Cytologie Aviaire et des Animaux Exotiques Résumé Terry W. Campbell, MS, DVM, PhD Colorado State University Fort Collins, CO USA La cytologie est une procédure diagnostique simple et rapide nécessitant peu en termes d’équipement et de coût pour le vétérinaire. L’équipement de base nécessaire comprend un microscope avec une bonne résolution (particulièrement à x20, x40 et x100 à l’huile à immersion), des lames de microscope propres, des lamelles et des colorants cytologiques (par exemple Wright-Giemsa et des kits de coloration rapide). Le matériel de base nécessaire au prélèvement d’échantillons cytologiques comprend des seringues (6 et 12 cc) des aiguilles fines (par exemple 23 à 20 gauges, 2.5 à 3.8 cm), des écouvillons en coton stérile, des tubes en plastique mou ou en caoutchouc stérile (par exemple des sondes d’alimentation) et du liquide physiologique stérile. Une grande variété de méthodes peut être utilisée pour concentrer sur une lame de microscope les cellules provenant de fluides ou de lavage faiblement cellulaires. Une méthode simple est de repousser les cellules sur les marges en utilisant la technique d’étalement avec une lame à bord rodée. Une autre méthode repose sur l’utilisation de la sédimentation par centrifugation (comme celle utilisée pour la cytologie des urines des mammifères) ou par l’utilisation d’une cytocentrifugeuse commerciale. Les cellules peuvent également être concentrées en les laissant tomber sur la lame par gravité à l’aide d’une colonne contenant l’échantillon et de papier filtre fermement attaché à la lame de microscope. La plupart des cliniciens vétérinaires sont familiers avec les techniques permettant la collection des échantillons chez les mammifères domestiques, lesquelles s’appliquent également aux petits mammifères exotiques. Les prélèvements cytologiques fréquemment utilisés en médecine aviaire et reptilienne incluent : les aspirations, les calques de matériaux biopsiés, les lavages trachéaux, les aspiration ou les lavages de jabot chez les oiseaux, les lavages gastriques chez les reptiles, les aspirations sinusales, les lavages pulmonaires chez les reptiles, les aspirations de fluide cœlomique et les frottis de selles. REPONSES CYTOLOGIQUES De nombreux vétérinaires sont familiers avec le cytodiagnostic chez les mammifères, et plus particulièrement chez les espèces domestiques communes. Les réponses cytologiques des vertébrés inférieurs, et particulièrement des oiseaux et des reptiles, sont similaires à celles des Mammifères. La réponse inflammatoire des mammifères peut être classée en réponse neutrophilique, éosinophilique, cellulaire mixte ou macrophagique. De la même façon, les réponses inflammatoires des oiseaux et des reptiles sont soit hétérophiliques, éosinophiliques (qui semble rare ou qu’il peut être difficile de déceler avec des coloration de routine), cellulaire mixte, ou macrophagique. Le type de réponse inflammatoire peut suggérer une cause possible et une pathogénie. Les réponses inflammatoires des oiseaux et des reptiles sont similaires à celles décrites pour les mammifères, à l’exception que les hétérophiles aviaires et reptiliens remplacent les neutrophiles mammaliens. Les cellules inflammatoires des oiseaux et des reptiles regroupent les hétérophiles, les éosinophiles, les lymphocytes, les plasmocytes et les macrophages. Les granules des hétérophiles dans les prélèvements cytologiques tendent à perdre leur apparence en forme de bâtonnet normal et à apparaitre soit plus rond soit dégranulés. Les hétérophiles dégénérés ont des caractéristiques similaires aux neutrophiles mammaliens dégénérés (par exemple une hyalinisation nucléaire, un gonflement, une karyorrhaxie, une karyolyse et une basophilie cytoplasmique ainsi qu’une vacuolisation) et montrent des degrés variables de dégranulation. Les 1 hétérophiles dégénérés suggèrent la présence de toxines, tels que des toxines bactériennes, dans le microenvironnement. Inflammation neutrophilique/hétérophilique Comme lors de l’inflammation neutrophilique chez les mammifères, l’inflammation hétérophilique des oiseaux et des reptiles