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Normandie, juin 1944 : les combats aériens
Des pilotes de la Tagjagd en attente de décoller. Ils portent une veste de sauvetage
vu un possible survol de la mer.
Un Bf 109 G revient de mission sur un aérodrome français que nous n’avons pu
identifier. Il s’agit d’un type G-5/R6 armé de deux canons MG 151/20 sous les ailes.
L’observation de ces unités reportées sur une
carte permet, comme il l’a été dit précédemment, de
les diviser globalement en trois grands ensembles :
- dans le nord de la France et le centre ainsi que
sur la Manche, on trouve les unités de chasse défensives. Les JG 2 et JG 26, présentes depuis 1940,
sont appuyées par des groupes de chasse de nuit.
Au début du mois de juin, en France, la Jagdwaffe
était très réduite et les Gruppe par ailleurs fortement dispersés. Cela explique la rareté des combats aériens à cette époque ;
- le long de la côte (Bretagne - Aquitaine) sont déployées les unités aéronavales opérant contre les
navires alliés et sur le golfe de Gascogne ;
- dans le sud sont rassemblés des groupes de bombardement à vocation offensive (attaques lointaines de convois) mais prévus aussi pour opérer
défensivement (dans l’éventualité d’une invasion
dans le sud de la France).
En ce qui concerne les unités proprement dites,
quelques remarques :
- on aura noté l’importance des unités de reconnaissance (NAG 13, F.A.Gr. 5, (F)/123, etc.). En effet à
cette époque, le haut commandement allemand est
plus désireux d’obtenir des informations sur l’adversaire que d’envoyer des bombardiers sur Londres.
Des Bf 109 F-4 de
reconnaissance de la 4.(F)/123
en cours d’entretien en France
en 1943. Au moment du
débarquement, ce type
d’appareil avait été remplacé
par des versions du Bf 109 G
modifiées ou construites pour
la mission de reconnaissance,
telles les G-4 et G-8.
B ATAILLES AÉRIENNES - HORS - SÉRIE N ° 01
13
2ND TAF & 9TH AIR FORCE
La 2nd TAF (Tactical Air Force) britannique et la 9th Air Force étaient spécifiquement prévues pour assurer l’appui tactique au profit des troupes au sol. Au sein
de la 9th Force, le IXth TAC (Tactical Air Corps, l’Air Force faisant à l’époque partie de l’armée de terre américaine) était le plus lourd avec onze groupes de chasse
tandis que le XIXth TAC n’en comportait que sept. Le IXth TAC était destiné à l’appui de la 1re armée et le XIXth à naître sera destiné à l’appui de la 3e.
Plus tard, un XXIXth TAC apparaîtra en appui de la nouvelle 9e armée.
La 2nd TAF (RAF), commandée par l’Air Marshal sir Arthur Coningham, était composée de quatre groupes : les 2nd, 83rd, 84th et 85th.
Le 85e groupe n’était pas directement concerné par l’invasion puisqu’il dépendait du Home Defence Command britannique.
Le 2e comprenait quatre Wings de Boston, Michell et Mosquito en versions bombardier léger ou moyen et dépendait du 21st Army Group commandé par le
Field Marshal Bernard Montgomery. Il faut noter que les relations des commandants de la RAF avec Arthur Tedder, assistant du commandant suprême, le général
Eisenhower, étaient tendues et qu’elles étaient encore plus mauvaises voire exécrables avec le Field Marshal Montgomery à qui le commandement de toutes les
forces terrestres avait été donné !
Le 83e groupe, hors Wing de reconnaissance et quelques avions de repérage destinés à l’artillerie, était composé d’un Wing de Mustang, de quatre Wings de
Spitfire et de quatre Wings de Typhoon. Il était affecté à l’appui de la 2e armée britannique.
Le 84e groupe, hors Wing de reconnaissance et de quelques avions de repérage destinés à l’artillerie, était composé d’un Wing de Mustang, de cinq Wings de
Spitfire et de trois Wings de Typhoon. Il était affecté à l’appui de la 1re armée canadienne.
Le IXth TAC (US) et le 83rd Group de la 2nd TAF (UK) entretiendront d’excellentes relations vu l’entente personnelle (des personnes et des conceptions) régnant
entre leurs commandants respectifs : le Brigadier General Elwood Quesada et le Vice Marshal Harry Broadhurst. Tous deux prévoiront le transfert à terre des
centres de contrôle qui se trouvaient à bord des navires, une fois les troupes terrestres débarquées, et organiseront la collaboration efficace des centres de
contrôle, un du côté US et un du côté britannique, pour former un appui tactique aérien global de la tête de pont.
