5 % entre 1998 et 2007 contre plus de 25 % aux
Etats-Unis. Ensuite et surtout, c’est le choc de la crise de 2008 et la «gestion» de l’après-
crise qui conduit à creuser les écarts. Alors que la progression de l’indicateur fléchit
pour la plupart des PDEM en 2008 et 2009, aux États-Unis la reprise est rapide tandis
que pour les pays d’Europe, l’indicateur ne progresse quasiment plus (mis à part la
Suède).
Ces quelques observations conduisent logiquement à s’interroger sur les mécanismes
qui sont à l’œuvre et qui expliquent cette divergence dans la croissance. Les analyses des
économistes contemporains G . Cette, P. Artus, J.-L. Gaffard ou J. Tirole en France
par exemple ; P. Krugman, Ph. Aghion, ou E. Phelps aux Etats-Unis par exemple -
montrent que la «perte de vitesse» de l’Europe et du Japon vis-à-vis des Etats-Unis est
largement imputable à l’affaiblissement de la croissance économique potentielle dans
les premiers tandis que celle-ci reste au contraire soutenue outre Atlantique. On définit
classiquement la croissance potentielle comme la croissance maximale, pour un
territoire donné, compatible avec une inflation stable. En d’autres termes, il s’agit de la
croissance qui résulte d’une utilisation efficiente des facteurs de production existants.
Elle se distingue de la croissance économique effective qui se définit comme la
croissance empiriquement observée. La mesure de la croissance potentielle est
complexe et discutée entre les économistes. Tous s’accordent cependant pour dire
qu’elle est fonction de l’évolution de la population active, du taux d’emploi et du taux de
chômage incompressible mais également de la croissance de la productivité globale des
facteurs de production. Il convient ainsi de s’interroger sur les déterminants qui pèsent
négativement sur le rythme de la croissance potentielle en Europe et au Japon tandis
que d’autres facteurs pèsent favorablement sur celle des États-Unis. Les économistes
considèrent aujourd’hui qu’il existe trois principaux déterminants : en premier lieu, la
dynamique de l’emploi, de la productivité du travail et de la durée du travail ; en
deuxième lieu, la dynamique des innovations et l’écart que le territoire entretient avec la
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frontière technologique ; en dernier lieu, la qualité des institutions et l’efficacité des
politiques économiques structurelles.
S’agissant de la dynamique de l’emploi, rappelons que la production de richesses
supplémentaires dans une économie dénuée de progrès technique passe par une hausse
de la population active en emploi (c’était l’intuition de J. Bodin au XVIème siècle qui
considérait que seule la hausse de cette population était source d’enrichissement). Or,
les PDEM connaissent une évolution du facteur travail depuis le début du XXème siècle
tout à fait considérable. Si on raisonne en volume de travail, correspondant au nombre
total d’heures travaillées au cours de l’année, celui-ci diminue notablement en France et
dans les pays d’Europe sur le très long terme alors qu’il augmente aux États-Unis et au
Japon. Cette évolution s’explique par la conjonction de deux phénomènes
contradictoires du fait que le nombre total d’heures travaillées est le produit de l’emploi
total et du nombre annuel d’heures travaillées par actif en emploi. Dans tous les PDEM,
ces deux variables ont évolué dans des sens opposés mais à des rythmes très différents
selon les pays. Ainsi, l’emploi total a augmenté partout mais à un faible rythme en
France et en Europe et à un rythme soutenu aux États-Unis et au Japon ; c’est la
conséquence d’évolutions démographiques forts différentes selon ces territoires. A
l’opposé, la baisse de la durée annuelle du travail est à l’œuvre dans tous les pays
jusqu’au début des années 2000 même si l’amplitude du phénomène est variable d’un
pays à l’autre : tous les PDEM ont produit davantage en réduisant la durée du travail au
cours du XXème siècle. Ce mouvement est lié à l’évolution des droits sociaux à laquelle il
faut ajouter sur les quelques dernières décennies le développement du temps partiel.
Non seulement ce mouvement n’a pas été un obstacle à la croissance, mais il en a été un
puissant levier avec notamment le développement des loisirs et du tourisme de masse.
