H i g H l i g H t s 2 011 : U r o l o g i e Le syndrome de déficit androgénique est-il encore d’actualité? Tobias Zellwegera, Mirjam Christ-Crainb a b Urologische Abteilung, Claraspital, Basel Klinik für Endokrinologie, Diabetologie und Metabolismus, Universitätsspital Basel Introduction Faut-il interpréter le syndrome de déficit androgénique comme un coup de marketing de l’industrie pharmaceutique ou comme le tableau d’une maladie bien réelle? L’homme vieillissant doit faire face à de nombreux problèmes (voir plus bas), et il est difficile de savoir s’il s’agit de symptômes liés à la sénescence ou d’un syndrome résultant de la chute du taux de testostérone à un niveau pathologique. Le taux de testostérone baisse généralement de >1% par an à partir de la quarantaine, ce qui correspond à un déclin de >50% à l’âge de 75 ans. Contrairement au processus de ménopause chez la femme, la diminution du taux de testostérone est lente et progressive chez l’homme. Elle s’étend sur plusieurs dizaines d’années, et le terme «andropause» est donc inapproprié. On trouve fréquemment d’autres expressions dans la bibliographie pour décrire cette évolution du sujet masculin: climatère masculin, déficit androgénique lié à l’âge, déficit androgénique partiel de l’homme âgé, syndrome de déficit en testostérone ou hypogonadisme de l’homme âgé. Cette année, l’article sur l’urologie de la rubrique «highlight» pose la question de savoir s’il est vraiment raisonnable de pratiquer un traitement substitutif par testostérone chez l’homme plus âgé et, dans l’affirmative, quels sont les éléments à prendre en considération. Physiologie et physiopathologie de la diminution de la testostérone liée à l’âge Tobias Zellweger Les auteurs n’ont pas déclaré des obligations financières ou personnelles en rapport avec l’article soumis. Synthétisée majoritairement dans le testicule par les cellules de Leydig, la testostérone se distingue par une large palette d’effets sur des groupes d’organes très différents: action anabolique sur les muscles et les os, amélioration de la vitalité et du bien-être, induction de la différenciation sexuelle, action sur la mise en place et le développement des caractères sexuels primaires et secondaires, maintien de la fonction sexuelle liée à la libido et à la puissance sexuelle, stimulation de l’érythropoïèse et diminution de la masse adipeuse. Il s’ensuit que le déficit primaire ou secondaire en testostérone peut entraîner les symptômes cliniques suivants: 1. Baisse de la libido et de la qualité de la fonction érectile; 2. Instabilité de l’humeur avec baisse de l’activité intellectuelle, des fonctions cognitives, des capacités d’orientation dans l’espace, associées à des signes d’épuisement, une tendance dépressive et une irritabilité accrue; 3. Troubles du sommeil; 4. Diminution de la masse maigre de l’organisme, associée à la perte de masse ou de force musculaire; 5. Augmentation de la graisse viscérale; 6. Diminution de la pilosité et modifications cutanées; 7. Diminution de la densité osseuse entraînant l’ostéoporose, l’ostéopénie et un risque accru de fractures. Existe-t-il une situation où la substitution par testostérone est indiquée? Plusieurs études ont montré qu’un certain nombre des symptômes cités plus haut est à attribuer au vieillissement plutôt qu’à un déficit en testostérone. Cependant l’abaissement du taux de testostérone est une conséquence directe du vieillissement, ce qui suggère une relation de cause à effet. Devant un cas concret, il est difficile de tirer une limite entre physiologie et pathologie. C’est le poids de la souffrance subjective du patient qui est déterminant. Les patients dont le taux de testostérone est pathologiquement bas n’ont pas besoin de traitement s’ils sont asymptomatiques. En d’autres termes, le traitement de substitution n’est recommandé que pour des sujets affligés pendant un certain temps de plusieurs des problèmes caractéristiques mentionnés plus haut et chez lesquels on a diagnostiqué à plusieurs reprises des niveaux pathologiquement bas de testostérone <11 nmol/l [1, 2]. Une étude multicentrique européenne de 2010 portant sur 2966 patients de sexe masculin âgés de 40 à 79 ans a montré que seuls 63 (2,1%) d’entre eux remplissaient ces critères thérapeutiques [2]. Dans les cas où le taux de testostérone est situé dans les valeurs normales, l’utilisation sans discernement de la testostérone comme produit «anti-âge» et comme soutien de style de vie est à proscrire fermement. Comment poser le diagnostic du déficit androgénique lié à l’âge? En présence de symptômes caractéristiques, il faut réaliser une anamnèse rigoureuse, un examen somatique complet (y compris le statut génital et le toucher rectal) et effectuer plusieurs analyses de laboratoire. Pour ces analyses, il est recommandé de