Dossier pédagogique relatif à l¹anniversaire de la Réunion de la

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2010 : 150ème anniversaire de la Réunion de la Savoie
à la France
DOSSIER PEDAGOGIQUE
Le 150ème anniversaire de la Réunion de la Savoie à la France (1860) sera
célébré par la Ville de Chambéry en 2010. Ce dossier à destination des
enseignants, établi par le comité scientifique à partir d’une base proposée
par Andre PALLUEL-GUILLARD, pourra aider l’étude et la mise en perspective
de l’événement, il pourra faciliter la conception des projets par les
classes à cette occasion. Cette commémoration peut être également
l’occasion d’aborder avec les élèves plusieurs notions beaucoup plus
générales qui sont pleinement d’actualité.
I DU BON USAGE DES TERMES UTILISES
Attention aux expressions et aux termes utilisés. La Savoie est une petite
province (la Savoie propre des environs de Chambéry) mais le terme peut
signifier aussi suivant les personnes concernées, le duché de Savoie
(regroupant les deux départements français de Savoie et la Haute Savoie),
ou par extension les pays dominés par la famille du même nom à une époque
donnée (les Vaudois, les Valdotains, les Niçois, les Piémontais, les
Bressans peuvent ainsi se dire savoyards).
Pour ne pas accentuer les confusions, on parle beaucoup maintenant des Pays
de Savoie mais là encore s’agit-il des vieux pays savoyards ou de
l’ensemble des pays autrefois dominés par la Maison de Savoie ?
On mêle souvent savoyard (terme traditionnel en fait surtout
géographique dont léquivalent italien est Savoiardo (avec autrefois une
nette tendance courante péjorative comme tous les noms en ard) et savoisien
(terme plus politique, surtout utilisé en Savoie du sud, l’équivalent de
l’italien Sabauda et Sabaudiensis) ou Savoyen dont l’utilisation éphémère
n’a jamais fait l¹unanimité.
On peut être savoyard d’origine en Savoie de parents savoyards (quelle
que soit la sidence postérieure), ou savoyard de résidence
donc de choix délibéré quelle que soit lorigine.
On parle du régime sarde à propos du royaume de Sardaigne (Piémont/Ligurie/
Nice/Savoie/Sardaigne) créé en 1713-1721 pour remplacer le duché de Savoie
et la principauté du Piémont et lui-même remplacé en 1861 par le nouveau
royaume d’Italie mais du fait que la Sardaigne ne représentait qu’une
partie (et encore la plus faible) du royaume, il est plus commun de parler
plus simplement (et incorrectement) du royaume de Piémont Sardaigne ou même
seulement du royaume de Piémont. L’année 1861 verra la proclamation du
royaume d’Italie et le début du processus dit de l’unité italienne
En 2010, nous commémorerons la Réunion (terme officiel du traité de
Turin rédigé en français) ; les autres termes sont mal adaptés même si on
les a adoptés couramment pendant un siècle. Le terme annexion suppose un
rapport de force ou tout au moins inégalitaire et le rattachement (terme
qui a été très utilisé en 1960) implique une conquête.
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II LA QUESTION DE LA REUNION : DES DONNEES UTILES
La Réunion n’est pas seulement un fait du passé, sans intérêt autre
qu’historique. Elle renvoie à quelques grandes questions qui se posent
d’ailleurs d¹une manière grave actuellement :
- Qu’est-ce qu’une nation ? Cest l’héritage commun de l’histoire des
siècles passés et de la géographie, l’adhésion volontaire à des valeurs
philosophiques et politiques communes et le partage d’une même culture. La
prise de conscience de l’appartenance à une nation s’exerce sur quelques
points fort particuliers.
