La Dépêche
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Dimanche 3avril 2011
et complexe
rentes formes, couleur et tailles
(de 8mmpour les atoti à150
mm pour les aupapa).
Unedes grandes avancées faites
par le Criobe aété de démon-
trer que“les poissons parlent
aux poissons”. En effet, le suc-
cès du recrutement des pois-
sonsnepeut êtredûseulement
àl
achance de rencontrer l’ha-
bitat optimalpar hasard. Les
larves de poissons seraient donc
capables de détecter,localiser
et identifier les informations
émises, volontairement ou invo-
lontairement, par les adultes
déjà présents dans les lagons.
De plus, les larves de poissons
ont des capacités de nagesuf-
fisantes pour contrôlerlafaçon
dont ellessedispersent dans
l’océan et leurretourversle
récif. Cependant, ces capacités
natatoires ne leur serviront que
si elles détectent l’habitat “idéal”
de recrutement. L’une des
grandes énigmesdel’écologie
des poissons pourrait donc s’ex-
primer de la façon suivante :
comment les larveslocalisent-
ellesles habitats sur lesquels
elles peuvent recruter,alors
qu’ils sont relativement rares
dans l’immensité océanique ?
La réponse doit se trouver dans
le “monde sensoriel” de ces pois-
sons.
Pour allersereproduiredans
l’habitatdes parents, les anguilles
et les saumons utilisent une
orientation chimique,les insectes
et les oiseaux une orientation
basée sur les étoiles, les requins
et les baleines une orientation
magnétique. Les chercheursdu
Criobe (en particulier David Lec-
chini)sesont lancés dans l’étude
de la communication chez les
poissons entre les adultes déjà
présents dans le lagon et les
larves quiviennent recruter.
Des avancées majeures ont été
faites en très peu de temps.
Dans le cadre d’un projet financé
par le ministère de l’Outre-mer,
David Lecchini aétudié les capa-
cités sensorielles de douze
espèces de larves de poissons
àdifférencier l’odeur de diffé-
rents habitats (récif frangeant,
motuethoa) dans le lagon de
Rangiroa. Au sein de chaque
habitat, deux sites ont été sélec-
tionnés :unavecbeaucoup de
corail vivant (> 15 %-site“sain”)
et un avec beaucoupdecorail
mortetd’algues (> 15 %-site
“dégradé”). Les expériences ont
démontréque les larves diffé-
renciaient l’odeur des sites et
des habitats. Il se pourraient
donc qu’elles utilisent les signa-
tures chimiques pour s’orien-
teretdonc recruter sur un habi-
tatadapté.
Uneautre étude réalisée àMoo-
rea apermisdedémontrer que
les larves de poissons détectent
aussi les adultes par des signaux
visuels, chimiques et sonores.
K
Texte:Thierry Lison de Loma
Illustrations :DR
David Lecchini
est directeur
d’études EPHE
au sein du
Criobe. Pas-
sionné par la
mer depuis son
plus jeune âge
en Corse et à
Marseille, David
ae
ntreprisdes
études d’océa-
nologie biolo-
gique àl’Uni-
versité de Mar-
seille au niveau
licence, puis à
l’Université Pierre et Marie Curie au niveau master.
Il aréalisé son doctorat àl’EPHEsur l’étude du recrutement des
larves de poissons coralliens de 2000 à2003, àMoorea.Ilaensuite
effectué un premier post-doctorat au Smithsonian Institute de
Washington (USA) sur la taxonomie des poissons coralliens en
2003. Son deuxième post-doctorat aété réalisé de 2004 à2005
au Japon, sur l’île d’Okinawa (Ryukyu) sur le thème :faut-il créer
des réserves marines ou mettre des récifs artificiels pour augmenter
le stock de poissons coralliens ?
Depuis, David atravaillé en Nouvelle-Calédonie, àFidji, au Japon
et actuellement en Polynésie françaiseentant que chercheur depuis
2005. Il aobtenudifférents financements(ANR, MOM,AFD,
FFEM,…)pour développer sa thématique de recherche :les capa-
cités sensorielles des larves de poissons lors de la recherche de
l’habitat de recrutement.
