Dossier de diffusion

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Notre choix
Le théâtre de Lukas Bärfuss est un théâtre d’acteur: la langue y est ciselée, élégante et radicale. On peut s’en
délecter en une simple lecture.
Les scénarios mettent en jeu des personnages insolites, vénéneux, complexes, tous proches d’une cinéphilie
séduisante et familière. Le déroulé de l’action est emprunt de suspens, de détails que l’on peut recevoir comme
autant d’indices d’une enquête émotionnelle et mentale, toujours proche d’un réel sans fin réinventé. Il crée des
cadres forts, déterminés, qui questionnent le réel mais ne donnent pas de réponse et, peu à peu, au fil de chaque
pièce, ce réel se décale, se dérobe et une fantasmagorie sourde prend le dessus.
Et puis il y a l’humour. Les personnages de Lukas Bärfuss sont à ce point fantasques dans leurs dialogues et leurs
destinées que le rire n’est jamais loin, quoi de plus essentiel pour rêver le néant de l’existence humaine et sa
dissolution.
Il n’en fallait pas plus pour le collectif d’acteurs que nous sommes pour nous engager dans ce terreau fertile qu’est
l’écriture de cet auteur et de désirer non seulement monter Quatre images de l’amour mais aussi s’engager sur trois
ans à parcourir l’ensemble de son œuvre.
Quatre images de l’amour
Synopsis
1ère image, 1er tableau :
Il est 15h ou presque. Evelyne attend Daniel, son amant dans une chambre d’hôtel. Sa main droite, blessée, est
recouverte d’une bande de gaze salie. Evelyne, impatiente, dialogue avec un groom, très jeune. Puis se livre à de
nombreuses confidences en écrivant à sa mère maladroitement de la main gauche…Daniel arrive enfin. C’est leur
centième après-midi ensemble. Ils font sans doute l’amour. Enfin Daniel, examine puis blesse un peu plus avant la
main d’Evelyne. Une blessure, comme une marque érotique dont ils conservent l’aspect sanglant pour leur prochain
rendez-vous. Alors, Daniel propose à Evelyne que tout soit révélé à leurs conjoints respectifs.
Daniel : - Ce soir à dix heures
j’appelle ton mari
je lui demanderai
et je saurai si
tu lui as dit
2ème image, 2ème tableau :
Il est peut-être 19h. Suzanne, peintre, est dans son atelier. Elle dialogue avec un jeune homme insolent, son modèle.
Puis, une fois seule, découpe ses toiles à l’aide d’un couteau spécialisé. Daniel, son mari, la retrouve. Il a mal à la
tête, elle le masse. Assez vite, il dit avoir quelque chose à lui confier, Suzanne ne veut pas, il insiste et lui raconte
sa liaison avec une femme un peu folle, chaque mercredi. Alors, Suzanne s’approche de lui, son couteau à toile à la
main, elle demande le nom de la femme un peu folle, il lui dit, elle s’approche encore et le tue. Puis elle appelle la
police .
Suzanne - Dis –le
dis son nom
Daniel
- Evelyne
Elle s’appelle Evelyne
Pose ce couteau
3ème image, 3ème tableau :
Il est 20h, environ. Suzanne est dans le sous-sol d’un commissariat. Un jeune fonctionnaire de police dialogue avec
elle. Puis entre l’avocat commis d’office : Sébastien. Il va tenter en vain de lui proposer un système de défense.
Mais Suzanne revendique son geste au nom d’un amour absolu. Son mari l’a trahie, totalement. Sébastien lui
assure que s’il apprenait que sa femme Evelyne le trompait, il ne la tuerait pas! Suzanne lui fait répéter le prénom
de sa femme, elle comprend. Sébastien rentre chez lui, il n’a rien pu faire et ne sait qu’une chose, la profession de
l’homme qui a été tué : oncologue en laboratoire.