Cette évolution est le fruit de la hausse structurelle des gains de productivité : sur le long
terme cette hausse explique que l’on puisse produire un volume beaucoup plus grand de
richesses avec une quantité de travail en baisse. C’est à partir du début des années 1990
que les effets de ce processus sur la croissance potentielle s’inversent. Dans un rapport
du Conseil d’analyse économique, P. Artus (Temps de travail, revenu et emploi, CAE,
2007) montre que le creusement des écarts en terme de productivité par tête entre
l’Europe et les États-Unis est en grande partie imputable à des évolutions différentes en
matière de durée annuelle du travail des deux côtés de l’Atlantique. Coté Europe, la
baisse de la durée annuelle du travail se poursuit malgré une croissance effective faible
tandis qu’elle s’interrompt aux États-Unis. Ainsi, sur la période 1995-2002, la
progression de la productivité horaire est identique entre les deux pays (2 % de hausse
en moyenne annuelle) alors que la progression de la productivité par tête est
sensiblement inférieure en France peine 1 % en moyenne annuelle contre presque 2
% outre atlantique). P. Artus estime dans ce rapport que le revenu par habitant est
aujourd’hui inférieur en France de 30 % à celui des États-Unis et que ce phénomène est
en grande partie imputable à une moindre utilisation des ressources en main d’œuvre
en France, celle-ci résultant de la combinaison d’un taux d’emploi plus faible et d’une
durée annuelle moyenne du travail en France inférieure à celle des États-Unis. Cette
analyse conduit pour partie à s’interroger sur l’existence d’une « préférence pour le
loisir » plus élevée en Europe. Les travaux d’enquête réalisés sur ce point conduisent à
des résultats contrastés. En revanche, il est manifeste que sur le long terme, la réduction
de la durée du travail a été bénéfique du fait de son articulation avec un rythme de
croissance économique soutenu. La multiplication des crises et le caractère durable de la
«croissance molle» en Europe depuis deux décennies, à tout le moins, rend aujourd’hui
cette articulation plus problématique. En résumé, la poursuite de la baisse de la durée
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du travail en Europe alors que la croissance effective est atone a des conséquences
nettement négatives sur la croissance potentielle européenne.
Intervention de G. Nicoletti :
Il existe un problème de mesure de la PGF : niveau des compétences, la qualité du
management, etc. La PGF est calculée comme un résidu, faute de mieux.
3 influences principales sur la PGF :
1) retombées positives du contenu technologique des actifs tangibles (TIC)
2) investissements en biens incorporels et potentiel d’innovation
3) Efficacité des mécanismes de réallocation des ressources dans l’économie
(destruction créatrice).
Il existe un mécanisme qui articule les process internes aux firmes et les process
inter-entreprises. Par ailleurs, il existe des « retombées » sur les zones (spillover :
les externalités non pécuniaires). Les spill over génèrent un feed back sur les
process internes aux firmes (par exemple la diffusion d’un haut niveau de
connaissances sur un territoire profite à toutes les entreprises présentes qui
ajustent leur dotation en travail qualifié).
Comparaison France / USA : aux USA, les processus de croissance et décroissance
de la productivité (et de l’emploi) sont plus rapides qu’en Europe (existence
d’inerties plus fortes en Europe : résistances dans la dynamique de la diffusion
des process).
Exemple de facteur discriminant : la qualité managériale.
Aux États-Unis, la qualité managériale a des effets importants sur la dynamique de la
PGF (plus qu’en Europe). Par ailleurs, il faut noter l’importance du caractère
concurrentiel des marchés (politiques structurelles)
M. Fouquin :
Étude des écarts entre les PDEM et les PED émergents.
Mise en perspective historique à partir des travaux d’A. Maddison : à partir du XVIIIème,
grande divergence entre les actuels PDEM et le reste du monde.
Exemple : comparaison GB / Inde : effet de ciseaux entre 1600 et la fin du XIXème siècle.
Période contemporaine :
Réduction forte des écarts PDEM et certains PED
L’Asie hors Japon a un PIB par hab. qui est 10 fois inférieure à celui des PDEM au milieu
du XXème siècle (pire que l’Afrique : 8 fois). La tendance de l’Asie hors Japon est une
chute de l’activité à partir du milieu des années 1990 (PIB par hab. qui est 4 fois plus
faible que celui des PDEM en 2012). La tendance est inverse pour l’Afrique (l’écart
monté à 10 fois en 2012).
Cas des pays d’Asie :
Décomposition des sources de la croissance en Chine sur la période 2000 2011
(TVAM) : PIB : + 9 % ; FBCF : + 5 ; Emploi : + 0,3 ; PGF : 3,6
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