qui en produit les fatwas et forme les clercs à travers le monde. Bien que 80 % des Mususlmans
ne soient pas arabes, ils restent, toutefois, sensibles à leurs causes au regard du maquillage
religieux qu’on leur donne de bonne guerre diplomatiquement parlant. Mais il ne faut pas
oublier non plus que l’Egypte et la Jordanie d’Abdallah II (qui vient d’exempter les Israéliens de
visa pour le Royaume) font partie des pays les plus consensuels de la région, ayant conclu des
accords de paix et de coopération avec l’autre allié important : Israël.
La Syrie, par exemple, ne pouvait pas être le cadre d’un tel discours au risque de frustrer aussi
bien les Israéliens que les Libanais qui l’accusent de menacer la souveraineté avec l’Iran chiite
qui financerait le Hezbollah.
Une dernière raison de ce choix stratégique pourrait être la manière dont l’Egypte catalyse,
depuis toujours, les deux revendications identitaires qui structurent la géopolitique de cette
région : l’arabisme ou le nationalisme arabe, depuis la période nassérienne et l’islamisme avec
l’influence toujours grandissante de l’idéologie des Frères Musulmans dont même le Hamas
serait aussi l’émanation.
Il faut dire, enfin, que même la temporalité est prise en compte : on venait de sortir des
évènements de Gaza et on s’achemine, au regard des derniers développements, vers des
moments difficiles avec la question du nucléaire iranien. Bref, en un lieu et en un temps, la
diplomatie américaine a pu envoyer un seul message à tout un ensemble même s’il est constitué
de plusieurs sous-ensembles.
Il est vrai que les inquiétudes montantes au sujet de l’Afghanistan, de l’Irak mais aussi du
nucléaire iranien, font que nombre de Musulmans restent sur l’opinion figée selon laquelle,
l’Amérique aurait toujours un problème structurel et idéologique avec l’Islam.
Néanmoins, dans le cadre précis de ce dernier discours, Obama semble dire que ce n’est pas
avec l’Islam que l’Amérique a un problème, mais avec sa lecture violente par une infime
minorité. Cet aspect est très net dans ses propos et il semble aussi faire comprendre aux
Musulmans que ce problème de l’extrémisme et de la violence leur est commun et qu’ils
devaient y faire face ensemble. Mais, on ne pourrait vraiment pas croire à un problème
structurel qu’aurait l’Amérique avec l’Islam rien que par les signaux qu’il a voulu envoyer à ceux
qu’il a appelés ses « compatriotes » musulmans dont il a voulu délivrer le « Salam aleykoum »
dans son adresse. Ce discours, n’a pas oublié les minorités musulmanes d’Europe en même
temps qu’il a voulu, aussi, insister sur le fait que l’Amérique elle-même compte un nombre
important de Musulmans dans sa population et qui jouissent de tous leurs droits et libertés.
Pour l’anecdote, j’ai été, et je crois que je le suis encore, profondément marqué par cette prière
hebdomadaire du vendredi auquel j’ai pris, récemment, part, à Washington, dans une grande
salle du Capitole, après une rencontre mémorable avec le premier Congressman noir et
Musulman, Keith Ellison qui avait prêté serment sur un Coran de la Librairie du Congrès qui
appartenait à Jefferson. Précisons que ce Représentant de l’Etat du Minnesota n’a pas été élu
dans un Etat où pèse un électorat spécifiquement musulman ! Au contraire !
On peut, donc, dire, sans grands risques, que les Américains, dans leur majorité, se sont inscrits
dans cette rupture en élisant Obama pour, en plus du fait qu’il était l’homme de la situation par
ses compétences, mieux exprimer le rejet du Bushisme, dans son arrogance, et de son
prolongement que représentait un John McCain. Ils ont envoyé un message très fort et qui
commence à faire timidement tâche d’huile ne serait-ce que dans les mentalités, surtout en
Europe. C’est cet ensemble de faits, auxquels, Obama a d’ailleurs intentionnellement fait
allusion dans le discours du Caire qui peuvent conforter dans la foi en un « nouveau départ »
possible…