Suzanne
- Cela veut dire que votre femme peut baiser avec qui ça lui chante
Tant qu’elle vous raconte tout après
Sébastien - Évelyne ne baise pas
Suzanne (hésite) –Elle s’appelle Évelyne
Un joli prénom
Elle est hongroise
Sébastien - Pas que je sache
Suzanne
- Je veux bien une aspirine finalement
4ème image, 4ème tableau :
Il est 22H00. Évelyne est seule chez elle, tremblante à l’idée de devoir avouer à son mari qu’elle le trompe, que sa
main ne guérit pas, que ce n’est pas un vrai médecin qu’elle voit chaque mercredi, mais son amant. Sébastien son
mari, rentre enfin. Évelyne, n’y tenant plus, avoue l’adultère. Sébastien ne veut pas la croire, mais quand elle dit
que son amant est oncologue, il comprend…Ils sont interrompus par un jeune missionnaire venu vendre « la bonne
nouvelle »
Le temps passe, Daniel ne téléphone pas. Evelyne respire mais Sébastien lui raconte que la femme qu’il doit
défendre est peintre et qu’elle vient de tuer son mari avec un couteau à toile.
Evelyne comprend… Elle dit alors avoir menti, elle n’a pas d’amant.
Un peu plus tard Sébastien la conduit dans leur chambre, il ressort bientôt, seul.
Sébastien - ….
Fin de la bobine.
L’amour en quatre tableaux, un drame bourgeois?
L’humour de Lukas Bärfuss apparaît dès ce sous-titre. Il est croustillant, en 2012, de s’autoriser à questionner un
genre théâtral dont les principes fondateurs ont été formulés par Denis Diderot au XVIIIème siècle.
-
Le drame bourgeois se donne comme un intermédiaire entre la comédie et la tragédie. Il met en scène des
personnages de la bourgeoisie, dont les contraintes sociales font leurs malheurs.
Le drame bourgeois se caractérise également par le gout du romanesque. Le terme de « drame », assez
tardif, côtoie « tragédie bourgeoise » et « tragédie domestique ».
D’accord. Nous allons donc monter une tragédie domestique avec toute la causticité que cela implique.
Nous allons interpréter ces personnages issus de la bourgeoisie dont les contraintes sociales font leurs malheurs.
Cela se passe dans un hôtel, un atelier d’artiste, un commissariat et bien sûr… un intérieur bourgeois !
Mais cette fable n’aurait que peu de sens à être montée aujourd’hui si la notion de décalage, de dérobade du
principe de réalité n’était pas puissamment mise en jeu par Lukas Bärfuss, à la fois dans son écriture et dans son
application à égrener une foule de petits détails insolites que l’on suit avec engouement comme on le ferait lors
d’une enquête policière ou lors d’une psychanalyse !
Ce décalage du réel est donné également par l’apparition lors des quatre « tableaux » d’un cinquième larron : tour à
tour groom de l’hôtel, modèle, fonctionnaire de police et missionnaire. Il est jeune nous dit Bärfuss, plus jeune que
notre quatuor bourgeois. Nous souhaitons évidemment les faire interpréter par un seul acteur, danseur dont
l’inspiration pourrait venir de Buster Keaton, l’homme qui ne rit jamais. L’acteur qui les interprétera a cinquante
ans afin de révéler un peu plus allégoriquement la jeunesse de ces personnages. Ce cinquième larron serait comme
un fantasme féminin...
En tant qu’acteurs de ce quintet, nous aurons la conscience d’un chemin insolite à mener à bien et, comme
l’envisage Lukas Bärfuss, chemin qui permettrait de provoquer chez le spectateur un regard hypnotique.
Toujours cette question de l’ici et maintenant, qui nous passionne.
Nous assistons à la sordide et burlesque scène de bourgeois qui s’entretuent. Mais aussi et surtout ce que révèle
cette pièce, c’est le vacillement des êtres pris entre leur désir de fusion et leur volonté irrépressible d’autonomie. La
relation à l’autre annulerait toute tentative d’émancipation de soi. Alors nait le fantasme d’une liberté retrouvée,
même derrière les barreaux. La question fondamentale de la pièce et que l’on retrouve dans toute l’œuvre de Lukas
Bärfuss c’est : « on ne connaît pas le cœur d’un homme. »
C’est ce qui pousse Suzanne à tuer son mari…
L’amour en quatre tableaux :
un théâtre noir, comme on le dit de certains films…
Nous avons le souhait de mettre en jeu cette pièce comme du théâtre noir, un théâtre criminel…
Le film noir met généralement en scène un ou des personnages principaux complexes et ambigus, des criminels
occasionnels, le plus souvent victimes de leur milieu.
