Chapitre 2 : La Révolution

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Chapitre 2 : La Révolution
Quand on aborde la Révolution, on se heurte à une difficulté de taille, l’impossibilité de
comprendre de façon sûre les causes de cette dernière.
On peut évoquer différents problèmes, on peut faire une liste des événements survenus,
mais comprendre la Révolution est beaucoup plus ardu, voire impossible.
Pendant longtemps, on en a eu une lecture plutôt marxiste. La Révolution était le triomphe
de la bourgeoisie, remplaçant la féodalité par le capitalisme. C’est ce que pensait Soboul par
exemple, historien français du 20ème siècle, spécialiste de la Révolution et de Napoléon.
On sait aujourd’hui que cette lecture est fausse. On en a proposé une nouvelle à partir des
travaux de François Furet (également historien français du 20ème siècle) lors du bicentenaire, voir
dans la Révolution l’avènement de la démocratie et du rôle du citoyen. Là encore, c’est sans doute
une lecture trop facile. La démocratie n’avait pas besoin de la Révolution pour s’imposer, elle était en
marche depuis longtemps dans la pensée politique occidentale.
On en restera donc aux questions sans réponses. Il n’en demeure pas moins vrai que la
Révolution entraîne de profondes nouveautés. Les acteurs de la Révolution ont cherché à construire
un monde radicalement nouveau, et, ce faisant, ils ont été amenés à détruire le système d’Ancien
Régime et avec lui la Monarchie. La Révolution se voulant novatrice a été radicale et violente. En
faisant disparaître les solidarités traditionnelles, les communautés, les corps intermédiaires, elle
poursuit d’une certaine façon l’œuvre centralisatrice de la Monarchie, affirme l’absolutisme de l’Etat
et inaugure le règne de l’individu.
Section 1 – La Révolution des juristes
Dans les mois qui précèdent la réunion des Etats Généraux (175 ans après la dernière
réunion), les trois ordres ont rédigé séparément leurs cahiers de doléances. On en a conservé 60.000.
Ils expriment des désirs de réformes plutôt modérés, la rénovation de la monarchie et non sa
destruction.
Les cahiers émanant :
 de la bourgeoisie insistent souvent sur la nécessaire élaboration d’une Constitution ainsi
que sur la disparition des privilèges, la bourgeoisie est assez favorable au libéralisme économique et
donc à la disparition des règlementations contraignantes.
 des paroisses de campagne témoignent tous de leur fidélité au roi mais se dressent contre
le système fiscal de la monarchie (notamment la gabelle, c'est-à-dire la taxe sur le sel), la persistance
et le poids des droits féodaux, le comportement de la noblesse et du haut clergé.
 du clergé sont très modérés mais soutiennent souvent les revendications des paysans
quant à la disparition de certaines redevances.
 de la noblesse proposent l’abolition de la dîme (impôts versé à l’Eglise).
Aucun n’est hostile à la Monarchie.
L’ouverture solennelle des Etats Généraux qui n’avaient été réunis depuis 1614, a lieu le 5
mai 1789.
Ceci à la demande contrainte de Louis XVI, émise en juillet 1788, face à la situation politique
et financière catastrophique de la France. Une salle provisoire (dont il ne reste aujourd’hui plus rien)
a été érigée derrière les Menus Plaisirs* de l’avenue de Paris à Versailles.
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Louis XVI ouvre la séance par un discours dans lequel il rappelle les circonstances qui l’ont
conduit à cette convocation et ce qu’il attend des Etats Généraux. En roi pacifique, il déclare : « je
suis le premier ami de mon peuple ».
Suivent les discours de Barentin, le Garde des Sceaux, puis de Necker, ministre des finances
sur la situation économique du royaume. La France est ruinée par les fastes de la Cour et son soutien
à la guerre d’indépendance américaine.