À elles deux, ces forces tactiques alignaient 2 434 chasseurs.
b) L’Usaaf
Formation Aéronef
9th Air Force
IX Bomber Command
97th BW
409th BG A-20
410th BG A-20
416th BG A-20
98th BW
323rd BG B-26
387th BG B-26
394th BG B-26
397th BG B-26
th
99 BW
322nd BG B-26
344th BG B-26
386th BG B-26
391st BG B-26
X Fighter Command
IX Tactical Command
67th RG
70th FW
48th FG
367th FG
371st FG
474th FG
71st FW
366th FG
368th FG
370th FG
th
84 FW
50th FG
365th FG
404th FG
405th FG
P-47
P-38
P-47
P-38
P-47
P-47
P-38
P-47
P-47
P-47
P-47
Terrain
Marks Hall
Little Walden
Little Walden
Gosfield
Wethersfield
Beaulieu
Beaulieu
Chipping Ongar
Boreham
Rivenhall
Great Dunmow
Great Saling
Stansted
Great Dunmow
Matching
Middle Wallop
Uxbridge
Middle Wallop
Ibsley
Ibsley
Stony Cross
Bisterne
Moreton
Andover
Thruxton
Chilbolton
Andover
Beaulieu
Lymington
Beaulieu
Winkton
Christchurch
Squadrons
640th, 641st, 642nd, 643rd
644th, 645th, 646th, 647th
668th, 669th, 670th, 671st
453rd, 454th, 455th, 456th
556th, 557th, 558th, 559th
584th, 585th, 586th, 587th
596th, 597th, 598th, 599th
449th, 450th, 451st, 452th
494th, 495th, 496th, 497th
552nd, 553rd, 554th, 555th
572nd, 573rd, 574th, 575th
12nd, 15th, 33rd, 107th,
109th, 153rd, 30th
492nd, 493rd, 494th, 495th
392nd, 393rd, 394th
404th, 405th, 406th
428th, 429th, 430th
389th, 390th, 391st
395th, 396th, 397th
401st, 402nd, 485th
10th, 81st, 313rd
386th, 387th, 388th
506th, 507th, 508th
509th, 510th, 511st
Un Douglas A-20G du 410th BG/647th BS survole la Grande-Bretagne lors d’un
départ en mission sur le continent. (NARA)
Martin B-26B-55 Marauder 42-96220/YA-Q,
555th BS/386th BG (9th AF),
début juin 1944.
B ATAILLES AÉRIENNES - H ORS - SÉRIE N ° 01
34
Normandie, juin 1944 : les combats aériens
Carte de l’organisation des forces d’invasion alliées et des forces d’opposition allemandes.
Le passage de cette armada a été évoqué par Isham G. Keller
dans sa chronique sur le 474th FG basé à cette époque à Moreton : Les aviateurs s’étonnèrent un temps des larges bandes
blanches peintes sur leurs appareils pour que leurs propres
troupes au sol ne les prennent pas pour cible. Des officiers de
haut rang au visage crispé se rassemblaient dans des pièces
closes pour des conciliabules secrets. Des sous-officiers tournaient autour de leurs appareils pour lire des lettres de la maison
en se demandant quand ils reviendraient chez eux. […] Au début,
ce fut juste un rai de lumière comme la lueur d’une étoile apparaissant de l’horizon au nord. L’horloge de la pièce de briefing
indiquait 23 h 20. Le calendrier du S-2 signalait qu’on était le
5 juin 1944. Tout était tranquille. Le point lumineux ne se déplaçait pas ; il ne faisait que grandir. Il devint trop important que
pour être une simple étoile. Et soudain, il prit des couleurs […].
Un mécanicien s’écria : “Bon dieu, Joe. Qu’est-ce que CELA ?” […]
Lentement, des hommes se désintéressèrent de leur tâche et tournèrent leur visage vers cette merveille dans le ciel septentrional.
Cela demeurait tranquille et cela grandissait. De plus en plus
gros, de plus en plus brillant. Non, cela ne semblait pas se déplacer mais plutôt grossir. Cela atteignit la taille d’un sapin de Noël
illuminé avant d’atteindre les dimensions d’une ville. PUIS, on put
voir le déplacement, lent et majestueux. PUIS, on put l’entendre
se mouvoir. Des avions ! Des avions ! Des douzaines d’appareils !
De grands et gros C-47, des appareils de transport. “Mon Dieu !”.
