Concert 29 juillet 2010 – 21H Eglise de La Bernerie-en-Retz Agnès ROBERT - soprano ; Slava CHEVLIAKOV - orgue PROGRAMME Sergei PROKOVIEV Vocalise 1 (chant et orgue) ....................................................................................................... 5’ Sergei TANEEV Les fontaines (chant et orgue)............................................................................................... 0’50 Stalactites (chant et orgue) ................................................................................................... 3’30 Dmitry CHOSTAKOVITCH Passacaille (de l'opéra Lady Macbeth de Mzensk - orgue seul) ............................................. 11' Sergei PROKOVIEV Vocalise 4 (chant et orgue) ................................................................................................... 1’30 Modeste MOUSSORGSKY Extrait des Enfantines : “Raskaghi mne – Raconte-moi” (chant et orgue)............................. 3’46 ENTRACTE Sergei PROKOVIEV Vocalise 2 (chant et orgue) ....................................................................................................... 5’ Serguéi SLONIMSKY Toccata sur des thèmes populaires russes (orgue seul) ........................................................... 5' Sergei RACHMANINOV Vocalise (chant et orgue) ...................................................................................................... 3’46 Sergei TANEEV La naissance de la harpe (chant et orgue) ............................................................................ 3’30 Guéorguy MOUCHEL Suite Ouzbèke (orgue seul) .................................................................................................... 10' Commentaires concert 29-07-2010 – Agnès Robert et Slava Chevliakov I - Sergueï PROKOFIEV (1891 – 1953) Sa mère, pianiste amateur, est son premier maître et l’évidence des dons de l’enfant apparaît si tôt qu’elle n’hésite pas à l’engager dans une carrière musicale. En 1900, il compose son premier opéra, le Géant, destiné aux enfants. Suivant son penchant pour le théâtre, il compose deux autres opéras : Sur une île déserte (1902) et Ondine (1904-1907) qui s’inspirent de quelques sujets repris de son enfance. De 1902 à 1903, il travaille principalement la composition avec Glière qui lui enseigne la théorie et l'harmonie, puis rentre au Conservatoire de Saint-Petersbourg en 1904, à l'âge de treize ans. Il étudie l'orchestration, le piano, la composition avec des maîtres tels que Rimski-Korsakov et Tcherepnine. Il quitte la Russie pour les Etats-Unis en 1918, pour ne revenir que sur appel de ses compatriotes, en 1932. Il apprend que sa femme part en camp de concentration en 1946 et ses demandes pour la libérer resteront vaines. Il mène une triple carrière : celle de compositeur, de pianiste et de chef d’orchestre. Il a écrit 8 opéras et des musiques de films, telle Alexandre Nevsky. C’est une hémorragie cérébrale qui l’emportera brutalement en 1953. Mélodie op 35 n° 1 Cette œuvre a été composée en 1920 et fait partie des Cinq chants sans paroles pour voix et piano, dont une orchestration a été faite pour 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 3 cors, harpe, et cordes. Construite en trois parties un peu comme une « aria da capo » en mignature, cette mélodie fait entendre un lyrisme qui contraste avec la « mécanicité » d’autres oeuvres de ce même recueil que nous entendrons dans la suite de ce programme. Les deux pièces qui suivent s’enchaîneront. Si le public a envie de nous applaudir, il serait bon qu’il le fasse après la 2e pièce car la 1re est vraiment très courte. II - Sergei TANEEV Né d’une famille noble et de grande culture, neveu d’Alexandre Taneïev, compositeur, Sergei TANEEV étudie le piano à cinq ans, et entre au Conservatoire de Moscou en 1866, année même de sa fondation. Ses professeur sont Tchaïkovski pour la composition et Nikolai Rubinstein, le fondateur, pour le piano. En 1875, il est le premier étudiant à remporter le premier prix dans les deux disciplines. Cette même année, il fait ses débuts au concert. Tchaïkovski apprécie beaucoup son jeu, et lui confie la création de son Second Concerto. Après la mort de Tchaïkovski, Taneïev complètera et créera son Troisième concerto. A Paris, il rencontre entre autres Ivan Tourgueniev, Gustave