Dès le 6 mai, les députés du Tiers proposent aux deux autres ordres de procéder en commun
à la vérification des pouvoirs, c'est-à-dire vérifier tous ensemble que l’élection de chacun des
députés présent s’est parfaitement déroulée. Ce qui impliquerait pour l'avenir des délibérations
communes, et des votes commun, marquant ainsi la fin de la distinction des ordres sur laquelle
repose jusqu’alors l’Ancien Régime. Les Nobles refusent catégoriquement. Et le clergé, bien que plus
mitigé, se rangent dans un premier temps à l’avis des aristocrates. Les délibérations se poursuivent
alors dans la salle commune pour les députés du Tiers Etats et dans deux salles particulières pour les
deux autres ordres.
Notez par ailleurs, qu’à l’ouverture des Etats Généraux, les députés ne savent toujours pas
s’ils voteront par ordre ou par tête. Pourtant, ce paramètre est primordial. En effet, si l’on vote par
ordre il y aura une voix pour la noblesse, une pour le clergé, une pour les Tiers Etats. Le Tiers Etat
part alors perdant d’avance, quasi certain que les deux autres ordres s’allieront pour conserver leurs
privilèges. En revanche, si l’on vote par tête, c'est-à-dire une voix par députés, les députés du Tiers
Etat, par leur doublement accordé en décembre 1788, sont presque aussi nombreux que ceux de la
noblesse et du clergé réunis. Ils pourraient ainsi espérer parvenir à faire passer toutes les lois par
lesquelles ils entendent réformer la société.
Le 17 juin finalement, à l’instigation de Sieyès, le Tiers Etat rejoint par 19 députés du clergé,
"considérant qu'il représentent 96 centièmes de la nation » se proclame Assemblée Nationale. La
souveraineté passe entre les mains de l’Assemblée qui déclare détenir un mandat de la Nation,
représenter les électeurs.
Le 20 juin, la jeune Assemblée Nationale a prévu de se réunir dans la salle des Menus Plaisir.
Mais, prétextant des travaux, Louis XVI l’a faite fermer, en fait parce qu’il s’oppose à cette Assemblée
nationale. Les députés passent outre et se rassemblent dans un gymnase tout proche où l’on
pratiquait le jeu de Paume et où ils
prêteront le célèbre Serment du Jeu de
Paume : « Nous jurons de ne jamais nous
séparer et de nous réunir partout où les
circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la
Constitution du royaume fût établie et
affermie par des fondements solides. » Le
serment est lu par Jean-Sylvain Bailly (né
en 1736 ; Astronome et homme politique ;
président de l’Assemblée Constituante du 17
Juin 1789 au 3 Juillet 1789 ; 1er maire de Paris
du 15 Juillet 1789 au 18 Novembre 1791 ;
guillotiné sur le Champ de Mars à Paris le 12
Novembre 1793).
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Le 23 Juin, Louis XVI préside une séance royale aux Menus Plaisir où il annonce trois
décisions :
 L’interdiction aux élus des trois ordres de se réunir ensemble
 La cassation de toutes les décisions prises depuis le 6 mai, et en particulier la proclamation
de l’Assemblée Nationale ;
 Le maintien de la monarchie de droit divin.
Le roi termine sont discours en demandant aux députés de se disperser et de se retrouver le
lendemain par ordres. Le Tiers Etat refuse de quitter la salle. Le marquis de Dreux-Brezé venu leur
rappeler l’ordre du roi se voit répondre par Mirabeau : « Allez dire à ceux qui vous envoie que nous
sommes ici par la volonté du peuple et que nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes. »
(Voir l’Annexe, Séance du 23 Juin 1789)
Le 27 Juin, devant la ténacité de l’Assemblée Nationale, Louis XVI finit par céder et inviter les
membres de la noblesse et du clergé qui ne l’ont pas encore fait à se joindre à l’Assemblée Nationale.
Le vote se fera par tête et non par ordre.