“C’est le Jour J ! C’est l’invasion ! Bon Dieu !”. Des hommes sortirent de leurs tentes et de leurs baraques. Ils accoururent des
bâtiments et des hangars. Ils se rassemblèrent frappés par la surprise et regardèrent. Lentement, inexorablement, la puissante
formation ronronnait puissamment tout le long de la vallée
jusqu’à ce que le sol tremblât sous les vibrations conjuguées de
leurs moteurs. Les C-47 survolèrent le terrain à cinq cents pieds
avant de prendre un autre cap. L’aérodrome du 474e étant le dernier avant la France, les hommes au sol considérèrent ce virage
comme un dernier salut qui leur était adressé par ceux qui
allaient effectuer l’une des plus grandes missions de l’Histoire.
North American Mitchell Mk II FV900/MQ-S, du N° 226 Squadron,
basé à Hartfordbridge (Hampshire), juin 1944.
B ATAILLES AÉRIENNES - HORS - SÉRIE N ° 01
49
qualités d’appareils d’appui. Engagés trop souvent
à contre-emploi comme des chasseurs “ordinaires”,
les lourds monomoteurs vont subir des pertes. En
matinée, les dix-huit squadrons de Typhoon (onze
armés de fusées et sept de deux bombes de
250 kg) sont engagés en appui immédiat des unités de la 2e armée britannique. Trois escadrilles
sont affectées uniquement à ses trois plages de
débarquement (Sword, Juno et Gold) tandis que
neuf autres squadrons partent attaquer des objectifs faisant face à ces mêmes plages et pouvant
gêner les opérations. Des batteries d’artillerie sont
attaquées ainsi que le château de Saint-Léger (au
sud de Bayeux) ou celui de La Meauffe (sud-est de
Saint-Lô), tous deux étant des QG allemands. Le
débarquement battant son plein, les Typhoon peuvent dès lors être engagés en chasse libre ou en
reconnaissance.
À 13 h 30, le S/Lt P. H. Beake du 164 Sq est crédité d’un FW 190 détruit, un autre étant accordé à
l’escadrille. Peu après, douze Typhoon du 183 Sq
sont fortement engagés dans une attaque de blindés lorsque douze Bf 109 fondent sur eux des
nuages, en en abattant trois (pilotes tués). Quant
aux Typhoon du 245 Sq opérant sur la Normandie
ce 6 juin, ils n’aperçoivent pas grand-chose et perdent deux appareils (pilotes récupérés)… Le 198
Sq aura pour sa part l’occasion d’attaquer des blindés. Selon R. Lallemand : 20 h 00. Nous décollons
pour la troisième fois. Notre mission : une reconnaissance armée dans le secteur de Caen. Nous
sommes huit Typhoon du 198e, armés de quatre
paires de roquettes dont les obus pèsent soixante
livres. Des LCI surmontés par des ballons captifs
amènent des renforts du côté d’Asnelles et surtout
de l’équipement et des véhicules. […] Le Sq/Ldr
I.J. Davies (DFC) conduit l’escadron. Don Mason et
Tich Hallett ainsi que Tim Milich, un Maori de Nouvelle-Zélande, sont avec moi. Il est 20 h 40. On
commence à percevoir beaucoup de traces de
véhicules dans les champs en direction de Caen.
Les chars, tout particulièrement, laissent des traces
nettes de chenilles vers le sud. Pour eux, la grande
aventure commence. […] Nous tombons accidentellement sur des chars dans la région de Biéville
et Periers. Mais il fait déjà sombre. Nous faisons
nos premières attaques à la roquette sur de gros
véhicules et des autos blindées sans voir les chars
mieux camouflés. […] Tout à coup, Don Mason –
un Australien qui a une vue d’aigle – trouve un
char sous des boqueteaux. Il nous reste à chacun
deux paires de roquettes. Je pique au ras du sol en
virant, pour une rapide reconnaissance. J’aperçois
d’autres chars arrêtés. Nous commençons nos
attaques, bien décidés à ne pas gaspiller nos dernières roquettes. Apparemment, les équipages
allemands ont choisi de rester dans les tanks,
confiants dans leur carapace d’acier. L’attaque des
Typhoon est faussée par l’obscurité relative près du
sol, les projectiles percutant trop souvent la terre
tout en soulevant des nuages de poussière pris
pour de la fumée. Je prépare avec soin ma dernière attaque. Je descends plus bas. […] Au dernier moment, j’appuie sur le bouton placé sur la
manette des gaz. Les roquettes glissent sur les
rails. Je maintiens mon avion en position, en attendant que les roquettes me dépassent. Alors, aussi
vite que possible, je tire sur le manche à balai. Il
était temps. Comme je survole le char, l’explosion
de mes roquettes me tasse dans le creux du siège.
