Comment nourrir l`humanité demain

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Article paru dans Votre santé n° 97 – novembre 2007
Comment nourrir l’humanité
demain ? 1
« Neuf
milliards
d’habitants
demain
à
nourrir »
dit
Bruno
Parmentier – l’onomastique est toujours fascinante ! Dans cet
article de Confrontations Europe, selon le directeur de l’École
Supérieure d’Agriculture d’Angers, le défi de l’augmentation de la
population (de 1,6 à 6 milliards) a été relevé grâce à l’utilisation
intensive de facteurs de production (plus de terres, plus d’eau,
plus d’énergie, plus de chimie, plus de mécanisation). Dans le
contexte d’une énergie de plus en plus rare et chère, les
biocarburants et les pollutions en sus, les crises sanitaires à
prévoir, il préconise de produire plus et mieux. Il souligne que la
Chine nourrit huit hommes par hectare contre quatre en Europe.
Après la deuxième guerre mondiale, la PAC a fait basculer l’Europe de la
pénurie à la surproduction. Un agriculteur d’aujourd’hui nourrit 80
personnes grâce à la productivité et le nombre de paysans a été divisé par
dix. Les stocks mondiaux de céréales représentent trois mois de réserve à
l’échelle mondiale. Les surfaces cultivables régressent, l’eau est source
d’enjeux majeurs et l’énergie de plus en plus convoitée… L’article plaide à
la fois pour l’agriculture biologique et pour les OGM.
Ce grand écart démontre l’ambivalence de Bruno Parmentier qui les
présente comme les deux dimensions d’une même stratégie et d’une
meilleure maîtrise des phénomènes vivants. « Nous n’avons encore rien
vu de leurs potentialités » dit-il en évoquant les OGM. Il parle d’or et
déclame que nous ne savons rien de leur nuisance potentielle pariant
uniquement sur leurs bienfaits. Pari ou roulette russe, à l’heure où chacun
évoque le sacro-saint et élémentaire principe de précaution ?
Comment nourrir l’humanité demain ?, Propos recueillis de Bruno Parmentier par Catherine Véglio,
Confrontations Europe n° 79, Juillet-Septembre 2007.
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Article paru dans Votre santé n° 97 – novembre 2007
Où est l’innovation ? Où est la réflexion ? Il vaudrait mieux lire le Dr
Yunus, prix Nobel de la Paix 2006 – nominé simultanément pour celui de
l’économie 2006 – qui analyse avec une grande ouverture d’esprit la
pauvreté2 pour y apporter des solutions constructives et à portée de
chacun. Il conteste Malthus qui prévoyait en 1798 que la croissance
démographique mettrait à rude épreuve les ressources mondiales et
entraînerait pauvreté et famine sur une grande échelle. Or, les conditions
de vie se sont améliorées. En trente ans, la population du Bangladesh a
doublé
sans
être
deux
fois
plus
pauvre.
« Je
soupçonne
les
gouvernements et les organismes internationaux d’avoir choisi d’effrayer
les gens pour cacher l’autre aspect des choses – à savoir qu’ils pourraient
obtenir le même résultat en termes de limitation démographique en
améliorant la situation économique des individus en général et des plus
démunis en particulier. … Des études, conduites par l’OMS dans plus de
quarante pays en voie de développement montrent que lorsque les
femmes obtiennent l’égalité, le taux de natalité diminue…
Il apparaît
d’ailleurs que la pratique du planning familial (qui devrait être laissée à
l’initiative de la famille et non pas être prise en charge par les
gouvernements et les agences internationales) parmi les membres du
Grameen (crédit solidaire) est deux fois plus élevée que la moyenne
nationale. »
En clair, la charité alimente surtout la bureaucratie et retire aux pauvres
toute initiative. Elle ne respecte pas l’individu. Monsieur Parmentier
pourrait-il considérer le problème de la faim dans le monde sous un autre
angle que celui très administratif de la FNSEA, nourri au lait de
l’industrialisation massive, blanchi par un État qui, subtilement, a dessiné
les lignes d’influence ? Lisons Noam Chomsky3 : « C’est d’ailleurs l’une des
grandes différences entre le système de propagande d’un État totalitaire
et la manière de procéder dans les sociétés démocratiques. En exagérant
un peu, dans les pays totalitaires, l’État décide de la ligne à suivre et
chacun doit ensuite s’y conformer. Les sociétés démocratiques opèrent
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Muhammad Yunus avec Alan Jolis, Vers un monde sans pauvreté, Éditions Jean-Claude Lattès, Paris, 1997.