Mais ce n’est que parce que Louis XVI n’a pas le choix, face à ce coup d’Etat il est contraint de
faire semblant de plier, pour mieux préparer sa riposte. C’est la raison pour laquelle les troupes sont
rassemblées autour de Paris, ce qui cristallise les tensions.
Le 9 Juillet, l’Assemblée se proclame Constituante.
I] L’assemblée Constituante
L’été 1789 est très agité :
 Emeutes dans Paris, dès le 12 Juillet à l’annonce du renvoi de Jacques Necker;
 Prise de la Bastille, où les révolutionnaires voulaient se procurer de la poudre pour armer
les fusils précédemment volés aux Invalides ;
 Grande Peur dans les campagnes, les nouvelles de Paris sont si surprenantes que les
paysans les comprennent mal, s’affolent de village en village et se persuadent que les seigneurs vont
faire à des armées de brigands ravageant les récoltes pour répliquer à la révolte des parisiens ;
Le 17 juillet, le roi, pour calmer l’agitation populaire, accepte de se rendre à Paris et d’y
porter la cocarde où le blanc, couleur royale, est entouré du bleu et du rouge, couleurs
traditionnelles de la ville de Paris. Il y est reçu par Bailly, élu maire de Paris par acclamation 2 jours
plus tôt, et par La Fayette, élu commandant de la Garde Nationale. Le roi y annonce le retour de
Necker.
Plus tard, pour calmer l’agitation dans les campagnes toujours inquiètes d’éventuelles
représailles de leurs seigneurs, on propose la disparition des privilèges. C’est la fameuse nuit du 4
août. Pour l’anecdote, les députés étaient ivres ce soir là.
Certains droits disparaissent purement et simplement, ceux qui étaient le plus insupportables
à savoir :
 Les corvées, journée de travail gratuite et due par le paysan à son seigneur ou à son roi ;
 Le servage, était le fait pour un paysan d’être dépendant d’un maître. Le terme servage
est issu du latin « servus » qui signifie « esclave » ….
 Les banalités, ce sont des installations que le seigneur met à disposition de sa population
telles que le four, le moulin ou le pressoir par exemple. Mais ces installations sont bien sûr payantes
et la population ne peut utiliser que ces installations.
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 Le droit de chasse, privilège jusqu’ici réservé à la noblesse. Tout individu n’appartenant
pas à la noblesse pris en train de chasser était accusé de braconnage.
Tout ce qui a trait au régime seigneurial disparaît. En revanche, beaucoup d’autres droits
sont déclarés rachetables, au nom de la protection du droit de propriété : ainsi des redevances
seigneuriales en argent ou en nature (censives, droits de mutation). Tous les droits ayant un
caractère foncier sont maintenus mais rachetables. Dans la pratique, les décrets d’application de
cette mesure se feront attendre plusieurs mois.
Plusieurs mesures viendront confirmer ou compléter les dispositions prises dans la nuit du 4
août :
 décret du 5 novembre 1789 déclare « Il n’y a plus en France aucune distinction d’ordre ».
 décret du 17 juin 1790 précise « la noblesse héréditaire est pour toujours abolie », les titres,
les armoiries disparaissent.
Autre exemple qui concerne cette fois la justice, le décret du 16 août 1790 consacre l’égalité
entre les citoyens en précisant « les citoyens sans distinction plaideront en même forme et devant les
mêmes juges ».
Un autre texte beaucoup plus célèbre vient éclairer les mesures votées dans la nuit du 4
août, c’est la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (http://www.legifrance.gouv.fr/Droitfrancais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789), votée le 26 août
1789. Un texte qui présente l’originalité de proclamer une série de droits naturels, donc inhérents à
l’homme en dehors de toute reconnaissance étatique et de toute création humaine. Il n’est pas
inutile de préciser que la Déclaration, n’est qu’une déclaration. Pour que les droits énoncés soient
appliqués, il faudra la médiation de la loi. L’association politique devra donc avoir pour but principal
de permettre et de garantir l’application des droits de l’homme. Le roi ne se résoudra à la
promulguer, avec divers autres décret de l’Assemblée, que le 3 novembre 1789, après les émeutes
d’octobre, l’invasion du château de Versailles par des femmes venues réclamer du pain et son
déménagement forcé à Paris, au Palais des Tuileries.