est caractérisée par la prédominance des hétérophiles (plus de 80% des cellules inflammatoires) dans l’échantillon cytologique. L’inflammation hétérophilique indique habituellement une réponse inflammatoire en phase aiguë chez les oiseaux et les reptiles. Il a été démontré que l’inflammation hétérophilique pouvait évoluer en granulome en une semaine. Le centre nécrotique des lésions inflammatoires hétérophiliques produit apparemment des nécrotoxines ayant un chimiotactiques pour les macrophages et un granulome se développe rapidement. En conséquence, la formation d’un granulome chez les oiseaux peut correspondre à une réaction face à un tissu nécrotique plutôt qu’à un organisme infectieux. La formation de cellules géantes est une découverte fréquente dans les lésions inflammatoires aviaires car les tissus nécrotiques stimulent une réaction de type corps étranger. Ainsi, contrairement à la formation des cellules géantes des mammifères, la présence de cellules géantes dans les lésions inflammatoires aviaires, ne suggère pas nécessaire un état chronique. Inflammation cellulaire mixte Du fait de l’afflux rapide de macrophages et de lymphocytes dans les lésions inflammatoires, l’inflammation cellulaire mixte est fréquente chez les oiseaux (et possiblement chez les reptiles). L’inflammation cellulaire mixte est typiquement représentée par une prédominance d’hétérophiles (plus de 50% des cellules inflammatoires) avec une augmentation du nombre de leucocytes mononucléaires. Les lymphocytes et les plasmocytes peuvent être présents dans les granulomes hétérophiliques aigus, alors que la présence de cellules épithélioïdes (macrophages ne contenant pas de vacuoles ou de matériel phagocyté) et de cellules tissulaires conjonctives (par exemple des fibroblastes) suggèrent des granulomes chroniques. Fréquemment, les cellules mésenchymateuses et épithéliales adjacentes aux lésions inflammatoires prolifèrent ce qui résulte en une hyperplasie tissulaire caractéristique de ces cellules. Les inflammations hétérophilique et cellulaire mixte sont associées avec une grande diversité de cause infectieuse (par exemple bactérienne et fongique) et non infectieuse (par exemple traumatique et en association avec un corps étranger) chez les oiseaux et les reptiles. Inflammation macrophagique L’inflammation macrophagique peut avoir une pathogénie différente de l’inflammation hétérophilique et cellulaire mixte chez les oiseaux. La prédominance de macrophages (plus de 50% des cellules inflammatoires) dans l’échantillon cytologique indique une inflammation macrophagique. La présence de grands macrophages vacuolés, se développant ultérieurement en cellules géantes multinuclées, en réaction à la présence de tissu nécrotique, est une caractéristique de ce type d’inflammation. L’inflammation macrophagique est fréquente dans certaines maladies aviaires telles que les infections à Mycobacteria et Chlamydophila ainsi que lors de xanthomatose cutanée. Les régions d’inflammation macrophagique et d’inflammation hétérophilique peuvent se présenter conjointement car les macrophages répondent à la présence de matériel nécrotique. Ainsi, selon l’endroit où l’échantillon est obtenu au sein de la lésion inflammatoire, une réponse inflammatoire macrophagique peut prédominer sur la cytologie. Inflammation éosinophilique 2 L’inflammation éosinophilique semble être rare chez les oiseaux et les reptiles. Ceci peut être du soit à la difficulté de différencier les éosinophiles des hétérophiles dans les échantillons cytologiques en utilisant des colorations cytologiques de routine, soit du au fait que les éosinophiles aviaires pourrait se comporter différemment des éosinophiles des mammifères. Il existe des preuves que les éosinophiles aviaires n’agissent pas comme des modulateurs des réactions d’hypersensitivité immédiate comme ils le font chez les mammifères, mais pourrait participer aux réactions d’hypersensitivité retardée. Hyperplasie et néoplasme bénin Une hyperplasie et un néoplasme bénin ne sont pas distinguables à l’aide d’une analyse cytomorphologique seule. L’hyperplasie