Forum Med Suisse 2011 ;11(51–52):979–980 979
HigHligHts 2011 : Urologie
Le syndrome de décit androgénique
est-il encore d’actualité?
Tobias Zellwegera, Mirjam Christ-Crainb
a Urologische Abteilung, Claraspital, Basel
b Klinik für Endokrinologie, Diabetologie und Metabolismus, Universitätsspital Basel
Introduction
Faut-il interpréter le syndrome de décit androgénique
comme un coup de marketing de l’industrie pharmaceu-
tique ou comme le tableau d’une maladie bien réelle?
L’ homme vieillissant doit faire face à de nombreux pro-
blèmes (voir plus bas), et il est difcile de savoir s’il s’agit
de symptômes liés à la sénescence ou d’un syndrome
r ésultant de la chute du taux de testostérone à un niveau
pathologique. Le taux de testostérone baisse générale-
ment de >1% par an à partir de la quarantaine, ce qui
correspond à un déclin de >50% à l’âge de 75 ans.
Contrairement au processus de ménopause chez la
femme, la diminution du taux de testostérone est lente
et progressive chez l’homme. Elle s’étend sur plusieurs
dizaines d’années, et le terme «andropause» est donc
inapproprié. On trouve fréquemment d’autres expres-
sions dans la bibliographie pour décrire cette évolution
du sujet masculin: climatère masculin, décit andro-
génique lié à l’âge, décit androgénique partiel de
l’homme âgé, syndrome de décit en testostérone ou
hypogonadisme de l’homme âgé.
Cette année, l’article sur l’urologie de la rubrique «high-
light» pose la question de savoir s’il est vraiment rai-
sonnable de pratiquer un traitement substitutif par tes-
tostérone chez l’homme plus âgé et, dans l’afrmative,
quels sont les éléments à prendre en considération.
Physiologie et physiopathologie de la
d iminution de la testostérone liée à l’âge
Synthétisée majoritairement dans le testicule par les
cellules de Leydig, la testostérone se distingue par une
large palette d’effets sur des groupes d’organes très dif-
férents: action anabolique sur les muscles et les os,
amélioration de la vitalité et du bien-être, induction de
la différenciation sexuelle, action sur la mise en place
et le développement des caractères sexuels primaires et
secondaires, maintien de la fonction sexuelle liée à la
l ibido et à la puissance sexuelle, stimulation de l’érythro-
poïèse et diminution de la masse adipeuse. Il s’ensuit
que le décit primaire ou secondaire en testostérone
peut entraîner les symptômes cliniques suivants:
1. Baisse de la libido et de la qualité de la fonction érec-
tile;
2. Instabilité de l’humeur avec baisse de l’activité intel-
lectuelle, des fonctions cognitives, des capacités
d’orientation dans l’espace, associées à des signes
d’épuisement, une tendance dépressive et une irri-
tabilité accrue;
3. Troubles du sommeil;
4. Diminution de la masse maigre de l’organisme, asso-
ciée à la perte de masse ou de force musculaire;
5. Augmentation de la graisse viscérale;
6. Diminution de la pilosité et modications cutanées;
7. Diminution de la densité osseuse entraînant l’ostéo-
porose, l’ostéopénie et un risque accru de fractures.
Existe-t-il une situation où la substitution
par testostérone est indiquée?
Plusieurs études ont montré qu’un certain nombre des
symptômes cités plus haut est à attribuer au vieillisse-
ment plutôt qu’à un décit en testostérone. Cependant
l’abaissement du taux de testostérone est une consé-
quence directe du vieillissement, ce qui suggère une
r elation de cause à effet. Devant un cas concret, il est
difcile de tirer une limite entre physiologie et patholo-
gie. C’est le poids de la souffrance subjective du patient
qui est déterminant.
Les patients dont le taux de testostérone est pathologi-
quement bas n’ont pas besoin de traitement s’ils sont
asymptomatiques. En d’autres termes, le traitement de
substitution n’est recommandé que pour des sujets af-
igés pendant un certain temps de plusieurs des pro-
blèmes caractéristiques mentionnés plus haut et chez
lesquels on a diagnostiqué à plusieurs reprises des ni-
veaux pathologiquement bas de testostérone <11 nmol/l
[1, 2]. Une étude multicentrique européenne de 2010
portant sur 2966 patients de sexe masculin âgés de
40 à 79 ans a montré que seuls 63 (2,1%) d’entre eux
remplissaient ces critères thérapeutiques [2].
Dans les cas où le taux de testostérone est situé dans les
valeurs normales, l’utilisation sans discernement de la
testostérone comme produit «anti-âge» et comme sou-
tien de style de vie est à proscrire fermement.
Comment poser le diagnostic du décit
androgénique lié à l’âge?
En présence de symptômes caractéristiques, il faut réa-
liser une anamnèse rigoureuse, un examen somatique
complet (y compris le statut génital et le toucher rectal)
et effectuer plusieurs analyses de laboratoire. Pour ces
analyses, il est recommandé de procéder comme suit:
prélever un échantillon de sérum le matin entre 7 et
11 h (grandes variations nycthémérales) pour mesurer
les taux de testostérone totale et de globuline xant les
hormones sexuelles (SHBG); pour identier d’éventuels
Les auteurs n’ont
pas déclaré des
obligations
nancières ou
personnelles en
rapport avec
l’article soumis.
Tobias Zellweger