La rédaction de la première Constitution française a été difficile. Elle aura pris 2 ans. Plusieurs
groupes s’opposent, différentes influences se font sentir : le modèle antique de la République
romaine, le modèle anglais avec ses deux chambres, le modèle américain avec le thème dominant
de la représentation et de l’écriture des droits.
Au-delà de ces modèles, des oppositions se font jour dès les premières discussions.
Deux partis s’affrontent: les aristocrates, partisans de l’ordre ancien, d’une monarchie
traditionnelle, d’une simple organisation de la constitution traditionnelle, et les patriotes, partisans
d’un ordre nouveau.
L’opposition profonde entre ces deux partis va se cristalliser notamment autour de la
question du veto royal. Si tous sont d’accord pour que les lois soient dorénavant faites par
l’Assemblée représentant la Nation, la question se pose de savoir si le roi doit disposer ou pas d’un
droit de veto sur les lois adoptées. Les patriotes modérés comme Mounier sont partisans du veto
absolu et de deux chambres législatives. Les patriotes avancés comme Barnave sont partisans du
veto suspensif et d’une chambre unique. A droite, les modérés veulent une monarchie à l’anglaise
alors que les aristocrates souhaitent une monarchie traditionnelle.
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A gauche, chez les patriotes, il n’y a pas plus d’unité. La Fayette est partisan d’un exécutif fort
alors que Barnave veut au contraire contrôler l’exécutif. Encore plus à gauche, il y a les démocrates
intransigeants dont Robespierre. Cette extrême gauche s’appuie sur le peuple de Paris, ou plutôt sur
ceux qui prétendent parler en son nom : les journalistes comme Desmoulins, Brissot (Le patriote
français, futur chef des Girondins) ou Marat (L’ami du peuple), les membres des clubs comme celui
des Jacobins fondé par Barnave, ceux des sociétés populaires comme le club des Cordeliers avec
Danton qui prépareront le personnel politique de la future Terreur. Il jouera un rôle essentiel dans la
suite de la Révolution.
Finalement, la Constitution est terminée début août 1791, votée le 3 septembre, acceptée
par le roi le 13 du même mois. Il n’y a pas de ratification populaire, car la gauche craint que le peuple
par son vote ne remette en cause la Révolution. Le consentement du peuple est donc présumé.
II] La Constitution du 3 septembre 1791
La constitution de 1791 confisque la souveraineté royale mais ne la donne pas pour autant au
peuple. En conséquence, le pouvoir politique va être réservé à des élites éclairées, choisies par des
citoyens compétents. C’est une première expression du suffrage censitaire qui est mise en place.
Les citoyens sont divisés en deux groupes :
 Les citoyens actifs, âgés de 25 ans au moins, domiciliés depuis un an dans le même canton
et payant un impôt égal à la valeur de trois journées de travail. Ils disposent du droit de vote.
 Les citoyens passifs, sont ceux qui ne remplissent pas les conditions exigées et qui par
conséquent n’auront pas le droit de vote.
Ainsi que l’écrit Sieyès : « La plupart de nos concitoyens n’ont ni l’instruction, ni les loisirs
nécessaires pour vouloir décider eux-mêmes des affaires publiques. Leur avis est donc de nommer des
représentants, beaucoup plus capables qu’eux-mêmes de décider ».
Les élections se font à deux degrés et le suffrage est indirect. Les citoyens actifs se réunissent
au chef-lieu de canton pour désigner les électeurs du deuxième degré, des grands électeurs qui
paient un impôt plus élevé. A leur tour, ces grands électeurs se rassemblent au chef-lieu de district
pour élire les députés, les membres de l’assemblée législative, mais aussi les agents administratifs du
département, l’évêque, les curés, les juges.