-une langue (fierté de parler telle ou telle langue, intérêt et valeur de
cette dernière. En Savoie, le français était la langue des élites et des
classes aisées et d’une partie de la population. En dépit d’une tradition
scolaire (en français) très ancienne dans certains villages à forte
émigration, une autre part de la population ne parlaient couramment que le
franco-provencal (le «patois ») qui ne s’appuie ici sur aucune littérature
écrite, à la différence du niçois ou du piémontais. On comprend mieux ainsi
la lutte des instituteurs français contre le patois –beaucoup d’enfants
apprenaient à parler français à l’école- et l’histoire (pour montrer
l’ancienneté de la communauté et au-delà sa valeur). Avant 1860, on
insistait beaucoup sur l’histoire dynastique mais bien sûr après la
Réunion, l’école de la République donne la priorité à l’histoire de France.
-Un gouvernement idéal : Une nation se doit d¹avoir un gouvernement qui
lui corresponde et qui bien sûr comprenne ses particularismes et ses
droits. En 1860, on montre combien la maison de Savoie est devenue de plus
en plus piémontaise et italienne après sa restauration de 1561 et surtout
après 1815, donc forcément «mauvaise». L’idéal de la nation française est
depuis la volution la République. La Réunion, en 1860 a lieu sous le
Second Empire, privilégié comme gime d’ordre. Les savoyards se
reconnaîtront ensuite dans la République.
-Une frontière : C’est une ligne séparant le «pays» (ou la nation) de
l’étranger, il y a donc un bon et un mauvais côté, celui l’on est chez
soi et l’autre l’on n’a comme étranger que des devoirs et aucun droit.
La frontière est forcément un arrêt de contrôle sur les individus comme sur
les objets (chaque Etat se doit de savoir (ce) qui entre et (ce) qui sort
de chez lui de même que l’on surveille les situations judiciaires (ne pas
admettre de délinquants) ou idéologiques (ne pas admettre les «mauvaises»
idées) d’ la présence inévitable de gens darmes et de douaniers ce qui
suppose l’existence d’un Etat organisé ayant les moyens d’assurer cette
présence.
La frontière est souvent (mais pas forcément) une coupure culturelle
(souvent une langue différente, parfois une religion différente, des moeurs
différentes, une cuisine différente, des références différentes, une
monnaie différente), cela peut donner de subtiles nuances, ainsi la
frontière entre le Piémont et la Savoie est peu significative alors que la
même ligne mais considérée comme frontière entre la France et l’Italie est
bien réelle.
La frontière est souvent liée à une zone particulière plus ou moins large
qui vit du passage, du contrôle, des règlements (ou de la violation de
ces derniers d’ les espions, les fraudeurs, les contrebandiers), ici on
profite des deux cultures car il y a mélange des «nationaux» et des
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étrangers. On y trouve bien sûr des bâtiments administratifs, des hôtels
mais aussi parfois des bâtiments militaires. Précisons qu’une forte
porosité a pu se velopper entre les hautes vallées savoyardes et le
Piémont du fait de complémentarités économiques.
La frontière varie selon les époques. Elle peut varier géographiquement
comme ce fut le cas en 1860 la frontière franco-sarde a été repoussée
du Guiers et du Rhône à la crête des Alpes (Ainsi le Pont de Beauvoisin a
beaucoup perdu alors que Modane y a beaucoup gagné et que dire des forts de
l’Esseillon tournés du côté de la France pour arrêter l’envahisseur
français et devenus inutiles lorsque la frontière est passée au Mont-Cenis)
mais elle peut aussi varier selon la situation politique, diplomatique et
militaire (elle est très souple et aimable lorsque les frontaliers sont en
paix mais elle devient vite dure, intransigeante et me violente lorsque
les voisins sont en conflit (on se souvient de la raideur des carabiniers
sardes contre les Français après 1815 ou des douaniers fascistes après
1935). La frontière est forcément une ligne artificielle (parfois contestée
par les deux parties ou par une seule) mais souvent on la considère comme
naturelle ainsi la nation française affirme depuis la Révolution posséder
des frontières naturelles évidentes comme les Pyrénées, le Rhin, le Jura et
la crête des Alpes. La réunion de la Savoie à la France s’inscrit dans
cette logique.