Personnages emprisonnés dans des situations qui ne sont pas de leur fait et acculés à des décisions désespérées.
Le meurtre ou le crime, l'infidélité, la trahison, la jalousie et le fatalisme sont des thèmes privilégiés.
Lukas Bärfuss semble jouer de ces codes, de ces références issues d’une certaine cinéphilie ou littérature ce qui,
théâtralement, permet de tester la possibilité d’une mémoire collective. Et là encore permet l’hypnotisme de la
représentation.
Les théories de Freud et la psychanalyse marquent le film noir avec ses héros amnésiques, hantés par leur passé, à
la recherche d'indices leur permettant de retrouver leur identité.
Il en est ainsi de nos héros : obsessions morbides, fascination de soi, terreur de la vérité, perversité narcissique,
schizophrénie.
À l’instar des films noirs, chaque personnage a son mystère et le détail psychologique de chacun est une mine pour
l’acteur qui l’interprétera.
Le frottement de ces deux codes, le drame bourgeois et le film noir, mettra ainsi en évidence le projet de Bärfuss et
le nôtre: révéler l’absurde là où on voit la norme et questionner la liberté de l’être au risque de le voir choisir la
prison.
Nous souhaitons mettre en scène cette pièce de manière radicale stylistiquement. Emprunter à la cinéphilie.
Questionner le théâtre par le prisme du cinéma, c’est revendiquer la théâtralité en la nourrissant d’autres codes et
d’autres possibles.
Pour une scénographie
« Je rêve de lieux, d’espaces. Les espaces sont la base de mes pièces. »
Lukas Bärfuss
Quatre images de l’amour donc, dans ce huis-clos savamment construit et ironiquement sous titré : drame
bourgeois. Les ingrédients y sont : chambre d’hôtel, intérieur cossu, milieu aisé, commissariat, adultère…Mais
c’est au film noir que nous renvoient l’indécidable de la situation, l’atmosphère et le suspense... À la notion de huis
clos s’ajoute celle de l’unité de temps : la pièce se déroule en une après midi et soirée.
L’action avance et s’avère oppressante. Et si tout commençait par la fin et si le « comment » cher à Alfred
Hitchcock nous permettait de créer avec le spectateur un rapport hypnotique… ?
Nous souhaitons emprunter au cinéma certaines vertus narratives et les questionner théâtralement. La temporalité
condensée, le zoom, les gros plans, une densité du dire que permet l écriture de Lukas Bärfuss : ses détails, la
complexité mentale des personnages…
Densité oui, et fragmentation De l’espace notamment : une boite blanche, clinique dans laquelle tels des papillons à
l’étude, nous pourrions épingler ces figures.
Mais une boite blanche faite de trois parois disjointes et glissantes faisant naître et disparaître les lieux, les objets,
les personnages, les points de vue. Permettant des échappées, des secrets et la possibilité de les utiliser comme
autant d’écrans afin de projeter les fantasmes de ces personnages insolites, vénéneux, complexes et qui parcourent
le labyrinthe de leur âme. Ils butent, non pas sur une énigme que l’on pourrait résoudre, mais sur un mystère :
« On ne connaît pas le cœur d’un homme ».
A l’instar du film noir, nous souhaitons des éclairages expressionnistes, clairs obscurs, visant à développer cet
aspect fragmenté de l’âme humaine.
Et une utilisation soutenue du son pour accompagner cette scénographie : afin de donner à croire que ce qui va se
passer est pire que ce qui se passe ainsi que le fait Lukas Bärfuss, jouant de codes en codes et n’oubliant jamais la
comédie et l’humour, même s’il est noir.
Les personnages vus par les acteurs
« La langue n’exprimera jamais une vérité.
