Contribution aux déclarations d’intention PSDR Languedoc-Roussillon :
Proposition de recherche et de nouveaux partenariats sur les questions de l’emploi et du
travail salarié dans les filières agroalimentaires méditerranéennes
Philippe Perrier-Cornet, Aurélie Darpeix, Jean Marie Codron,
UMR MOISA, fév. 2007
Cette contribution fait en partie suite à la perspective récente de partenariat qui s’esquisse
entre la MSA et l’INRA, suite à la rencontre CCMSA-INRA à Paris le 24 janvier 07. Il a été
souligné par les deux parties que les programmes PSDR seraient un bon support pour
concrétiser ce partenariat (via entre autres les caisses départementales MSA, relativement
concernées par les dynamiques territoriales locales). Ce type de partenariat avec des acteurs et
institutions directement centrés sur la dimension sociale de l’activité agricole semble peu
présent jusqu’à maintenant dans la réflexion PSDR.
Du côté LR et plus largement des filières agroalimentaires méditerranéennes et des territoires
ruraux qu’elles occupent, cette dimension revêt, à notre sens, un enjeu spécifique
particulièrement important. Les exploitations agricoles des filières fruits et légumes et viti ont
en effet pour caractéristique de concentrer aujourd’hui plus de la moitié de l’emploi salarié
agricole. De plus, la part du travail salarié augmente régulièrement dans celles-ci depuis
plusieurs années : la majorité des UTA dans les exploitations viticoles et fruits et légumes
sont maintenant des UTA salariés.
La question de l’emploi salarest donc incontournable dans la réflexion sur les perspectives
des agricultures méditerranéennes et de leurs territoires, aussi bien en termes de compétitivité
des filières que de cohésion sociale. Les conditions précaires du travail salarié agricole sont en
particulier un élément non gligeable de la dimension sociale d’un développement rural
durable.
Ceci étant, la question de l’emploi salarié se pose différemment dans les deux filières, viti et
fruits et légumes :
Dans le secteur viti, nous avons commencé (P.Perrier-Cornet, JP Laporte, M. Aubert, JB
Traversac) un premier travail de caractérisation sur le sujet. Notre hypothèse est que dans ce
secteur la progression du salariat agricole, qui repose plutôt sur des salariés permanents, est
très liée à l’intégration des fonctions aval par les viticulteurs (les « domaines
commercialisants », qui vinifient et commercialisent leur vin en bouteilles). Les premiers
travaux que nous avons engagés à MOISA pourraient trouver à se poursuivre en intégrant la
question de l’emploi en viticulture comme un des volets d’un programme fédérateur sur la
viticulture.
La question de l’emploi et du travail salarié se pose dans des termes différents dans le secteur
fruits et légumes. Ici, c’est le problème de la main d’œuvre saisonnière qui est central , avec
des enjeux forts en termes de précarité pour les travailleurs (volet social) et de coût pour les
entreprises (volet compétitivité). D’où la présentation suivante d’une piste de recherche dans
laquelle nous nous engageons à MOISA, qui pourrait prendre place dans un programme psdr,
avec de nouveaux partenariats :
Programme de recherche sur le marché du travail et la gestion de la main d’œuvre
salariée dans le secteur des fruits et légumes
Participants et partenariats potentiels
Dans l’état actuel, le projet est porté par deux chercheurs seniors JM Codron et P Perrier-
Cornet- et une doctorante Aurélie Darpeix, ingénieur GREF en thèse à Moisa sous notre
direction depuis fin 2006. Céline Bignebat (CR) et Magali Aubert (IE) sont ou vont également
y collaborer. Une collaboration scientifique est envisagée avec l’équipe Inra de M. Blanc à
Toulouse (ETIC). A Darpeix est également en contact avec un réseau de sociologues
(Migragri, Aix en Provence) susceptibles d’être intéressés.
Côté partenariats régionaux, on se propose de mobiliser prioritairement les caisses
départementales de MSA, suite aux premiers contacts établis avec cette structure. Deux
autres partenariats pourraient être noués sur ce sujet :
- avec les directions départementales de l’emploi (les DDTEFP gèrent notamment les
contrats de recrutement de main d’œuvre saisonnière étrangère pour les agriculteurs
contrats OMI-, ainsi que les autorisations de travail temporaire des étudiants étrangers
les APT-),
- avec l’Association gionale pour l’emploi et la formation en agriculture AREFA-.
Cette association créée en 1995 par les partenaires sociaux, agriculteurs employeurs et
organisations de salariés, reflète l’importance des emplois saisonniers agricoles dans la
région LR
D’autres partenariats peuvent être envisagés, avec l’ANPE et avec l’ex FASILD (Fonds
d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations ; devenu l’Acsé
en 2007).