Je me retourne, en virage, au ras des arbres : un
Tigre brûle furieusement. C’est ma première victoire contre les blindés allemands. Je regarde
brûler ce Tigre avec une certaine satisfaction.
Satisfaction qui se renouvellera chaque fois, et
peut-être chaque fois pour des raisons différentes,
tant les équipages allemands se défendent bien.
Montant vers le front, les
colonnes allemandes
tentent de se camoufler
au mieux.
Hawker Typhoon Mk IB MN ?/ZY-B du N° 247 (China British) Squadron,
basé à Hurn en juin 1944.
B ATAILLES AÉRIENNES - HORS - SÉRIE N ° 01
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Normandie, juin 1944 : les combats aériens
les Junkers se reposent à Montpellier. Il semble
que leurs pertes aient été relativement faibles (un
unique Ju 88 aurait été abattu à Barfleur). Pierre
Clostermann, lors de sa seconde (et tardive) mission de la journée, assistera probablement à une de
ces attaques : C’est un cauchemar. La nuit est sombre avec des nuages bas. Dans l’ombre circulent
sans se voir des centaines d’avions aveuglés par
les incendies qui font rage de Vierville à Isigny. La
bataille semble féroce dans ce secteur. Sur les
plages, la mer déchaînée balaie les débris calcinés
de péniches de débarquement, illuminés par les
départs des batteries implantées sur le sable. Tous
les pilotes se concentrent sur leur PSV et cherchent
surtout à éviter les collisions. Une cinquantaine de
Junkers 88 – la première apparition en force de la
Luftwaffe – en profite pour bombarder en piqué,
un peu au hasard, les concentrations d’hommes et
Un Ju 88 A-4TTor de la
KG 26 (cf. l’insigne au lion)
et ses torpilles.
Pour protéger les plages,
il va de soi que de la DCA
y avait été très vite
implantée ; ici, un
ensemble triple de canons
de 20 mm britannique.
Le haut commandement s’étant rallié aux vues
de Thomsen, c’est dans la soirée du 6 que le
III./KG 26 va décoller. Vingt-cinq Ju 88 quittent
Montpellier pour couvrir les quelque neuf cents
kilomètres les séparant de leur nouveau théâtre
d’opération. À l’approche de la Normandie, des
chasseurs sont rencontrés et les bimoteurs perdent
encore plus d’altitude, volant parfois au ras des
arbres. Sur la baie de Seine, les pilotes vont – tout
comme leurs camarades – être surpris par la
masse de navires. Il y a pléthore de cibles mais,
avec les chasseurs alliés à leurs trousses, les équipages allemands n’ont que peu l’occasion de choisir (comme en Méditerranée) le navire le plus
“intéressant”. La plupart va donc larguer les torpilles au petit bonheur la chance, espérant qu’elles
percuteront quelque coque vu l’encombrement au
large des plages… Les appareils du III./KG 26 se
posent ensuite à Rennes pour effectuer le plein de
carburant. La nuit étant largement tombée, les
bombardiers repartent sous couvert de l’obscurité
(par crainte des chasseurs de nuit alliés très attirés
par les aérodromes bien éclairés). Au petit matin,
Bombes sur Coutances.
La petite ville sera très
endommagée et 300
habitants seront tués au
cours du bombardement.
B ATAILLES AÉRIENNES - HORS - SÉRIE N ° 01
de matériel qui se pressent dans l’étroite bande de
terre du Beachhead. J’entends par radio trois
pilotes de la 611e qui poursuivent six de ces Ju 88,
et je reconnais la voix de Marquis criant : “I got
one of the bastards !” En effet, là-bas à gauche,
une boule de feu tombe des nuages.
93
- 6./NJG 4 : un autre Do 217 N-1 (WNr 51428) de
cette escadrille est perdu mais en un lieu inconnu
et son équipage sera également porté disparu ;
- enfin, la 2./NJG 7 perd un Ju 88 A-4 (WNr
301464) codé D9+FK lors d’une mission dans le
secteur de Paris. Les quatre aviateurs de l’équipage de l’Oblt Rudolf Rösemeier seront, eux aussi,
portés disparus.
Cette nuit-là, soixante-trois appareils allemands
sont effectivement engagés sur les navires mais
aucune perte n’est signalée. La Kampfgeschwader
2 est engagée dans son ensemble (Stab et trois
Gruppen) au départ de Couvron. Treize Ju 188 et
cinq Do 217 bombardent le secteur de Lion-surMer - Asnelles, Arromanches ainsi que des positions de DCA et des concentrations de troupes sur
les plages. Tous ses appareils doivent revenir à
leurs aérodromes.