Flaubert, César Franck et Camille Saint-Saëns. En 1878, il devient professeur de composition au Conservatoire de Moscou, puis directeur de 1885 à 1889. Parmi ses élèves, citons Alexandre Scriabine, Sergueï Rachmaninov, Reinhold Glière. Proche de la famille Tolstoï, il s’attache à Sofia, l'épouse de Léon qui en conçoit de la jalousie. Les dernières années de Taneïev sont assombries par l'alcoolisme. Il meurt d'une pneumonie en 1915, peu de temps après avoir assisté aux funérailles de son élève Scriabine. Il écrit des symphonies, des cantates, un opéra, des quatuors, quintettes pour cordes, cordes et piano , des lieder. Les Fontaines Cette mélodie rapide et légère nous décrit des fontaines en rangées transparentes, qui s’élèvent vers le ciel, recueillant les baisers de l’Azur, puis retombant, le soir, sur le gazon, vision poétique du temps, de la lumière et de la pesanteur. Stalactites Autre mélodie de Taneïev : la plainte du poète dans la grotte qu’il aime, qu’il aime parce qu’il y contemple des stalactites, les stalactites de ses larmes amères, de sa souffrance intérieure gelée par le froid et le temps, et pourtant dans son coeur, si douloureusement à vif. III - Dmitry CHOSTAKOVITCH Passacaille (extraite de l’opéra Lady Macbeth de Mzensk) C’est avec cet opéra que Chostakovitch connut ses premiers déboires avec la nomenklatura soviétique. En effet, ce drame lyrique au livret crû et à la musique résolument moderniste triomphait sur plusieurs scènes depuis 1932. Il fut violemment attaqué dans un article de la « Pravda » paru le 28 janvier 1936. Dans ce texte – où l’on sent poindre la menace physique – sont condensés les reproches que l’appareil politique stalinien adresse au compositeur jusque dans les années 60. La Passacaille jouée à l’orgue au cours de l’opéra (dans sa première version) prend la forme d’une gigantesque vague. Celle-ci est composée d’un crescendo comme une procession funèbre atteignant un paroxysme à l’atmosphère menaçante, pour disparaître dans le néant. La violence des sonorités surprend d’emblée l’auditeur. Les deux pièces qui suivent pourraient s’enchaîner, sans que le public soit pour autant interdit d’applaudissement, mais simplement, il serait bon de faire les commentaires ensemble pour les 2 pièces. IV - Nous retrouvons Sergei PROKOVIEV avec la 4e mélodie de ces Cinq chants sans paroles opus 35, mélodie, cette fois, à caractère enjoué, qui sonne comme une danse orientale avec des guirlandes vocales qui conduisent la voix de l’aigu au grave et du grave à l’aigu dans un mouvement de vraie jubilation. V - Modeste Petrovitch MOUSSORGSKI (1839 - 1881) D’origine noble, Moussorgski fut préparé par ses parents à une carrière militaire, mais, sous l'influence de Balakirev, il quitta le régiment et rejoignit le Groupe des Cinq, un groupe de compositeurs, ardents défenseurs de la musique nationale russe, notamment folklorique. À partir de 1863, suite à l'abolition du servage, abolition qui ruina sa famille, Moussorgski dut travailler en tant qu'employé administratif pour subvenir à ses besoins. L'insuccès que connurent ses œuvres et sa situation difficile l'incitèrent à s'adonner à l'alcoolisme. Il est surtout célèbre pour l'opéra Boris Godounov, et la suite pour piano Les Tableaux d'une exposition (1874) — orchestrée par Maurice Ravel en 1922. Ce compositeur, d’un langage musical très novateur, comme on pourra l’entendre dans la mélodie qui suit, a joué, notamment, un important rôle d’inspirateur pour Claude Debussy, dans sa recherche d’adéquation la plus cohérente possible entre les inflexions littéraire et musicale. Cette mélodie, extraite du cycle « La chambre d’enfants », met en scène un enfant parlant à sa nourrice, lui demandant de raconter une histoire, puis une autre, juxtaposant des univers musicaux très contrastés, avec la soudaineté et l’imprévisibilité bien caractéristiques des sentiments d’un enfant. Et l’enfant parle ainsi : « Raconte-moi, nounou, ma chérie, l’histoire du petit monstre effrayant, qui emportait les enfants dans la forêt et qui les mangeait ! Et comme les enfants pleuraient et criaient ! Est-ce parce que les enfants avaient blessé leur vieille nounou et n’avaient pas obéi à papa et maman ? Oh ! Raconte-moi plutôt l’histoire du roi et de la reine, dans leur riche palais. Le roi