Car il y a un écart incompressible entre l’individu et la langue qu’il parle. On dit une chose et on fait son
contraire. C’est cet écart qui m’intéresse. »
Suzanne / Fatima Soualhia- Manet
Suzanne, ou l'absolu de l'amour. Sa radicalité paraît si évidente et si complexe. Son acte est d'une grande puissance,
tragique, malgré elle. Il y a du vénéneux et de la pureté chez elle. Comme dirait Duras : il y a chez la femme, de la
rêverie, de la tristesse et de la sorcellerie. Elle croquerait des citrons, le côté amer…
Le groom, le modèle, le fonctionnaire de police, le missionnaire / Gilles Nicolas
Comme Bruno Ganz, dans les ailes du désir, il recueille des portions d’intimité, il assiste à une partie des
événements sans rien modifier. C’est un être intemporel qui entre soudainement dans la vie des gens par une porte
et qui en ressort sans que rien soit changé. On pourrait appuyer sur pause puis réenclencher la bobine et le cours de
la vie continue. Je pense que l’humour peut apparaître encore plus si je ne joue pas la fonction sociale. Le groom
fait-il vraiment parti de l’hôtel ? ou est-il de passage ?
Sébastien / Stéphane Facco
J’ai la sensation forte de devoir jouer plusieurs rôles en un... D'entrer dans « une langue » où ce qui est dit est moins
préoccupant que ce qui pourrait advenir... Couple bourgeois par excellence, le non dit est ici le ciment de leur vie
conjugale, à l'image de Yohan dans le film de Bergman.Je pense à la peinture bourgeoise du 19ème que Francis
Bacon viendrait revisiter au fur et à mesure de la pièce...Qu’adviendra-t-il du brillant avocat « qui prône la
sincérité, la vérité, l’honnêteté en amour » lorsqu’il découvre au sein de son couple, que sa propre femme est la
maîtresse de celui qui fut jalousement assassiné par sa cliente? « Le crime en amour n’est pas condamnable » aurat-il dit à sa cliente…
Évelyne / Sandy Ouvrier
Une femme sous influence en quête d’identité. Je l’imagine en proie à des états émotionnels faits de variations
permanentes. Tous les indices de troubles du comportement et si peu dans la réalité qu’elle communique avec les
morts. Une héroïne de films noirs que tout annonce comme victime et qui déclenche des cataclysmes: une « âme
fragilisée, à priori objet de l’homme, en l’occurrence des deux hommes qui l’entourent. La vacuité de leur existence
est telle que chaque personnage la comble de faux semblants. Le film éponyme de David Cronenberg décline une
héroïne assez proche d’Évelyne. Et la blessure de sa main source d’une infection qui jamais ne guérit et jamais ne
s’aggrave mangerait doucement toutes ses forces… La bourgeoisie se définit notamment par la nécessité de
succession, présence d’enfant dans une maison bourgeoise or là, d’enfants, pas le moindre…origine du trouble…?
Daniel / Benoît Mochot
Son scalpel dans une poche et une liasse de billet dans l’autre, Daniel tente de maintenir l’équilibre entre sa
maîtresse et sa femme. Mais il étouffe, enfermé dans une relation adultère qui s’effrite et un mariage où l’enfant
n’arrive pas. Alors il déclenche le changement, puis le drame. Il semble pragmatique, cynique peut-être, un peu
revenu de tout, mais avec l’humour et la distance qu’ont les cliniciens travaillant avec le cancer. Je rêve à sa façon
de jouer plusieurs personnages, sa façon d’être un « artiste » ? Ce qui me séduit à l’idée d’interpréter ce bonhomme
–là, c’est qu’il semble maîtriser le rituel, il est un joueur, il deale avec ses deux femmes mais au cœur de la pièce, il
s’écroule et s’avère la victime du « roman noir » qu’est ce texte.
Lukas Bärfuss, l’auteur
Né le 30 décembre 1971 à Thun en Suisse. Après avoir exercé la profession de libraire, il se consacre à l’écriture
depuis 1997 et écrit de la prose, des pièces radiophoniques et surtout des pièces de théâtre. En 1998, il participe à
Zürich à la fondation du groupe de théâtre « 400 asa ». Il est l’un des auteurs les plus joués dans les pays
germanophones. En 2008, il publie son premier roman Hundert Tage (Cent jours, cent nuits) édité en français par
L’Arche en 2009.