II-] Le pouvoir législatif
Le pouvoir législatif est remis à une assemblée unique et nombreuse, 745 membres élus pour
deux ans seulement. Cette Assemblée est permanente, comme la Nation elle-même. Elle se réunit à
son gré, ne peut être ni prorogée, ni dissoute. Elle décide souverainement de son règlement, de ses
fonctions, de son ordre du jour. Ses membres seuls ont l'initiative des lois. Ils bénéficient de
l'inviolabilité parlementaire.
L'Assemblée Nationale (ou Législative du 1er octobre 1791 au 20 septembre 1792) est placée
en situation prépondérante, ce qui est à l'origine de l'un des principes incontestés jusqu'en 1958 de
la démocratie républicaine, la prépondérance du législatif. Le pouvoir législatif est donc considéré
comme dominant pour deux raisons.
 D’abord parce que les députés ont seuls reçu une délégation explicite de la nation,
 Et ensuite parce que l’on se méfie du roi et que l’on va borner son autorité.
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L'Assemblée Constituante, et après elle la Législative, ont réglé jusque dans les détails, par
leurs lois, toute l'organisation de l'Etat. En outre, elles précisaient, par des "instructions" rédigées par
des groupes de députés, les conditions d'application, ajoutant une sorte de "pouvoir réglementaire"
au pouvoir législatif.
L’assemblée dispose donc de très importantes prérogatives. Elle a seule l’initiative et le
vote des lois. Elle déclare la guerre et ratifie les traités. Le roi n’a aucune prise sur elle.
II-] Le pouvoir exécutif
Le pouvoir exécutif est détenu par le roi. Mais le roi ne détient plus son pouvoir de Dieu, il le
tient de la Nation. Ses attributions sont limitées. Il dirige les relations extérieures mais ne peut
décider de la paix ou de la guerre. Le contrôle de l’administration lui échappe puisque les emplois
publics sont électifs. La personne du roi est inviolable et sacrée dit la constitution, il ne peut donc
être ni renvoyé ni révoqué. Mais tous ses actes doivent être contresignés par un ministre.
En matière législative, le roi dispose seulement d’un droit de veto suspensif. Pendant la
durée de deux législatures, soit 4 ans, il peut refuser de sanctionner une loi régulièrement votée, et
donc retarder sa mise en application. Ce pouvoir semble important, mais la seule fois où Louis XVI
voudra l’utiliser, l’Assemblée ne pourra l’accepter, ce qui entraînera un coup d’Etat.
Le roi ne règne plus qu'au nom de la loi, et par la volonté de la Nation. "Il n'y a point en
France d'autorité supérieure à celle de la loi. Le roi ne règne que par elle, et ce n'est qu'au nom de la loi
qu'il peut exiger l'obéissance."(titre III, chap II, section 1, art 3) La fonction royale n'est plus qu'une
première magistrature de l'Etat.
III] Les réformes menées sous la monarchie constitutionnelle
III-] Les réformes administratives
En 1789, les frontières de la France coïncident presque avec nos frontières actuelles. Il
manque encore Nice qui est rattachée au royaume de Sardaigne et quelques villes d’Alsace ou de
Lorraine. Mais la France d’Ancien Régime est divisée en de multiples circonscriptions qui se
superposent et s’enchevêtrent : généralités, bailliages, sénéchaussées, pays d’élection, pays d’Etats,
provinces ecclésiastiques, diocèses, gouvernements militaires, divisions judiciaires. L’unité
administrative la plus importante est la généralité, qui coïncide parfois avec la province, mais pas
toujours. Ainsi la Normandie est divisée en trois généralités : Rouen, Caen et Alençon. Tout cela est
très embrouillé et même le pouvoir royal ne s’y retrouve pas.