La KG 54 mène deux opérations, la première
visant (avec des bombes antipersonnel) des
troupes déployées entre Lion-sur-Mer et Arromanches. La seconde est dirigée contre des
troupes près de Sainte-Mère-Église. Le Ju 88
B3+BH du Staffelkapitän de la 1./KG 54, l’Oblt
Werner Tronicke, est endommagé par un tir de
DCA. Son pilote devra le poser sur le ventre près
de Carentan, tout l’équipage étant blessé.
Ce doit être cette nuit-là que le III./KG 6, toujours intensivement engagé sur la tête de pont vu
la proximité de ses bases, perd deux appareils (un
près de Saint-Omer, l’autre à Évry au sud de
Troyes).
Chronologie sommaire des actions de
l’USAAF le 9 juin 1944
8th AF
Le mauvais temps limite les opérations des bombardiers.
Une escadrille de chasse attaque des navires et une autre escorte une mission de reconnaissance aérienne. Perte : deux avions.
9th AF
Rien à signaler
Les Mosquito vont
patrouiller continuellement
sur la zone d’invasion et
revendiquer régulièrement
des victoires.
Embarquement dans un
Ju 188.
B ATAILLES AÉRIENNES - HORS - SÉRIE N ° 01
114
Normandie, juin 1944 : les combats aériens
13 juin 1944
Les V-1 vont, dès le 13 juin
1944, pleuvoir sur
l’Angleterre.
La DCA alliée (ici à ‘Juno’)
devient parfois nerveuse.
Le canon Bofors de 40 mm
est l’arme standard de la
DCA moyenne portée des
Alliés.
Sur l’ensemble du front normand, la progression
des troupes américaines et britanniques est nettement perceptible. Le but des Alliés est d’isoler
Cherbourg, de capturer Caen et de lancer un
assaut contre Saint-Lô et Villers-Bocage. De leur
côté, les Allemands se défendent avec âpreté mais
ne peuvent que freiner l’avance ennemie.
Ce 13 juin voit le déclenchement de l’offensive
des V-1 sur l’Angleterre. Il peut paraître étonnant
de citer ce fait dans un ouvrage relatif à la Normandie. Pourtant, comme nous le verrons, cet
envoi massif de bombes volantes de l’autre côté de
la Manche va très vite influer sur la conduite de la
guerre aérienne sur la France… Déjà, bien avant le
Jour J, des formations de bombardiers avaient été
engagées en grand nombre pour bombarder des
sites de “No-balls”. Le même scénario devra se
répéter sous peu.
Le mauvais temps limite cependant l’activité
aérienne. Dans le journal du N° 349 (Belgian)
Squadron, on lit : The weather is simply lousy. Low
clouds, rain or drizzle (Le temps est
tout bonnement dégeulasse. Des
nuages bas, de la pluie ou de la
bruine). L’unité se contentera donc
ce jour-là d’effectuer une reconnaissance météorologique. Les intempéries freinent également largement
les actions des bombardiers américains de la 8th Air Force qui ne peut
envoyer que trois cent quatre-vingtdix-neuf appareils sur le continent.
Des ponts, des routes et des aérodromes sont attaqués (deux Liberator ne reviennent pas d’une attaque
sur Dinard). Par contre, chasseurs
américains et britanniques pourront
opérer, tant sur la tête de pont que
dans l’arrière-pays. Si les combats
entre chasseurs sont rares, la chasse
alliée perdra à tout le moins dix-huit
appareils en combat (Tagjagd et
Flak).
B ATAILLES AÉRIENNES - HORS - SÉRIE N ° 01
Les chasseurs bombardiers sont également
engagés dans la mesure du possible comme on
peut le lire dans l’historique du 365th FBG américain. Toute cette journée du 13, les ‘Hell Hawks’
demeurent en attente. C’est seulement en soirée
qu’ils seront appelés à patrouiller sur le secteur de
Cherbourg. Une certaine routine s’étant installée,
les missions se succédaient avec une régularité
d’horloge ; ce que les Allemands avaient fort bien
compris! Comptant sur le retrait des avions adverses
après 24 h 00, ils en profitaient pour effectuer leurs
déplacements. Pour les contrer, les P-47 vont cette
fois survoler le secteur jusque peu après minuit.
Mais les pilotes américains vont se heurter à un
important tir de barrage de la DCA amie, preuve de
la nervosité des servants et, indirectement, du
sérieux des attaques nocturnes allemandes… Les
pilotes ont beau tirer les fusées d’identification ad
hoc, elles ne suffisent pas à faire cesser les tirs
convulsifs venus du sol. Un des pilotes est victime
d’une fuite d’huile vers 23 h 00 mais réussira à se
poser sans casse à l’ALG (American Landing
Ground) de Meuvaines déjà mis à l’épreuve peu
avant. Il reviendra très vite à l’unité après un petit
détour par l’aérodrome de Thorney Island.