procéder comme suit: prélever un échantillon de sérum le matin entre 7 et 11 h (grandes variations nycthémérales) pour mesurer les taux de testostérone totale et de globuline fixant les hormones sexuelles (SHBG); pour identifier d’éventuels Forum Med Suisse 2011;11(51–52):979–980 979 H i g H l i g H t s 2 011 : U r o l o g i e facteurs de risque avant le traitement, effectuer un hémogramme et déterminer le statut lipidique et le taux de PSA. Substitution par testostérone chez l’homme d’un certain âge: méthode de traitement Le marché propose un grand nombre et différentes formes galéniques de médicaments à base de testostérone. Chez les patients d’un certain âge, on préfère utiliser des gels car le dosage peut être réglé individuellement et l’application arrêtée en tout temps. Cette particularité est recherchée en cas de rebond du taux de PSA, d’apparition d’un carcinome de la prostate, ou de diagnostic de polyglobulie entraînant un risque d’embolie. Le gel cutané (par ex. le Testogel®) offre également l’avantage d’une manipulation aisée et d’une bonne tolérance générale. Si les problèmes ne diminuent pas au bout de quelques semaines, on peut sans crainte arrêter le traitement. Il est à noter que les gels cutanés ne sont pas toujours remboursés par les caisses-maladie. Risques et effets indésirables de la substitution par testostérone En cas de carcinome prostatique connu et non traité par une méthode curative, il faut bannir le recours à la testostérone (contre-indication absolue). Jusqu’ici toutefois, rien ne prouve l’association souvent redoutée entre le traitement prolongé de substitution par testostérone et un risque accru de cancer de la prostate [3]. Cette assertion doit être tempérée par l’absence d’études randomisées fournissant des données à long terme avec un suivi >3 ans. Les autres contre-indications importantes au traitement par testostérone sont la polyglobulie essentielle, l’hyperplasie de la prostate à un stade avancé et le syndrome d’apnée du sommeil, lorsqu’il n’est pas traité. Il faut craindre un éventuel effet négatif sur l’érythropoïèse avec apparition de polyglobulie et de son cortège de risques d’embolie et d’AVC. De plus, une étude récente a publié une mise en garde contre des effets cardiovasculaires indésirables, en particulier chez les sujets masculins d’un certain âge et à mobilité réduite [4]. Il est recommandé de communiquer ces informations aux patients avant le début du traitement. Dans tous les cas, le traitement à long terme de substitution par testostérone doit absolument être accompa- gné d’un monitorage soigneux du patient. Il faut contrôler l’hémogramme, les valeurs hépatiques et les taux de lipides et de PSA tous les trois mois pendant la première année, tous les six mois la deuxième année et ensuite chaque année. Il est également recommandé de procéder une fois par an au toucher rectal et à la mesure échographique du résidu postmictionnel. Conclusion Le syndrome de déficit androgénique n’est ni une invention ni une pure création publicitaire. Il s’agit d’un tableau clinique affectant parfois – mais pas toujours – les hommes d’un certain âge. De nombreux problèmes pouvant suggérer un déficit en testostérone apparaissent de toute manière avec l’âge et n’ont donc rien de spécifique. Notre conseil sera d’approcher le sujet sensible de l’homme vieillissant de façon sensée en s’appuyant sur des données scientifiques: la testostérone ne sera administrée que sur indication clairement établie (problèmes caractéristiques et taux pathologiquement bas de testostérone, inférieurs à 11 nmol/l) et en l’absence de contreindications. Toutefois, comme le traitement de substitution par testostérone dans la vieillesse peut représenter une option thérapeutique raisonnable en cas de déficit en testostérone accompagné de problèmes spécifiques, il n’y a aucune raison de rejeter catégoriquement ce traitement. La testostérone est un médicament répondant tout à fait à certaines indications, mais celles-ci ne concernent que très peu d’hommes. Correspondance: PD Dr Tobias Zellweger Urologische Abteilung Claraspital CH-4053 Basel tobias.zellweger[at]claraspital.ch Références 1 Wang C, Nieschlag E, Swerdloff R, et al. ISA, ISSAM, EAU, EAA and ASA recommendations on investigation, treatment and monitoring of lateonset hypogonadism in males. Eur J Endocrinol. 2008;159:507–14. 2 Wu FC, Tajar A, Beynon JM, et al. Identification of late-onset hypogonadism in middle-aged and elderly men. N Engl J Med. 2010;363(2): 123–35. 3 Morgenthaler A. Testosterone and prostate cancer: an historical perspective on a modern myth. Eur Urol. 2006;50:935–9. 4 Basaria S, Coviello A, Travison T, et al: Adverse events associated with testosterone administration. N Engl J Med. 2010;363(2):109–22. Forum Med Suisse 2011;11(51–52):979–980 980