Beaucoup de cahiers de doléances réclament une réforme complète avec deux objectifs :
simplifier les divisions territoriales, rapprocher le chef-lieu administratif de l’administré. De
nombreux projets sont étudiés dans les années 1760 à 1780. En 1789, la réforme souhaitée peut
enfin aboutir, grâce à la disparition des privilèges provinciaux, principal obstacle à la réussite de ce
nouveau découpage. Le premier effet de la nuit du 4 août sera de permettre l’unification territoriale
de la France. En février 1790, le nouveau découpage est terminé, la France est divisée en 83
départements. Chaque département est divisé en districts, de 3 à 5 selon l’importance du
département, chaque district est divisé en cantons qui forment l’unité électorale de base, puisque
c’est au chef-lieu de canton que se retrouvent les assemblées électorales primaires. Enfin, la
première unité administrative est la commune, administrée par un conseil général de la commune
élu par les citoyens actifs et dirigée par un maire élu pour deux ans et rééligible.
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III-] Les réformes des finances
La Révolution s’est faite en partie pour résoudre les problèmes financiers de l’Etat, les impôts
vont donc être réformés en priorité, mais dans l’esprit qui préside aux premières années de la
Révolution. Au nom de la liberté, les impôts ne seront calculés qu’à partir d’éléments vérifiables
immédiatement, de signes extérieurs, nulle inquisition ne sera faite sur les revenus du contribuable.
Ces impôts seront votés par la Nation. Au nom de l’égalité, tout le monde paiera les mêmes impôts.
Ces impôts qui deviennent un devoir pour le citoyen, un acte civique, on les appellera désormais
contributions.
Les contributions directes sont au nombre de trois :
 Contribution foncière, qui pèse sur les revenus de la terre, impôt de répartition comme
l’était la taille
 Contribution mobilière, basée sur les revenus industriels et sur les rentes, calculée d’après
les signes extérieurs de richesse. On va se baser sur le montant du loyer, le nombre de domestiques,
de chevaux
 Les patentes, frappant les commerces
 Une quatrième contribution sera rajoutée sous le Directoire, la contribution des portes et
fenêtres
Ce système se révéla rapidement insuffisant pour combler le déficit de l’Etat et ne parvint
pas à occulter l’un des défauts majeurs de la fin du XVIIIème, le manque de numéraire en circulation.
La crise monétaire va ainsi amener le gouvernement à créer du papier monnaie, les célèbres
assignats, à l’encontre de tous les vœux formulés dans les cahiers et de l’opinion publique. Pour
assoir ce papier monnaie, les biens du clergé sont confisqués et déclarés biens nationaux. Ils seront
vendus pour éponger la dette.
Les assignats furent un échec retentissant de la Révolution. Leur émission massive entraîna
une dépréciation brutale et aggrava la crise financière et monétaire.
III-] L’Eglise et l’Etat
En 1789, la France a besoin d'argent, les besoins de l'Etat sont immenses et il faut trouver
une source de revenus. Les constituants ne vont rien trouver de mieux que de puiser dans le
patrimoine de l'Eglise. Le 2 novembre 1789, l'Assemblée déclare solennellement que "les biens du
clergé sont à la disposition de la Nation" à charge pour celle-ci de "subvenir aux frais du culte et
autres services publics dépendants du clergé", c'est-à-dire l'assistance des pauvres et autres œuvres de
l'Eglise. La mise à disposition des biens du clergé devait permettre à l'Etat d'émettre des assignats,
avec lesquels il pourrait payer divers créanciers.
Un décret de février 1790 supprime les ordres religieux dans lesquels sont prononcés des
vœux perpétuels, au nom de la liberté individuelle. De tels vœux étaient réputés contraires au
principe de la liberté humaine inscrite dans la Déclaration des Droits de l'Homme.