Entretiens avec Lukas Bärfuss (Extraits)
Lorsqu’on lit vos pièces, on en retire un immense plaisir littéraire, plaisir confirmé lorsqu’on les traduit car plus
l’on s’y plonge, plus on y découvre de nouveaux échos en ayant la sensation de ne jamais en épuiser le sens.
Une part de mystère résiste qui fait qu’on a encore envie d’y revenir…
…Ce sont les personnages dans leurs contradictions qui m’inspirent. Je montre ces contradictions, mais je ne les
résous pas. Je n’ai pas de message à transmettre. Je veux que mes pièces restent ouvertes. Ce qui m’intéresse, c’est
de montrer qu’un même personnage peut prononcer deux affirmations totalement contradictoires. Il revient alors à
l’acteur de relier les deux pour trouver une cohérence. Lorsqu’on écrit de la prose, on ne peut pas se permettre cela,
il faut se tenir à une plus grande cohérence. Mais, dans la vie, les gens sont incohérents et le théâtre permet
d’intégrer les contradictions, d’en jouer. Les rêves aussi fonctionnent sur des relations contradictoires. Et mes rêves
sont ma source d’inspiration la plus forte. Avant d’écrire mes pièces, je les ai rêvées. Je rêve de lieux, d’espaces.
Les espaces sont la base de mes pièces. Après, je cherche une corrélation, un lien entre un espace et un personnage.
L’un des mystères de vos pièces provient du fait que vos personnages parlent une langue déroutante et tiennent
tout à coup des propos auxquels on ne s’attend absolument pas et dont la logique échappe au premier abord…
…La langue n’exprimera jamais une vérité. Car il y a un écart incompressible entre l’individu et la langue qu’il
parle. On dit une chose et on fait son contraire. C’est cet écart qui m’intéresse. J’essaye de montrer cela dans
L’Amour en quatre tableaux : mes personnages échouent sans cesse à tenter de transmettre par la langue la
représentation qu’ils ont d’eux-mêmes.
Est-ce aussi pour cela que vous faites référence, dans L’Amour en quatre tableaux, à Eugen Bleuler, le
psychiatre zurichois qui a inventé le terme de schizophrénie ?
Oui, car la schizophrénie implique également un problème de langue : jusqu’où le discours schizophrène peut-il
être intégré socialement ? D’une certaine façon, nous sommes tous schizophrènes, car nous devons tous jouer
plusieurs rôles. Tant que l’on maîtrise les différents rôles, on reste intégré. Mais comment être à l’abri de l’erreur ?
La psychiatrie a été inventée au moment où la société bourgeoise a pris le pouvoir et a chassé ce qui était considéré
comme anormal et donc inutile. On a commencé à classifier et à enfermer tous ceux qui ne pouvaient pas être
intégrés, comme l’a bien montré Foucault. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le comportement « anormal » en soi,
mais ce que la société en fait. Pour moi, mes personnages ne sont pas fous, mais ils agissent en fonction d’un but
qu’ils se sont fixé. Si un écrivain crée un personnage qui poursuit un but, il tient déjà un héros. Mais si la société
n’accepte pas le but qu’il s’est fixé, il est considéré comme un fou et non pas comme un héros.
Dans L’Amour en
quatre tableaux, c’est le cas de Suzanne qui s’est fixé comme but un amour absolu. Pour la société, elle est folle et
condamnable vu l’acte qu’elle commet au nom de son amour absolu, alors que, pour moi, elle est conséquente avec
elle-même et fidèle à son but. L’idéologie de notre temps veut que chacun doive être l’artisan de son propre
bonheur. Mais on n’a pas le droit de définir soi-même ce bonheur, il faut qu’il soit compatible avec la société sinon
cette même société nous expulse. La société libérale met en place un appareil de répression très fort pour pouvoir
contenir la liberté apparente qu’elle nous octroie. En cas de débordement, la porte de l’asile reste toujours
ouverte… Ce n’est sans doute pas un hasard si les deux écrivains que j’admire le plus, Friedrich Glauser et Robert
Walser, ont tous deux été internés.
Tout cela peut sembler grave et solennel mais, pour moi, le plus important et ce
qui me donne le plaisir renouvelé de l’écriture, c’est l’humour. L’Amour en quatre tableaux met en scène
un « drame bourgeois », comme l’indique son sous-titre, mais sur le mode du comique. Malheureusement, il est
rare que l’on me parle du comique de mes pièces. Ce qui fait que je me sens parfois incompris.
