1 L’EUCHARISTIE Dans le temps dont je dispose, je veux mettre en évidence les deux grandes dimensions de l’Eucharistie : sa dimension verticale et sa dimension horizontale. 1- D’abord sa dimension verticale. Dans le Crédo, nous disons de Jésus : « Il descendit du ciel. Par l’Esprit Saint il prit chair de la Vierge Marie ». L’Eucharistie, c’est le sacrement du Christ venu vers nous pour se donner à nous en son Corps et en son Sang, c’est-à-dire en toute sa personne. Et cela pour que nous vivions notre vie en communion avec lui, c’est-à-dire selon son Esprit. L’Eucharistie est le beau et grand sacrement de l’amour du Christ. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Or, vous êtes mes amis. » L’Eucharistie n’est donc pas une simple rencontre sympathique entre chrétiens qui nous permettrait de nous retrouver joyeusement pour nous réconforter et nous stimuler les uns les autres. Elle est d’abord le geste d’amour du Christ se donnant à nous pour que nous vivions notre vie en communion avec lui. C’est pourquoi les deux grands moments de la messe sont le récit du dernier repas de Jésus avec ses disciples avant sa passion et sa mort sur la croix et la communion. D’abord, le dernier repas de Jésus avec ses disciples. Les évangiles nous disent qu’il prit du pain, le rompit et le leur donna en disant : Prenez, mangez ceci est mon corps livré pour vous. Puis prenant la coupe de vin, il dit : Prenez, buvez, ceci est mon sang versé pour vous. A travers ces gestes et ces paroles, Jésus récapitule ce qu’il a voulu faire de sa vie et le sens qu’il donne à sa mort désormais toute proche : une vie pour nous, une vie donnée. Ces gestes et ces paroles, il a demandé à ses disciples de les refaire et de les redire en mémoire de lui : « Faites cela en mémoire de moi ». Et c’est effectivement ce que ses disciples ont fait. Nous en avons le plus ancien témoignage dans la première lettre de saint Paul aux chrétiens de Corinthe. Voici ce qu’il écrit : « Je vous ai transmis,, moi, ce que j’ai reçu de la Tradition qui vient du Seigneur : la nuit même où il fut livré, le Seigneur prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : ‘Ceci est mon Corps, donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi. Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : ‘Cette coupe est la nouvelle Alliance en 2 mon Sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi » (1 Co 11,23-25). Cette transmission, cette Tradition, elle a continuée après Paul, nous la continuons aujourd’hui chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie et elle continuera demain. Ainsi, par la célébration de l’Eucharistie, le don d’amour de Jésus est toujours actuel en tout temps et en tout lieu. Chaque fois que nous la célébrons, Jésus se donne véritablement à nous. Oui, ce mystère d’amour et de foi est grand. C’est ce que ce que nous proclamons après le récit du dernier repas de Jésus lorsque le prêtre dit ou chante : « Il est grand le mystère de la foi ». Le deuxième grand moment de la messe, c’est la réponse que nous donnons à l’invitation de Jésus qui nous a dit : « Prenez, mangez, buvez ». Cette réponse, nous la donnons lorsque que nous nous levons de notre place pour précisément manger le corps du Seigneur et boire à la coupe de son sang répandu pour nous lorsque nous est donnée la possibilité de communier au Corps et au Sang du Christ. Nous appelons ce moment de la messe : la communion. De fait, en prenant et en mangeant le corps du Seigneur, nous entrons en communion avec lui ou, plus exactement, notre communion avec lui est fortifiée, augmentée parce que le baptême nous a déjà unis au Christ. Mais l’expérience nous apprend que la vie émousse parfois notre communion avec le Christ. La participation à l’Eucharistie fortifie et approfondit cette communion. « Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui » (Jn 6,56). La communion fait que la vie et l’amour de Jésus coulent dans nos veines. C’est une image, mais cette image dit quelque chose d’important qui se réalise lorsque nous communions au Corps du Seigneur. En communiant à la vie donnée de Jésus, notre propre vie est à même de devenir davantage une vie donnée à Dieu et aux autres, comme fut la vie de Jésus. C’est cela le but de la communion. C’est pourquoi on ne s’attarde pas à l’Eglise après la communion. Après une prière prononcée par le prêtre, celui-ci ou le diacre nous invite à sortir, à rejoindre nos activités et relations habituelles pour y vivre de cet amour du Christ auquel nous avons communié. 