Outre les pertes en combat, les accidents sont
nombreux. Ils sont certainement partiellement
imputables à la fatigue croissante de pilotes ayant
peu ou prou dormi au cours de cette période décisive. Sur Ranville, deux Spitfire du N° 421 (Canadian) Squadron se percutent, les pilotes périssant
dans cette collision. L’un d’eux était le W/Cdr Lloyd
Chadburn, originaire de Montréal. Volontaire dans
l’aviation dès 1940, il avait été engagé au combat
en 1942 et était titulaire d’au moins cinq victoires
certaines (plus quelques autres remportées en collaboration ou probables). Le jour de sa mort, il
menait le 127th Wing. Selon C. Shores, il était
considéré comme an outstanding leader and a
great pilot, et sera promu à titre posthume chevalier de la Légion d’honneur par le gouvernement
français. D’autres accidents coûtent la vie à des
157
heurter à des Spitfire. Nous allions en effet opérer cette
fois au-dessus du secteur britannique d’invasion. Nous
avons largement pénétré dans l’espace aérien de Caen
sans avoir rencontré d’avions ennemis ou amis. Caen
en ruines ainsi que l’étendue de la flotte d’invasion
étaient devant nous. À droite de cette armada, devant
l’embouchure de l’Orne, un navire géant, de toute évidence un cuirassé (j’apprendrai par la suite que ses tirs
pouvaient porter jusque Caen). Je menai ma formation
vers le sud. Nous volions à environ mille cinq cents
mètres. Soudain un cri d’alarme : “Spitfires von hinten
oben !” Ils avaient bien évalué notre course car, dans
notre virage, nous tombâmes en plein sur eux. Les premiers Spitfire venaient de face et leurs traçantes nous
encadrèrent. Un combat acharné s’engage au cours
duquel le Kommandeur f.f. peut plonger sur un Spitfire
apparemment fort peu conscient de ce qui se passe. À
une distance de quarante mètres, Engau lui décoche
une rafale qui met le feu à la machine. Son pilote peut
sauter. Ce sera probablement la victoire la plus facile
remportée par l’Autrichien qui s’empresse néanmoins
de regagner son aérodrome, la DCA légère britannique
s’étant mise de la partie… Engau souffre d’un violent
mal de tête qui ne se calmera qu’après l’atterrissage
(séquelles probables de son accident). Selon lui : Lors
de cette opération, nous avons subi de lourdes pertes. Mais il dut en être de même
pour les Spitfire. Nous ne trouvons cependant nulle trace de cet engagement. Il
faut cependant continuellement avoir à l’esprit que, des deux côtés, bien des documents furent égarés. D’où certaines approximations inévitables en pareils combats…
Vu le mauvais temps, le I./JG 27 ne doit pas opérer de Bretagne mais bien de
Champfleury où quelques avions et pilotes avaient été laissés à la disposition du
IV./JG 27 pour appuyer ce Gruppe. Un pilote de la 1./JG 27 sera porté disparu près
de Caen et l’on relève une autre perte mais seulement matérielle.
Après quarante-huit heures d’inactivité imputables au mauvais temps, les appareils du IV./JG 27 participent à des missions d’escorte d’avions de transport vers le
Reich. Un Bf 109 est perdu ce 21 juin pour une raison inconnue mais son pilote est
sain et sauf.
Suite au retour du beau temps, le II./JG 53 effectue quelques missions. Lors de
l’une d’elles, un épisode tragique a lieu lorsque l’Uffz Horst Bögel est contraint de
se poser sur le ventre à Saint-Aignan-sur-Roë (près de Craon). Le jeune homme,
indemne, a malheureusement atterri dans un secteur de maquisards. Il sera abattu
alors qu’il n’a même pas encore quitté sa machine…
NUIT DU 21 AU 22 JUIN 1944
Le Bomber Command peut renvoyer cette nuit-là ses appareils sur le continent.
Cependant, le temps devant toujours être largement couvert sur la Normandie, plusieurs dizaines de ses quadrimoteurs iront s’en prendre à des centres industriels
allemands. Des victoires seront revendiquées par la Nachtjagd mais seulement audessus du Reich (elles n’entrent donc pas dans le cadre de cette chronique).
Un Mosquito du 64 Sq ne revient pas d’une mission
d’intruder sur Creil. Et une autre opération de ce type
permettra à un Mosquito opérant en “Flower” d’abattre
un appareil allemand près de l’aérodrome belge de
Saint-Trond.
