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Quant aux crises du SME, elles ont toutes été surmontées. Et je dirais même
qu’elles ont eu des effets bénéfiques sur la création de l’euro, pour trois raisons :
- d’abord, parce qu’elles ont permis de rétablir des niveaux de change plus
soutenables entre devises européennes, même s’il faut reconnaître que
certaines des monnaies, ayant dû être réajustées, avaient fait l’objet d’attaques
spéculatives injustifiées au regard des données économiques fondamentales,
lors de la crise de 1992-1993;
- ensuite, parce que la volatilité accrue des changes durant les crises monétaires
a renforcé la résolution des gouvernements européens à prendre les mesures
nécessaires afin d’assurer une convergence véritable de leurs économies,
condition nécessaire à une stabilité monétaire durable et crédible qui était un
préalable à la création de l’euro;
- enfin, parce que - et là réside le paradoxe -, l’élargissement des marges du
SME en août 1993 a probablement permis de renforcer la stabilité des
changes, en éliminant l’un des ressorts de la spéculation.
Alors que jusque là, les spéculateurs pouvaient parier à coup presque sûr, sur
un réajustement des parités, imposé par l’étroitesse des marges de
fluctuations, l’élargissement de ces marges a créé pour la spéculation une
incertitude fatale.
C. La stabilité des changes a également été recherchée à l’échelle
internationale
L’engagement de l’Europe en faveur de la stabilité des change n’a jamais été
confiné à ses propres frontières; il a aussi toujours été conçu comme une exigence
à l’échelle internationale.
En effet, les entreprises européennes ont particulièrement souffert des
mouvements désordonnés du dollar dans les années 1970 et 1980. Alors qu’un
dollar ne valait que 4,70 francs en 1979, sa valeur a plus que doublé en l’espace de
six ans, pour atteindre plus de 11 francs en 1985. Face à ces fluctuations erratiques
du dollar, les responsables politiques américains et européens ont tenté de
promouvoir l’idée de stabilité des changes sur la scène internationale.
Ainsi les accords du Plaza, puis du Louvre, en 1985 et en 1986, ont permis de
réagir à l’instabilité chronique et dévastatrice des changes. Les responsables
politiques ont voulu amortir l’impact de ces variations sur la croissance mondiale et
lutter contre la recrudescence des tensions protectionnistes. Les économistes
pourront toujours disserter sur l’impact réel de ces accords.
En ce qui me concerne, je crois que leur force majeure a résidé dans ce message
politique fort : celui de la volonté des gouvernements de contrecarrer la volatilité
excessive des changes, facteur de désordres financiers, économiques et sociaux.
Les marchés ont horreur de l’incertitude. Ils ont besoin de visibilité. Et, à cet égard,
rien ne remplace la détermination ferme et clairement affichée des gouvernements
quant à la conduite de leurs politiques économiques.