III L’ETAT ET LA CITOYENNETE
Périodiquement de petites communautés changent de statut juridique, elles
peuvent acquérir une personnalité politique et devenir des Etats (ainsi les
Etats baltes ou balkaniques) soit (le plus souvent) elles passent d’un Etat
à un autre (ainsi la Savoie en 1860 ou l’Alsace-Lorraine en 1871 puis en
1918).
Une communauté régionale peut avoir ses caractéristiques propres (ainsi la
Savoie, son histoire qui explique son patrimoine et ses particularités
alors que l’Etat présente surtout des cadres juridiques stricts (des
structures administratives propres avec un personnel compétent donc souvent
formé à part, des règlements et des moeurs politiques spéciales de
fonctionnement).
Changer d’Etat suppose donc de changer de capitale, de structures
administratives et de moeurs politiques. Les Savoyards de 1860 n’ont guère
apprécié la venue des fonctionnaires français ignorants du pays, souvent
méprisants et de ce fait autoritaires car il a bien fallu une génération
pour qu’eux-mêmes entrent dans cette administration. L’assimilation ou
l’intégration est justement cette acceptation et cette compréhension d’un
système qui n’était pas évident au part et dont on prend progressivement
l’habitude avant peut-être d’y participer soi-même.
La citoyenneté peut être imposée (ce fut le cas en 1792) mais normalement
il y a toujours la possibilité de la refuser (à la condition la plupart du
temps de quitter le pays, ce que firent quelques Savoyards restés en
Piémont en 1860, beaucoup dAlsaciens-Lorrains passés en France en 1871 ou
beaucoup d’«Allemands » retournés d’Alsace-Lorraine en Allemagne en 1918.
La citoyenneté permet de participer à la vie politique de l’Etat (vote,
entrée dans l’administration ou le gouvernement) mais elle implique aussi
le devoir militaire (autrefois le service militaire et la défense du pays
devenu une patrie -le pays de ses pères-). Il est évident que
l’enseignement et le service militaire ont beaucoup fait pour cette
intégration, ce qui explique la lente mais évidente fusion de bien des
communautés non françaises (ici beaucoup d’Italiens) dans l’espace
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national français. Les Savoyards participent sans contestation à la fense
du pays en 1870-1871 puis en 1914), des Italiens immigrés en France
combattront aux côtés des Français sur le front, ainsi que des militants
antifascistes plus tard.
IV QUELQUES DATES ET ETAPES IMPORTANTES
Pendant des siècles, la Savoie a été périodiquement occupée par des troupes
françaises. La France vise moins à conquérir le pays que s’en servir comme
base d’attaque ou de repli, le but essentiel étant la conquête ou la
domination de l’Italie du nord au détriment des princes de Savoie mais
surtout des Habsbourg.
Dès le XVIème siècle, le refus de Genève de rester catholique et savoyard,
la longue domination bernoise sur le Chablais et la longue domination
française sur la Savoie du sud, comme la principauté des princes de
Savoie-Nemours notoirement pro-français, tout semble prouver la fragilité
du sort de la province qui ne retrouvera sa stabilité et son originalité
dynastique qu’au siècle suivant.
Les différentes aventures militaires françaises en Savoie
1536-1560. François et Henri II invoquent leurs droits familiaux pour
s’emparer de la Savoie (du sud) et du Piémont, et mieux attaquer
Charles-Quint dans le Milanais.
1598-1600. Henri IV attaque le duc de Savoie, ce qui lui
permet aussi de protéger Genève et finalement de s’emparer de la Bresse, du
Bugey et de Gex (pillages de Lesdiguières).
1630-1635. Louis XIII et Richelieu envahissent la Savoie pour profiter des
divisions et de la faiblesse de la Maison de Savoie. Richelieu se saisit de
l’occaion pour démanteler les forteresses savoyardes. On envisage alors de
mettre la Savoie sous « suzeraineté française».
1690-1697. Durant la guerre de la ligue d’Augsbourg, Louis XIV envahit la
Savoie pour punir la « trahison » du duc. Pour la première fois, la France
envisage clairement d’annexer la Savoie.
