L’observation de ces unités reportées sur une
carte permet, comme il l’a été dit précédemment, de
les diviser globalement en trois grands ensembles:
- dans le nord de la France et le centre ainsi que
sur la Manche, on trouve les unités de chasse dé-
fensives. Les JG 2 et JG 26, présentes depuis 1940,
sont appuyées par des groupes de chasse de nuit.
Au début du mois de juin, en France, la
Jagdwaffe
était très réduite et les
Gruppe
par ailleurs forte-
ment dispersés. Cela explique la rareté des com-
bats aériens à cette époque;
- le long de la côte (Bretagne - Aquitaine) sont dé-
ployées les unités aéronavales opérant contre les
navires alliés et sur le golfe de Gascogne;
- dans le sud sont rassemblés des groupes de bom-
bardement à vocation offensive (attaques loin-
taines de convois) mais prévus aussi pour opérer
défensivement (dans l’éventualité d’une invasion
dans le sud de la France).
En ce qui concerne les unités proprement dites,
quelques remarques:
- on aura noté l’importance des unités de reconnais-
sance (NAG 13, F.A.Gr. 5, (F)/123, etc.). En effet à
cette époque, le haut commandement allemand est
plus désireux d’obtenir des informations sur l’adver-
saire que d’envoyer des bombardiers sur Londres.
6
BATAILLES AÉRIENNES - HORS-SÉRIE N° 01
Normandie, juin 1944: les combats aériens
Des pilotes de la Tagjagd en attente de décoller. Ils portent une veste de sauvetage
vu un possible survol de la mer.
Un Bf 109 G revient de mission sur un aérodrome français que nous n’avons pu
identifier. Il s’agit d’un type G-5/R6 armé de deux canons MG 151/20 sous les ailes.
Des Bf 109 F-4 de
reconnaissance de la 4.(F)/123
en cours d’entretien en France
en 1943. Au moment du
débarquement, ce type
d’appareil avait été remplacé
par des versions du Bf 109 G
modifiées ou construites pour
la mission de reconnaissance,
telles les G-4 et G-8.
13
BATAILLES AÉRIENNES - HORS-SÉRIE N° 01
2ND TAF & 9TH AIR FORCE
La 2nd TAF (Tactical Air Force) britannique et la 9th Air Force étaient spécifiquement prévues pour assurer l’appui tactique au profit des troupes au sol. Au sein
de la 9th Force, le IXth TAC (Tactical Air Corps, l’Air Force faisant à l’époque partie de l’armée de terre américaine) était le plus lourd avec onze groupes de chasse
tandis que le XIXth TAC n’en comportait que sept. Le IXth TAC était destiné à l’appui de la 1re armée et le XIXth à naître sera destiné à l’appui de la 3e.
Plus tard, un XXIXth TAC apparaîtra en appui de la nouvelle 9earmée.
La 2nd TAF (RAF), commandée par l’Air Marshal sir Arthur Coningham, était composée de quatre groupes: les 2nd, 83rd, 84th et 85th.
Le 85egroupe n’était pas directement concerné par l’invasion puisqu’il dépendait du Home Defence Command britannique.
Le 2ecomprenait quatre Wings de Boston, Michell et Mosquito en versions bombardier léger ou moyen et dépendait du 21st Army Group commandé par le
Field Marshal Bernard Montgomery. Il faut noter que les relations des commandants de la RAF avec Arthur Tedder, assistant du commandant suprême, le général
Eisenhower, étaient tendues et qu’elles étaient encore plus mauvaises voire exécrables avec le Field Marshal Montgomery à qui le commandement de toutes les
forces terrestres avait été donné!
Le 83egroupe, hors Wing de reconnaissance et quelques avions de repérage destinés à l’artillerie, était composé d’un Wing de Mustang, de quatre Wings de
Spitfire et de quatre Wings de Typhoon. Il était affecté à l’appui de la 2earmée britannique.
Le 84egroupe, hors Wing de reconnaissance et de quelques avions de repérage destinés à l’artillerie, était composé d’un Wing de Mustang, de cinq Wings de
Spitfire et de trois Wings de Typhoon. Il était affecté à l’appui de la 1re armée canadienne.