Propos recueillis par Sandrine Fabbri (traductrice de « L’amour en quatre tableaux »).
Le collectif Drao, dans « Quatre images de l’amour »
Stéphane Facco, après avoir obtenu une licence d'étude théâtrale à l'université d'Aix en Provence sous la direction
de Danielle Bré, a notamment suivi la formation de l'Atelier Volant du Théâtre National de Toulouse, où il
travaille avec Claude Duparfait, Célie Pauthe, Guillaume Delaveau, Sébastien Bournac. Il jouera ensuite sous la
direction de Francisco Negrin, Mathieu Cipriani, Didier Kimmoun, Luc Montech, Monique Demay, Dan
Verhoeven, J-Claude Bastos, J-Claude Barbier, Yann Dacosta. Aux cotés de Jacques Nichet, il collabore à la mise
en scène du Collectionneur d'instant de Q. Buchholtz, et joue dans Le Pont de pierre et la Peau d'images de D.
Danis, Mesure pour mesure de Shakespeare, Faut Pas payer ! de D. Fo, La Ménagerie de verre de T. Williams.
Dernièrement, avec lui encore, accompagné d’Aurélia Guillet en co mise en scène, il jouera Pulvérisés d’A. Badéa,
en février 2014 au TNS et au Théâtre de la Commune. Cette même saison, il interprète Le soldat au ventre creux
d’H. Levin, mis en scène par Véronique Widock au théâtre de la Tempête et Yerma de F. Garcia Lorca, mis en
scène par Daniel San Pedro au Théâtre de l'Ouest Parisien.
Benoit Mochot a d’abord été comédien permanent au Théâtre National de Toulouse.
Sous la direction de Jacques Rosner, il joue dans Iphigénie Hotel, Macbeth, Dans la jungle des villes. Il travaille
ensuite notamment avec Hervé Taminiaux, Henri Bornstein, Didier Carette , Alain Dafosse mais également avec
Laurent Laffargue , Paul Desveaux, Jean-Paul Wenzel, Aurélia Guillet avec qui il joue dans plusieurs spectacles et
Cyril Teste avec le collectif MXM. Il est membre du Collectif DRAO depuis 2006. Depuis plusieurs années, il
collabore avec la scène nationale d’Evreux en tant que pédagogue mais également metteur en scène : il a en effet
monté Eux sur la photo en duo avec Delphine Lainé. Récemment, il a joué sous la direction de Robert Cantarella
dans La station Chambaudet de Eugène Labiche.
Gilles Nicolas a joué sous la direction de Camilla Saraceni, Etrangèreté, Anche moi, Charbons Ardents, Pas à
Deux et Hall de nuit de Chantal Ackermande Lisa Wurmser La Polonaise d'Oginski, d'Adel Hakim Ce Soir on
Improvise, de Jean- Philippe Daguerre Le Bourgeois Gentilhomme et La Flûte Enchantée, d'Hélène Darche
Auschwitz et Après. Il joue au cinéma et à la télévision sous la direction de Michel Muller, de Jacques Malaterre et
de Frédéric Proust. Il rejoint le Collectif DRAO sur Push up, Nature Morte Dans Un Fossé, Petites histoires de la
folie ordinaire et Shut your mouth. Il chorégraphie les spectacles de Lisa Wurmser, d'Elisabeth Chailloux, de
Christian Germain, d'Adel Hakim, de Pierre Longuenesse et Guy Frexe. Après avoir collaboré à la création du
Lavoir Moderne Parisien en 1986, il met en scène plusieurs spectacles dont Tutu et Oedipe roi à la Coupole de
Combes la Ville. Il dirige Michel Muller au Théâtre Dejazet et au Palais des Glaces et Monie Mezianne au théâtre
de la Main d'Or. Il anime des stages AFDAS et des ateliers au Théâtre des Quartiers d'Ivry, à l'Institut National
Des Jeunes Aveugles et à la prison de Fresnes.