1703-1713. Durant la guerre de succession d’Espagne, nouvelle occupation
française (pillage, démolition du fort de Montmélian)
1742-1748. Durant la guerre de succession d’Autriche, les Espagnols, alliés
de la France, occupent la Savoie pour obliger le roi (ex duc) à rompre son
alliance avec l’Autriche.
1792-1815. La Révolution française déguise une conqte en prétendue
libération et assimilation. L¹armée mais aussi le progrès économique
favorisent une lente mais évidente francisation (23 ans de régime français
ne peuvent manquer de créer de nouveaux liens et de faire oublier bien des
choses du passé.
La Restauration de 1815 invoque l’importance de la tradition et de
l¹histoire, l’amour entre le prince et ses sujets quil est le seul à
comprendre.
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La Révolution de 1848 valorise lidée des nations petites comme la Savoie
ou grandes comme l’Italie. Les nations peuvent (et doivent) prendre
conscience d’elles-mêmes par la langue, la culture et le choix politique
car pour être prospère, une nation se doit de choisir elle-même son destin
et son gouvernement.
1848-1849. Le roi Charles-Albert octroie une constitution et un parlement,
il entre en guerre contre l’Autriche pour s’emparer du Milanais et de la
Vénétie, il refuse l’aide de la France et se fait battre.
1850 Le nouveau roi Victor-Emmanuel garde la constitution et fait entrer
au gouvernement Cavour qui entreprend un grand programme de réformes
économiques (le chemin de fer, l’industrie), militaires et juridiques.
1855 Le royaume sarde participe à la guerre de Crimée contre la Russie aux
côtés de l’Italie et de l’Angleterre afin d’intégrer le concert des nations
et poser la question italienne.
1858 En janvier, Orsini lance une bombe contre Napoléon III pour tenter de
le tuer et provoquer un changement de régime à même de modifier les rapport
internationaux. En juillet, Napoléon III et Cavour se rencontrent à
Plombières dans les Vosges pour établir une alliance contre l’Autriche : la
France récupérera la Savoie comme prix de son aide.
1859 : La deuxième guerre d¹indépendance (mai, juin) est une suite de
batailles confuses et sanglantes (Palestro, Magenta, Solferino). Napoléon
III se retire du conflit. Armistice de Villafranca en septembre, paix de
Zurich en novembre. Il semble qu’il n’aura pas la Savoie et Nice.
Cependant la Révolution éclate en Italie centrale (Florence, Parme, Modène,
Bologne) qui demande sa réunion au royaume de Sardaigne.
Au début de 1860, La France accorde à Cavour, dont il faut souligner le
pragmatisme, Milan que l’Autriche lui a laissé ; elle accepte aussi la
réunion de l’Italie centrale, ce qui justifie le transfert de la Savoie et
de Nice par le traité de Turin (mars).
22-23 avril 1860 les Savoyards et les Niçois votent avec une énorme
majorité en faveur de la réunion (plébiscite : sur 135 449 inscrits, on
enregistre 130 839 votants, soit une participation de 96,5%. Le total des
« oui » est de 130 533 (99,8%), en face de 235 « non » et de 71 bulletins
nuls).Des plébiscites équivalents ont lieu presque au même moment en
Italie centrale.
En juin 1860, la Savoie entre officiellement dans l’Empire français.
Dans l’été 1860 (fin août-but septembre), Napoléon III et l’impératrice
Eugénie visitent triomphalement cette nouvelle province.
Une révolution secoue le royaume de Naples qui va lui aussi
rapidement se réunir à la Maison de Savoie, un royaume d’Italie est créé
avec une nouvelle capitale à Florence en 1861.
Le royaume d’Italie s’agrandit encore progressivement avec la Vénétie en
1866, Rome en 1870 (qui devient la capitale du nouvel Etat), le Trentin et
Trieste en 1918 (même si elle perd Fiume-Rijeka au même moment).
En 1947, le Traité de Paris qui règle la paix entre la France et l’Italie,
laisse à la France les plateaux du Mont-Cenis et du Petit-Saint-Bernard
ainsi que Tende dans les Alpes Maritimes.
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