Le IXth TAC (US) et le 83rd Group de la 2nd TAF (UK) entretiendront d’excellentes relations vu l’entente personnelle (des personnes et des conceptions) régnant
entre leurs commandants respectifs: le Brigadier General Elwood Quesada et le Vice Marshal Harry Broadhurst. Tous deux prévoiront le transfert à terre des
centres de contrôle qui se trouvaient à bord des navires, une fois les troupes terrestres débarquées, et organiseront la collaboration efficace des centres de
contrôle, un du côté US et un du côté britannique, pour former un appui tactique aérien global de la tête de pont.
À elles deux, ces forces tactiques alignaient 2434 chasseurs.
b) L’Usaaf
Formation Aéronef Terrain Squadrons
9th Air Force
IX Bomber Command Marks Hall
97th BW Little Walden
409th BG A-20 Little Walden 640th, 641st, 642nd, 643rd
410th BG A-20 Gosfield 644th, 645th, 646th, 647th
416th BG A-20 Wethersfield 668th, 669th, 670th, 671st
98th BW Beaulieu
323rd BG B-26 Beaulieu 453rd, 454th, 455th, 456th
387th BG B-26 Chipping Ongar 556th, 557th, 558th, 559th
394th BG B-26 Boreham 584th, 585th, 586th, 587th
397th BG B-26 Rivenhall 596th, 597th, 598th, 599th
99th BW Great Dunmow
322nd BG B-26 Great Saling 449th, 450th, 451st, 452th
344th BG B-26 Stansted 494th, 495th, 496th, 497th
386th BG B-26 Great Dunmow 552nd, 553rd, 554th, 555th
391st BG B-26 Matching 572nd, 573rd, 574th, 575th
X Fighter Command Middle Wallop
IX Tactical Command Uxbridge
67th RG Middle Wallop 12nd, 15th, 33rd, 107th,
109th, 153rd, 30th
70th FW Ibsley
48th FG P-47 Ibsley 492nd, 493rd, 494th, 495th
367th FG P-38 Stony Cross 392nd, 393rd, 394th
371st FG P-47 Bisterne 404th, 405th, 406th
474th FG P-38 Moreton 428th, 429th, 430th
71st FW Andover
366th FG P-47 Thruxton 389th, 390th, 391st
368th FG P-47 Chilbolton 395th, 396th, 397th
370th FG P-38 Andover 401st, 402nd, 485th
84th FW Beaulieu
50th FG P-47 Lymington 10th, 81st, 313rd
365th FG P-47 Beaulieu 386th, 387th, 388th
404th FG P-47 Winkton 506th, 507th, 508th
405th FG P-47 Christchurch 509th, 510th, 511st
Martin B-26B-55 Marauder 42-96220/YA-Q,
555th BS/386th BG (9th AF),
début juin 1944.
Un Douglas A-20G du 410th BG/647th BS survole la Grande-Bretagne lors d’un
départ en mission sur le continent. (NARA)
Le passage de cette armada a été évoqué par Isham G. Keller
dans sa chronique sur le 474th FG basé à cette époque à More-
ton:
Les aviateurs s’étonnèrent un temps des larges bandes
blanches peintes sur leurs appareils pour que leurs propres
troupes au sol ne les prennent pas pour cible. Des officiers de
haut rang au visage crispé se rassemblaient dans des pièces
closes pour des conciliabules secrets. Des sous-officiers tour-
naient autour de leurs appareils pour lire des lettres de la maison
en se demandant quand ils reviendraient chez eux. […] Au début,
ce fut juste un rai de lumière comme la lueur d’une étoile appa-
raissant de l’horizon au nord. L’horloge de la pièce de briefing
indiquait 23h20. Le calendrier du S-2 signalait qu’on était le
5 juin 1944. Tout était tranquille. Le point lumineux ne se dépla-
çait pas; il ne faisait que grandir. Il devint trop important que
pour être une simple étoile. Et soudain, il prit des couleurs […].
Un mécanicien s’écria: “Bon dieu, Joe. Qu’est-ce que CELA?” […]
Lentement, des hommes se désintéressèrent de leur tâche et tour-
nèrent leur visage vers cette merveille dans le ciel septentrional.
Cela demeurait tranquille et cela grandissait. De plus en plus
gros, de plus en plus brillant. Non, cela ne semblait pas se dépla-
cer mais plutôt grossir. Cela atteignit la taille d’un sapin de Noël
illuminé avant d’atteindre les dimensions d’une ville. PUIS, on put
voir le déplacement, lent et majestueux. PUIS, on put l’entendre
se mouvoir. Des avions! Des avions! Des douzaines d’appareils!