La Luftwaffe est toujours active sur la baie de Seine,
cinquante et un appareils pouvant y larguer des mines.
Trois bimoteurs seront perdus.
La KG 2 ne peut envoyer que quatre Ju 188 miner le
secteur tandis que quatre Do 217 opèrent en guidage.
Les deux Gruppen de la LG 1 vont concentrer toutes
les pertes. Effectivement, après avoir effectué la mission, la 6. Staffel se pose à Villaroche où les équipages
attendront en vain leurs camarades des L1+DP (Uffz
Gotthard Lange) et L1+EP (Uffz Oswald Kunert). Les
appareils repartiront alors vers le nord et se poseront
à Melsbroek. Le Ju 88 L1+JN (Ofw Siegfried Fiedler) du
Geschwaderstab sera de même porté disparu.
“Achtung, Spitfire !” Lors d’un engagement très
disputé avec des chasseurs de ce type,
le Kommandeur f.f. du II./JG 11, Fritz Engau,
revendiquera une de ces machines ce 21 juin.
(SHAA)
Le Leutnant Karl
Kempf, quoique né
en 1920, était un
vétéran des
campagnes de
Pologne et de
l’Ouest. Longtemps
à la JG 54, il avait
été transféré à la
JG 26. Il avait reçu
la Ritterkreuz pour
ses quelque
quarante victoires.
Il sera cependant tué le 3 septembre 1944 lors du
vol retour vers le Reich. Il était alors titulaire de
soixante-cinq victoires.
Des mécaniciens de la JG 1 en attente. Le mauvais
temps freine les activités aériennes.
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Normandie, juin 1944 : les combats aériens
Un Sentinel décolle d’une
piste avancée ; les avions
de ce type, tout comme les
Auster britanniques, sont
des proies faciles pour
l’aviation ennemie. Le
23 juin 1944, au moins
deux Auster tombent sous
les coups de la Tagjagd.
Le 23 juin 1944, l’Ofhr Fritz
Beer (2./JG 2) est abattu et
tué près de Dreux après un
engagement avec des
Spitfire et des P-47.
Le Hptm Hans Naumann
mis hors de combat ce
23 juin 1944.
Notons ce jour-là une attaque aérienne de l’aérodrome de Juvincourt, siège (entre autres) des Ju 88
du I./KG 54. Un mécanicien de l’unité est blessé
mais aucune machine n’aurait été atteinte. Un
équipage de la 9./KG 100 présent sur cet aérodrome est également victime de ce bombardement. Deux aviateurs sont tués et deux autres
blessés. On portera cette attaque au compte des
informateurs de la résistance mais, comme nous le
verrons, il est de loin plus plausible que ce bombardement fut une conséquence des rapports très
précis de l’appareillage Ultra.
La Tagjagd subit vingt pertes (50 % étant
humaines puisque l’on décompte six tués, deux
disparus et deux prisonniers). Vingt-six victoires
sont revendiquées. De part adverse, l’on réclame
quinze FW 190 et onze Bf 109 détruits. La RAF
perd à tout le moins en combat vingt-deux appareils ainsi que deux Mitchell ; l’Usaaf perd au moins
six chasseurs et trois quadrimoteurs.
Au I./JG 2, le compétent Kapitän, le Lnt Lemke,
gagne le III./JG 2 pour y remplacer le Kommandeur Wurmheller tué la veille. Il cède alors sa 1.
Staffel au Lnt Rudolf Wirtgen, qui remporte ce
jour-là une victoire sur un Spitfire près de Falaise.
L’Ofhr Fritz Beer (victorieux le 18 juin), un excellent
pilote, est cependant tué en combat près de
Dreux, victime d’un P-47.
Le II./JG 2 remporte ce 23 sa première victoire
sur un Auster, très probablement un appareil du
652 Sq (un autre s’écrase en voulant parer une
attaque). Un pilote allemand est cependant blessé
dans un atterrissage en urgence.
Messerschmitt Bf 109 G-6 “22 noir” du Major Klaus Mietusch,
du III./JG 26, basé à Villacoublay-nord en juin 1944.
On note l’effacement quasi-total du svastika
sur la dérive.
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Au III./JG 2 (repris par Lemke), les opérations
continuent et deux victoires sont revendiquées.
Le JG 26 est engagé, comme plusieurs autres
unités au cours de cette journée, dans la chasse
aux Jabo ennemis. Le II./JG 26 peut intercepter et
abattre deux P-51 du 414 Sq canadien. Mais le Hpt
Hans Naumann voit son appareil atteint par la DCA
britannique. Le Kommandeur peut quand même
ramener sa machine dans ses lignes. Cependant,
lors de son saut, il percute des jambes un aileron
et ce vétéran touchera terre sérieusement blessé.