Contexte de la recherche et questions posées
Les productions de fruits et légumes sont des productions extrêmement exigeantes en main
d’œuvre et plus particulièrement en main d’œuvre saisonnière. L’importance de ces
productions au niveau régional n’est donc pas sans incidence sur l’emploi et le marché local
du travail : les 4 600 exploitations de fruits et légumes de la région LR emploient près de
5000 salariés permanents et recrutent plus de 16 000 travailleurs saisonniers chaque année2.
Les travaux saisonniers sont généralement des travaux pénibles et peu rémunérés qui
requièrent une main d’œuvre flexible et disponible. Les travailleurs nationaux se détournent
souvent de ce type d’emploi. Dès lors, ce sont soit des travailleurs nationaux exclus des
emplois classiques soit des étudiants, des femmes au foyer ou encore des travailleurs
immigrés, légaux ou non, qui occupent ces emplois précaires. Pour ces travailleurs, la
précarité de l’emploi se trouve parfois renforcée par une précarité en terme de logement voire
même une précarité en terme de droit de séjour pour les travailleurs immigrés.
Dans le même temps, le secteur des fruits et légumes est aujourd’hui confronté à des
contraintes de plus en plus fortes. La modification des circuits de distribution et la salarisation
de la main d’œuvre fragilisent le secteur. Les perspectives futures telles que l’intégration à
l’Europe de pays à faible coût de main d’œuvre ou la création d’une zone de libre échange
Euro- méditerranée en 2010, laissent entrevoir l’exacerbation d’une concurrence déjà aiguë.
L’accentuation des contraintes sur un secteur déjà soumis à un certain nombre de crises
conjoncturelles et structurelles et dans lequel les coûts de main d’œuvre peuvent représenter
jusqu’à 50% de l’ensemble des coûts de production, n’est pas sans influence sur les stratégies
de gestion de main d’œuvre mises en place par les exploitants.
Ces stratégies ont de forts impacts à la fois :
en termes de compétitivité du secteur et donc en termes de maintien de la production
sur le territoire (volet axe 2 du psdr LR)
en termes sociétaux, en abordant à la fois des problématiques d’immigration, de
logement et de précarité, de populations marginalisées dans les territoires ruraux (volet
axe 1 du psdr LR).
Les questions de recherche que l'on traite dans ce cadre sont donc : quelles sont des stratégies
de gestion de main d’œuvre mises en oeuvre dans les exploitations de fruits et gumes en
réponse à l’augmentation des contraintes sur le secteur et quels sont leurs impacts sur les
marchés locaux du travail agricole et les territoires ruraux ?
Les exploitants peuvent en effet avoir recours à différents types de main d’œuvre et à
différents types de contrats : CDI, CDD « classique » ou CDD « saisonnier », contrat
temporaire d’immigration (Contrat OMI), autorisation provisoire de travail (APT) pour des
étudiants étrangers, appel à des entreprises de prestation de services, recours à du travail
illégal.
Les opportunités et les possibilités de recours aux différents types de main d’œuvre varient
d’un département à l’autre. Par exemple, le recours aux travailleurs OMI par les agriculteurs
est déterminé au niveau départemental par le préfet en fonction, d’une part de la situation
locale de l’emploi, de la demande émanant des agriculteurs, mais aussi du poids politiques de
la profession.
Nous faisons l'hypothèse que l’arbitrage entre ces différents types de main d’œuvre et ces
différents contrats, ainsi que les stratégies de gestion de main d’œuvre, visent à un compromis
entre les difficultés de recrutement, le coût de la main d’œuvre et la qualité du travail. Nous
supposons également que les stratégies de gestion de la main d’œuvre dépendent fortement
des contextes locaux et nationaux, de l'environnement institutionnel du secteur.
Le travail de recherche est envisagé à une niveau plus large que le simple niveau gional, un
certain nombre de partenariat inter-régionaux sont envisagés notamment avec d’autres régions
grandes productrices de fruits et légumes ayant recours à des travailleurs temporaires
immigrés (Aquitaine, Région PACA).
Résultats attendus
Sur le plan scientifique : apports de connaissances sur un domaine où très peu de travaux sont
réalisés, mobilisation des outils de l’économie des contrats pour comprendre les déterminants
des choix et stratégies de main d’œuvre des exploitants ;
Sur un plan plus général, il s’agit d’éclairer la question suivante : les stratégies de main
d’œuvre que l’on se propose d’étudier dans le secteur des fruits et légumes conduisent-elles à
plus de précarisation des populations de travailleurs saisonniers ? Ou y a t’il des voies
possibles dans le sens d’une atténuation de cette précarisation ?
Une meilleure compréhension des dynamiques en cours peut fournir un certain nombre
d’outils d’aide à la décision concernant les politiques de recours à la main d’œuvre étrangère
temporaire, les actions à mener en terme d’appui à la structuration et à l’organisation de
l’offre de travail saisonnier et en terme d’appui à la recherche d’emploi et de
professionnalisation des travailleurs saisonniers, les politiques à mettre en place en direction
de ces populations de travailleurs en situation précaire notamment en terme de logement et/ou
de transport.
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