développée, les meilleurs équilibres entre l'emploi, les investissements et les
salaires, ont été le fait de pays où la social-démocratie a exercé durablement le
pouvoir - sans même parler de la comparaison avec les pays communistes.
Mais, depuis la fin des années 1970, la social-démocratie a rencontré de
nouvelles difficultés. Les résultats électoraux ont connu d'importantes
fluctuations. La plus connue est la plus récente. Dans les années 1997 et 1998,
l'Union européenne a compté onze gouvernements sociaux-démocrates,
travaillistes et socialistes sur quinze, et l'on parlait d'une « Europe rose ». En
2002, hormis en Angleterre, toute la social-démocratie européenne est sur la
défensive.
Comment expliquer cette situation ? Les causes économiques sont majeures.
Elles tiennent, dans une certaine mesure, à des difficultés propres aux politiques
mises en oeuvre : le coût budgétaire des programmes sociaux, la montée du
chômage dans les années 1980-1990, les limites de la politique fiscale, la
décentralisation du système de relations professionnelles, qui rend difficile une
politique des revenus, etc. Mais ce sont les causes externes qui sont les plus
importantes - que l'on résume souvent sous le terme de « mondialisation ».
L'autonomisation des marchés financiers, l'entrée dans une société de la
connaissance et de l'information, l'accroissement de la compétition
internationale, ont modifié les données des « compromis nationaux » de la
période antérieure.
Les armes traditionnelles de la politique keynésienne, notamment la politique
monétaire, avec le jeu des dévaluations, et la politique budgétaire, avec des
déficits importants, ne peuvent plus avoir cours. La mondialisation rend difficile
d'être à contre-courant des cycles économiques dominants - comme le
gouvernement socialiste français l'a éprouvé en 1982 et 1983. Cela explique que
tous les partis sociaux-démocrates et socialistes, à des dates différentes, aient
révisé leurs programmes pour demeurer dans le jeu économique national, et
aient fait le choix européen pour peser davantage dans la mondialisation.
Mais les évolutions tiennent également aux changements intervenus dans les
sociétés et les cultures. La transformation du salariat, avec le déclin de la classe
ouvrière traditionnelle, et l'existence de millions d'ouvriers et d'employés qui
vivent des conditions de travail faites de précarisation et d'isolement,
l'importance des classes moyennes salariées, la place majeure des femmes dans
le travail, l'allongement du « moment » de la jeunesse, et, en même temps, le
vieillissement, la présence de populations immigrées, la force de
l'individualisme, tout cela a fragilisé les structures de représentation
traditionnelle mises en place par la social-démocratie. Les syndicats n'ont plus la
même homogénéité et ont pris leur autonomie. Les partis sociaux-démocrates et
socialistes doivent réunir plusieurs électorats aux intérêts différents et volatils.