Chantilly, comme le reste du
département et de la région, est
confronté entre 1914 et 1918 à des
mouvements de populations sans
précédents. Nous l’avons vu dans
le n°1, ce sont d’abord les hommes
mobilisés qui progressivement,
dès le 2 août, quittent la ville pour
rejoindre leur régiment. Quelques
semaines plus tard, ce sont les
civils qui, erayés par l’avancée
allemande, fuient sur les routes
de l’Oise rejoignant ainsi le délé
inlassable des réfugiés venus de
Belgique, du nord de la France
puis des départements occupés et
des zones de combats.
1. Rappel historique
La Première Guerre mondiale confronte les Français, pour la première fois de leur
histoire, à un exode massif des populations. Les villes françaises accueillent des
réfugiés étrangers, essentiellement des Belges, puis devant l’invasion allemande, des
populations déplacées des départements du nord et de l’est occupés ou militairement
menacés. Le nombre de réfugiés est dicile à établir. Pour les Belges on parle de
325 000 réfugiés. Le nombre de réfugiés français atteindrait 2 millions à son point
culminant en 1918.
Plusieurs vagues se sont succédées entre 1914 et 1918.
l Dès les premiers jours de la guerre : les Belges et habitants des départements du Nord
et de l’Est de la France erayés par les récits des atrocités allemandes ou confrontés
aux pillages, incendies et autres exactions fuient leurs villes et villages. L’Oise devient
alors une terre d’accueil. Clermont voit arriver un millier de Lorrains, Compiègne,
1500 habitants de Verdun, Beauvais 1400 habitants de Toul, Verdun et de Belgique,
Noyon, 700 femmes et enfants de Verdun, etc… s De nombreux autres réfugiés sont
répartis dans les communes environnantes. Mais très vite dès la n du mois d’aout, le
repli des troupes françaises au nord-est de l’Oise lance à leur tour sur les routes des
milliers d’Isariens.
l En 1915, les habitants sont évacués des villages du front et de la zone de guerre par
l’armée française. Dans l’Oise, les habitants des villages de Canny-sur-Matz, Gury,
Plessis-de-Roye, Tracy-le-Mont, etc… sont « invités » à gagner les départements de
l’intérieur.
l En 1917, les « rapatriés » reviennent sur territoire français.
l Puis en 1918, l’exode concerne les habitants erayés par la nouvelle oensive
allemande. Les habitants du nord-est du département de l’Oise (216 communes)
sont évacués en mars 1918 par convoi ferroviaire.
L’État et les communes vont devoir trouver des réponses aux problèmes matériels et humains liés à l’arrivée de ces réfugiés.
Or, rien n’est prévu pour cela dans l’organisation militaire française car la notion de réfugié était inconcevable dans le Plan
XVII, plan oensif qui devait porter les armées françaises en territoire ennemi. La loi du 5 août 1914 puis la circulaire du 1er
décembre 1914 établissent que l’Etat doit pourvoir avec le concours patriotique des populations au logement, à la subsistance et
l’entretien des réfugiés. On crée une allocation journalière de 1,25 francs par jour et par adulte et de 50 cts par enfant. En dépit
des aides mises en place par l’Etat, de l’action des municipalités et d’associations, de l’accueil charitable de certains français, les
conditions d’existence des réfugiés sont souvent très précaires et renforcent les traumatismes subis avant l’exode.
Si en 1914, les habitants des zones épargnées ont généralement bien répondu à l’appel des pouvoirs publics, dès la n de l’année
1915 puis en 1916, les relations deviennent diciles. La perception de l’allocation journalière est contestée, les diérences
linguistiques choquent, les rapatriés sont plus nombreux et on entend des expressions comme « Boches du Nord » ou « graines
d’espions ».
Dès le mois d’août, et surtout début septembre à l’annonce
de l’avancée allemande, Chantilly est touché aussi par
l’exode de certains de ses habitants. Il est très dicile de
le quantier mais plusieurs témoignages nous indiquent,
si ce n’ est une panique, une certaine inquiétude dans la
population cantilienne.
L’Abbé Husson, curé doyen de Chantilly, dans Les Allemands
à Chantilly, septembre 1914 raconte que, le 2 septembre :
2. Août-septembre 1914, les Cantiliens et l’exode.
« Chantilly voit alors passer un délé interminable de soldats,
de canons, d’ambulances ; c’est en même temps le lamentable
exode des populations de la Belgique et du Nord de la France ;
sur les routes, pêle-mêle, s’avancent et se gênent : voitures, autos,
bestiaux, carrioles. Devant ce spectacle navrant, et sur la foi de
fuyards apeurés, nombre de nos concitoyens s’aolent, beaucoup
quittent le pays, laissant leurs maisons désertes. »[…] Sur la place
de l’Hospice, c’est un fourmillement d’autos, de cyclistes, de soldats
et d’ociers auxquels se mêle la population anxieuse. Les trains
ne passent plus; seuls, maintenant, les fourgons et les convois
d’artillerie roulent sous la chaleur torride avec un bruit formidable.
s D’après Les déplacements de civils dans l’Oise durant la Grande Guerre, revue Mémoire de l’Oise n°16, octobre 2012, CRDP Académie d’Amiens – CDDP Oise.