tissulaire est un processus prolifératif des tissus répondant à une atteinte cellulaire ou une stimulation chronique (par exemple une hyperplasie glandulaire). Les cellules représentatives d’une hyperplasie tissulaire ou d’une néoplasme bénin présentent une basophilie cytoplasmique augmentée et un noyau vésiculaire pale. Elles ont une apparence uniforme avec un ratio nucléoplasmique (N:C) uniforme. Les cellules suggestives d’une hyperplasie des tissus épithéliaux et conjonctifs se trouvent souvent dans des échantillons cytologiques associés à une longue inflammation chronique. D’autres exemples d’hyperplasie tissulaire ou de néoplasme bénin fréquemment identifiés par cytodiagnostic chez les oiseaux incluent l’hyperplasie des cellules squameuse ou la métaplasie associée à l’hypovitaminose A, les lipomes et l’hyperplasie lymphoïde. L’hyperplasie des plasmocytes est fréquemment retrouvée dans les tissus lymphoïdes en association avec la chlamydiose aviaire. Néoplasie maligne Les critères cytologiques permettant le diagnostic de néoplasie maligne chez les mammifères domestiques peuvent également s’appliquer pour le cytodiagnostic aviaire et reptilien. Les critères diagnostiques cytologique de néoplasie maligne peuvent être divisés en caractéristiques cellulaires générales, nucléaires, cytoplasmiques et structurelles. Les caractéristiques cellulaires générales incluent la présence de cellules non inflammatoires avec une origine commune apparente montrant un pléomorphisme, une cellularité augmentée dans des échantillons provenant de tissu qui fournissent normalement des prélèvements faiblement cellulaires et l’apparition de cellules qui sont étrangères au tissu prélevé. Les critères nucléaires les plus fréquemment observés pour les néoplasies malignes incluent l’anisokaryose, un ratio N:C variable, un pléomorphisme nucléaire, des mitoses anormales, des patrons de chromatine anormaux, et des nucléoles multiples (plus nombreux que quatre) ou grand et pléomorphes. Les néoplasies malignes présentent deux caractéristiques cytoplasmiques importantes, à savoir une augmentation de la basophilie et une vacuolation. Une augmentation de la basophilie cytoplasmique est suggestive d’une augmentation de l’activité ARN, ce qui est typique des cellules actives et jeunes. Une augmentation de la vacuolation cytoplasmique peut suggérer une dégénérescence cellulaire, en particulier si les vacuoles sont petites. Les cellules provenant de tissus sécrétoires, tels que les adénocarcinomes produisent de grandes vacuoles sécrétrices. Pour finir, les caractéristiques structurelles de néoplasie maligne correspondent aux caractéristiques qui permettant de suggérer une origine possible du néoplasme, tels que les néoplasies épithéliales (carcinomes), les néoplasies mésenchymateuses (sarcomes) ou les néoplasies à cellules distinctes (néoplasie à cellules rondes). Les néoplasies des cellules épithéliales tendent à fournir des échantillons fortement cellulaires qui contiennent des cellules rondes à polygonales avec des marges cellulaires bien distinctes et se retrouvant en feuillets ou en petit groupe. Les néoplasies des cellules mésenchymateuses produisent généralement des échantillons faiblement cellulaires contenant des cellules en forme de fuseau avec des marges cytoplasmiques indistinctes et ne se retrouvent généralement pas en agrégats. Les 3 néoplasies à cellules distinctes sont constituées de cellules rondes à ovales qui exfolient bien en tant que cellules individuelles. Un néoplasme à cellules distinctes fréquent chez les vertébrés inférieurs est la néoplasie lymphoïde. EPANCHEMENTS La cavité cœlomique des oiseaux et des reptiles normaux contient peu, si ce n’est pas, de fluides. En conséquence, un fluide aspiré à partir de la cavité cœlomique doit être examiné et sa densité, son contenu protéique et sa cellularité doivent être évalués. Comme pour les mammifères, les fluides obtenus à partir d’oiseaux et de reptiles peuvent être classés en transsudats, transsudats modifié, exsudat, épanchement hémorragique ou épanchement malin. Transsudats Les épanchements transsudatifs