Il aécrit plus de 40 articles scientifiques et aparticipé àplus de 15
colloques nationaux et internationaux. Il aencadré plus de 30 étu-
diants de différents niveaux universitaires (licence, master et doc-
torat). Ces étudiants proviennent de différentes universités fran-
çaises, de Polynésie française, de Belgique, d’Angleterre et surtout
de Fidji. En effet, depuis 2006, David adéveloppé une collabora-
tion sur le plan de la recherche et de l’enseignement, avecl’Uni-
versité du Pacifique Sud àFidji. L’objectif est de former en Poly-
nésie française, des étudiants fidjiens qui pourront développer des
modèles de recherche et de gestion durable des récifs coralliens
dans leur pays. Actuellement, deux étudiants Fidjiens sont au Criobe
et travaillent sur la PCC. K
Biographie
A
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dossier
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40 ans du Criobe40ans du Criobe
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dossier
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Cycle de vie des poissons coralliens (photographies de Zebrasoma veliferum -poisson chirurgien). Exemple de larve de poissons pêchés en Polynésie française.
Cette problématique en “Recherche
pour le Développement” apour objec-
tif de promouvoir la capture de pois-
sons au stade larvaire pour l’aquario-
philie, l’aquaculture et le repeuplement.
Un chercheur de Nouvelle-Zélande a
utilisé des pièges lumineux, avecou
sans hydrophone, reproduisant le bruit
de l’environnement de l’habitat des pois-
sons, pour capturer les larves de sar-
dines.
Les pièges avechydrophone ont un
taux de capture supérieur de 34 %à
ceux sans hydrophone (7908 vs. 5888
larves). L’objectif du Criobeest de créer
une banque de données sur les média-
teurs chimiques et sonores ayant un
pouvoir attracteur sur plusieurs espèces
de poissons d’intérêt commercial.
Une fois acquises, ces informations per-
mettront, d’une part, d’accroître l’effi-
cacité des systèmes de capture des larves
(piège lumineux et filet de crête) et,
d’autre part, d’attirer des larves sur des
“récifs artificiels àémission de molécules
ou de sons” afin d’apporter une aide
efficace àlaréhabilitation des stocksde
poissons destinés àlapêcherie récifo-
lagonaire et aux activités touristiques.
En 2006,àtravers le programme inter-
national Crisp (Coral Reef Initiative for
the Pacific), un projet adémarré sur la
capture et la culture de larves (PCC:
Post-larval Capture &Culture). La majo-
rité des larves de poissons disparaissent
dans la semaine qui suit leur installation
sur le récif (elles se font manger…).
La PCCpermet la collecte de ces larves
avant leur recrutement sur le récif, sans
qu’il yait de conséquences sur les popu-
lations d’adultes existantes, ni dégra-
dation de l’environnement.
Ces larves pourraient donc représenter
une nouvelle ressourceàexploiter dura-
blement, pour l’alimentationdes popu-
lations locales et l’aquariophilie.
La PCCsera une méthode alternative
et durable àlapêche de poissons sau-
vages (au stade adulte) lorsqu’elle pourra
proposer des organismes sains et de
qualité, réclamés aujourd’hui par un
marché mondial soucieux désormais
d’améliorer son image.
Ainsi, la technique de la PCCaété sou-
tenue par le programme MAB (Unesco)
et aété labellisée“bonne pratique” par
l’InternationalCoral Reef Initiative (ICRI).
Du point de vue environnemental, la
technique de pêche des larves (soit avec
un filet de crête, soit avecunpiège lumi-
neux) préserve non seulement le milieu
physique (pas de destruction de l’habi-
tatlors de la collecte), mais aussi le stock
d’adultes et de juvéniles visés par la
pêche traditionnelle. Les recherches du
Criobepermettront d’accroître les connais-
sances sur les médiateurs sensoriels des
larves de poissons, afin d’augmenter
l’efficacité de capture des engins de
pêche (filet de crête et piège lumineux
avecdes diffuseurs d’odeur et de son)
et de capturer de nouvelles espèces(en
développant de nouveaux engins de
pêche avecdes diffuseurs d’odeur et
de son). K
Repeupler les stocks de poissons coralliens
Prochaine parution
le dimanche 17 avril
A
Capables de détecter et d’utiliser
les signatures chimiques