boitait et quand il trébuchait, des champignons poussaient ! Et la reine, toujours enrhumée ! Quand elle éternuait, les vitres éclataient ! Sais-tu, nounou, ne raconte pas l’histoire du petit monstre… Dieu le garde ! Raconte-moi plutôt l’histoire… celle qui est drôle ! » entracte ______________________________________________________________________________ VI - Nous reprenons notre audition de ce soir avec cette 2e mélodie des Cinq chants sans parole op 35 de Sergei PROKOVIEV, recueil dont nous avons déjà entendu deux extraits, mélodie de caractère presque « mécanique », qui ressemble un peu aux moteurs à roulements imperturbables de la société industrielle de notre époque. VII - Serguéi SLONIMSKY Toccata sur des thèmes populaires russes Un tout autre univers sonore que celui de Chostakovitch. Originaire de Léningrad, Sergéi Slonimsky s’est imprégné, grâce à ses études au conservatoire de cette ville, du courant musical russe dit « école de Saint Pétersbourg » dont les représentants furent, entre autres, Moussorgsky, Borodine, Rimski-Korsakov, Stravinsky. Les compositeurs de cette école recherchent des timbres particuliers et des couleurs sonores insolites, ainsi que l’intégration de thèmes folkloriques, russes et orientaux. En effet, dans sa Toccata, Slonimsky utilise plusieurs chants populaires russes et chaque thème musical a sa propre tonalité et son propre timbre. Le compositeur semble même inviter l’auditeur, comme dans un jeu, à tenter de reconnaître ces thèmes dans une masse sonore très hétérogène et multicolore. Les superpositions de ces thèmes créent des dissonances et ce « décalage » sonore existe également entre chaque thème et son accompagnement, transposé dans une autre tonalité. C’est comme une fête populaire dans un village russe avec des musiciens de rue qui joue ensemble sans s’accorder, le seul but étant de jouer plus fort que les autres... C’est l’humour qui prédomine dans cette pièce, faisant apparaître l’influence de Stravinsky, et en particulier de son ballet « Petrouchka ». VIII - Sergueï RACHMANINOFF (1873 - 1943) Voici encore, comme Prokofiev, son contemporain, un compositeur qui est aussi pianiste et chef d’orchestre. Il fait ses études musicales aux Conservatoires de Saint-Petersbourg puis de Moscou, rencontre Tchaikovsky qui apprécie son talent. Après une brillante carrière en Europe de l’Est surtout, il quitte en 1917 son pays et en conçoit une profonde douleur. A cette époque, il écrit des œuvres pleines de nostalgie et de tristesse. Il entame alors une carrière de pianiste virtuose qui le conduit à délaisser quelque peu la composition : il n’écrira plus aucune œuvre jusqu’en 1926, puis seulement six jusqu’à sa mort. Après avoir vu sa musique bannie de Russie en 1931, il sera pourtant réhabilité deux ans plus tard. Vocalise op. 34 n° 14 Cette œuvre, en deux sections complémentaires, nous conduit tout d’abord à une sorte de replis dépressif sur soi par des successions harmoniques descendantes, comme enfermantes, qui emprisonnent même l’émotion du chanteur, et dont l’issue sera la deuxième section, aux chemins ouvrants et permettant l’éclosion d’un lyrisme libéré, grandement hérité du romantisme. IX - Nous retrouvons à présent Sergei TANEEV qui nous raconte la naissance de la harpe. Nous entendrons dans cette mélodie un récit qui, soudain, se fige sur des tenues vocales - les cordes de la harpe, laissant l’orgue jubiler dans des arabesques joyeuses, puis, de nouveau, se poursuit jusqu’à l’apparition de cet instrument magnifique : la harpe, née, - le saviez-vous? -, d’une nymphe à la magnifique chevelure... X - Guéorgui Alexandrovitch MOUCHEL (1909-1991 ) Compositeur russe d’origine française : l’un de ses ancêtres, officier de Napoléon, resta en Russie en 1812. Mouchel a fait ses études au Conservatoire Tchaikovsky de Moscou dans les années 30. A partir de 1944, il se voit éloigné de la capitale et doit s’exiler à Tachkent en Ouzbékistan où il a enseigné au Conservatoire. Il a écrit de nombreuses œuvres dont un opéra, des drames musicaux, un ballet, des symphonies et des concertos, de la musique de chambre et des œuvres pour orgue, dont cette « Suite Ouzbèke », au langage musical imprégné de motifs harmoniques et rythmiques orientaux. Vous allez entendre Aria et Toccata, extraites de cette suite.