2- Sa dimension horizontale. Je viens de parler de la communion avec le Christ qui se réalise dans l’Eucharistie. De ce fait, une autre communion se construit et s’approfondit : c’est la communion entre tous ceux qui communient au même Corps du Christ. Je vous cite à nouveau la première lettre de saint Paul aux chrétiens de Corinthe : « Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul 3 corps, car nous avons tous part à un seul pain » (1 Co 10,17). Venir à la même table, manger le même pain, communier au Corps unique du Seigneur est la source de notre unité. la source de l’amour fraternel qui doit exister entre tous les disciples du Christ. « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », nous a dit Jésus. Communier nous insère davantage dans la communauté des disciples au sein de laquelle doit se vivre la charité qui a sa source en Jésus. La messe, ce n’est pas seulement moi et Jésus. C’est aussi, inséparablement, moi et les autres. C’est pourquoi il est bon de nous demander de temps à autre si la façon dont nous vivons avec les autres est cohérente avec l’Eucharistie à laquelle nous participons. Vivons-nous l’amour auquel nous communions ? Il est bon également de nous demander si nous sommes concrètement insérés dans la communauté chrétienne et participants à sa vie puisque l’Eucharistie renforce notre intégration à l’Eglise. Sinon, notre vie est incohérente avec notre participation à l’Eucharistie. Comme l’a écrit saint Paul à la communauté de Corinthe dans laquelle il y avait des divisions et où chacun ne pensait qu’à soi, vous mangez indignement le Corps du Seigneur (cf. 1 Co 111722). Certes, nul n’est parfait, c’est bien pourquoi, avant de communier, nous disons : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir… ». Mais précisément, ayant conscience de cela, nous savons que l’Eucharistie nous convertit et nous fait devenir davantage disciples de Jésus et membres actifs de son Eglise. Un dernier mot important à propos de la dimension horizontale de l’Eucharistie : elle ne fait pas seulement grandir la charité fraternelle entre les disciples du Christ. Elle nous invite aussi à la vivre pour toute personne quelle qu’elle soit. Car tous sont invités à la table du Seigneur, même si tous n’y participent pas actuellement. L’Eucharistie nous envoie dans le monde pour vivre et témoigner de l’amour du Christ, pour développer une fraternité universelle fondée sur la reconnaissance que nous avons tous un même Dieu et Père, en un mot pour annoncer l’Evangile. L’Eglise a pour vocation et mission d’être le ferment de la communion de toute l’humanité avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain comme l’a déclaré le concile Vatican II. 4 Conclusion : l’Eucharistie, action de grâce. Pour conclure, une petite réflexion à partir du mot « Eucharistie ». Ce mot est d’origine grecque. Il signifie « action de grâce », « bénédiction », « louange ». Célébrer l’Eucharistie, c’est louer Dieu, c’est le bénir, c’est lui rendre grâce. Cela est clairement signifié dans la messe par la préface qui ouvre la prière eucharistique. Elle commence par un dialogue entre le prêtre et l’assemblée : Prêtre : Le Seigneur soit avec vous. Assemblée : Et avec votre esprit. Prêtre : Elevons notre cœur. Assemblée : Nous le tournons vers le Seigneur Prêtre : Rendons grâce au Seigneur notre Dieu Assemblée : Cela est juste et bon. Prêtre : Vraiment, Père très saint, il est juste et bon de te rendre grâce toujours et en tout lieu… Et le prêtre de préciser pourquoi nous rendons grâce au Père : nous lui rendons grâce pour Jésus qui a fait le don total de sa vie et nous a ainsi affranchis de la mort éternelle. En fait, l’Eucharistie, c’est l’action de grâce que Jésus rend à son Père pour son amour, action de grâce à laquelle nous nous associons comme nous le disons ou chantons à la fin de la prière eucharistique : « Par lui, avec lui et en lui, à toi Dieu le Père tout-puissant, dans l’unité du Saint Esprit, tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles ». Célébrer l’Eucharistie, c’est nous tourner avec Jésus vers le Père et lui exprimer notre reconnaissance pour l’amour qu’il nous a manifesté en Jésus. Mais cette action de grâce ne peut se réduire à la messe. Comme je l’ai déjà dit, la messe n’est pas un aboutissement. Elle nous envoie dans la vie pour y vivre selon la façon dont Jésus a vécu sa vie : « Allez… », nous est-il dit à la fin de la messe. La meilleure façon de rendre grâce, c’est de vivre notre vie dans la foi et dans la charité. La célébration de l’Eucharistie est au service de cela. C’est pourquoi la participation régulière à la messe est une nécessité vitale. C’est grâce à elle que notre vie deviendra eucharistique, c’est-à-dire une louange à Dieu. 5