Par ailleurs, à la période behavioriste, certains chercheurs voulaient construire une science
objective et « neutre », alors que d’autres, s’inscrivant dans la perspective de la recherche
appliquée, souhaitaient contribuer activement à la solution des problèmes politiques réels au
sein de la société. Ces derniers, à l’instar de C. W. Mill et H. Lasswell, marquèrent leur
volonté de faire servir la sociologie à l’action, autrement dit, d’en faire une science non plus
seulement « désintéressée », mais utile et éclairante pour résoudre les problèmes concrets
auxquels sont confrontés les sociétés modernes. Autrement dit, une science susceptible de
servir de thérapeutique sociale. A ce titre, Roger-Gérard Schwartzenberg notait : « […], tout
sociologue, et a fortiori tout politiste, se trouve aujourd’hui obligé de poser consciemment le
problème des rapports de sa discipline avec l’action politique ».
C’est à l’aune de cette alternative que le LASPA s’inscrit dans la perspective de la
« révolution post-behavioriste », en ce sens qu’elle vise à aider la science politique à déceler
les besoins réels de la société. Rappelons, s’il en était besoin, qu’une science ne se définit pas
par les objets qu’elle étudie, mais par la nature du regard qu’elle porte sur les objets et par les
approches méthodologiques mises en œuvre. D’où le choix de l’analyse des politiques
publiques considérée par Lasswell H. et Lerner D. comme le paradigme qui « contribue à la
résolution de problèmes, en niant ainsi la dichotomie entre le savant et le politique, pour
proposer un savoir engagé ». Quant à Pierre Muller, « toute société sectorielle sera
nécessairement confrontée à un grave problème de cohésion sociale. Alors que la société
traditionnelle est menacée d’éclatement, la société sectorielle est menacée de désintégration
si elle ne trouve pas en elle-même les moyens de gérer les antagonismes intersectoriels. Ces
moyens ce sont les politiques publiques ». Partant de l’analyse habermassienne de la fragilité
de la cohésion sociale et celle de l’Etat, Elias Norbert considère que « le problème de l’ordre
social et en même temps sa raison d’exister est de rendre compatible l’interdépendance des
individus (les individus ont besoin les uns des autres) et le conflit (mais leurs intérêts les
opposent) pour garantir les conditions du vivre ensemble ». Dès lors, les véritables enjeux
politiques et sociaux résident dans le processus d’élaboration des politiques publiques. En
effet, selon Paul Sabatier et Edella Schlager, « le processus d’élaboration des politiques
publiques recouvre la manière dont les problèmes sont conceptualisés et présentés au
gouvernement pour être résolus ; les institutions gouvernementales formulent des alternatives
et choisissent des solutions sur base des avis formulés par de nombreux acteurs
gouvernementaux ou non gouvernementaux ». Il en résulte que la cohésion sociale
indispensable à l’unité nationale dépend de la prise en compte efficiente des divers intérêts,
souvent contradictoires, dans le cadre du processus décisionnel ou de l’élaboration des
politiques publiques.
Comme on peut aisément le constater, l’analyse des politiques publiques relève d’une
importance capitale, en ce sens qu’elle sert de boîte à outils permettant d’ouvrir la « boîte
noire » de l’Etat, afin d’appréhender le contenu des programmes gouvernementaux, en
questionnant l’origine des problèmes et en jaugeant la portée des solutions envisagées. A
l’instar de la théorie politique d’inspiration économique, le but de l’analyse des politiques
publiques n’est pas nécessairement de savoir « qui décide », mais plutôt de comprendre les
logiques sous-jacentes au processus de prise de décision, en examinant les mécanismes