De grands et gros C-47, des appareils de transport. “Mon Dieu!.
“C’est le Jour J! C’est l’invasion! Bon Dieu!. Des hommes sorti-
rent de leurs tentes et de leurs baraques. Ils accoururent des
bâtiments et des hangars. Ils se rassemblèrent frappés par la sur-
prise et regardèrent. Lentement, inexorablement, la puissante
formation ronronnait puissamment tout le long de la vallée
jusqu’à ce que le sol tremblât sous les vibrations conjuguées de
leurs moteurs. Les C-47 survolèrent le terrain à cinq cents pieds
avant de prendre un autre cap. L’aérodrome du 474eétant le der-
nier avant la France, les hommes au sol considérèrent ce virage
comme un dernier salut qui leur était adressé par ceux qui
allaient effectuer l’une des plus grandes missions de l’Histoire.
34
BATAILLES AÉRIENNES - HORS-SÉRIE N° 01
Normandie, juin 1944: les combats aériens
Carte de l’organisation des forces d’invasion alliées et des forces d’opposition allemandes.
North American Mitchell Mk II FV900/MQ-S, du N
°
226 Squadron,
basé à Hartfordbridge (Hampshire), juin 1944.
Montant vers le front, les
colonnes allemandes
tentent de se camoufler
au mieux.
qualités d’appareils d’appui. Engagés trop souvent
à contre-emploi comme des chasseurs “ordinaires”,
les lourds monomoteurs vont subir des pertes. En
matinée, les dix-huit
squadrons
de Typhoon (onze
armés de fusées et sept de deux bombes de
250 kg) sont engagés en appui immédiat des uni-
tés de la 2earmée britannique. Trois escadrilles
sont affectées uniquement à ses trois plages de
débarquement (Sword, Juno et Gold) tandis que
neuf autres
squadrons
partent attaquer des objec-
tifs faisant face à ces mêmes plages et pouvant
gêner les opérations. Des batteries d’artillerie sont
attaquées ainsi que le château de Saint-Léger (au
sud de Bayeux) ou celui de La Meauffe (sud-est de
Saint-Lô), tous deux étant des QG allemands. Le
débarquement battant son plein, les Typhoon peu-
vent dès lors être engagés en chasse libre ou en
reconnaissance.
À 13h30, le S/Lt P. H. Beake du 164 Sq est cré-
dité d’un FW 190 détruit, un autre étant accordé à
l’escadrille. Peu après, douze Typhoon du 183 Sq
sont fortement engagés dans une attaque de blin-
dés lorsque douze Bf 109 fondent sur eux des
nuages, en en abattant trois (pilotes tués). Quant
aux Typhoon du 245 Sq opérant sur la Normandie
ce 6 juin, ils n’aperçoivent pas grand-chose et per-
dent deux appareils (pilotes récupérés)… Le 198
Sq aura pour sa part l’occasion d’attaquer des blin-
dés. Selon R. Lallemand:
20h00. Nous décollons
pour la troisième fois. Notre mission: une recon-
naissance armée dans le secteur de Caen. Nous
sommes huit Typhoon du 198e, armés de quatre
paires de roquettes dont les obus pèsent soixante
livres. Des LCI surmontés par des ballons captifs
amènent des renforts du côté d’Asnelles et surtout
de l’équipement et des véhicules. […] Le Sq/Ldr
I.J. Davies (DFC) conduit l’escadron. Don Mason et
Tich Hallett ainsi que Tim Milich, un Maori de Nou-
velle-Zélande, sont avec moi. Il est 20h40. On
commence à percevoir beaucoup de traces de
véhicules dans les champs en direction de Caen.
Les chars, tout particulièrement, laissent des traces
nettes de chenilles vers le sud. Pour eux, la grande
aventure commence. […] Nous tombons acciden-
tellement sur des chars dans la région de Biéville
et Periers. Mais il fait déjà sombre. Nous faisons
nos premières attaques à la roquette sur de gros
véhicules et des autos blindées sans voir les chars
mieux camouflés. […] Tout à coup, Don Mason –
un Australien qui a une vue d’aigle – trouve un
char sous des boqueteaux. Il nous reste à chacun
deux paires de roquettes. Je pique au ras du sol en
virant, pour une rapide reconnaissance. J’aperçois
d’autres chars arrêtés. Nous commençons nos
attaques, bien décidés à ne pas gaspiller nos der-
nières roquettes. Apparemment, les équipages
allemands ont choisi de rester dans les tanks,
confiants dans leur carapace d’acier
. L’attaque des
Typhoon est faussée par l’obscurité relative près du
sol, les projectiles percutant trop souvent la terre
tout en soulevant des nuages de poussière pris
pour de la fumée.