sont caractérisés par une densité faible (<1.020), une faible cellularité (<1000 cellules/ul) et un faible taux de protéines totals (<3.0 gramme/dl). Les transsudats sont macroscopiquement de couleur claire à jaune pâle. Les cellules retrouvées dans les transsudats sont principalement des macrophages avec occasionnellement des cellules mésothéliales, des lymphocytes, et des hétérophiles non dégénérés. Les épanchements transsudatifs chez les oiseaux et les reptiles se produisent le plus probablement pour les mêmes raisons que ceux chez les mammifères, telles que lors de modification de la pression oncotique et autre désordres circulatoires. Les transsudats modifiés ressemblent macroscopiquement aux épanchements transsudatifs mais possèdent un contenu protéique (3.0-3.5 g/dl) et une cellularité (1000-5000 cellules/ul) plus importants. Les cellules trouvées dans les transsudats modifiés sont principalement des macrophages et des cellules mésothéliales réactives. Les cellules mésothéliales réactives sont des cellules rondes à ovales qui présentent souvent des marges éosinophiliques festonnées ou ressemblant à des villosités, des vacuoles cytoplasmiques, des noyaux multiples et une activité mitotique. Les transsudats modifiés apparaissent à partir d’épanchement transsudatifs de longue date ou comme le résultat de modifications de la pression hydrostatique. Exsudats Les épanchements exsudatifs résultent de processus inflammatoires dans la cavité cœlomique. Ils sont caractérisés par une forte cellularité (>5000 cellules/ul), une haute teneur protéique (>3.0 g/dl) et une densité élevée (>1.020). Les épanchements exsudatifs sont de couleur et de turbidité variables, peuvent avoir une odeur nauséabonde et coagulent souvent au cours du prélèvement de l’échantillon. En conséquence, l’utilisation d’un anticoagulant (par exemple l’EDTA) est indiqué lorsque les fluides coelomiques sont suspects de coaguler. Le contenu cellulaire des exsudats varie avec la cause, la réponse de l’hôte et la durée dans le temps. Les exsudats montrant une inflammation hétérophilique suggèrent une réponse inflammatoire aiguë. Les exsudats septiques peuvent révéler des bactéries intracellulaires et des hétérophiles dégénérés. Les leucocytes mononucléaires sont caractéristiques d’une irritation légère de la cavité cœlomique et d’un état non septique. Epanchements hémorragiques Les épanchements hémorragiques dans la cavité cœlome des vertébrés inférieurs résultent souvent de traumas ou de blessures. Les épanchements hémorragiques révèlent un nombre variable d’érythrocytes dans le fluide prélevé. Il est important de différencier un épanchement hémorragique 4 d’un échantillon contaminé par du sang périphérique au cours du prélèvement. Du fait que les thrombocytes disparaissent rapidement dans un épanchement hémorragique, leur présence suggère habituellement une contamination de l’échantillon par du sang périphérique. Les épanchements hémorragiques chroniques et en voie de résolution montrent des degrés variables d’érythrophagocytose, laquelle est indiquée par une phagocytose leucocytaire (habituellement par des macrophages) d’érythrocytes intacts ou par des macrophages contenant des restants d’érythrocytes, tels que des fragments de cellules rouges et des pigments ferrique. Les pigments ferriques apparaissent sous la forme de pigments bleu-sombres à gris dans le cytoplasme des macrophages avec une coloration de Wright. Epanchements malins Les épanchements malins peuvent présenter les caractéristiques des transsudats modifiés, des épanchements hémorragiques ou des exsudats et peuvent révéler des cellules avec des caractéristiques de néoplasie maligne. Les caractéristiques cytologiques des cellules malignes peuvent permettre au cytologiste de classer la néoplasie impliquée, tel qu’un sarcome, un carcinome ou une néoplasie lymphoïde. Lectures suggérées: Campbell TW. 2015. Exotic Animal Hematology and Cytology, 4th Edition. Ames IA, Wiley Blackwell. Campbell, TW, Grant KR. 2010. Clinical Cases in Avian & Exotic Animal Hematology & Cytology, Ames, Iowa, Wiley-Blackwell. 5