Le Monde Diplomatique, août 2007, Propos recueillis par Daniel Mermet.
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Article paru dans Votre santé n° 97 – novembre 2007
autrement. La “ligne” n’est jamais énoncée comme telle, elle est sousentendue. On procède, en quelque sorte, au “lavage de cerveaux en
liberté”. Et même les débats “passionnés” dans les grands médias se
situent dans le cadre des paramètres consentis, lesquels tiennent en
lisière nombre de points de vue “contraires”. »
Le biologique
L’homme, depuis des millénaires, a cherché comment façonner, moduler,
développer la production des céréales par l’hybridation qui est un
processus naturel, non une modification génétique artificielle. Insérer de
nouveaux gènes étrangers, c’est écraser le système immunitaire du
végétal. Ce qui est invisible à nos yeux est visible à ceux de nos cellules.
Officiellement, déjà 40 % des maladies sont liées à l’alimentation. La
fabrication et l’utilisation d’OGM laisse supposer de graves lacunes des
techniciens en biologie
cellulaire
et
en microbiologie. Ils ignorent
manifestement les travaux de Lynn Marguliz4. Conserver notre état
génétique initial est la meilleure garantie de vivre sans vieillissement
prématuré ou cancérisation. Des chercheurs, et non les moindres, –
Mme Mae Wan-Ho, biologiste, parmi d’autres – ont mis en garde contre la
libération à grande échelle des OGM. Ils constituent, à les en croire, un
risque semblable aux périls radiobiologiques dus aux armes et aux
déchets nucléaires avec cette différence que les espèces créées peuvent
se répandre, se reproduire dans un cauchemar biologique irréversible.
Cette
prolifération
ferait
courir
les
mêmes
risques
qu’une
guerre
thermonucléaire.
Les experts nous garantissaient que la maladie de Creutzfeldt-Jakob (la
vache folle) ne pouvait se transmettre d’une espèce à l’autre. Cela s’est
pourtant fait.
Le professeur Bernard Herzog donne un témoignage scientifique et
médical accablant sur les conséquences des OGM5. Les apports non
Lynn Marguliz, L’univers bactériel, Éditions Albin Michel, Paris, 1989.
Bernard Herzog, Le transgénique : les premiers signes d’une catastrophe, Éditions du CRAM, Montréal,
Québec, Canada, 2000. (Les premières constatations cliniques des effets néfastes des OGM).
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conformes au monde bactériel constitutif de nos cellules induisent des
mutations gravissimes qui nous menacent dans les décennies à venir. Les
substrats
alimentaires
comportant
des
OGM,
par
leurs
variations
biochimiques modifient les organismes végétaux, animaux puis humains
par
des
réactions
en
chaîne
déstabilisantes :
maladies
du
sang,
déminéralisations, maladies mentales, cancers, Alzheimer…
L’économique
Breveter le végétal est-il sans incidence sur l’économie des pays du tiersmonde ?
Tout démontre que les OGM concourent à l’appauvrissement des pays les
plus démunis sous le prétexte, brandi haut et fort, de nourrir les
populations faméliques.
N’est-ce pas les affamer un peu plus que les rendre dépendantes des
grands groupes industriels ? Est-il plus sage de permettre aux populations
pauvres de développer leurs ressources agricoles en lien avec leur
système ancestral ? (Yunus a démontré au Bangladesh que le passage de
trois récoltes de riz annuelles au lieu d’une résolvait les problèmes
alimentaires des régions où ce fut appliqué, dans un pays touché plus que
d’autres par les désordres climatiques, les maladies et les famines) ou de
les rendre esclaves d’un système industriel et de multinationales qui les
appauvrissent encore plus en s’appropriant les moyens de production ?
Pourquoi le mot productivité est-il toujours le seul évoqué ? Productivité et
qualité de vie humaine n’ont jamais fait bon ménage.
N’est-ce pas un esclavage bien plus grand que celui perpétré naguère par
les négriers puisque le paysan ne peut plus réensemencer que des
semences génétiquement modifiées ?
Le stratégique
L’argument massue de Parmentier est : « Puisque tout le monde le fait,
pourquoi pas nous ! »
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La Bruyère dans Les Caractères lui répliquerait : « “Il faut faire comme les
autres” : maxime suspecte qui signifie presque toujours “Il faut mal
faire”. »
Parmentier : « Toute avancée scientifique comporte des risques… mais
peut-on faire semblant d’ignorer que les surfaces plantées en OGM
représenteront dans dix ans vingt à trente fois la surface agricole de la
France ?...