Je prépare avec soin ma der-
nière attaque. Je descends plus bas. […] Au der-
nier moment, j’appuie sur le bouton placé sur la
manette des gaz. Les roquettes glissent sur les
rails. Je maintiens mon avion en position, en atten-
dant que les roquettes me dépassent. Alors, aussi
vite que possible, je tire sur le manche à balai. Il
était temps. Comme je survole le char, l’explosion
de mes roquettes me tasse dans le creux du siège.
Je me retourne, en virage, au ras des arbres: un
Tigre brûle furieusement. C’est ma première vic-
toire contre les blindés allemands. Je regarde
brûler ce Tigre avec une certaine satisfaction.
Satisfaction qui se renouvellera chaque fois, et
peut-être chaque fois pour des raisons différentes,
tant les équipages allemands se défendent bien.
49
BATAILLES AÉRIENNES - HORS-SÉRIE N° 01
Hawker Typhoon Mk IB MN ?/ZY-B du N
°
247 (China British) Squadron,
basé à Hurn en juin 1944.
Un Ju 88 A-4TTor de la
KG 26 (cf. l’insigne au lion)
et ses torpilles.
Pour protéger les plages,
il va de soi que de la DCA
y avait été très vite
implantée; ici, un
ensemble triple de canons
de 20 mm britannique.
Bombes sur Coutances.
La petite ville sera très
endommagée et 300
habitants seront tués au
cours du bombardement.
les Junkers se reposent à Montpellier. Il semble
que leurs pertes aient été relativement faibles (un
unique Ju 88 aurait été abattu à Barfleur). Pierre
Clostermann, lors de sa seconde (et tardive) mis-
sion de la journée, assistera probablement à une de
ces attaques:
C’est un cauchemar. La nuit est som-
bre avec des nuages bas. Dans l’ombre circulent
sans se voir des centaines d’avions aveuglés par
les incendies qui font rage de Vierville à Isigny. La
bataille semble féroce dans ce secteur. Sur les
plages, la mer déchaînée balaie les débris calcinés
de péniches de débarquement, illuminés par les
départs des batteries implantées sur le sable. Tous
les pilotes se concentrent sur leur PSV et cherchent
surtout à éviter les collisions. Une cinquantaine de
Junkers 88 – la première apparition en force de la
Luftwaffe – en profite pour bombarder en piqué,
un peu au hasard, les concentrations d’hommes et
60
BATAILLES AÉRIENNES - HORS-SÉRIE N° 01
Normandie, juin 1944 : les combats aériens
Le haut commandement s’étant rallié aux vues
de Thomsen, c’est dans la soirée du 6 que le
III./KG 26 va décoller. Vingt-cinq Ju 88 quittent
Montpellier pour couvrir les quelque neuf cents
kilomètres les séparant de leur nouveau théâtre
d’opération. À l’approche de la Normandie, des
chasseurs sont rencontrés et les bimoteurs perdent
encore plus d’altitude, volant parfois au ras des
arbres. Sur la baie de Seine, les pilotes vont – tout
comme leurs camarades – être surpris par la
masse de navires. Il y a pléthore de cibles mais,
avec les chasseurs alliés à leurs trousses, les équi-
pages allemands n’ont que peu l’occasion de choi-
sir (comme en Méditerranée) le navire le plus
“intéressant”. La plupart va donc larguer les tor-
pilles au petit bonheur la chance, espérant qu’elles
percuteront quelque coque vu l’encombrement au
large des plages… Les appareils du III./KG 26 se
posent ensuite à Rennes pour effectuer le plein de
carburant. La nuit étant largement tombée, les
bombardiers repartent sous couvert de l’obscurité
(par crainte des chasseurs de nuit alliés très attirés
par les aérodromes bien éclairés). Au petit matin,
de matériel qui se pressent dans l’étroite bande de
terre du Beachhead. J’entends par radio trois
pilotes de la 611equi poursuivent six de ces Ju 88,
et je reconnais la voix de Marquis criant: “I got
one of the bastards!” En effet, là-bas à gauche,
une boule de feu tombe des nuages.
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