Interactions entre migration et adaptation dans la réponse des populations aux
changements climatiques. Une approche de génomique expérimentale et de simulations
sur différents gradients altitudinaux d’espèces forestières en Europe.
Mots clés : Sélection, flux de gènes, hêtre (Fagus sylvatica), sapin (Abies alba).
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Résumé
Pour survivre aux évolutions climatiques observées et prédites, les populations animales
ou végétales devront s’adapter localement et/ou migrer vers des latitudes ou altitudes plus
élevées. Ce projet vise à savoir si les potentialités d’adaptation et de flux de gènes des arbres
sont compatibles avec l’évolution du climat.
L’approche expérimentale repose sur l’évaluation de la variation conjointe de gènes et
de caractères (phénologie, croissance) a priori adaptatifs le long de gradients altitudinaux de
hêtre et de sapin répliqués dans différentes populations en Europe, afin de mesurer la réponse
passée à la sélection exercée par la variation spatiale graduelle des contraintes climatiques.
L’approche de modélisation permettra d’intégrer l’effet respectif de la sélection et de la
migration sur l’évolution de la diversité de gènes impliqués dans les caractères adaptatifs, et
de la variabilité de ces caractères chez des espèces avec des traits d’histoire de vie contrastés.
Contexte
Une des conséquences prédites du changement climatique (CC) est le déplacement des
espèces vers des latitudes ou des altitudes plus élevées, une tendance attestée par de première
études expérimentales chez des organismes modèles (Reusch, Wood, 2007). Mais le rythme
rapide des CC n’est pas forcément compatible avec cette stratégie de migration, en particulier
chez les espèces à long cycle de vie comme les arbres (Jump, Penuelas, 2005). A court terme,
la survie des populations locales d’arbres dépendra de leur capacité d’adaptation et de leur
plasticité phénotypique. L’ambition de ce projet est d’évaluer les contributions relatives de la
migration et de la sélection dans la réponse adaptative de populations d’arbres dans le cadre
du CC.
L’originalité de ce projet repose sur l’étude conjointe de la variation de caractères
adaptatifs et de gènes impliqués dans ces caractères le long de gradients altitudinaux associant
deux espèces d’arbre (hêtre et sapin) dans différentes forêts en Europe. Nous chercherons à
détecter les traces de la sélection passée en ponse à la variation spatiale des conditions
climatiques, sous différents scénarios démographiques explicites (expansion..). Sous
l’hypothèse que la variation altitudinale des conditions environnementales reflète le CC
attendu (Reusch, Wood, 2007), les capacités d’adaptation ainsi estimées permettront de
prédire le potentiel évolutif futur des populations considérées.
Méthodologie
L’approche expérimentale consistera à
1. Identifier des gènes d’importance écologique dans la réponse au changement
climatique chez le hêtre commun (Fagus sylvatica) et le sapin pectine (Abies
alba). La connaissance du génome de ces deux espèces est limitée, mais la
généralisation des méthodes de séquençage et de génotypage à haut débit permettra de
transférer des gènes d’importance écologiques à partir d’espèces proches (chêne pour
le hêtre, pins pour le sapin). Ce travail sera fait dans le laboratoire du CNR à Florence,
avec GG Vendramin qui est déjà impliqué dans différents projets de re-séquençage de
gènes d’intérêt écologique au sein du Réseau d’excellence Européen EVOLTREE. Un
objectif raisonnable est d’identifier 200 gènes d’intérêt pour chaque espèce.
2. Caractériser la variation des séquences de ces gènes d’intérêt le long de gradients
altitudinaux répliqués à l’intérieur et entre différentes forêts d’Europe (Mont
Ventoux, France ; Monterro de la Sierra, Espagne ; Valais, Suisse). Dans le cadre du
réseau EVOLTREE, ces sites d’études (ISS) sont instrumentés (données météo, SIG,
données historiques), et les échantillons sont en cours de récolte.
3. Détecter les traces respectives de la sélection et de l’histoire démographique sur
ces séquences. Cette étape reposera sur les approches de génomique des populations
(Luikart et al., 2003), ainsi que des test classiques d’écart à la neutralité, en tenant
compte de scénarios démographiques réalistes.
4. Caractériser la variabilité de caractères adaptatifs dans un échantillon des
populations étudiées. Dans les populations les plus instrumentées, deux caractères
adaptatifs seront mesurés in situ (thèse en cours): la phénologie, et la croissance, lue
dans le bois (carottes). L’analyse conjointe de la variabilité de l’environnement, des
gènes et des caractères adaptatifs permettra de valider l’importance écologique des
séquences identifiées.
L’approche par modélisation permettra d’intégrer les résultats de l’approche expérimentale
dans un modèle de simulation déjà existant. Des simulations permettront de comprendre
l’évolution conjointe de la variabilité des séquences de gènes impliqué dans les caractères
adaptatifs et de la variabilité de ces caractères, sous différents scénarios de variations
temporelle et spatiale de l’environnement, et de contrôle génétique des caractères quantitatifs.
Résultats attendus
Cette thèse constitue une approche innovante de génomique expérimentale, qui permettra
d’évaluer le niveau et la distribution de la variabilité de nes et de caractères impliqués dans
la réponse au climat dans des populations naturelles d’arbres forestiers.
Co-tutelle et établissement de rattachement
Cette thèse sera réalisée en co-encadrement par :
Giovanni Giuseppe Vendramin, Directeur de Recherche au Plant Genetics Institut du
Conseil National de la Recherche (CNR) à Florence
Sylvie ODDOU, Chargée de recherches à l’URFM, département EFPA de l’INRA.
Bruno FADY, Directeur de Recherche à l'Unité de Recherches Forestières
Méditerranéenne (URFM), département EFPA de l’INRA.
L’étudiant sera inscrit dans l’école doctorale SantaAnna de Pise (Italie,
http://www.sssup.it/context.jsp?ID_LINK=405&area=46), et partagera son temps entre
Florence et Avignon. Les frais liés à ces déplacements seront financés.
Profil
Master 2R en génétique des populations et biologie évolutive
Expérience en laboratoire souhaitée
Age < 35 ans.
Références bibliographiques :
Jump AS, Penuelas J (2005) Running to stand still: adaptation and the response of plants to
rapid climate change. Ecology Letters 8, 1010-1020.
Luikart G, England PR, Tallmon D, Jordan S, Taberlet P (2003) The power and promise of
population genomics: from genotyping to genome typing. 4, 981-994.
Reusch TBH, Wood TE (2007) Molecular ecology of global change. Molecular Ecology 16,
3973-3992.
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