Il sera ainsi mis hors de combat pendant quelques
semaines et devra quitter son unité.
Le III./JG 26 sera crédité ce jour-là de trois P-38
(deux pour le Kommandeur Mietusch). En fait,
seuls deux appareils du 55th FG auraient effectivement été perdus.
Le I./JG 1 entame la journée avec deux opérations sans histoire. Lors de la troisième, un combat
s’engage avec des P-47 et P-51 et l’Ofw Rudolf
Hübl remporte sa vingtième victoire sur un P-51.
Un pilote allemand est cependant abattu et capturé. Si la quatrième sortie se déroule sans problème, la cinquième donne lieu à un combat sur
Alençon. Le Lt Siegfried Stoffel est tué ainsi qu’un
camarade. Il n’aura dès lors succédé que quelques
jours à l’infortuné Piffer !
Nous ne savons rien des opérations des II./JG 1
et I./JG 3. Mais il est probable que ces Gruppen se
refont une santé.
Idem pour le II./JG 3 qui voit à cette époque, le
départ de son Kommandeur, le Hpt Gustav Frielinghaus pour une école. Il est remplacé par le Hpt
Hans-Ekkehard Bob. Ce dernier, un vétéran des
campagnes de 1930-1940 arborant la Ritterkreuz
189
28 juin 1944
Cherbourg capturée, les opérations de nettoyage du secteur se poursuivent. Bretteville est
également prise par les Canadiens mais la ville est
réoccupée suite à une contre-attaque allemande et
les Alliés se voient repoussés sur leur tête de pont
de l’Odon. Les combats sont toujours très disputés
autour de Caen et la Luftwaffe (spécialement la 5.
Jagddivision) se doit de concentrer ses forces dans
ce secteur britannique (devenu le Schwerpunkt du
secteur normand). Ce jour, on ne relève en effet
aucune perte d’appareil américain de la 9th Air Force
(mais le mauvais temps régnant sur ce secteur
bien précis a cloué les appareils de la 9e au sol !).
Le Bomber Command va bombarder de jour le
site de Wizernes. Les cent et dix bombardiers
reviennent tous à leurs bases. Les quadrimoteurs
de la 8th Air Force repartent sur les aérodromes,
dépôts, voies de communication, etc. Seuls trois
quadrimoteurs (du millier engagé) seront perdus.
Les victoires aériennes alliées s’élèvent à trente
chasseurs détruits (dix-sept FW 190 et treize Bf
109). Trois seulement furent revendiqués par des
chasseurs des 8th et 9th Air Forces.
Le temps ne s’est cependant toujours pas rétabli comme le décrit le rédacteur du journal de
guerre du 349 Sq : L’escadrille fut éveillée à 06 h 00
pour une opération devant débuter à 07 h 30. Elle
fut annulée avant 07 h 00 et les pilotes s’en retournèrent au lit après avoir pris leur petitdéjeuner. Un jour triste avec de la
pluie, des nuages bas et du crachin. Une courte permission permit d’aller au cinéma à Chichester.
On nous confirme que nous allons
gagner un nouvel aérodrome près
de Horsham. En soirée, une autre
opération est annulée vu le mauvais temps.
Les ‘Hell Hawks’ n’auront pas ce
type de problème puisque ses P-47
peuvent maintenant voler au départ
de l’aérodrome continental A-7 (Fontenay-sur-Mer). Le personnel au sol
gagnant progressivement la France,
l’unité devenait peu à peu opérationnelle. Les mécaniciens et autres “rampants” garderont cependant des
souvenirs très mitigés de ce débarquement. Selon leur chroniqueur : Le matin
du 28 juin, les hommes encaqués dans
leurs étroites embarcations découvrirent (du moins pour ceux qui pouvaient
se lever) qu’ils étaient au large de la
péninsule de Cherbourg. Certains aperçurent des cadavres flottant aux alentours et cela doucha l’enthousiasme de
beaucoup qui se demandèrent pourquoi
ils avaient été si contents de gagner la
France. Leur enthousiasme tomba encore
plus bas lorsqu’ils apprirent qu’ils allaient
être débarqués en eau peu profonde et
marcher ensuite une douzaine de kilomètres
avec leur paquetage vers la zone de ras-
L’aérodrome de
Beaumont-le-Roger,
longtemps occupé
par la JG 2, n’est
pas oublié ce 28 juin
1944.
Le site de
Wizernes après
les ombardements
alliés vu au début
de juillet 1944.
(NARA)
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