Pour les Nazis, le travail manuel forcé est un moyen pour punir, mais aussi et surtout pour
« rééduquer » afin que les opposants au régime acquièrent une « conscience de race ». Dès
l’hiver 1933, dans les premiers camps de concentration, le travail forcé, souvent inutile et
humiliant, est imposé. A partir de 1938, les « ennemis d’Etat » sont exploités. En 1942,
l’utilisation du travail forcé est systématique à l’intérieur et à l’extérieur des camps. A
Auschwitz-Monowitz, des dizaines de milliers de Juifs sont employés dans l’usine de
caoutchouc synthétique de Buna (IG Farben). De même dans le ghetto de Lodz, les nazis
installèrent 96 usines et ateliers
. Parfois, le travail forcé est devenu une chance de survie.
Ceux qui avait la « chance » d’être déclaré apte au travail pouvait espérer survivre encore un
peu. En d’autres termes, certaines catégories de prisonniers étaient condamnées à mort par
épuisement. Cependant, le système nazi va montrer ses contradictions internes. Lorsque la
situation militaire va exiger l’intensification des productions militaires. Hitler hésitera à
déclencher un processus de guerre totale. Speer sera chargé de l’armement, Sauckel du
recrutement et la Wehrmacht, par l’entremise des régions occupées, de l’approvisionnement
en matières premières. Cependant Himmler vit dans cette situation un moyen pour la SS de
devenir un pouvoir économique majeur à partir de la force de travail des camps. Mais, avec
l’appui des grands industriels et des officiers généraux de la Wehrmacht, Speer réussit à
mettre la main d’œuvre à disposition du grand patronat. Le National-Socialisme dut se plier
aux exigences du pragmatisme économique.
Pourtant l’Etat Nazi, pris dans une écœurante logique raciale d’extermination et politique
devant « libérer » l’espace vital, ne parvint réellement à exploiter rationnellement cette main
d’œuvre gratuite et son aveuglement idéologique l’a conduite à détruire une main d’œuvre qui
aurait pu lui faire gagner la guerre. Par ailleurs, nombre de nazis trouvaient humiliant d’avoir
à se servir des Juifs considérés comme inférieurs et l’on doit admettre que le taux de mortalité
des Juifs était supérieur à celui des autres peuples. Si bien que souvent, les nazis manquèrent
de main d’œuvre. On peut citer l’opération « fête de la moisson » où les Allemands
massacrèrent 43000 juifs qu’ils ne pouvaient remplacer et qui limita la production
. En fait les
Allemands ne considéraient pas les Juifs comme des travailleurs ordinaires. Daniel Jonah
Goldhagen définit plusieurs points sur les travailleurs juifs pour les Nazis :
1. L’utilité potentielle du travail juif n’entrait pas en ligne de compte aux yeux des
Allemands. Ils l’ont démontré sans cesse par leurs décisions d’anéantir des
communautés juives tout entières, mettant fin brutalement à une production très
importante et irremplaçable.
2. Même quand les Juifs étaient mis « au travail », les Allemands sous-utilisaient
totalement leurs capacités de production ; ils les avaient arrachés à leurs lieux
habituels de travail et à leurs équipements pour les envoyer dans des lieux non
équipés, si bien que, la plupart du temps, ils travaillaient sur du matériel primitif ou en
très mauvais état. De plus, les tâches étaient affectées sans considération des
qualifications des Juifs. La conséquence en était que :
3. Le « travail » des Juifs se caractérisait par son infime productivité, à deux niveaux :
productivité générale des Juifs d’Europe, productivité d’une force de travail donnée
dans un camp donné.
4. Le « travail » des Juifs avait une dimension de « punition » ( sans parler des mauvais
traitements), comme le prouvent les travaux privés de sens.
5. Le « travail » des Juifs avait pour première caractéristique le très mauvais état
physique des travailleurs, conséquence du traitement infligé par les Allemands. Les
cadences étaient inhumaines, insupportables physiquement. S’y ajoutaient la sous-
http://memorial-wlc.recette.Ibn.fr/article.php?lang=fr&ModuleId=37
Voir Daniel Jonah Goldhagen, Les bourreaux volontaires de Hitler, SEUIL, 1997.