La suppression des privilèges, le découpage du territoire en départements, la nationalisation
des biens du clergé, la suppression des vœux monastiques nécessitent une réorganisation de l’Eglise,
une prise en charge par l’Etat du traitement du clergé. Finalement, le clergé séculier sera organisé
par la célèbre Constitution civile du clergé, votée le 12 juillet 1790. Les curés et les évêques sont
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dorénavant élus par les citoyens actifs, tous reçoivent un traitement de l’Etat et doivent être logés
correctement. En contrepartie, l’Etat leur impose la prestation d’un serment de fidélité à la nation, à
la loi, au roi et à la constitution. En mars 1791, le pape Pie VI condamne la constitution civile du
clergé, ce qui pousse la Constituante à généraliser l’obligation du serment et à entrer dans une
politique d’intolérance radicale à l’encontre des réfractaires (ceux qui refusent de prêter le serment
demandé). A terme le prêtre réfractaire sera assimilé à un suspect, voire à un ennemi.
III-] La justice
Les grands perdants de la réforme de la justice seront les Parlements. Mis en vacances
forcées dès novembre 1789, les parlementaires ne se réuniront plus jamais.
En attendant le vote de la loi sur l’organisation judiciaire, la constituante décide début 1790
le principe de l’individualité de la peine (une sanction ne peut rejaillir sur la famille du condamné) et
la fin de l’arbitraire des peines : les mêmes délits seront sanctionnés de la même manière.
Une loi générale d’organisation judiciaire est enfin votée les 16-24 août 1790. Elle met
l’accent sur l’arbitrage et la recherche de conciliation. Aussi, au niveau civil on va trouver un juge de
paix par canton. Ce citoyen élu pour deux ans doit tenter de concilier les parties, en cas d’échec il
connaîtra sans appel des causes les moins importantes, avec appel possible pour les autres, jusqu’à
un certain montant. Dans chaque district est mis en place un tribunal de district composé de juges
élus pour six ans, parmi les anciens hommes de loi. Ils rendent gratuitement la justice et perçoivent
un traitement de l’Etat.
En matière pénale, la police municipale est confiée à un tribunal de police municipale
composé d’officiers municipaux, on peut faire appel de ses décisions devant le tribunal de district,
mais l’appel n’est pas suspensif. Les délits les plus importants sont jugés par un tribunal de police
correctionnelle formé du juge de paix assisté d’assesseurs, à charge d’appel devant le tribunal de
district. Les crimes sont jugés par un tribunal criminel composé de juges issus du tribunal de district,
d’un président et d’un accusateur public élus. La procédure suivie est originale puisque deux jurys
populaires interviennent, un jury d’accusation pour décider si on doit renvoyer le prévenu en
jugement et un jury de jugement qui vote pour la culpabilité ou l’innocence. Tous sont tirés au sort.
L’idée qui préside à la mise en place de ces jurys est que la justice populaire sera plus clémente et
moins susceptible d’erreur que la justice professionnelle d’Ancien Régime, ce qui reste à démontrer…
La Révolution a voulu rationnaliser et moderniser la justice en calquant l’organisation des
juridictions sur les découpages administratifs. Mais la principale rupture avec l’Ancien Régime vient
de ce que le Roi ne domine plus l’exercice de la justice. Le pouvoir de cassation passe dorénavant à
un organisme autonome, le Tribunal de Cassation. Le principe électif d’autre part empêche tout
risque de recréation d’une caste judiciaire.
Un code pénal est mis en vigueur par la loi des 25 septembre-6 octobre 1791. Il supprime les
crimes religieux ou imaginaires (hérésie, sorcellerie, magie) il impose aux juges la fixité des peines,
c'est-à-dire l’interdiction absolue de nuancer les peines. Il établit une hiérarchie des peines et prévoit
que tout condamné à mort aura la tête tranchée en public. Ce code pénal sera complété par un Code
des délits et des peines du 25 octobre 1795 rédigé par Merlin de Douai
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