Combinés, ces deux mouvements facilitent l'entrée de nouveaux venus sur la scène
économique mondiale. A condition d'investir suffisamment dans leurs ressources humaines,
les pays d’industrialisation+ récente peuvent mobiliser des outils de production dont le coût,
en baisse accélérée, est nettement moins prohibitif que celui des immobilisations en capital,
caractéristiques des industries motrices d'après-guerre (automobile, sidérurgie, chimie, etc.).
7. Parallèlement, du côté de l'activité marchande, on assiste à une accélération fantastique de
la tendance - ancienne dans le capitalisme - à l’oligopole et au monopole. La firme a toujours
été l'antithèse du marché : son existence tient au fait qu'elle est plus efficace que le jeu de la
concurrence pour organiser la coordination de la production entre les hommes et les
femmes qui la constituent. Ironie de l'histoire, l'accélération récente de la concentration des
entreprises résulte notamment des efforts réalisés un peu partout en faveur de la
dérégulation et de l'ouverture des marchés.
8. Dans un courant apparu dans l'entre-deux-guerres, la mondialisation se comprend d'abord
par les choix de stratégie internationale des firmes, dont certaines sont plus puissantes que
d'autres. Elles négocient avec les Etats la répartition de leurs activités sur les différents
territoires. Les multinationales structurent le marché dans le cadre d'une concurrence
imparfaite : certaines disposent d'avantages supérieurs aux autres (technologie,
organisation...). Elles jouent sur le double registre du transnational (ensemble des flux qui
dépassent les frontières) et de l'international (différences liées aux frontières).
9. Dans l'économie politique internationale de la Britannique Susan Strange, la mondialisation
s'organise autour d'une pluralité d'acteurs, et pas seulement dans le cadre de décision des
seuls Etats-nations. Dès lors, la mondialisation + se lit autour de plusieurs enjeux : les liens
entre firmes (qui définissent la nature de la division internationale du travail +) ; les liens
firmes-Etat (les enjeux de la compétitivité + des territoires) et les liens entre Etat (les enjeux
de souveraineté). Au total, les réseaux transnationaux des acteurs privés sont au coeur du
pouvoir mondial et leur influence dépasse souvent celle des Etats.
10. L'ouvrage que vient de publier Christian Chavagneux traite d'une question fondamentale,
celles des liens entre l'économique et le politique dans le champ de l'économie
internationale et mondiale. Il présente avec grande clarté les différents courants théoriques
de l'économie politique internationale (EPI) et discute les grandes questions d'actualité
concernant l'hyperpuissance américaine, le pouvoir des firmes multinationales et des
nouveaux acteurs internationaux, le dérèglement des marchés financiers ou les débats
concernant la gouvernance + mondiale.
11. L'auteur rappelle comment la science économique occulte le pouvoir et comment les
sciences politiques ignorent les nouveaux pouvoirs privés. Il différencie, de manière
pertinente, trois grands courants de l'EPI. L'approche américaine réaliste, qui privilégie les
Etats comme acteurs majeurs de la scène internationale, en y intégrant les théories de la
stabilité hégémonique de Kindleberger, des régimes de Krasner ; l'approche européenne de
Strange ou de Palan, mettant en avant la pluralité des acteurs publics et privés, mais
également des organisations non gouvernementales ou des mafias et leurs pouvoirs
structurels ; l'approche de Cox, qui privilégie les classes sociales et le rôle hégémonique
mondial des hauts responsables des Etats et du secteur privé. Enfin, l'auteur positionne les
travaux français au regard de ces écoles de pensée anglo-saxonnes et les enjeux de l'EPI dans
la recherche et l'université.
12. Le développement international des firmes prend deux formes distinctes : la création de
nouveaux établissements de production ou de distribution à l'étranger (croissance interne) ;
le rachat d'entreprises ou l'alliance avec des concurrents (croissance externe par fusions,
acquisitions ou mise en oeuvre de joint-ventures, c'est-à-dire de filiales communes à deux
entreprises dont les maisons mères demeurent distinctes). Les statistiques d’investissement
direct à l'étranger, publiées par les organismes économiques internationaux, distinguent mal