Sandy Ouvrier a été formée au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique par Catherine Hiegel, Bernard
Dort et Daniel Mesguich, elle en sort en 1993. Depuis, elle a travaillé en tant qu’actrice sous la direction
notamment de Michel Didym, Daniel Mesguich avec qui elle jouera cinq spectacles, Adel Hakim lors d’une
aventure théâtrale de deux ans à partir de pièces de Sénèque, Jean-Claude Fall, Romain Bonin, Hervé Taminiaux,
Valérie Grail, Stuart Seide…Elle est membre fondateur du Collectif DRAO et a participé à la mise en scène et joué
dans les cinq spectacles de celui-ci. Elle joue également dans La langue d’Anna de Bernard Noël, un film réalisé
par Fatima Soualhia –Manet. Parallèlement à sa carrière d’actrice, elle a développé tout un parcours pédagogique
et est depuis 2008 professeur d’interprétation au CNSAD. En 2013, elle joue dans « Entre les actes » d’après
Virginia Wolf, mis en scène par Lisa Wurmser
Fatima Soualhia-Manet intègre la classe libre du cours Florent en 1987. Elle travaille ensuite avec Camila
Saraceni dans Les Cahiers de Malte laurrids Bridge de Rilke et Hélène d'Euripide. On l'a vue également dans
Hamlet et Dom Juan mis en scène par Daniel Mesguich, dans Chabada, mis en scène d'Alain Milianti, Princesses
mis en scène par Jean Pierre Vincent. Pendant trois ans, elle collabore en tant que comédienne et assistante avec
Dominique Terrier sur le chantier Jean-Luc Lagarce, notamment sur les pièces Juste la fin du monde, J'étais dans
ma maison et J'attendais que la pluie vienne. Elle adapte et interprète le roman La Conversation de Lorette
Nobécourt. Elle a joué également dans des mises en scène de Serge Tranvouez, Christophe Casamance, Fanny
Mentré, Claudine Péllé et Eduardo Manet. Elle a réalisé les films vidéo Processus d'actrices avec Sandy Ouvrier et
Traverses ou l'âge d'or de la loco. En 2010-2012, elle co-met en scène avec Dominique Terrier Dom Juan de
Molière. En 2013 elle réalise Marguerite et moi, un spectacle autour de Marguerite Duras.
La place de « Quatre images de l’amour » dans notre projet de compagnie….
Le Collectif Drao existe depuis 10 ans et a mis en scène cinq spectacles. Nous tous, membres du collectif,
souhaitons une forme de pérennisation de notre activité afin de permettre à notre recherche de se déployer mais
aussi et surtout de prendre de nouveaux chemins.
Bien sûr, nous souhaitons poursuivre ce qui sans doute est notre principe premier de travail, à savoir une mise en
scène collectivement assumée.
Nous revendiquons nos choix d‘écritures et de formes résolument contemporaines en prise avec notre époque, et
notamment le désir de monter des auteurs vivants. Nous ressentons aujourd’hui une réelle nécessité de pouvoir
faire coïncider nos mises en scène avec la rencontre, au sens propre, d’un auteur et le désir, de le donner à entendre.
Face à une pièce nouvellement traduite, nous nous trouvons en général devant un terrain inconnu, un «prototype»
dont on ne sait pas encore comment cela se joue, comme on le dirait d’un nouvel instrument, ce qui est, pour
l’acteur une source de recherche inépuisable. Or, nous sommes avant tout un collectif d’acteurs, c’est donc en tant
qu’acteurs que nous pensons nos mises en scène et c’est en tant qu’acteurs que nous défendons l’attention portée
aux formes contemporaines et aux auteurs d’aujourd’hui.
Et notre dernier spectacle Shut your mouth écrit à partir de différents auteurs, mis en scène et interprété par cinq
d’entre nous seulement, marque un tournant dans notre réflexion.
Nous souhaitons ouvrir nos champs de réalisation en ne mettant pas nécessairement en scène un spectacle tous les
deux ans à sept mais bien plutôt en faisant se répondre plusieurs formes, plusieurs spectacles peut-être plus légers
en termes de nombres de personnes, de moyens mais que l’approfondissement théâtral vienne de la durée accordée
à la recherche.
Et de l’objet de la recherche.