Mutualiser
les
fonds
publics
européens
pour
soutenir
massivement de grands programmes de recherches européens dans ce
domaine : c’est aussi la meilleure façon d’en contrôler démocratiquement
les développements pour ne pas prendre le risque de ne plus maîtriser les
clés de l’agriculture de demain et de les remettre aux multinationales
américaines et chinoises. »
La nature a mis trois milliards d’années à construire un équilibre et le
volontarisme à tous crins de quelques-uns viendrait modifier brutalement
tout l’écosystème ? Les fautes de frappes infligées à l’aide des canons à
gènes mettent en péril les espèces. Certes, nous avons
des bombes
explosives… plus ou moins à retardement dans nos assiettes. Quelle est
l’origine de l’apparition de nouvelles maladies, des défenses immunitaires
brisées, des allergies, des conflits auto-immuns ? Pourquoi les cancers et
les désordres endocriniens sont-ils en croissance, voire en explosion dans
des populations de plus en plus jeunes ? Le cancer est devenu la première
cause de mortalité chez les 35-65 ans. L’industrie alimentaire n’en a cure
(à quelques exceptions près) et engrange des bénéfices.
Les OGM sont interdits dans les petits pots de bébés américains, pas dans
ceux des européens. Ils sont curieusement bannis de la cantine de
Monsanto.
Est-ce au nom de la course aux OGM qu’on peut avoir une position
réfléchie et propre à ne pas nuire ?
L’éthique
« Le corps et l’esprit sont une seule et même chose, mais exprimée de
deux manières. » (Spinoza, Éthique, II, 7, scolie.)
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Article paru dans Votre santé n° 97 – novembre 2007
Les OGM sont non seulement une bombe à retardement mais une
tentative de modification à notre insu de nos cellules, de notre structure,
qui aura pour conséquence une modification profonde de notre humus.
Est-ce pour notre bien ? Quel degré de malignité aura-t-elle ? Le délire
collectif nous remémore d’autres souvenirs désagréables car la finance a
peu cure de l’humain de chair et de peine.
Peut-on assurer encore que semer des OGM n’a aucune conséquence sur
l’univers végétal, minéral ? Sur les êtres humains ?
Voulons-nous des électeurs génétiquement modifiés, nourris de manière à
produire des cervelles « évidées, délavées » faciles à manipuler après
avoir conspué et oublié si promptement les spectres du IIIème Reich ? La
gouvernance,
à
l’époque,
était
aussi
éclairée,
diplômée,
experte…
Curieusement, c’est le même mot « manipulation » qui sert au biologique
et à l’idéologique. L’envers noir de la maxime euphorique Mens sana in
corpore sano.
Les
maladies
génétiques
résultent
de
fractures,
de
ruptures
chromosomiques, elles-mêmes déterminées par des carences alimentaires
ou
des
alimentations
erronées
ou
aberrantes
engendrant
une
dégénérescence ou un enrichissement relatif de certaines espèces
bactérielles : des mutations. Voulons-nous créer une nouvelle espèce
d’hommes en supprimant la lignée principale ou préférons-nous enrichir la
partie principeps sans la déformer ? À quoi sert de faire perdurer une
espèce dans le temps si c’est pour la voir s’enliser et se liquéfier
rapidement dans le labyrinthe de la souffrance ?
En conclusion, l’autosuffisance alimentaire semble être une idée capitale
de B. Parmentier avec laquelle on ne peut qu’être d’agrément. De même
qu’avec son souci de protection des frontières localement et l’aide aux
agriculteurs dans le respect de la nature et de la vie. Du moins dans un
premier temps. L’assistanat agricole prôné par la PAC les années passées
fut une hérésie source d’un servage nouveau. Mettre en place des
mécanismes permettant la vente au coût de production est sage.
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Article paru dans Votre santé n° 97 – novembre 2007
Hormis ces mesures de salubrité, favoriser ou préconiser les OGM revient
à louer l’apprenti sorcier qui a déjà joué au pyromane ou à Frankenstein,
sans connaître vraiment ni sa créature, ni sa destination et les moyens de
la freiner, de la stopper ou même de la diriger. Les techniciens agricoles
ont-ils conscience de ce pouvoir exorbitant de nuisance mis entre leurs
mains ? Science sans conscience est à l’origine de lendemains amers.
La faim ne justifie pas n’importe quels moyens quand une meilleure
répartition et utilisation des ressources alimentaires pourraient la pallier.
Les moyens conditionnent la fin.
Christine Herzog. Psychanalyste.
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