JECO 2013 / C. Rodrigues
Document1 Page 4 sur 9 C. Rodrigues, Aix-Marseille
frontière technologique ; en dernier lieu, la qualité des institutions et l’efficacité des
politiques économiques structurelles.
S’agissant de la dynamique de l’emploi, rappelons que la production de richesses
supplémentaires dans une économie dénuée de progrès technique passe par une hausse
de la population active en emploi (c’était l’intuition de J. Bodin au XVIème siècle qui
considérait que seule la hausse de cette population était source d’enrichissement). Or,
les PDEM connaissent une évolution du facteur travail depuis le début du XXème siècle
tout à fait considérable. Si on raisonne en volume de travail, correspondant au nombre
total d’heures travaillées au cours de l’année, celui-ci diminue notablement en France et
dans les pays d’Europe sur le très long terme alors qu’il augmente aux États-Unis et au
Japon. Cette évolution s’explique par la conjonction de deux phénomènes
contradictoires du fait que le nombre total d’heures travaillées est le produit de l’emploi
total et du nombre annuel d’heures travaillées par actif en emploi. Dans tous les PDEM,
ces deux variables ont évolué dans des sens opposés mais à des rythmes très différents
selon les pays. Ainsi, l’emploi total a augmenté partout mais à un faible rythme en
France et en Europe et à un rythme soutenu aux États-Unis et au Japon ; c’est la
conséquence d’évolutions démographiques forts différentes selon ces territoires. A
l’opposé, la baisse de la durée annuelle du travail est à l’œuvre dans tous les pays
jusqu’au début des années 2000 même si l’amplitude du phénomène est variable d’un
pays à l’autre : tous les PDEM ont produit davantage en réduisant la durée du travail au
cours du XXème siècle. Ce mouvement est lié à l’évolution des droits sociaux à laquelle il
faut ajouter sur les quelques dernières décennies le développement du temps partiel.
Non seulement ce mouvement n’a pas été un obstacle à la croissance, mais il en a été un
puissant levier avec notamment le développement des loisirs et du tourisme de masse.
Cette évolution est le fruit de la hausse structurelle des gains de productivité : sur le long
terme cette hausse explique que l’on puisse produire un volume beaucoup plus grand de
richesses avec une quantité de travail en baisse. C’est à partir du début des années 1990
que les effets de ce processus sur la croissance potentielle s’inversent. Dans un rapport
du Conseil d’analyse économique, P. Artus (Temps de travail, revenu et emploi, CAE,
2007) montre que le creusement des écarts en terme de productivité par tête entre
l’Europe et les États-Unis est en grande partie imputable à des évolutions différentes en
matière de durée annuelle du travail des deux côtés de l’Atlantique. Coté Europe, la
baisse de la durée annuelle du travail se poursuit malgré une croissance effective faible
tandis qu’elle s’interrompt aux États-Unis. Ainsi, sur la période 1995-2002, la
progression de la productivité horaire est identique entre les deux pays (2 % de hausse
en moyenne annuelle) alors que la progression de la productivité par tête est
sensiblement inférieure en France (à peine 1 % en moyenne annuelle contre presque 2
% outre atlantique). P. Artus estime dans ce rapport que le revenu par habitant est
aujourd’hui inférieur en France de 30 % à celui des États-Unis et que ce phénomène est
en grande partie imputable à une moindre utilisation des ressources en main d’œuvre
en France, celle-ci résultant de la combinaison d’un taux d’emploi plus faible et d’une
durée annuelle moyenne du travail en France inférieure à celle des États-Unis. Cette
analyse conduit pour partie à s’interroger sur l’existence d’une « préférence pour le
loisir » plus élevée en Europe. Les travaux d’enquête réalisés sur ce point conduisent à
des résultats contrastés. En revanche, il est manifeste que sur le long terme, la réduction
de la durée du travail a été bénéfique du fait de son articulation avec un rythme de
croissance économique soutenu. La multiplication des crises et le caractère durable de la
«croissance molle» en Europe depuis deux décennies, à tout le moins, rend aujourd’hui
cette articulation plus problématique. En résumé, la poursuite de la baisse de la durée