Comment un collectif s’empare d’une œuvre ?
Nous avons choisi d’orienter notre travail pour les trois années à venir autour, dans, avec l’œuvre de Lukas Bärfuss.
Ce parcours commencera donc avec Quatre images de l’Amour que nous créerons à l’automne 2014, mais nous
souhaitons réaliser avec nos partenaires des cycles de lectures feuilletons des romans et autres pièces de Lukas
Bärfuss dans la foulée de cette première création.
A l’issue de ces cycles de lectures, nous nous déterminerons pour une seconde création.
D’ores et déjà, nous souhaitons mettre en route des ateliers stages avec des amateurs autour des pièces suivantes:
Le Test, Pétrole et Les névroses sexuelles de nos parents.
Nous avons rencontré Lukas Bärfuss en Février, puis en avril 2014 autour d'une lecture publique du « Test », celuici s’est dit enthousiasmé de ce projet de longue haleine et si cette rencontre donnait lieu ultérieurement à une
commande d’écriture pour le collectif, ce serait fantastique. En attendant…
Le collectif Drao
s’est constitué en 2002 au Théâtre de la Tempête (Cartoucherie, Paris).
Il rassemble sept comédiens d’horizons et d’expériences diverses, désormais réunis sous les initiales D.R.A.O. (du
nom de leur première création collective, Derniers Remords Avant l’Oubli) : Stéphane Facco, Thomas Matalou,
Benoit Mochot, Sandy Ouvrier, Maïa Sandoz, Fatima Soualhia-Manet, Gilles Nicolas, et un collaborateur
artistique, Dominique Boissel.
Le principe fondateur est de développer l’autonomie d’acteurs qui, partageant un même désir de théâtre, assument
collectivement la responsabilité de la mise en scène.
Depuis sa création, le collectif s’est enrichi de nouvelles personnalités à la scénographie, au son et à la lumière
notamment, et se caractérise par son attention pour l’écriture contemporaine et la découverte de nouveaux auteurs.
A ce jour, cinq créations jalonnent le parcours du collectif DRAO :
Derniers remords avant l’oubli de Jean-Luc Lagarce, créé en septembre 2003 au Théâtre de la Tempête à Paris,
puis au Théâtre National de Toulouse, au CDN de Besançon, au Théâtre 71 de Malakoff,… sera joué une centaine
de fois,
Push up de l'auteur et dramaturge allemand Roland Schimmelpfennig créé en mars 2006 au Théâtre de la Tempête,
puis repris notamment au Théâtre 71, Scène nationale de Malakoff, au Granit de Belfort, ... 78 représentations en
tournée,
Nature morte dans un fossé de l'italien Fausto Paravidino, créé pour la première fois en France au Théâtre
National de Toulouse Midi-Pyrénées en mars 2008, puis présenté au Théâtre 71 de Malakoff, au Festival
Avignon,... 91 représentations.
Petites histoires de la folie ordinaire du tchèque Petr Zelenka, a été créé pour la première fois en France, le 3
novembre 2010, au Granit, Scène nationale de Belfort. Le spectacle est ensuite parti en tournée pour une
cinquantaine de représentations dont le théâtre de la Tempête et une dizaine de fois en Seine Saint-Denis.
Enfin, Shut your mouth, montage d'après Maurice Pialat, Ingmar Bergman, Lars Noren et Jon Fosse, crée au
Forum Culturel du Blanc Mesnil en juin 2012, puis au Festival d'Avignon, Bruxelles, Nouméa, … sera joué une
quarantaine de fois.
Outre ses créations que le collectif s’attache à reprendre en tournée, de saison en saison, prenant soin de conserver
au répertoire au moins l’une de ses précédentes créations, le collectif s’est inscrit dans le cadre de résidences
artistiques et culturelles sur deux territoires franciliens distincts : la Seine Saint-Denis et la Seine et Marne. En
résidence pour trois ans (2010-2012) Au Forum de Blanc-Mesnil avec le soutien du Conseil Général de Seine
Saint-Denis et compagnie associée à Act’Art–Conseil Général de Seine et Marne, le collectif a nourri son projet
artistique en allant à la rencontre de populations éloignées de l’offre théâtrale et culturelle.
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